(Félicitations à Manon pour « papuleuse » !)
« Ma main »
Peau rugueuse, phalanges courtes, paume généreuse. Ma main se tend, s'ouvre, porte, soutient, maintient, écrase, creuse, vit, et, parfois, s'égare. Elle cherche ; quoi écrire, comment. Tant et tant qu'elle pianote, de l'auriculaire à l'index, en rythme, sur le bureau. Tout à coup, un élan sublime, elle se resserre en un poing serré, ardent, se soulève et fend l'air en signe de victoire. Oui, le mot est trouvé ! Ma main se précipite sur le premier stylo venu, le premier clavier disponible... Et elle gratte, tapote, pour ne pas oublier. Le repos bien mérité, elle se referme sur une tasse de thé chaude ou continue à fureter. Parfois, lorsque les fourmis lui viennent jusqu'au bout des ongles, elle attrape sa semblable, et, doigts liés, elles vrillent pour faire craquer chaque os, chaque articulation, détendre la chair et assouplir la peau. Grandie, détendue, elle peut alors devenir l'exécutante de mes désirs auditifs. Une note, un air, et là voilà qui court sur le piano sans que plus rien ne l'arrête. Un couac, deux, elle feint d'ignorer la faute, jusqu'à la dissonance fatale : tétanisation caractéristique, jusqu'à la crampe du poignet, et les sons continuent de s'échapper, sourdement, des cordes encore vibrantes. Ma main a la vie dure, mais même dans l'âge, papuleuse, peau ridée, phalanges rabougries, paume repliée, ma main sera toujours sur le pied de guerre.
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