Atropello
(1741 – 1999)
Las corrientes cambian cada seis meses, los cardúmenes cada cuatro. Las ballenas pasan una vez al año.
Vos enseguida notaste ese ritmo llevás correctamente la cuenta. 258 años.
258 años sobre la arena. Sin sentir el sol sobre cubierta, ni el viento inflando las velas. Habitado por ostras, corales y estrellas.
Has pasado 258 años inmóvil, bajo el mar.
—Resisto porque sé adaptarme a los cambios —dijiste cierta vez en voz alta.
Después de varios meses y como quien, por fin, ha llegado a una conclusión luego de serias cavilaciones, agregaste con tu ronca voz de madero:
—Ya no tengo a qué temerle, por eso soy feliz.
Es posible que esto haya sido allá, por el año 1873.
Pero en 1873 te equivocabas.
Hoy llegaron ellos.
Un buzo es un hombre que no parece un hombre.
Su cara, enmascarada. Su cuerpo, disimulado bajo un traje absurdo. Sus pies, son los pies de un animal.
No podés entender cómo logra respirar.
Estos hombres traen luces poderosas, y sogas, y extrañas herramientas. Escarban el lecho marino, enturbian el agua, ensucian.
Arrancan las algas que te acunaban. Echan los peces que protegías.
Te penetran.
Remueven tus entrañas. Te desmembran, te hachan. Rapiñan tus tesoros. No muestran respeto, no, ni siquiera ante los huesos, matando los fantasmas que albergabas.
Te has quedado solo.
—Hace más frío que nunca —pensás.
Traduction temporaire :
Abus
(1741-1999)
Les courants changent tous les six mois, les bancs de poissons tous les quatre mois. Les baleines passent une fois par an.
Immédiatement, tu as noté ce rythme et parfaitement tenu les comptes. 258 ans.
258 ans sur le sable. Sans sentir le soleil sur le pont, ni le vent gonflant les voiles. Habité par des huîtres, des coraux et des étoiles.
Tu as passé 258 ans immobile, sous l'océan.
— Je résiste parce que je sais m'adapter aux changements, as-tu affirmé une fois à voix haute.
Au bout de plusieurs mois, et comme qui est enfin arrivé à une conclusion après d'intenses réflexions, tu as ajouté avec ta voix rauque de madrier :
— Je n'ai plus à le craindre, voilà pourquoi je suis heureux.
Il est possible que cela ait eu lieu vers l'année 1873.
Or, en 1873 tu te trompais.
Eux, ils sont venus aujourd'hui.
Un plongeur est un homme qui ne ressemble pas à un homme.
Son visage, masqué. Son corps, dissimulé sous une combinaison absurde. Ses pieds, les pieds d'un animal.
Tu ne comprends pas comment il arrive à respirer.
Ces hommes apportent des lumières puissantes, des cordes, et des outils étranges. Ils remuent les fonds marins, troublent l'eau, salissent.
Arrachent les algues qui te berçaient. Chassent les poissons que tu protégeais.
Te pénètrent.
Ils vrillent tes entrailles. Te démembrent. Te hachent. Pillent tes trésors. Ne témoignent aucun respect, non ; pas même vis-à-vis des ossements, tuant les fantômes que tu abritais.
Tu es resté seul.
— Il fait plus froid que jamais, conclus-tu.