vendredi 22 juillet 2011

Version à rendre pour le 20 juillet

Cuando Alana y Osiris me miran no puedo quejarme del menor disimulo, de la menor duplicidad. Me miran de frente, Alana su luz azul y Osiris su rayo verde. También entre ellos se miran así, Alana acariciando el negro lomo de Osiris que alza el hocico del plato de leche y maúlla satisfecho, mujer y gato conociéndose desde planos que se me escapan, que mis caricias no alcanzan a rebasar. Hace tiempo que he renunciado a todo dominio sobre Osiris, somos buenos amigos desde una distancia infranqueable; pero Alana es mi mujer y la distancia entre nosotros es otra, algo que ella no parece sentir pero que se interpone en mi felicidad cuando Alana me mira, cuando me mira de frente igual que Osiris y me sonríe o me habla sin la menor reserva, dándose en cada gesto y cada cosa como se da en el amor, allí donde todo su cuerpo es como sus ojos, una entrega absoluta, una reciprocidad ininterrumpida.
Es extraño; aunque he renunciado a entrar de lleno en el mundo de Osiris, mi amor por Alana no acepta esa llaneza de cosa concluida, de pareja para siempre, de vida sin secretos. Detrás de esos ojos azules hay más, en el fondo de las palabras y los gemidos y los silencios alienta otro reino, respira otra Alana. Nunca se lo he dicho, la quiero demasiado para trizar esta superficie de felicidad por la que ya se han deslizado tantos días, tantos años. A mi manera me obstino en comprender, en descubrir; la observo pero sin espiarla; la sigo pero sin desconfiar; amo una maravillosa estatua mutilada, un texto no terminado, un fragmento de cielo inscrito en la ventana de la vida.
Hubo un tiempo en que la música me pareció el camino que me llevaría de verdad a Alana; mirándola escuchar nuestros discos de Bártok, de Duke Ellington, de Gal Costa, una transparencia paulatina me ahondaba en ella, la música la desnudaba de una manera diferente, la volvía cada vez más Alana porque Alana no podía ser solamente esa mujer que siempre me había mirado de lleno sin ocultarme nada. Contra Alana, más allá de Alana, yo la buscaba para amarla mejor; y si al principio la música me dejó entrever otras Alanas, llegó el día en que frente a un grabado de Rembrandt la vi cambiar todavía más, como si un juego de nubes en el cielo alterara bruscamente las luces y las sombras de un paisaje. Sentí que la pintura la llevaba más allá de sí misma para ese único espectador que podía medir la instantánea metamorfosis nunca repetida, la entrevisión de Alana en Alana. Intercesores involuntarios, Keith Jarrett, Beethoven y Aníbal Troilo me habían ayudado a acercarme, pero frente a un cuadro o un grabado Alana se despojaba todavía más de eso que creía ser, por un momento entraba en un mundo imaginario para, sin saberlo, salir de sí misma, yendo de una pintura a otra, comentándolas o callando, juego de cartas que cada nueva contemplación barajaba para aquel que sigiloso y atento, un poco atrás o llevándola del brazo, veía sucederse las reinas y los ases, los piques y los tréboles, Alana.

Julio Cortázar, Queremos tanto a Glenda

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Vanessa nous propose sa traduction :

Quand Alana et Osiris me regardent, je ne peux pas me plaindre de la moindre dissimulation, de la moindre duplicité. Ils me regardent en face, Alana de sa lumière bleue, Osiris, de son rayon vert. Il en va de même entre eux, ils se regardent ainsi, Alana caressant l'échine noire d'Osiris, qui lève le museau de son bol de lait et miaule, satisfait ; une femme et un chat qui se connaissent sur des plans qui m'échappent, et que mes caresses à moi ne parviennent pas à atteindre. Cela fait bien longtemps que j'ai renoncé à toute forme de domination sur Osiris ; nous sommes bons amis, tout en gardant une distance infranchissable.
En revanche, Alana est ma femme, et cette distance entre nous est différente ; c'est quelque chose qu'elle paraît ne pas ressentir, mais qui s'interpose dans mon bonheur au moment où Alana me regarde, où elle me regarde en face, exactement comme Osiris, et qu'elle me sourit ou qu'elle me parle sans la moindre réserve, s'abandonnant dans chaque geste, dans chaque chose, comme elle s'abandonne en amour, là où tout son corps est, comme ses yeux, dévouement absolu, réciprocité ininterrompue. C'est étrange : bien que j'aie renoncé à pénétrer totalement dans le monde d'Osiris, mon amour pour Alana ne souffre pas cette simplicité inhérente à toute chose conclue, à un couple pour toujours, à une vie sans secrets. Non, derrière ces yeux, il y a plus, tout au fond de ces paroles, de ces gémissements, de ces silences, vit un autre royaume, respire une autre Alana. Je ne lui en ai jamais parlé, je l'aime trop pour mettre en pièces ce bonheur de surface sur lequel ont glissé déjà tant de jours, tant d'années. À ma façon, je m'obstine à comprendre, à découvrir ; je l'observe, mais ne l'épie pas ; je la suis, mais je lui fais confiance ; j'aime une merveilleuse statue mutilée, un texte inachevé, un fragment de ciel inscrit à travers la fenêtre de la vie.
Il y eut un temps où la musique me sembla être le véritable chemin qui me mènerait à Alana ; en la regardant écouter nos disques de Bártok, de Duke Ellington, de Gal Costa, une lente transparence m'en apprenait davantage sur elle, la musique la dénudait d'une manière différente, la rendait toujours plus Alana – car Alana ne pouvait pas n'être que cette femme qui m'avait toujours regardé sincèrement, sans rien me cacher. Contre Alana, au-delà d'Alana, je fouillais, pour mieux l'aimer ; et si au début, la musique me laissa entrevoir d'autres Alana, vint le jour où face à une gravure de Rembrandt, je la vis changer plus encore, comme un jeu de nuages dans le ciel altèrerait les lumières et les ombres d'un paysage. Je sentis que la peinture la transportait hors d'elle-même, pour le seul spectateur qui pouvait mesurer la métamorphose instantanée jamais répétée, l'esquisse d'Alana dans Alana. Intercesseurs involontaires, Keith Jarrett, Beethoven et Aníbal Troilo m'avaient aidé à m'en approcher, mais face à un tableau ou à une gravure Alana se dépouillait toujours plus de ce qu'elle croyait être ; pendant un instant elle accédait à un monde imaginaire qui lui permettait, sans qu'elle le sache, de sortir d'elle-même, de naviguer d'une peinture à l'autre, en les commentant ou en se taisant. Sorte de jeux de cartes que chaque nouvelle contemplation mêlait, pour celui qui, discret et attentif, un peu en retrait ou la tenant à son bras, voyait se succéder les reines et les as, les piques et les trèfles, Alana.

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Annabelle nous propose sa traduction :

Lorsqu'Alana et Osiris me regardent, je ne peux me plaindre de la moindre dissimulation, de la moindre duplicité. Ils me regardent en face, Alana, sa lumière bleue, et Osiris, son rayon vert. Même entre eux ils se regardent ainsi, Alana caressant le dos noir d'Osiris qui lève son museau de l'assiette de lait et miaule, satisfait ; femme et chat se connaissant sur des plans qui m'échappent, que mes caresses n'arrivent pas à dépasser. Il y a longtemps que j'ai renoncé à toute domination sur Osiris, nous sommes bons amis à une distance infranchissable ; mais Alana est ma femme et la distance entre nous est autre, quelque chose qu'elle ne paraît pas sentir mais qui s'interpose dans mon bonheur quand Alana me regarde, quand elle me regarde en face telle Osiris et me sourit ou me parle sans la moindre réserve, se donnant dans chaque geste et chaque chose comme elle se donne en amour, là où tout son corps est comme ses yeux, un abandon absolu, une réciprocité ininterrompue.
C'est étrange ; bien que j'aie renoncé à entrer complètement dans le monde d'Osiris, mon amour pour Alana n'accepte pas cette simplicité d'affaire conclue, de couple pour toujours, de vie sans secrets. Derrière ces yeux bleus, il y a plus ; au fond des mots, des gémissements et des silences souffle un autre règne, respire une autre Alana. Je ne le lui ai jamais dit, je l'aime trop pour réduire en miettes cette surface de bonheur sur laquelle ont glissé tant de jours, tant d'années. À ma manière, je m'obstine à comprendre, à découvrir ; je l'observe mais sans l'épier ; je la suis mais sans me méfier ; j'aime une merveilleuse statue mutilée, un texte inachevé, un fragment de ciel inscrit dans la fenêtre de la vie.
Il fut un temps où la musique me parut être le chemin qui me conduirait vraiment à Alana ; en la regardant écouter nos disques de Bartók, de Duke Ellington, de Gal Costa, une transparence progressive m'enfonçait en elle, la musique la dénudait d'une manière différente, la rendait toujours plus Alana, car Alana ne pouvait pas être seulement cette femme qui m'avait toujours regardé pleinement sans rien me cacher. Contre Alana, au-delà d'Alana, je la cherchais pour mieux l'aimer ; et si au début la musique me laissa entrevoir d'autres Alanas, le jour vint où, devant une gravure de Rembrandt, je la vis changer encore plus, comme si un jeu de nuages dans le ciel avait brusquement altéré les lumières et les ombres d'un paysage. Je sentis que la peinture la menait au-delà d'elle-même pour cet unique spectateur qui pouvait mesurer l'instantanée métamorphose jamais répétée, l'entrevision d'Alana en Alana. Intermédiaires involontaires, Keith Jarrett, Beethoven, et Aníbal Troilo m'avaient aidé à me rapprocher, mais devant un tableau ou une gravure Alana se dépouillait encore plus de ce qu'elle croyait être : pendant un instant elle entrait dans un monde imaginaire pour, sans le savoir, sortir d'elle-même, allant d'une peinture à l'autre, les commentant ou se taisant, jeu de cartes que battait chaque nouvelle contemplation pour celui qui, discret et attentif, un peu en retrait ou la tenant par le bras, voyait se succéder les reines et les as, les piques et les trèfles, Alana.

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Bruno nous propose sa traduction :

Quand Alana et Osiris me regardent, je ne peux pas me plaindre de la moindre dissimulation, de la moindre duplicité. Ils me regardent en face, Alana avec sa lumière bleue et Osiris avec son rayon vert. Même entre eux, ils se regardent ainsi, Alana en caressant le dos noir d’Osiris qui lève le museau de son écuelle de lait et miaule de satisfaction, femme et chat se connaissant depuis des plans qui m’échappent, que mes caresses n’arrivent pas à dépasser. Il y a longtemps que j’ai renoncé à toute domination sur Osiris, nous sommes bons amis à une distance infranchissable ; mais Alana est ma femme et la distance entre nous est autre, quelque chose qu’elle ne semble pas ressentir mais qui s’interpose dans mon bonheur quand Alana me regarde, quand elle me regarde en face comme Osiris et me sourit ou me parle sans la moindre réserve, en se donnant dans chaque geste et chaque chose, comme elle se donne en faisant l’amour, là où tout son corps est comme ses yeux, une offrande absolue, une réciprocité ininterrompue.
C’est étrange ; bien que j’aie pleinement renoncé à entrer dans le monde d’Osiris, mon amour pour Alana n’accepte pas cette platitude d’affaire conclue, de couple pour toujours, de vie sans secrets. Derrière ces yeux bleus, il y a plus, au fond des mots et des gémissements et des silences, un autre royaume respire, une autre Alana respire. Je ne le lui ai jamais dit, je l’aime trop pour réduire en miettes cette superficie de bonheur sur laquelle ont glissé tant de jours, tant d’années. A ma manière, je m’obstine à comprendre, à découvrir ; je l’observe sans pour autant l’épier ; je la suis sans pour autant me méfier ; j’aime une statue mutilée, un texte inachevé, un fragment de ciel inscrit dans la fenêtre de la vie.
Il y eut un temps où la musique me sembla être le chemin qui me conduirait vraiment à Alana ; en la regardant écouter nos disques de Bartok, de Duke Ellington, de Gal Costa, une lente transparence m’enfonçait en elle, la musique la mettait à nu d’une manière différente, la faisait devenir chaque fois plus Alana, parce que Alana ne pouvait pas seulement être cette femme qui m’avait toujours regardé pleinement, sans rien me cacher. Contre Alana, au-delà d’Alana, je la cherchais pour mieux l’aimer ; et si au début, la musique me laissa entrevoir d’autres Alanas, le jour arriva où, face à une gravure de Rembrandt, je la vis changer encore plus, comme si quelques nuages dans le ciel altéraient brusquement les lumières et les ombres d’un paysage. Je sentis que la peinture l’emportait au-delà d’elle-même pour cet unique spectateur qui pouvait mesurer la métamorphose instantanée et jamais répétée, l’entrevision d’Alana à Alana. Des intercesseurs involontaires, Keith Jarrett, Beethoven et Anibal Troilo m’avaient aidé à m’approcher, mais face à un tableau ou à une gravure, Alana se dévoilait encore plus que ce qu’elle croyait être, pendant un instant, elle entrait dans un monde imaginaire pour, sans le savoir, sortir d’elle-même, allant d’une peinture à une autre, en les commentant ou en se taisant, un jeu de cartes que chaque nouvelle contemplation mêlait pour celui qui, discret et attentif, un peu en retrait ou la tenant par le bras, voyait se succéder les reines et les as, les piques et les trèfles, Alana.

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Jean-Nicolas nous propose sa traduction :

Quand Alana et Osiris me regardent je ne peux me plaindre de la moindre dissimulation, de la moindre duplicité. Ils me regardent en face, Alana avec sa lumière bleue et Osiris avec son rayon vert. Entre eux, ils se regardent aussi comme tel, Alana caressant l’échine noire d’Osiris qui lève le museau du plat de lait et miaule, satisfait ; la femme et le chat se connaissant depuis des plans qui m’échappent et que mes caresses ne parviennent pas à outrepasser. Cela fait longtemps que j’ai renoncé à toute emprise sur Osiris, nous sommes de bons amis depuis une distance infranchissable mais Alana est ma femme et le fossé entre nous est autre, quelque chose qu’elle ne semble pas ressentir mais qui pollue/qui s’immisce dans mon bonheur quand Alana me regarde, quand elle me regarde en face exactement comme Osiris et qu’elle me sourit ou me parle sans la moindre pudeur, s’adonnant dans chaque geste et chaque chose comme elle s’abandonne dans l’amour, là ou tout son corps est comme ses yeux, un abandon absolu, une réciprocité ininterrompue. C’est étrange ; bien que j’aie renoncé à pénétrer entièrement le monde d’Osiris, mon amour pour Alana ne se résout pas à cette simplicité inhérente à toute chose conclue, à un couple pour toujours, à une vie sans secrets. Derrière ces yeux bleus il y a plus, au fond des paroles, des plaintes et des silences, respire un autre royaume, vit une autre Alana. Je ne lui en ai jamais touché un mot, je l’aime trop pour mettre en pièces cette surface de bonheur sur laquelle se sont déjà écoulés tant de jours, tant d’années. À ma manière, je m’évertue de comprendre, de découvrir ; je l’observe mais sans l’épier ; je la suis mais sans méfiance ; j’aime une merveilleuse statue mutilée, un texte inachevé, un fragment de ciel inscrit sur la fenêtre de la vie.
Il fut un temps où la musique me parut le chemin qui me mènerait pour sûr à Alana ; la regardant écouter nos disques de Bartok, de Duke Ellington, de Gal Costa, une lente transparence me plongeait dans son être, la musique la montrait sous un tout autre jour, la rendait chaque fois plus Alana, parce qu’Alana ne pouvait être uniquement cette femme qui m’avait toujours regardé sincèrement sans me cacher quoi que ce soit. Contre Alana, au-delà d’Alana, je la cherchais pour mieux l’aimer et, si au début, la musique me laissa entrevoir d’autres Alanas, vint le jour où, face à une gravure de Rembrandt, je la vis changer davantage, comme si un jeu de nuages dans le ciel altérait soudainement les lumières et les ombres d’un paysage. Je sentis que la peinture la menait au-delà d’elle-même pour cet unique spectateur pouvant mesurer l’instantanée métamorphose jamais répetée, l’entrevision d’Alana en Alana. Médiateurs involontaires, Keith Jarrett, Beethoven et Anibal Troilo m’avaient aidé à me rapprocher d’elle mais devant un tableau ou une gravure, Alana se dépouillait, encore plus que je pouvais me l’imaginer : en l’espace d’un instant, elle entrait dans un monde imaginaire pour, sans le savoir, sortir d’elle-même, allant d’une peinture à une autre, les commentant ou se taisant, sorte de jeu de cartes que chaque nouvelle contemplation battait pour celui qui, discret et attentif, un peu en retrait ou lui tenant le bras, voyait se succéder les reines et les as, les piques et les trèfles, Alana.

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