Je vous rappelle les règles du jeu : je publie les traductions, je les lis (il est important pour moi de voir où vous en êtes maintenant et, évidemment, de constater les progrès que vous ferez – ce sera une partie de l'évaluation de fin d'année –)… mais je ne vous corrige pas. Sur le blog, nous ne sommes pas en cours. Comprenez bien que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Oubliez le rapport classique étudiants / enseignants. À présent, nous sommes partenaires, nous travaillons en groupe pour vous aider à acquérir suffisamment de compétences, le but étant d'apprendre véritablement votre métier, dans les meilleures conditions possibles. Il m'arrive régulièrement de vous proposer ma propre traduction (pas en ce moment… je participe au jury du CAPES et nous sommes en plein milieu des oraux !). Le mieux est d'échanger via les commentaires… Posez des questions, demandez-vous les uns les autres pourquoi vous avez traduit ceci ou cela de telle ou telle manière, etc. À vous d'établir ce dialogue, très fructueux… Gardez à l'esprit qu'on fait énormément de progrès en sortant de sa tour d'ivoire, en comparant avec les autres et en parlant ensemble, en confiance. Vous verrez les bienfaits des ateliers de traduction collective. Et ne soyez pas timides… lancez-vous ! Interdit de s'assassiner et de se juger par commentaire interposé (j'y veille en modérant tout ce qui passe!!!!!!). Confrontons les points de vue.
Je vous rappelle le sujet :
Mi difunta hermana Eloína, que gloria haya, veinte años mayor que yo, guisaba primorosamente, pero a la antigua. Nunca utilizó otro procedimiento que la cocina económica. Mediante la leña y el carbón y una sabia manipulación del tiro, conseguía el punto de los alimentos. Ése era todo su secreto. Y no se piense usted, señora, que en nuestra casa se condimentaran selectos manjares, porque lo que hace de la cocina un arte es precisamente lo contrario, halagar el paladar con lo sencillo, darle un punto requerido a lo cotidiano: un cocido castellano, unas sopas o unas lentejas. ¡Qué cocidos preparaba mi difunta hermana Eloína!
El jueves pasado, en casa de mi fiel amigo Baldomero Cerviño, compañero del periódico, me obsequiaron con un cocido y no voy a decirle a usted que estuviera malo pero allí faltaba algo esencial y ¿sabe usted qué era?: el relleno. ¿Concibe usted, señora, un cocido castellano sin relleno? A mi entender, el relleno es la quintaesencia del cocido, el cocido mismo. Un relleno esponjoso, tierno, sabroso, empapado de la sustancia del guiso, es lo que nos da la medida de este plato. Otro error, muy frecuente en este punto: sustituir el repollo por coliflor. Costumbres, dirá usted, pero eso no es un argumento; yo creo que hay que resistir contra estos atentados, los sucedáneos no deben prevalecer, no podemos permitirlo. En la cocina, no es lícito saltarse a la torera la tradición como no es lícito prescindir del punto. Ambos son indispensables; sin ellos no hay cocina. ¿Admitiría usted, señora, una paella del interior sin chorizo ni pimientos morrones?
Pensará usted, a la vista de lo escrito, que su corresponsal es un glotón insaciable, un ser que solamente piensa en comer, cuando a mi la comida me agrada con mesura y discreción. Aborrezco a los tragones, quizá por despecho, porque desde joven tuve un estómago delicado, tal vez porque mi profesión no haya sido la más indicada para gozar de los placeres gastronómicos. Desde niño fui sobrio para comer, pero como hombre de paladar me gustan los alimentos sazonados y en su punto.
Je vous rappelle le sujet :
Mi difunta hermana Eloína, que gloria haya, veinte años mayor que yo, guisaba primorosamente, pero a la antigua. Nunca utilizó otro procedimiento que la cocina económica. Mediante la leña y el carbón y una sabia manipulación del tiro, conseguía el punto de los alimentos. Ése era todo su secreto. Y no se piense usted, señora, que en nuestra casa se condimentaran selectos manjares, porque lo que hace de la cocina un arte es precisamente lo contrario, halagar el paladar con lo sencillo, darle un punto requerido a lo cotidiano: un cocido castellano, unas sopas o unas lentejas. ¡Qué cocidos preparaba mi difunta hermana Eloína!
El jueves pasado, en casa de mi fiel amigo Baldomero Cerviño, compañero del periódico, me obsequiaron con un cocido y no voy a decirle a usted que estuviera malo pero allí faltaba algo esencial y ¿sabe usted qué era?: el relleno. ¿Concibe usted, señora, un cocido castellano sin relleno? A mi entender, el relleno es la quintaesencia del cocido, el cocido mismo. Un relleno esponjoso, tierno, sabroso, empapado de la sustancia del guiso, es lo que nos da la medida de este plato. Otro error, muy frecuente en este punto: sustituir el repollo por coliflor. Costumbres, dirá usted, pero eso no es un argumento; yo creo que hay que resistir contra estos atentados, los sucedáneos no deben prevalecer, no podemos permitirlo. En la cocina, no es lícito saltarse a la torera la tradición como no es lícito prescindir del punto. Ambos son indispensables; sin ellos no hay cocina. ¿Admitiría usted, señora, una paella del interior sin chorizo ni pimientos morrones?
Pensará usted, a la vista de lo escrito, que su corresponsal es un glotón insaciable, un ser que solamente piensa en comer, cuando a mi la comida me agrada con mesura y discreción. Aborrezco a los tragones, quizá por despecho, porque desde joven tuve un estómago delicado, tal vez porque mi profesión no haya sido la más indicada para gozar de los placeres gastronómicos. Desde niño fui sobrio para comer, pero como hombre de paladar me gustan los alimentos sazonados y en su punto.
Miguel Delibes, Cartas de amor de un sexagenario voluptuoso
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Julie nous propose sa traduction :
Feu ma sœur Eloina, bénie soit-elle, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l'ancienne. Elle n'a jamais utilisé une autre méthode que la cuisine économique. Grâce au bois et au charbon ainsi qu'à une savante manipulation de l'air, elle réussissait des aliments parfaits. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que l'on assaisonne chez nous des plats nobles, car ce qui fait que la cuisine est un art est précisément le contraire, flatter le palais avec simplicité, privilégier le quotidien : un pot-au-feu espagnol, des soupes ou des lentilles. Quels pots-au-feu que ceux que préparait ma défunte sœur Eloina!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m'offrit un pot-au-feu et je ne vous dirai pas qu'il fût mauvais mais il y manquait une chose essentielle et savez-vous ce que c'était?: la farce. Vous imaginez, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce? A mon avis, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu lui-même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la substance du mets, est ce qui nous donne la mesure de ce plat.
Autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou vert par du chou fleur.
Des habitudes, direz-vous, mais ceci n'est pas une raison : je crois qu'il faut résister contre ces atteintes, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas le permettre.
Dans la cuisine, il n'est pas licite de faire fi de la tradition comme il n'est pas licite de faire abstraction de la perfection. Tous deux sont indispensables : sans eux il n'y a pas de cuisine. Vous accepteriez, madame, une paella typique sans chorizo ni poivrons rouges?
Peut-être pensez-vous, en voyant ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui pense seulement à manger, quand la nourriture me plaît avec modération et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car depuis ma jeunesse j'ai eu un estomac délicat, sans doute parce que ma profession n'ait été la mieux indiquée pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis tout petit j'ai mangé sobrement, mais en tant que fin gourmet j'apprécie les aliments assaisonnés et fameux.
Feu ma sœur Eloina, bénie soit-elle, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l'ancienne. Elle n'a jamais utilisé une autre méthode que la cuisine économique. Grâce au bois et au charbon ainsi qu'à une savante manipulation de l'air, elle réussissait des aliments parfaits. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que l'on assaisonne chez nous des plats nobles, car ce qui fait que la cuisine est un art est précisément le contraire, flatter le palais avec simplicité, privilégier le quotidien : un pot-au-feu espagnol, des soupes ou des lentilles. Quels pots-au-feu que ceux que préparait ma défunte sœur Eloina!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m'offrit un pot-au-feu et je ne vous dirai pas qu'il fût mauvais mais il y manquait une chose essentielle et savez-vous ce que c'était?: la farce. Vous imaginez, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce? A mon avis, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu lui-même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la substance du mets, est ce qui nous donne la mesure de ce plat.
Autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou vert par du chou fleur.
Des habitudes, direz-vous, mais ceci n'est pas une raison : je crois qu'il faut résister contre ces atteintes, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas le permettre.
Dans la cuisine, il n'est pas licite de faire fi de la tradition comme il n'est pas licite de faire abstraction de la perfection. Tous deux sont indispensables : sans eux il n'y a pas de cuisine. Vous accepteriez, madame, une paella typique sans chorizo ni poivrons rouges?
Peut-être pensez-vous, en voyant ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui pense seulement à manger, quand la nourriture me plaît avec modération et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car depuis ma jeunesse j'ai eu un estomac délicat, sans doute parce que ma profession n'ait été la mieux indiquée pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis tout petit j'ai mangé sobrement, mais en tant que fin gourmet j'apprécie les aliments assaisonnés et fameux.
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Auréba nous propose sa traduction :
Ma défunte sœur Eloína, gloire à elle, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais utilisé d’autre technique que la cuisinière à bois et à charbon. Grâce au bois et au charbon et une savante manipulation du tirage, elle réussissait la juste cuisson des aliments. C’était là tout son secret. Et n’allez pas croire, madame, que chez nous on assaisonnait des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art, c’est justement le contraire, flatter le palais avec ce qui est simple, mettre de l’exigence dans ce qui est quotidien : un pot-au-feu espagnol, des soupes ou des lentilles. Ma défunte sœur Eloína préparait de sacrés pot-au-feu!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cervino, collègue du journal, j’ai eu droit à un pot-au-feu et je ne vous dirai pas qu’il fût mauvais mais il y manquait quelque chose d’essentiel et, savez-vous ce que c’était? La farce. Concevez-vous, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la substance du ragoût, c’est ce qui nous donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou pommé par du chou-fleur. Des habitudes, me direz-vous, mais ça, ce n’est pas un argument ; moi, je crois qu’il faut résister contre ces attentats, les succédanés ne doivent pas prendre le dessus, nous ne pouvons le permettre. En cuisine, il n’est pas licite de prendre la tradition par-dessous la jambe tout comme il n’est pas licite de faire abstraction de la juste cuisson. Les deux sont indispensables, sans eux, il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une paella de chez nous sans chorizo et sans poivrons ?
Vous devez penser, à la vue de ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, alors que moi, j’aime la nourriture avec modération et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car depuis ma jeunesse, j’ai eu un estomac délicat, peut-être parce que ma profession n’a pas été la plus idéale pour profiter des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance, j’ai été sobre pour manger, mais en tant qu’homme de goût, j’aime les aliments assaisonnés et cuits à point.
Ma défunte sœur Eloína, gloire à elle, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais utilisé d’autre technique que la cuisinière à bois et à charbon. Grâce au bois et au charbon et une savante manipulation du tirage, elle réussissait la juste cuisson des aliments. C’était là tout son secret. Et n’allez pas croire, madame, que chez nous on assaisonnait des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art, c’est justement le contraire, flatter le palais avec ce qui est simple, mettre de l’exigence dans ce qui est quotidien : un pot-au-feu espagnol, des soupes ou des lentilles. Ma défunte sœur Eloína préparait de sacrés pot-au-feu!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cervino, collègue du journal, j’ai eu droit à un pot-au-feu et je ne vous dirai pas qu’il fût mauvais mais il y manquait quelque chose d’essentiel et, savez-vous ce que c’était? La farce. Concevez-vous, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la substance du ragoût, c’est ce qui nous donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou pommé par du chou-fleur. Des habitudes, me direz-vous, mais ça, ce n’est pas un argument ; moi, je crois qu’il faut résister contre ces attentats, les succédanés ne doivent pas prendre le dessus, nous ne pouvons le permettre. En cuisine, il n’est pas licite de prendre la tradition par-dessous la jambe tout comme il n’est pas licite de faire abstraction de la juste cuisson. Les deux sont indispensables, sans eux, il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une paella de chez nous sans chorizo et sans poivrons ?
Vous devez penser, à la vue de ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, alors que moi, j’aime la nourriture avec modération et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car depuis ma jeunesse, j’ai eu un estomac délicat, peut-être parce que ma profession n’a pas été la plus idéale pour profiter des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance, j’ai été sobre pour manger, mais en tant qu’homme de goût, j’aime les aliments assaisonnés et cuits à point.
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Olivier nous propose sa traduction :
Ma feue soeur Eloína – paix à son âme – était de vingt ans mon aînée et cuisinait, bien qu'à l'ancienne, de façon exquise. Elle n'utilisa jamais d'autre instrument que la cuisinière. Grâce aux bûches de bois et au charbon, ainsi qu' à une grande connaissance du tirage du feu, elle réussissait une cuisson parfaite des aliments. C'était là tout son secret. Et n'allez pas penser, madame, qu'à la maison nous assaisonions des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine tout un art, c'est précisément le contraire, c'est encenser le palais avec de simples choses, exiger le meilleur de ce que nous offre le quotidien : un simple pot-au-feu, des soupes ou des lentilles. Ah, ce pot-au-feu que préparait ma regrettée soeur Eloina !
On m'invita, jeudi dernier, à la dégustation d'un pot-au-feu chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, un collègue du journal. Je ne vais pas vous dire qu'il était mauvais, mais il lui manquait quelque chose d'essentiel et savez-vous ce que c'était ? La farce. Pouvez-vous imaginer, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce ? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la saveur du plat, voilà ce qui nous permet de l'évaluer. Une autre erreur fréquemment commise est de remplacer le chou pommé par un chou-fleur. Des habitudes, direz-vous ; mais ce n'est pas un argument recevable. Je crois qu'il faut résister à ces attaques, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas l'accepter. En cuisine, il n'est pas licite de prendre la tradition à la légère, tout comme il ne l'est pas de négliger la cuisson. Les deux sont indispensables, faute de quoi ce n'est pas de la cuisine. Accepteriez-vous madame, une paella madrilène sans chorizo ni poivron ?
Au vu de ce qui a été écrit, vous pourriez penser, madame, que votre correspondant est un insatiable glouton, un être qui ne pense qu'à manger, alors même que je ne sais profiter de la nourriture qu'avec retenue et pondération. J'abhorre les goinfres, peut-être par dépit d'avoir eu dès mon plus jeune âge un estomac délicat, ou sans doute parce que ma profession n'ait pas été la plus favorable pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance j'eus un comportement modéré avec la nourriture, mais en tant qu'homme de goût, j'aime les aliments assaisonés et cuits à point.
Ma feue soeur Eloína – paix à son âme – était de vingt ans mon aînée et cuisinait, bien qu'à l'ancienne, de façon exquise. Elle n'utilisa jamais d'autre instrument que la cuisinière. Grâce aux bûches de bois et au charbon, ainsi qu' à une grande connaissance du tirage du feu, elle réussissait une cuisson parfaite des aliments. C'était là tout son secret. Et n'allez pas penser, madame, qu'à la maison nous assaisonions des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine tout un art, c'est précisément le contraire, c'est encenser le palais avec de simples choses, exiger le meilleur de ce que nous offre le quotidien : un simple pot-au-feu, des soupes ou des lentilles. Ah, ce pot-au-feu que préparait ma regrettée soeur Eloina !
On m'invita, jeudi dernier, à la dégustation d'un pot-au-feu chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, un collègue du journal. Je ne vais pas vous dire qu'il était mauvais, mais il lui manquait quelque chose d'essentiel et savez-vous ce que c'était ? La farce. Pouvez-vous imaginer, madame, un pot-au-feu espagnol sans farce ? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la saveur du plat, voilà ce qui nous permet de l'évaluer. Une autre erreur fréquemment commise est de remplacer le chou pommé par un chou-fleur. Des habitudes, direz-vous ; mais ce n'est pas un argument recevable. Je crois qu'il faut résister à ces attaques, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas l'accepter. En cuisine, il n'est pas licite de prendre la tradition à la légère, tout comme il ne l'est pas de négliger la cuisson. Les deux sont indispensables, faute de quoi ce n'est pas de la cuisine. Accepteriez-vous madame, une paella madrilène sans chorizo ni poivron ?
Au vu de ce qui a été écrit, vous pourriez penser, madame, que votre correspondant est un insatiable glouton, un être qui ne pense qu'à manger, alors même que je ne sais profiter de la nourriture qu'avec retenue et pondération. J'abhorre les goinfres, peut-être par dépit d'avoir eu dès mon plus jeune âge un estomac délicat, ou sans doute parce que ma profession n'ait pas été la plus favorable pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance j'eus un comportement modéré avec la nourriture, mais en tant qu'homme de goût, j'aime les aliments assaisonés et cuits à point.
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Alexis nous propose sa traduction :
Ma défunte sœur Eloïne, Dieu ait son âme, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais employé d’autre méthode que la cuisine économique. Avec l’utilisation du bois et du charbon ainsi qu’une sage manipulation du tirage, elle réussissait les aliments à point. Voilà qui était son secret. Et n’allez pas penser, madame, que nous préparions des mets choisis, car ce qui fait de la cuisine un art est précisément le contraire, flatter le palais avec quelque chose de simple, donner au quotidien un quelque chose de fondamental : un pot-au-feu castillan, des soupes ou des lentilles. Quels pot-au-feu préparait ma défunte sœur Eloïne !
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on prépara à mon attention un pot-au-feu, je ne vais pas vous dire qu’il était mauvais mais il y manquait une chose essentielle et vous savez ce que c’était ? la farce. Pouvez-vous concevoir, madame, un pot-au-feu castillan sans farce ? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, c’est le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée du goût de la préparation, voilà ce qui nous donne la mesure de ce plat. Autre erreur, très fréquente à ce sujet : remplacer le chou pomme par du chou-fleur. Par habitude, me direz-vous, mais cela n’est pas un argument ; je pense qu’il faille résister à ces attentats, les succédanés ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons le permettre. En cuisine, il n’est pas permis de faire fi de la tradition de même qu’il n’est pas permis de ne pas en tenir compte de ce point précis.
Les deux sont indispensables ; sans eux il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une vraie paëlla sans chorizo ni poivron ?
Vous devez penser, à la lecture de ceci, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, alors qu’en réalité la nourriture me plaît avec mesure et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car j’ai depuis tout jeune un estomac délicat, cela est sûrement dû au fait que ma profession ne soit pas la plus indiquée pour se réjouir des plaisirs gastronomiques. J’ai été sobre dans la nourriture depuis mon enfance, mais en tant qu’homme de palais j’aime les aliments assaisonnés et qui plus est à point.
Ma défunte sœur Eloïne, Dieu ait son âme, de vingt ans mon aînée, cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais employé d’autre méthode que la cuisine économique. Avec l’utilisation du bois et du charbon ainsi qu’une sage manipulation du tirage, elle réussissait les aliments à point. Voilà qui était son secret. Et n’allez pas penser, madame, que nous préparions des mets choisis, car ce qui fait de la cuisine un art est précisément le contraire, flatter le palais avec quelque chose de simple, donner au quotidien un quelque chose de fondamental : un pot-au-feu castillan, des soupes ou des lentilles. Quels pot-au-feu préparait ma défunte sœur Eloïne !
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on prépara à mon attention un pot-au-feu, je ne vais pas vous dire qu’il était mauvais mais il y manquait une chose essentielle et vous savez ce que c’était ? la farce. Pouvez-vous concevoir, madame, un pot-au-feu castillan sans farce ? Selon moi, la farce est la quintessence du pot-au-feu, c’est le pot-au-feu même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée du goût de la préparation, voilà ce qui nous donne la mesure de ce plat. Autre erreur, très fréquente à ce sujet : remplacer le chou pomme par du chou-fleur. Par habitude, me direz-vous, mais cela n’est pas un argument ; je pense qu’il faille résister à ces attentats, les succédanés ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons le permettre. En cuisine, il n’est pas permis de faire fi de la tradition de même qu’il n’est pas permis de ne pas en tenir compte de ce point précis.
Les deux sont indispensables ; sans eux il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une vraie paëlla sans chorizo ni poivron ?
Vous devez penser, à la lecture de ceci, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, alors qu’en réalité la nourriture me plaît avec mesure et discrétion. Je déteste les goinfres, peut-être par dépit, car j’ai depuis tout jeune un estomac délicat, cela est sûrement dû au fait que ma profession ne soit pas la plus indiquée pour se réjouir des plaisirs gastronomiques. J’ai été sobre dans la nourriture depuis mon enfance, mais en tant qu’homme de palais j’aime les aliments assaisonnés et qui plus est à point.
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Vanessa nous propose sa traduction :
Ma défunte sœur Eloína - paix à son âme - de vingt ans mon aînée, cuisinait divinement bien, mais à la façon d'antan. Jamais elle ne procéda autrement qu'en se servant de la vieille cuisinière. Le bois, le charbon, une savante mesure du tirage, et elle portait la cuisson des aliments à point. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, qu'on n'accommodât chez nous que des mets de choix. Parce que ce qui fait de la cuisine un art, c'est précisément le contraire. Flatter le palais avec le plus simple, faire du quotidien une nécessité : un cocido1 castillan, de la soupe, ou des lentilles. Ah ! Les cocidos de ma défunte sœur Eloína !
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami et confrère du journal, Baldomero Cerviño, on m'a offert un cocido. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il était mauvais, mais il manquait là quelque chose d'essentiel, et savez-vous ce que c'était ? Les boulettes2. Pouvez-vous concevoir, madame, un cocido castillan sans boulettes ? Selon moi elles forment la quintessence du cocido, voire le cocido lui-même. Des boulettes spongieuses, tendres, savoureuses, imbibées de la substance du ragoût, c'est ce qui nous donne la mesure de ce plat. Autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou pommé par un chou-fleur. À chacun son habitude, me direz-vous, mais ceci n'est pas un argument ; moi, je crois qu'il faut résister contre ces atteintes, les succédanés ne doivent pas l'emporter, nous ne pouvons pas l'accepter. En matière de cuisine, il n'est pas permis de traiter la tradition avec désinvolture, ni d'en faire abstraction. Les boulettes comme le chou pommé sont indispensables ; sans eux, pas de cuisine. Admettriez-vous, madame, une paëlla de l'arrière-pays sans chorizo ni poivrons doux ?
Vous penserez, à la lecture de ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu'à manger, quand la nourriture ne fait que me plaire, avec retenue, et discrétion. J'ai horreur des voraces ; sans doute par dépit, parce que j'ai depuis tout jeune un estomac délicat, ou peut-être parce que ma profession n'a pas été la plus indiquée pour ce qui est de jouir des plaisirs gastronomiques. Dès l'enfance, je fus sobre dans mes repas, mais en tant qu'homme de goût j'apprécie les mets assaisonnés et cuits à point.
Ma défunte sœur Eloína - paix à son âme - de vingt ans mon aînée, cuisinait divinement bien, mais à la façon d'antan. Jamais elle ne procéda autrement qu'en se servant de la vieille cuisinière. Le bois, le charbon, une savante mesure du tirage, et elle portait la cuisson des aliments à point. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, qu'on n'accommodât chez nous que des mets de choix. Parce que ce qui fait de la cuisine un art, c'est précisément le contraire. Flatter le palais avec le plus simple, faire du quotidien une nécessité : un cocido1 castillan, de la soupe, ou des lentilles. Ah ! Les cocidos de ma défunte sœur Eloína !
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami et confrère du journal, Baldomero Cerviño, on m'a offert un cocido. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il était mauvais, mais il manquait là quelque chose d'essentiel, et savez-vous ce que c'était ? Les boulettes2. Pouvez-vous concevoir, madame, un cocido castillan sans boulettes ? Selon moi elles forment la quintessence du cocido, voire le cocido lui-même. Des boulettes spongieuses, tendres, savoureuses, imbibées de la substance du ragoût, c'est ce qui nous donne la mesure de ce plat. Autre erreur, très fréquente sur ce point : remplacer le chou pommé par un chou-fleur. À chacun son habitude, me direz-vous, mais ceci n'est pas un argument ; moi, je crois qu'il faut résister contre ces atteintes, les succédanés ne doivent pas l'emporter, nous ne pouvons pas l'accepter. En matière de cuisine, il n'est pas permis de traiter la tradition avec désinvolture, ni d'en faire abstraction. Les boulettes comme le chou pommé sont indispensables ; sans eux, pas de cuisine. Admettriez-vous, madame, une paëlla de l'arrière-pays sans chorizo ni poivrons doux ?
Vous penserez, à la lecture de ce qui est écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu'à manger, quand la nourriture ne fait que me plaire, avec retenue, et discrétion. J'ai horreur des voraces ; sans doute par dépit, parce que j'ai depuis tout jeune un estomac délicat, ou peut-être parce que ma profession n'a pas été la plus indiquée pour ce qui est de jouir des plaisirs gastronomiques. Dès l'enfance, je fus sobre dans mes repas, mais en tant qu'homme de goût j'apprécie les mets assaisonnés et cuits à point.
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Sylvie nous propose sa traduction :
Ma défunte sœur Eloína, paix à son âme, de vingt ans mon ainée, cuisinait divinement quoiqu’à l’ancienne. Jamais elle n’eut recours à une autre méthode que la cuisine bon marché. Par le biais du bois et du charbon et d’une savante utilisation du tirage, elle exaltait la saveur des aliments. Voilà son seul secret. Et ne croyez-pas, Madame, que l’on accommodât chez nous des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art c’est précisément l’inverse, flatter le palais avec simplicité, rendre au quotidien ses lettres de noblesses : un pot au feu castillan, des soupes ou des lentilles. Ma défunte sœur Eloína préparait d’incroyables pots au feu ! Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m’honora d’un pot au feu et je ne vais pas vous dire qu’il fût mauvais, mais il y manquait quelque chose d’essentiel et savez-vous de quoi il s’agissait ? De la farce. Concevez-vous, Madame, un pot au feu castillan sans farce ? De mon point de vue, la farce est la quintessence du pot au feu, le pot au feu lui-même. Une farce moelleuse, tendre, savoureuse, imbibée du jus de cuisson est ce qui donne la mesure du plat. Une autre erreur, très fréquente à ce stade : remplacer le chou pommé par du chou fleur. Des us et coutumes, me direz-vous, mais cela ne vaut pas argument ; moi je pense qu’il faut résister face à ces attentats, les succédanés ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons l’autoriser. En cuisine il n’est pas admis de faire fi de la tradition pas plus que de faire abstraction de l’excellence. Tous deux sont indispensables ; sans eux, nulle cuisine. Admettriez-vous, Madame, une paella du centre sans chorizo ni poivrons rouges ? Vous penserez, en lisant ces écrits, que votre correspondant est un insatiable glouton, un être qui ne pense qu’à manger, alors que la nourriture ne me ravit qu’avec mesure et discrétion. Je hais les goinfres, peut-être par dépit, parce que depuis mon plus jeune âge j’ai un estomac délicat, peut-être parce que mon métier n’est pas le plus indiqué pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis l’enfance, je suis à la table homme sobre, mais en tant que gourmet, j’apprécie les aliments bien assaisonnés et cuits à point.
Ma défunte sœur Eloína, paix à son âme, de vingt ans mon ainée, cuisinait divinement quoiqu’à l’ancienne. Jamais elle n’eut recours à une autre méthode que la cuisine bon marché. Par le biais du bois et du charbon et d’une savante utilisation du tirage, elle exaltait la saveur des aliments. Voilà son seul secret. Et ne croyez-pas, Madame, que l’on accommodât chez nous des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art c’est précisément l’inverse, flatter le palais avec simplicité, rendre au quotidien ses lettres de noblesses : un pot au feu castillan, des soupes ou des lentilles. Ma défunte sœur Eloína préparait d’incroyables pots au feu ! Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m’honora d’un pot au feu et je ne vais pas vous dire qu’il fût mauvais, mais il y manquait quelque chose d’essentiel et savez-vous de quoi il s’agissait ? De la farce. Concevez-vous, Madame, un pot au feu castillan sans farce ? De mon point de vue, la farce est la quintessence du pot au feu, le pot au feu lui-même. Une farce moelleuse, tendre, savoureuse, imbibée du jus de cuisson est ce qui donne la mesure du plat. Une autre erreur, très fréquente à ce stade : remplacer le chou pommé par du chou fleur. Des us et coutumes, me direz-vous, mais cela ne vaut pas argument ; moi je pense qu’il faut résister face à ces attentats, les succédanés ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons l’autoriser. En cuisine il n’est pas admis de faire fi de la tradition pas plus que de faire abstraction de l’excellence. Tous deux sont indispensables ; sans eux, nulle cuisine. Admettriez-vous, Madame, une paella du centre sans chorizo ni poivrons rouges ? Vous penserez, en lisant ces écrits, que votre correspondant est un insatiable glouton, un être qui ne pense qu’à manger, alors que la nourriture ne me ravit qu’avec mesure et discrétion. Je hais les goinfres, peut-être par dépit, parce que depuis mon plus jeune âge j’ai un estomac délicat, peut-être parce que mon métier n’est pas le plus indiqué pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis l’enfance, je suis à la table homme sobre, mais en tant que gourmet, j’apprécie les aliments bien assaisonnés et cuits à point.
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Jessica nous propose sa traduction :
Ma défunte sœur Eloína était en pleine gloire. De vingt ans mon ainée, elle cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais utilisé une autre méthode qui ne soit pas la cuisine économique. Grâce au bois de chauffage et au charbon et une savante manipulation des courants d’air, elle obtenait une cuisson parfaite des aliments. C’était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que dans notre maison on assaisonnera des plats supérieurs, car ce qui fait de la cuisine un art c’est justement le contraire, flatter le palais avec des choses simples, lui donner un point requis au quotidien : un pot au feu castillan, quelques soupes ou quelques lentilles. Ma sœur Eloína préparait le meilleur pot au feu du monde !
Jeudi dernier, dans la maison de mon fidèle ami et collègue au journal Baldomero Cerviňo, on m’avait préparé un pot au feu. Je ne vais pas vous dire qu’il n’était pas bon mais il lui manquait quelque chose d’essentiel, et savez-vous ce que c’était ? La farce. Pouvez-vous concevoir, madame, un pot au feu castillan sans farce ? A mon avis, la farce est la quintessence même du pot au feu. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la sauce du plat, c’est ce que nous donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente elle aussi : remplacer la farce par du chou fleur. Vous direz qu’il s’agit d’habitudes, mais cela n’est pas un argument. Moi je pense qu’il faut résister à ces manies, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas le permettre. En cuisine, c’est illicite de faire fi de la tradition tout comme c’est illicite de ne pas tenir en compte une cuisson parfaite. Les deux sont indispensables : sans elles il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une paella sans chorizo n’y poivrons doux à l’intérieur ?
Vous penserez, en voyant ce qui est écrit, que son correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, même si pour moi, la nourriture me plaît avec modération et retenue. Je déteste les personnes goinfres, peut être par dépit, car depuis tout petit j’ai un estomac délicat ou peut être parce que mon métier n’est pas le plus indiqué pour profiter des plaisirs gastronomiques. Enfant, j’étais limité pour manger mais étant un homme de palais, j’aime les aliments assaisonnés et cuits à la perfection.
Ma défunte sœur Eloína était en pleine gloire. De vingt ans mon ainée, elle cuisinait à merveille, mais à l’ancienne. Elle n’a jamais utilisé une autre méthode qui ne soit pas la cuisine économique. Grâce au bois de chauffage et au charbon et une savante manipulation des courants d’air, elle obtenait une cuisson parfaite des aliments. C’était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que dans notre maison on assaisonnera des plats supérieurs, car ce qui fait de la cuisine un art c’est justement le contraire, flatter le palais avec des choses simples, lui donner un point requis au quotidien : un pot au feu castillan, quelques soupes ou quelques lentilles. Ma sœur Eloína préparait le meilleur pot au feu du monde !
Jeudi dernier, dans la maison de mon fidèle ami et collègue au journal Baldomero Cerviňo, on m’avait préparé un pot au feu. Je ne vais pas vous dire qu’il n’était pas bon mais il lui manquait quelque chose d’essentiel, et savez-vous ce que c’était ? La farce. Pouvez-vous concevoir, madame, un pot au feu castillan sans farce ? A mon avis, la farce est la quintessence même du pot au feu. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imbibée de la sauce du plat, c’est ce que nous donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente elle aussi : remplacer la farce par du chou fleur. Vous direz qu’il s’agit d’habitudes, mais cela n’est pas un argument. Moi je pense qu’il faut résister à ces manies, les substituts ne doivent pas prévaloir, nous ne pouvons pas le permettre. En cuisine, c’est illicite de faire fi de la tradition tout comme c’est illicite de ne pas tenir en compte une cuisson parfaite. Les deux sont indispensables : sans elles il n’y a pas de cuisine. Accepteriez-vous, madame, une paella sans chorizo n’y poivrons doux à l’intérieur ?
Vous penserez, en voyant ce qui est écrit, que son correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu’à manger, même si pour moi, la nourriture me plaît avec modération et retenue. Je déteste les personnes goinfres, peut être par dépit, car depuis tout petit j’ai un estomac délicat ou peut être parce que mon métier n’est pas le plus indiqué pour profiter des plaisirs gastronomiques. Enfant, j’étais limité pour manger mais étant un homme de palais, j’aime les aliments assaisonnés et cuits à la perfection.
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Stéphanie nous propose sa traduction :
Ma défunte soeur Eloina, qui repose en paix, de vingt ans mon aînée, cuisinait exquisément, mais à l'ancienne. Elle n'utilisa jamais d'autres procédés que la cuisine économique. Grâce au bois et au charbon ainsi qu'à une savante manipulation du soufflet, elle maîtrisait la cuisson des aliments. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que chez nous l'on agrémentait des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art, c'est précisément l'inverse, flatter le palais par la simplicité, donner au quotidien sa vraie saveur : un ragoût castillan, des soupes ou des lentilles. Quels ragoûts préparait-elle ma défunte soeur Eloina!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m'offrit un ragoût et je ne vais pas vous dire qu'il était mauvais mais il y manquait quelque chose d'essentiel et savez-vous ce que c'était : la farce. Selon moi, la farce est la quintessence du ragoût, le ragoût lui-même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imprégnée de la substance du ragoût, c'est ce qui donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente à ce niveau : remplacer le chou par du chou-fleur. L'habitude, me direz-vous, mais ce n'est pas un argument : je crois qu'il faut résister à ces attentats, les succédanés ne doivent pas l'emporter. En cuisine, il n'est pas licite de passer outre la tradition, tout comme il n'est pas licite de se passer d'une cuisson parfaite. Les deux sont indispensables, sans eux il n'y a pas de cuisine. Vous accepteriez, madame, une paella du terroir sans chorizo ni poivrons rouges?
Vous penserez, au vu de cet écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu'à manger, quand en réalité la nourriture me plaît avec mesure et discrétion. J'abhorre les goinfres, peut-être par dépit, car dès mon jeune âge, j'ai eu un estomac délicat, peut-être parce que ma profession n'a pas été la plus indiquée pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance, j'ai été sobre pour manger, mais en tant qu'homme de goût j'aime les aliments agrémentés et cuits à point.
Ma défunte soeur Eloina, qui repose en paix, de vingt ans mon aînée, cuisinait exquisément, mais à l'ancienne. Elle n'utilisa jamais d'autres procédés que la cuisine économique. Grâce au bois et au charbon ainsi qu'à une savante manipulation du soufflet, elle maîtrisait la cuisson des aliments. C'était là tout son secret. Et ne pensez pas, madame, que chez nous l'on agrémentait des mets de choix, car ce qui fait de la cuisine un art, c'est précisément l'inverse, flatter le palais par la simplicité, donner au quotidien sa vraie saveur : un ragoût castillan, des soupes ou des lentilles. Quels ragoûts préparait-elle ma défunte soeur Eloina!
Jeudi dernier, chez mon fidèle ami Baldomero Cerviño, collègue du journal, on m'offrit un ragoût et je ne vais pas vous dire qu'il était mauvais mais il y manquait quelque chose d'essentiel et savez-vous ce que c'était : la farce. Selon moi, la farce est la quintessence du ragoût, le ragoût lui-même. Une farce spongieuse, tendre, savoureuse, imprégnée de la substance du ragoût, c'est ce qui donne la mesure de ce plat. Une autre erreur, très fréquente à ce niveau : remplacer le chou par du chou-fleur. L'habitude, me direz-vous, mais ce n'est pas un argument : je crois qu'il faut résister à ces attentats, les succédanés ne doivent pas l'emporter. En cuisine, il n'est pas licite de passer outre la tradition, tout comme il n'est pas licite de se passer d'une cuisson parfaite. Les deux sont indispensables, sans eux il n'y a pas de cuisine. Vous accepteriez, madame, une paella du terroir sans chorizo ni poivrons rouges?
Vous penserez, au vu de cet écrit, que votre correspondant est un glouton insatiable, un être qui ne pense qu'à manger, quand en réalité la nourriture me plaît avec mesure et discrétion. J'abhorre les goinfres, peut-être par dépit, car dès mon jeune âge, j'ai eu un estomac délicat, peut-être parce que ma profession n'a pas été la plus indiquée pour jouir des plaisirs gastronomiques. Depuis mon enfance, j'ai été sobre pour manger, mais en tant qu'homme de goût j'aime les aliments agrémentés et cuits à point.
3 commentaires:
Je viens de lire nos différentes traductions et je me demandais si vous aussi vous aviez eu des difficultés pour traduire "el punto" (de los alimentos).
Au début, je pensais que c'était la cuisson mais j'ai aussi trouvé cette définition dans la RAE : "estado perfecto que llega a tomar un alimento al cocinarlo, condimentarlo o prepararlo.
Il ne s'agit donc pas complètement de la cuisson...si?
C'est pour cela qu'à la fin du texte "en su punto" je me demandais s'il s'agissait des aliments cuits à point ou bien des aliments cuisinés parfaitement...
Si vous pouvez m'éclairer :)
Julie
Zut, avec la dissertation à rendre, je n'ai pas eu le temps de peaufiner ma version dans les temps. Je l'enverrai tout de même d'ici la fin de la semaine.
Julie, j'ai également un problème avec le mot "punto", je n'ai pas encore tranché...
Julie, j'ai trouvé la même définition que toi pour "el punto". Je crois en effet qu'il ne s'agit pas que de la cuisson, mais d'un tout qui révèle la saveur la plus exquise des aliments (la cuisson, certes, mais aussi l'assaisonnement et dans le cas du texte la qualité du produit de départ, simple mais bon).
Pour "en su punto", le fait j'ai opté pour "cuits à point" qui, outre le sens désormais usité en restauration ("saignant", "à point"...) dit la cuisson juste des aliments.
C'est la proximité de "sazonados" qui m'a permis de trancher et de percevoir la variante de sens.
Sylvie.
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