lundi 12 avril 2010

Votre version de la semaine : pour le 19 avril

En photo : El laberinto de las aceitunas, par Planetalector.com

En la esquina de Balmes-Pelayo di a la Emilia las últimas instrucciones:
—Recuerda bien lo que te he dicho: cuando me veas salir, me sigues sin que te vean. Cuando deje caer al suelo este pañuelo blanco que he encontrado en el bolsillo del pantalón y que, por cierto, no debieron ver los de la tintorería, porque está que resbala, te vas al primer teléfono que encuentres y avisas al comisario Flores. Pero sólo si dejo caer el pañuelo. Antes, no. ¿Estamos?
—Que sí, hombre, que sí.
La dejé en el coche, soportando el aguacero de injurias que los demás automovilistas le dirigían por bloquear media calzada, y no sin cierto canguelo entré en el edificio, saludé al portero, que no me reconoció, y subí a la agencia. La puerta estaba cerrada, pero se apreciaba actividad en su interior a través del cristal esmerilado. Abrí la puerta y me colé en el local. En el escritorio del fondo había un individuo de rostro enjuto y pelo ensortijado, vestido con una americana de cuadros negros y blancos, a quien un mocetón casi acostado sobre la mesa estaba dando explicaciones. Iba el otro a replicarle cuando sus ojos se posaron en mi distinguida persona.
—¡Chitón! —exclamó.
Yo me hice el desentendido, perfilándome ora de un lado ora del otro y dando chicuelinas con el maletín para que todo el que pudiera estar interesado en él lo percibiera. Una secretaria muy joven, de pelo grasiento y rasgos poco agraciados me preguntó que qué deseaba. Adopté una actitud que juzgué pizpireta y le respondí que quería ser estrella del séptimo arte, que me habían recomendado aquella agencia y que me condujera a presencia del director. La secretaria me rogó que aguardara un instante y me señaló el banquillo adosado a la pared, en el que mataban el tiempo una señora de mediana edad profusamente maquillada y un enano. El enano se entretenía jugueteando con una caña y la señora haciendo pucheros. Por iniciar la conversación pregunté quién era el último. La señora se señaló a sí misma y luego señaló al enano.
—Venimos juntos —dijo sin dejar de sollozar.
El enano le arreó un mandoble con la caña. Venía ya la secretaria diciendo que el señor director me recibiría de inmediato. Saludé con una inclinación a la pareja y me encaminé a la mesa del de la americana escaqueada. El mocetón había cruzado la pieza y montaba guardia junto a la salida. Me puse de puntillas para tratar de ver a través del balcón si todavía estaba el coche de la Emilia frente al edificio, pero no lo pude encontrar entre aquel magma de vehículos que circulaba a ritmo de sepelio. El señor director me tendió una mano gelatinosa y fría que estreché jovialmente.

Eduardo Mendoza, El laberinto de las aceitunas

***

Laëtitia nous propose sa traduction :

A l’angle des rues Balmes et Pelayo, je donnai les dernières instructions à Emilia :
-Souviens-toi bien de ce que je t’ai dit : dès que tu me vois sortir, tu me suis sans être vue. Et dès que je laisse tomber ce mouchoir blanc que j’ai trouvé dans la poche de mon pantalon et que les employés du pressing n’ont probablement pas dû voir, parce qu’il glisse, tu vas au premier téléphone que tu trouves et tu préviens le commissaire Flores. Mais uniquement si je laisse tomber le mouchoir. Pas avant. Compris ?
-Mais oui, mon vieux, mais oui.
Je la laissai dans la voiture, sous le flot d’injures que les autres automobilistes déversaient sur elle parce qu’elle bloquait la moitié de la chaussée, j’entrai dans l’immeuble non sans ressentir une certaine trouille, je saluai le portier, qui ne me reconnut pas, et je montai à l’agence. La porte était fermée, mais on distinguait de l’activité à l’intérieur à travers la vitre en verre dépoli. J’ouvris la porte et je me faufilai dans le local. Dans le bureau du fond, se trouvait un individu au visage émacié et aux cheveux bouclés qui portait une veste à carreaux noirs et blancs, et à qui un grand gaillard à demi couché sur la table donnait des explications. L’autre allait répliquer quand ses yeux se posèrent sur mon illustre personne.
-Chut ! –s’exclama-t-il.
Je fis comme si de rien n’était, me mettant de profil tantôt d’un côté tantôt de l’autre, faisant des passes de cape avec la mallette pour que quiconque s’y intéresse la remarque.
Une secrétaire très jeune, aux cheveux gras et aux traits peu harmonieux me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et lui répondis que je voulais devenir une étoile du septième art, que cette agence m’avait été recommandée et qu’elle veuille bien me conduire devant le directeur. La secrétaire me pria d’attendre un instant et m’indiqua le petit banc adossé au mur, sur lequel une dame d’âge moyen au maquillage outrancier et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec un roseau et la dame en faisant des grimaces. Pour amorcer la conversation, je demandai qui était le dernier.
La dame se signala elle-même puis signala le nain.
-Nous sommes venus ensemble –dit-elle sans cesser de pleurnicher.
Le nain la fouetta avec le roseau. La secrétaire déjà de retour m’informa que monsieur le directeur allait me recevoir immédiatement. Je saluai le couple en m’inclinant et je me dirigeai vers le bureau de l’homme à la veste en damier. Le grand gaillard avait traversé la pièce et montait la garde à la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour essayer de voir par le balcon si la voiture d’Emilia était toujours en face de l’immeuble, mais je ne pus pas la localiser au milieu de ce magma de véhicules qui progressait à la lenteur d’un cortège funèbre. Monsieur le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

***

Coralie nous propose sa traduction :

À l’angle de Balmes-Pelayo, je donnai à Emilia les dernières instructions :
— Souviens-toi bien de ce que je t’ai dit : quand tu me verras sortir, tu me suivras sans qu’ils te voient. Quand je laisserai tomber par terre ce mouchoir blanc que j’ai trouvé dans la poche du pantalon et que, bien sûr, ceux de la teinturerie n’avaient pas du voir, parce que c’en est un qui glisse, tu vas au premier téléphone que tu trouves et tu préviens le commissaire Flores. Mais seulement si je laisse tomber le mouchoir. Pas avant. On est d'accord ?
Mais oui, évidemment, oui.
Je la laissai dans la voiture, subissant l'averse d'injures que les autres automobilistes lui proféraient parce qu'elle bloquait la moitié de la chaussée, j’entrai non sans une certaine frousse dans l’immeuble, et je montai à l'agence. La porte était fermée, mais l'on discernait de l'activité à l’intérieur à travers le carreau poli. J’ouvris la porte et me faufilai dans le siège. Dans le bureau du fond, il y avait un individu au visage maigre et aux cheveux bouclés, vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs, auquel un grand gaillard presque couché sur la table était en train de donner des explications. L’autre allait lui répondre quand ses yeux se posèrent sur ma très distinguée personne.
Chut ! -s’exclama-t-il.
Moi, je fis la sourde oreille, me présentant tantôt d'un côté tantôt de l'autre et faisant des chicuelinas avec la mallette pour qu’il y distingue tout ce qui pouvait l’intéresser. Une secrétaire, très jeune, aux cheveux graisseux et aux traits ingrats, me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et je lui répondis que je voulais devenir une étoile du septième art, qu’on m’avait recommandé cette agence et qu’elle devait me conduire auprès du directeur. La secrétaire me pria de patienter un instant et me montra le banc adossé au mur, sur lequel une dame d’âge moyen abondamment maquillée et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec une canne et la dame en faisant la moue. Pour lancer la conversation, je demandai qui était le dernier. La dame se désigna elle-même et désigna ensuite le nain.
— Nous sommes venus ensemble –dit-elle sans cesser de sangloter.
Le nain lui flanqua un coup avec la canne. La secrétaire venait alors pour me dire que monsieur le directeur allait me recevoir tout de suite. Je saluai le couple avec inclination et je me dirigeai vers le bureau de celui à la veste quadrillée. Le grand gaillard avait traversé la pièce et montait la garde près de la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour tenter de voir à travers le balcon si la voiture d’Emilia était toujours face à l’immeuble, mais je ne pus la trouver parmi ce magma de véhicules qui circulait à l’allure d’un convoi funéraire. Monsieur le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

***

Chloé nous propose sa traduction :

À l’angle des rues Balmes et Pelayo, je donnai à Emilia mes dernières instructions :
Rappelle-toi bien ce que je t’ai dit : quand tu me verras sortir, tu me suis sans te faire remarquer. Quand je laisserai tomber par terre ce mouchoir blanc que j’ai trouvé dans la poche du pantalon, et que ceux de la teinturerie n’ont sûrement pas dû voir, puisque qu’il est tout visqueux, tu vas vers le premier téléphone que tu trouves et tu informes le commissaire Marguerites. Mais seulement si je laisse tomber le mouchoir, pas avant ! Nous sommes d’accord ?
Oui, c’est bon, c’est bon.
Je la laissai dans la voiture, supportant le flot d’injures que les autres automobilistes lui déversaient étant donné qu’elle bloquait la moitié de la chaussée, et je pénétrai dans le bâtiment –non sans avoir la frousse –, je saluai le portier, qui ne me reconnut pas, et je montai à l’agence. La porte était fermée, néanmoins on percevait de l’agitation à l’intérieur au travers du verre dépoli. J’ouvris la porte et me faufilai dans le local. Dans le bureau du fond se trouvait un individu au visage émacié et aux cheveux bouclés, vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs, à qui un grand gaillard presque couché sur la table était en train de donner des explications. L’autre allait lui répliquer quelque chose lorsque ses yeux se posèrent sur mon éminente personne.
Chut ! s’exclama-t-il.
Quant à moi, je fis l’innocent, en pivotant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, tout en balançant la mallette pour que tous ceux qu’elle pourrait intéresser la remarquent. Une secrétaire très jeune, le cheveu gras et les traits peu harmonieux me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et lui répondis que je souhaitais devenir une vedette du septième art, que l’on m’avait recommandé cette agence et qu’elle conduise auprès du directeur. La secrétaire me pria de patienter un instant et me désigna la banquette adossée contre le mur, où une dame d’âge moyen au maquillage outrancier et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec une canne et la dame faisait la moue. Pour engager la conversation je demandai qui était le dernier. La dame se désigna, puis elle désigna le nain.
Nous sommes venus ensemble – dit-elle sans cesser de sangloter.
Le nain lui flanqua un coup de canne. Déjà la secrétaire revenait, m’informant que le directeur me recevrait immédiatement. Je saluai le couple d’une révérence et je me dirigeai vers la table de l’homme à la veste à damiers. Le grand gaillard avait traversé la pièce pour monter la garde près de la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour tenter d’apercevoir par le balcon si la voiture d’Emilia était toujours en face du bâtiment, mais je ne pus la distinguer parmi ce magma de véhicules qui circulait au rythme d’un convoi funèbre. Monsieur le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

***

Amélie nous propose sa traduction :

À l’angle des rues Balmes et Pelayo, je donnai mes dernières instructions à Emilia :
— Rappelle-toi bien ce que je t’ai dit : dès que tu me vois sortir, tu me suis sans te faire remarquer. Quand je laisserai tomber par terre ce mouchoir blanc que j’ai trouvé dans la poche du pantalon –et qui a sûrement dû échapper au teinturier, parce qu’il est tout visqueux–, tu sautes sur le premier téléphone que tu croises et tu préviens le Commissaire Marguerites. Mais seulement si je laisse tomber le mouchoir. Et pas avant ! Compris?
— Oui, oui, c’est bon.
Je la laissai dans la voiture, sous le flot d’injures que les autres automobilistes lui adressaient car elle bloquait la moitié de la chaussée, et, non sans une certaine frousse, je pénétrai dans le bâtiment, saluai le concierge –qui ne me reconnut pas– et montai à l’agence. La porte était fermée ; néanmoins, on distinguait de l’agitation à l’intérieur, à travers le verre dépoli. J’ouvris la porte et me glissai dans le local. Dans le bureau du fond se trouvait un individu au visage émacié et aux cheveux bouclés, vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs, à qui un grand gaillard à moitié affalé sur la table donnait des explications. L’autre allait répliquer lorsque ses yeux se posèrent sur mon élégante personne.
—Chut ! —s’exclama-t-il.
Quant à moi, je fis le sourd, me tournant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, tout en balançant la mallette pour que tous ceux qu’elle pourrait intéresser la remarquent. Une secrétaire très jeune, aux cheveux graisseux et au visage ingrat me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et lui répondis que je voulais devenir une star du septième art, que l’on m’avait recommandé cette agence, et qu’elle me conduise auprès du directeur. La secrétaire me pria de patienter un instant et me désigna la banquette adossée au mur, sur laquelle une dame d’âge moyen maquillée à outrance et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec une badine et la femme faisait la moue. Pour engager la conversation, je leur demandai qui était le dernier. La dame se désigna, avant de désigner le nain.
—Nous sommes venus ensemble— dit-elle, sans cesser de sangloter.
Le nain lui flanqua un coup de badine. La secrétaire revenait déjà, en m’informant que Monsieur le Directeur allait me recevoir immédiatement. Je saluai le couple d’un signe de tête et me dirigeai vers la table de l’homme à la veste à damiers. Le grand gaillard avait traversé la pièce et montait la garde près de la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour tenter de voir par le balcon si la voiture d’Emilia se trouvait toujours en face du bâtiment, mais je ne pus la trouver parmi ce magma de véhicules qui circulait au rythme d’un convoi funèbre. Monsieur le Directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

À l’angle des rues Balmes et Pelayo, je donnai à Emilia les dernières instructions :
— Rappelle-toi bien ce que je t’ai dit : quand tu me verras sortir, tu me suis sans être vue. Quand je laisserai tomber par terre ce foulard blanc que j’ai trouvé dans la poche de mon pantalon — et qu’au pressing, à coup sûr, ils n’ont pas dû voir, vu qu’il est tout poisseux —, tu vas à la première cabine téléphonique que tu trouveras et tu préviens le commissaire Flores. Mais seulement si je laisse tomber le foulard. Pas avant. D’accord ?
— Mais oui, voyons !
Je la laissai dans la voiture, sous le flot d’injures que les autres automobilistes lui adressaient parce qu’elle bloquait la moitié de la route, et c’est avec une certaine trouille que j’entrai dans l’immeuble ; je saluai le gardien, qui ne me reconnut pas, et je montai à l’agence. La porte était fermée, mais on devinait une activité à travers la vitre fumée. J’ouvris la porte et me faufilai à l’intérieur. Dans le bureau du fond, il y avait un individu au visage maigre et aux cheveux bouclés, vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs, à qui un grand gaillard presque couché sur la table fournissait des explications. L’autre allait lui répondre lorsque ses yeux se posèrent sur ma vénérable personne.
— Chut ! — s’exclama-t-il.
Je fis celui qui ne comprenait pas, me tournant d’un côté puis de l’autre, en arborant ma mallette pour la faire bien voir à quiconque pourrait être intéressé. Une très jeune secrétaire, aux cheveux gras et aux traits ingrats me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai avenante et lui répondis que je voulais être une star du septième art, qu’on m’avait recommandé cette agence, puis je lui demandai de me conduire chez le directeur. La secrétaire me pria d’attendre un instant et m’indiqua un banc adossé au mur, sur lequel une dame d’âge moyen, maquillée à outrance, et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec sa canne et la dame en pleurnichant. Pour entamer la conversation, je demandai qui était arrivé le dernier. La dame se désigna elle-même puis elle désigna le nain.
— Nous sommes ensemble — dit-elle sans cesser de sangloter.
Le nain lui flanqua un coup de canne. La secrétaire, déjà de retour, venait m’annoncer que monsieur le directeur allait me recevoir immédiatement. Je saluai le couple d’une inclination de tête et me dirigeai vers le bureau de l’homme à la veste à damiers. Le grand gaillard avait traversé la pièce et montait la garde près de la sortie. Je me hissai sur la pointe des pieds pour essayer de voir par le balcon si la voiture d’Emilia était toujours devant l’immeuble, mais je ne parvins pas à la distinguer au milieu de ce magma de véhicules qui roulaient à un rythme d’enterrement. Monsieur le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

***

Carole nous propose sa traduction :

Au coin da la rue Balmes-Pelayo, je donnai à Emilia mes dernières instructions :
-Rappelle-toi bien ce que je t’ai dit : quand tu me verras sortir, tu me suis sans qu’ils te voient. Quand je laisserai tomber par terre ce mouchoir blanc que j’ai trouvé dans la poche du pantalon et que, certainement, au pressing ils n’ont pas du voir, parce qu’il glisse, tu vas au premier téléphone que tu trouves et tu préviens le commissaire Flores. Mais uniquement si je laisse tomber le mouchoir. Avant, non. C’est clair?
-C’est bon, mon vieux, c’est clair.
Je la laissai dans la voiture, supportant la cascade d’injures que les autres automobilistes lui déversaient car elle bloquait la moitié de la chaussée, et non sans une certaine frousse, j’entrai dans l’immeuble, je saluai le concierge, qui ne me reconnut pas, et je montai à l’agence. La porte était fermée, mais on percevait l’activité à l’intérieur à travers le verre poli. J’ouvrai la porte et je me faufilai dans le local. Dans le bureau du fond, il y avait un individu au visage sec et aux cheveux bouclé, vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs, à qui un grand-gaillard presque allongé sur le bureau était en train de donner des explications. L’autre était sur le point de lui répondre quand ses yeux se posèrent sur ma personne distinguée.
-Chut! s’exclama-t-il.
Moi, je fis l’innocent, me dirigeant soit d’un côté soit de l’autre tout faisant tourner ma mallette, afin que celui qui pourrait être intéressé par celle-ci, la perçoive. Une secrétaire très jeune, aux cheveux gras et aux traits peu gracieux me demanda ce que je souhaitais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et je lui répondis que je voulais être une star du septième art, qu’on m’avait recommandé cette agence et qu’elle me conduise auprès du directeur. La secrétaire me pria d’attendre un instant et m’indiqua un petit banc adossé au mur, sur lequel une dame d’un âge moyen et maquillée avec profusion ainsi qu’un nain tuaient le temps. Le nain s’amusait en jouant avec une cane et la dame faisait la moue. Afin d’entamer la conversation, je demandai qui était le dernier arrivé. La dame se montra elle-même puis montra le nain.
-Nous sommes venus ensemble- dit-elle sans cesser de sangloter.
Le nain lui flanqua un coup avec sa cane. La secrétaire revenait déjà en disant que le directeur me recevrait sur le champ. Je saluai le couple en m’inclinant et je marchai jusqu’au bureau de l’individu à la veste en damier. Le grand-gaillard avait traversé la pièce et montait la garde à la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour essayer de voir depuis le balcon si la voiture d’Emilia était toujours en face de l’immeuble, mais je ne pus la trouver parmi le magma de véhicules qui circulaient au rythme d’un cortège funéraire. Le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

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Sonita nous propose sa traduction :

Au coin de la rue Balmos et de la rue Pelayo je donnai les dernières instructions à Emilia :
—Souviens-toi bien de ce que je t’ai dit : dès que tu me vois sortir tu me suis sans que l’on te voie. Au moment où je laisse tomber ce mouchoir blanc parterre, que j’ai trouvé dans ma poche, et que bien entendu on n’a pas vu à la teinturerie, parce qu’il est tout collant, tu prends le premier téléphone que tu trouves et tu préviens le commissaire Flores. Mais seulement si je fais tomber le mouchoir, pas avant, nous sommes d’accord ?
—Mais oui, mais oui.
Je la laissai dans la voiture endurant l’averse d’insultes que les automobilistes lui adressaient parce qu’elle bloquait la moitié de la chaussée et j’entrai dans l’immeuble - non sans une certaine trouille -, je saluai le portier qui ne me reconnut pas et je montai à l’agence. La porte était fermée, mais on distinguait de l’activité à l’intérieur à travers la vitre teintée. J’ouvris la porte et je me faufilais dans le local. Dans le bureau au fond il y avait un individu au visage émacié et cheveux bouclés vêtu d’une veste à carreaux noirs et blancs à qui un grand gaillard quasiment couché sur la table était en train de donner des explications. L’autre était sur le point de lui répondre quand ses yeux se sont posés sur ma personne distinguée.
—Chut ! —s’exclamât-il.
Je fis celui qui ne comprenait pas en me profilant tantôt d’un côté tantôt de l’autre en faisant des tours de passe-passe avec l’attaché-case pour que quiconque fût intéressé par lui le voie. Une secrétaire très jeune aux cheveux gras et traits fort peu gracieux me demanda ce que je désirais. J’adoptai une attitude que je jugeai guillerette et je lui répondis que je voulais être une star du septième art, que l’on m’avait recommandé cette agence-là et je lui demandai de me conduire chez le directeur. La secrétaire me pria d’attendre un moment et me fit signe de la banquette adossée au mur où une femme d’âge moyen excessivement maquillée et un nain tuaient le temps. Le nain se distrayait en jouant avec une canne et la femme en faisant des grimaces. Pour entamer la conversation je demandai qui était le dernier. La femme se signala elle-même puis signala le nain.
—Nous sommes venus ensemble —dit-elle sans arrêter de sangloter.
Le nain lui assena un coup avec la canne. La secrétaire revenait en me disant que le directeur me recevrait immédiatement. Je saluai avec une inclination le couple et je me dirigeais vers le bureau de celui à la veste qui se débinait. Le grand gaillard était de l’autre côté de la pièce et il montait la garde près de la sortie. Je me mis sur la pointe des pieds pour essayer de voir si la voiture d’Emilia était encore devant l’immeuble, mais je ne pus pas la voir parmi ce magma de véhicules qui circulait à rythme d’un cortège funéraire. Monsieur le directeur me tendit une main gélatineuse et froide que je serrai jovialement.

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