dimanche 28 septembre 2008

Un peu de thème quand même?

Cette année, évidemment, nous ferons exclusivement de la traduction dans le sens espagnol – français (est-il besoin de préciser qu'en traduction littéraire, on ramène toujours un texte vers sa langue maternelle ?). Pour ceux d'entre vous qui souhaiteraient néanmoins continuer à traduire dans l'autre sens, ne serait-ce que pour ne pas perdre la main en "thème", je vous proposerai de temps en temps des textes qui, me semble-t-il, présentent un intérêt pour le traducteur: un registre de langue, une ambiance, la ponctuation… Peut-être Marta Lacomba (notre spécialiste en thème) acceptera-t-elle de vous aider à trouver des solutions aux éventuelles difficultés que vous aurez rencontrées en chemin. Vous pouvez noter vos doutes et vos questions dans la rubrique "commentaires".
Voici le menu – ni très copieux ni très difficile – pour un dimanche frais mais ensoleillé :

«Les deux femmes étaient dans le grenier de devant, celui dont l'œil-de-bœuf donnait sur la route, et qu'on avait transformé en fruitier. La mère, Joséphine Roy, assise sur une chaise basse, prenait des pommes dans un panier, les essuyait avec un torchon à carreaux rouges, mettait les fruits véreux à part et passait les bons à Lucile.
Lucile, à son tour, les rangeait, sans qu'ils se touchent, sur les étagères à claire-voie qui garnissaient les murs et, pour les rayons du haut, elle montait sur un escabeau.
Elles avaient commencé tout de suite après la vaisselle et il était passé quatre heures. Leurs gestes étaient si réguliers qu'ils auraient pu servir à mesurer la fuite du temps, et autour d'elle le silence était tel qu'on avait l'impression d'entendre la vie monotone dans les poitrines comme, en entrant dans la cuisine, on entendait battre le cœur de l'horloge. La pluie elle-même était silencieuse, douce, paisible, une gaze mouvante qui tombait sur la cour en même temps que le soir.
Tout cela, dans quelques heures, se traduirait en phrases sèches dans le rapport d'un brigadier de gendarmerie.
Depuis des heures, Joséphine Roy essuyait et triait des pommes ; depuis des heures, Lucile, sa fille, les rangeait par espèce sur les rayons du fruitiers.
Chaque fois qu'elle passait devant l'œi-de-bœuf, chaque fois, ou à peu près chaque fois –ce sont des choses qu'on ne peut pas affirmer– elle jetait un coup d'œil machinal sur le tronçon de route luisante qui passait devant la maison, bordé du vert sombre du talus, et chaque fois elle voyait le tronc blême du gros noyer qui s'était abbatu la nuit précédente et l'enchevêtrement dramatique de ses bras tordus.
La tempête d'automne ne s'était apaisée qu'aux premières lueurs de l'aube, laissant la place à cette pluie fine qui durait toujours, et les Roy, le père et le fils, étaient allés sur la route contempler l'arbre peut-être deux fois centenaire qui avait donné son nom à la ferme et qui venait d'être terrassé. On avait dû couper des branches pour rendre la route libre.
Le vieux, à présent, était quelque part avec les bêtes, à l'étable ou à l'écurie. Etienne Roy était à Fontenay-le-Comte, comme chaque samedi.
Dans un quart d'heure, dans une demi-heure, il faudrait descendre, car la nuit tombait et on n'y verrait plus assez clair pour trier les pommes… »

Georges Simenon, Le Rapport du gendarme [1945],
Paris, Gallimard, « Folio policier », 2000, p.7-8

***

Odile nous propose sa traduction :

«Las dos mujeres estaban en el desván/ granero ? de delante, aquel cuyo ojo de buey/ventana circular / daba a la carretera, y que habían transformado en maduradero/cuarto de guardar la fruta. La madre, Joséphine Roy, sentada en una silla baja, cogía manzanas en una cesta, las limpiaba/secaba ? con un paño de cuadros rojos, apartaba las que se habían agusanado y daba las sanas a Lucile.
Lucile, a su vez, las colocaba, sin que se tocasen unas con otras, en las estanterías caladas/perforadas? que equipaban las paredes y, para alcanzar los anaqueles de arriba, se subía a una escalerilla 
Habían empezado en cuanto terminaron de fregar y ya eran algo más de las cuatro. Sus gestos tenían tanta regularidad que hubiesen podido servir para medir la huida del tiempo, y a su alrededor el silencio era tal que se tenía la impresión de oír la vida monótona en los pechos como, al entrar en la cocina, se oía latir el corazón del reloj. La lluvia misma era silenciosa, suave, apacible, una gasa movediza que caía en el patio al mismo tiempo que la noche.
Todo aquello, dentro de algunas horas, iba a traducirse por frases ásperas en el informe de un cabo de la gendarmería.
Joséphine Roy llevaba horas y horas limpiando/secando? y seleccionando manzanas ; Lucile, su hija, llevaba horas y horas colocándolas por especie en las estanterías del cuarto.
Cada vez que pasaba delante del ojo de buey, cada vez, o casi cada vez -son cosas que no se pueden afirmar- echaba un vistazo mecánico al tramo de carretera reluciente, bordado del verde oscuro del talud, que pasaba delante de la casa, y cada vez veía el tronco pálido del gran nogal que había caído la noche precedente y el enmarañamiento dramático de sus brazos torcidos.
El temporal de otoño no amainó antes de las primeras luces del alba, sucediéndole esa lluvia fina que perduraba, y los Roy, padre e hijo, habían ido a la carretera para ver el árbol, quizás dos veces centenario, que había dado su nombre a la finca y que acababa de derribarse.
Ahora, el viejo estaba por ahí, con las bestias, en el establo o en la cuadra. Étienne Roy se hallaba en Fontenay-le-Comte, como todos los sabados.
Dentro de un cuarto de hora, dentro de media hora, habrá que bajarse, porque la noche va acercándose y la luz escaseará para escoger las manzanas.... »

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