Sujet : bouquet de roses ou bouquet de tulipes ?
Le texte d'Elena
Debout dans la salle à manger, elle observa les objets, les vieux meubles, son héritage. Des meubles avec une histoire. Au beau milieu, une table en bois exotique qui avait été témoin des mille et une conversations de gens autour d'un verre ou d'une tasse de thé. Cette table existait déjà avant sa naissance. Elle était inhérente à la mémoire collective de la famille. À gauche, une bibliothèque récupérée dans un garage. Modeste, minuscule, chargée de bibelots et de livres en français, en anglais, en espagnol. Plus loin, dans un coin, le seul qui pouvait le loger, un petit meuble, une sorte d’armoire où elle avait soigneusement disposé ses plus chers souvenirs, ses albums photo et ses secrets les plus intimes. Parce que des secrets, oui, elle en avait quelques-uns. Pouvait-elle évaluer la valeur d'un secret ? Dire par exemple qu'un secret était tellement insignifiant qu'il ne méritait même pas le nom de secret ; ou bien, qu'un autre avait une importance capitale, au point de pouvoir changer le cours de sa vie. Un secret capable de dévier le cours de ce long fleuve tranquille. Modifier sa route normale, conventionnelle et le déverser dans les eaux houleuses du royaume de Hadès. Était-elle capable de déterminer de manière objective les conséquences, ou tout au moins, les causes de chacun de ses actes ? Avait-elle toujours le choix ? Des roses ou des tulipes ? Elle l'ignorait et ce jour-là, elle n'avait pas envie de choisir. Consciente du fait que le mélange des deux n'était pas canonique, elle tira une conclusion de pareil dilemme : un jour ou l'autre, il faut trancher. La vie nous oblige à le faire et parfois, souvent même, elle nous oblige aussi à justifier nos décisions. Ce sera des roses. La rose symbolique des poèmes. Métonymie de vie et de mort, synonyme de fugacité. Source d'inspiration, métaphore de joie ou de tristesse. Celle posée sur un tombeau. Des roses de couleurs, noires ou blanches. Ces roses que le troubadour chanta et que l'amoureux offrit. D’un air déterminé, elle sortit en claquant la porte. Elle entra chez le fleuriste et demanda le plus gros bouquet. En rentrant de nouveau chez elle, elle mit le bouquet dans un vase galbé, elle posa le vase sur la table et elle resta là, debout, au milieu de la salle à manger, à observer tous ses objets.
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