Il avait pris cette décision depuis un moment déjà, celle de ne plus en prendre. C'était simple, tout ce qu'il avait entrepris jusque là ne lui avait jamais procuré entière satisfaction. Jamais il ne s'était senti plein, accompli. Une pointe d'amertume l'avait toujours accompagné. Derrière chaque passage à l'acte se cachait un échec ou une déception.
Il avait fini par se résigner. Dans un premier temps, il avait opté pour la passivité, se contentant de fantasmer sa vie. Supporter les écueils que lui réservait son quotidien n'était pas une mince affaire, donc pourquoi se risquer à rendre les choses plus compliquées ? Il ne trouvait pas de réponse convaincante, alors il se laissa aller un temps. Mais il se connaissait, il était homme d'action. Il n'aurait pu tolérer cette torpeur indéfiniment. Il avait besoin de mouvement, de se sentir vivant. Il savait aussi que remettre son sort entre ses propres mains lui était impossible. Il en avait déjà fait les frais. Il conservait en mémoire le jour où il avait accepté ce travail d'ingénieur loin de tout pour rejoindre Mia qui, au bout de quelques mois, lui annonça la fin de leur histoire. Ce n'était qu'un exemple, mais que cela concerne des choses insignifiantes ou déterminantes, il semblait toujours emprunter la voie erronée.
Alors un jour dans son bureau, lors de son rituel quotidien à 16h tapantes qui consistait à fumer pendant qu’il savourait un café bien serré – tout droit sorti de sa merveilleuse cafetière italienne, un vrai petit bijou –, l’idée surgit. Il la percevait comme une illumination, cependant il n’aurait su dire s'il l’en était l’initiateur ou si elle provenait d'une lecture ou d'une discussion antérieure. Le fait est que désormais on dirigerait sa vie. Il n'aurait pas recours à un coach spirituel, ni à autre chose de ce genre ! Le charlatanisme de ces escrocs lui donnait la nausée. Il les méprisait profondément, eux et leurs paroles mystiques, leurs formules toutes faites à base d’« aspirations », de « cheminement » et « de sagesse intérieure ». Non, il voulait être dirigé mais de manière subtile, sans se sentir manipuler. Il voulait conserver une marge de manœuvre, que les choses lui soient soufflées, les solutions esquissées. On lui avait toujours dit que la littérature était la vie, il se disait donc que toute situation qu'il traversait avait déjà été vécue par un personnage de roman. C'est ainsi qu'il se laissait dicter sa conduite. Aujourd'hui les prémices de ses agissements s'inspiraient de la page 49, « Étrangement, les cigarettes sont toujours d'autant plus désirables que leur quantité est strictement limitée. »1 Il sentit l'envie irrépressible d'en allumer une, avala une bouffée, regarda son paquet, c'était la dernière.
1 Cinq matins de trop, Kenneth Cooh, Paris, Autrement, 2006, p. 49.
Il avait fini par se résigner. Dans un premier temps, il avait opté pour la passivité, se contentant de fantasmer sa vie. Supporter les écueils que lui réservait son quotidien n'était pas une mince affaire, donc pourquoi se risquer à rendre les choses plus compliquées ? Il ne trouvait pas de réponse convaincante, alors il se laissa aller un temps. Mais il se connaissait, il était homme d'action. Il n'aurait pu tolérer cette torpeur indéfiniment. Il avait besoin de mouvement, de se sentir vivant. Il savait aussi que remettre son sort entre ses propres mains lui était impossible. Il en avait déjà fait les frais. Il conservait en mémoire le jour où il avait accepté ce travail d'ingénieur loin de tout pour rejoindre Mia qui, au bout de quelques mois, lui annonça la fin de leur histoire. Ce n'était qu'un exemple, mais que cela concerne des choses insignifiantes ou déterminantes, il semblait toujours emprunter la voie erronée.
Alors un jour dans son bureau, lors de son rituel quotidien à 16h tapantes qui consistait à fumer pendant qu’il savourait un café bien serré – tout droit sorti de sa merveilleuse cafetière italienne, un vrai petit bijou –, l’idée surgit. Il la percevait comme une illumination, cependant il n’aurait su dire s'il l’en était l’initiateur ou si elle provenait d'une lecture ou d'une discussion antérieure. Le fait est que désormais on dirigerait sa vie. Il n'aurait pas recours à un coach spirituel, ni à autre chose de ce genre ! Le charlatanisme de ces escrocs lui donnait la nausée. Il les méprisait profondément, eux et leurs paroles mystiques, leurs formules toutes faites à base d’« aspirations », de « cheminement » et « de sagesse intérieure ». Non, il voulait être dirigé mais de manière subtile, sans se sentir manipuler. Il voulait conserver une marge de manœuvre, que les choses lui soient soufflées, les solutions esquissées. On lui avait toujours dit que la littérature était la vie, il se disait donc que toute situation qu'il traversait avait déjà été vécue par un personnage de roman. C'est ainsi qu'il se laissait dicter sa conduite. Aujourd'hui les prémices de ses agissements s'inspiraient de la page 49, « Étrangement, les cigarettes sont toujours d'autant plus désirables que leur quantité est strictement limitée. »1 Il sentit l'envie irrépressible d'en allumer une, avala une bouffée, regarda son paquet, c'était la dernière.
1 Cinq matins de trop, Kenneth Cooh, Paris, Autrement, 2006, p. 49.
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