Un bruit de vaisselle s’entrechoquant précéda son entrée dans le salon. Il m’avait préparé une infusion, l’occasion pour lui de sortir son joli service en porcelaine. Le raffinement était au rendez-vous. Évidemment, comme c’était un homme très soigneux, il n’avait pas oublié de prendre des soucoupes pour ne pas faire de traces sur la table. Pendant que je faisais virevolter le sachet dans la tasse et observais l’eau qui changeait peu à peu de couleur, il me parlait des nombreuses œuvres d’art qu’il avait pu contempler pendant son séjour d’affaires au Japon. Il était fier de pouvoir me faire partager ses découvertes, parmi lesquelles se trouvait son service en faïence, qu’il avait acheté chez un antiquaire. Avant de porter pour la première fois jusqu’à ma bouche la tasse pour ingurgiter le précieux liquide, je posai le sachet de thé sur la soucoupe et me mis à contempler l’image se trouvant inondée par l’eau colorée, qui quelques secondes auparavant, se trouvait cachée. Au centre de la soucoupe, étaient représentées deux personnes prêtes à s’accoupler. L’homme à la tresse, le dos couvert d’un peignoir à rayures, exhibait un sexe aux dimensions hyperboliques tandis que la femme au chignon, drapée dans son kimono fleuri remonté au dessus de la ceinture, offrait à la lumière du jour sa fleur rouge. Je fus tellement choquée et troublée par le caractère explicite de l’image, que mes mains se mirent à faiblir jusqu’à ce que la soucoupe tombe par terre. Je vis alors le visage de mon cher mari collectionneur se décomposer. Il se jeta par terre à la recherche de son « image de printemps », sa shunga, comme il disait, et là, malheur… ’affreux dessin avait été brisé, et l’avenir de notre couple avec. La rupture fut fatale. Je ne l’avais pourtant pas cassée à dessein, cette soucoupe ! À moins que ce ne fut inconscient…
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