mardi 23 février 2010

Exercice de version, 95

Pienso en la primera enfermedad, es decir, en la enfermedad del primer hombre, Adán. No pienso en una enfermedad grave: para lo que quiero pensar, me basta con una gripe.
Yo no estuve allí, desde luego, pero tengo para mí que Adán no debió sentir mucho la pérdida del paraíso. Le ocurriría probablemente como a los que saltan de la cama a una habitación fría y no reparan en la baja temperatura hasta en el momento en que su cuerpo pierde el calor que había absorbido entre las sábanas: vería Adán el mismo cielo azul que había visto antes, y vería los mismos ríos limpios, y los mismos pájaros, y no tendría otra incomodidad que la provocada por algunas imágenes llegadas en sueños, imágenes de un ángel con una espada, o de una serpiente, o de un árbol lleno de manzanas a causa del cual, él no sabía muy bien por qué, habían tenido en el paraíso una gran discusión. ¿Durante cuánto tiempo viviría Adán inmerso en aquella inocencia? Ya he dicho que no estuve allí, y no lo sé. Lo que sí sé, porque me es fácil imaginarlo, es lo que sintió un día al despertar: dolor de garganta, tos persistente, cierta sensación de mareo y malestar en el estómago. Todo es relativo, y para alguien que había vivido en el paraíso el mal que sentía era un mal terrible, y Adán, presa del pánico y de un humor que luego, siglos después, alguien llamaría melancolía, se dirigió hacia la mujer que tenía a su lado y exclamó: “Eva, me estoy muriendo”. La exclamación, por decirlo así, resultó en aquel contexto revolucionaria: se utilizaba por primera vez el verbo morir, y por primera vez también, aquel hombre reparaba en la persona que le había acompañado tras la salida del paraíso. Efectivamente, allí estaba Eva. Allí estaba él, Adán, muriéndose.

Bernardo Atxaga, « La primera gripe de Adán »

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Laëtitia nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce qu’il m’importe de penser, une grippe me suffit.
Je n’étais pas là, évidemmment, mais je tiens pour sûr qu’Adam n’a pas dû être très affecté par la perte du paradis. Il devait se sentir probablement comme ceux qui, sautant de leur lit dans une chambre froide, ne se rendent pas compte de la basse température ambiante jusqu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait accumulée entre les draps : Adam devait voir le même ciel bleu qu’il avait vu jusque-là, les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et il ne devait être incommodé par rien d’autre que quelques images survenues en rêve, les images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre chargé de pommes, à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, une grande discussion avait eu lieu au paradis. Pendant combien de temps Adam devait-il vivre plongé dans cette innocence ? J’ai déjà dit que je n’étais pas là ; en fait, je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, parce qu’il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a ressenti un jour en se réveillant : une douleur dans la gorge, une toux persistente, une certaine sensation de nausée et une gêne à l’estomac. Tout est relatif mais, pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal qu’il éprouvait était un mal terrible, et Adam, pris de panique et sous le coup d’une humeur qu’on appellerait, des siècles plus tard, mélancolie, s’adressa à la femme qui était à ses côtés, s’exclamant : « Ève, je suis en train de mourir ». Cette exclamation, pour ainsi dire, est apparue, dans ce contexte, révolutionnaire : on utilisait pour la première fois le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme faisait attention à la personne qui l’avait accompagné depuis son départ du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là aussi, sur le point de mourir.

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Coralie nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c'est à dire, à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je veux penser, une grippe me suffit. Je n'y étais pas, bien sûr, mais je crois qu'Adam n'a pas beaucoup regretté de perdre le paradis. Il a probablement dû se trouver dans la situation de ceux qui sautent de leur lit dans une chambre froide et ne remarquent pas la basse température jusqu'au moment où leurs corps perdent la chaleur qu'ils avaient absorbé sous les draps : Adam verrait le même ciel bleu qu'il avait vu avant, et il verrait les mêmes fleuves clairs, et les mêmes oiseaux, et il n'aurait d'autre incommodité que celle provoquée par quelques images surgies dans ses rêves, images d'un ange avec une épée, ou d'un serpent, ou d'un arbre couvert de pommes à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, ils avaient eu une grande discussion au paradis. Pendant combien de temps Adam vivrait-il immergé dans cette innocence ? J'ai déjà dit que je n'y étais pas, et je ne le sais donc pas. Ce que je sais en revanche, parce qu'il m'est facile de l'imaginer, c'est ce qu'il a éprouvé un jour en se réveillant : mal de gorge, toux persistante, une sensation de vertige et des maux d'estomac. Tout est relatif, et pour quelqu'un qui avait vécu au paradis, le mal qu'il ressentait était un mal terrible, et Adam, prisonnier de la panique et d'une humeur qu'on appellerait plus tard, des siècles après, mélancolie, s'adressa à la femme qu'il avait à ses côtés et s'exclama : « Ève, je me meurs !». Cette exclamation, pour le dire ainsi, se révéla révolutionnaire dans ce contexte : on utilisait le verbe mourir pour la première fois, et pour la première fois aussi, cet homme s'attachait à la personne qui l'avait accompagné à la sortie du paradis. En effet, Ève était là. Lui, Adam, était là aussi, mourant.

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Amélie nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je veux penser, une grippe me suffit.
Je n’y étais pas, bien évidemment, mais je crois qu’Adam n’a pas été trop troublé par la perte du paradis. Il s’est sans doute trouvé dans la même situation que ceux qui sortent de leur lit dans une chambre glaciale, sans se rendre compte de la faible température, jusqu’à ce que leur corps ait perdu la chaleur qu’il avait emmagasinée sous les draps : Adam devait voir le même ciel qu’il voyait auparavant, les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et ne devait ressentir aucune gêne, si ce n’est celle provoquée par des images dans ses rêves, des images d’un ange avec une épée, d’un serpent, ou d’un arbre rempli de pommes à cause duquel –il ne savait pas vraiment pourquoi–, ils avaient eu une longue discussion au paradis. Pendant combien de temps Adam devait-il rester plongé dans cette innocence ? Comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas là-bas, je n’ai donc pas la réponse. Ce que je sais, en revanche, car il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a éprouvé un matin, au réveil : maux de gorge, toux persistante, sensation de vertige et estomac dérangé. Tout est relatif, mais pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal dont il souffrait était un mal terrible, alors Adam, en proie à la panique et à une humeur qu’on nommerait, des siècles plus tard, « mélancolie », se dirigea vers la femme qui se trouvait à ses côtés et s’exclama : « Ève, je suis sur le point de mourir ! ». L’exclamation s’est avérée, pour ainsi dire, révolutionnaire dans un tel contexte : on utilisait pour la première fois le verbe « mourir » et, pour la première fois également, cet homme prêtait attention à la personne qui l’avait accompagné au sortir du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là lui aussi, mourant.

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Chloé nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire, la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je pense, une grippe me suffit.
Je n’étais pas là, évidemment, mais j’ai dans l’idée qu’Adam n’a pas dû être très affecté par la perte du paradis. Il a probablement dû éprouver la même sensation que ceux qui, au saut du lit, se retrouvent dans une chambre glacée et ne remarquent la basse température qu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait emmagasinée sous les draps : Adam devait voir le même ciel bleu qu’il avait vu jusqu’à présent, il devait voir les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et il devait seulement être incommodé par quelques images surgies en rêves, des images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre chargé de pommes à cause duquel – d’ailleurs, il ne savait pas très bien pourquoi – ils avaient eu une longue discussion au paradis. Combien de temps Adam avait-il vécu plongé dans cette innocence ? J’ai déjà dit que je n’y étais pas, et donc je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, car il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a ressenti un jour en se réveillant : maux de gorge, toux persistante, nausées et gêne au niveau de l’estomac. Tout est relatif, et pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal qu’il ressentait était un mal terrible, et Adam, en proie à la panique et à un sentiment qu’on appellerait, des siècles plus tard, mélancolie, s’est tourné vers la femme qui se trouvait à ses côtés en s’exclamant : « Ève, je suis en train de mourir ! ». L’exclamation, pour ainsi dire, s’est révélée révolutionnaire dans ce contexte : c’était la première fois qu’on utilisait le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme faisait attention à la personne qui l’avait accompagné depuis son départ du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là, lui aussi, sur le point de mourir.

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Morgane nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c'est-à-dire, à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce que je veux penser, une grippe me suffit. Je ne me trouvai pas là, bien sûr, mais j’ai en moi la certitude qu’Adam ne dut pas beaucoup ressentir la perte du paradis. Il lui arriverait probablement la même chose que ceux qui sautent du lit dans une chambre froide et remarquent dans la basse température jusqu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait absorbé entre les draps : Adam verrait le même ciel bleu qu’il avait vu avant, et il verrait les mêmes fleuves limpides, et les mêmes oiseaux, et n’aurait pas d’autre obstacles qui celui provoqué par quelques images venues en rêves, images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre plein de pommes à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, ils avaient eu au paradis une grande discussion. Durant combien de temps vivrait Adam immergé dans une telle innocence ? J’ai déjà dit que je ne me trouvai pas là, et je ne le sais pas. Ce que je sais, car il m’est facile de l’imaginer, est ce que j’ai ressentis un jour au réveil : mal de gorge, toux persistante, une certaine sensation de nausée et de malaise au niveau de l’estomac. Tout est relatif, et pour quelqu’un que avait vécu au paradis le mal que je sentais était un mal terrible, et Adam, prisonnier par la panique et d’une humeur qui, ensuite, des siècles après, quelqu’un appellerait mélancolie, se dirigea vers la femme qu’il avait à ses côtés et s’exclama : « Eva, je suis en train de mourir ». L’exclamation, pour ainsi dire, s’avéra dans un tel contexte révolutionnaire : on utilisait pour la première fois le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme remarquait chez la personne qui l’avait accompagné après la sortie du paradis. Effectivement, Eva était là. Il était là, Adam, en train de mourir.

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