mercredi 24 février 2010

Exercice de version, 96

Cuando el general Den Bié Uko se enteró que su enemigo el general Bai Pu Un había caído prisionero, se alegró muchísimo. La verdad: nada hubiera podido satisfacerle tanto. Nadie lo notó. Así era de reservado, dejando aparte que los músculos de su cara no se prestaban a la exteriorización de ningún sentimiento.
Lo mandó encerrar en la última mazmorra del fuerte de Xien Khec. La conocía de tiempo atrás, cuando los ingleses lo tuvieron allí a pan y agua, cuatro años. Hacía de eso bastante tiempo: entonces Bai Pu Un era como su hermano. Ocho barrotes a ras de tierra, cosa de veinte centímetros de alto, sitio suficiente para que corrieran las ratas, gordas, de los arrozales de la colina en declive.
Sí, había sido como su hermano. Ahora había perdido. Den Bié Uko no dudó nunca, siempre tuvo fe en su estrella, aun cuando ayudaba a su amo —¿fue su padre?— a mover aquel telar primitivo. Entonces los franceses y los ingleses enviaban agentes suicidas que se hacían matar para que sus gobiernos tuvieran pretexto relativamente valedero para ocupar militarmente el país, hacíanse llamar misioneros. Den Bié Uko los admiraba y aprendió de ellos. Ahora, con Bai Pu Un en su poder no tendría problemas, pero estuvo a punto de fracasar. La culpa la tenía su rival, en el fondo siempre lo supo: era de sangre Kuri. ¿Cómo hacerle pagar los dos últimos años de inseguridad; de correr, esconderse, pasar hambre y miedo?
No era tan fácil como pudiera parecer a primera vista. Inmóvil en su hamaca el general vencedor rumiaba las posibles venganzas. En ningún momento se le ocurrió recurrir al tormento físico. Eso quedaba para los europeos o los mahometanos. El dolor se soporta cuando uno está decidido a ello. Lo sabía por propia experiencia, y ajena. El que quiere aguantar, aguanta.

Max Aub, « La sonrisa »

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Coralie nous propose sa traduction :

Lorsque le général Den Bié Uko apprit que son ennemi le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il s'en réjouit vivement. La vérité : rien n'aurait autant pu le combler. Personne ne le remarqua. Il était réservé, veillant à ce que les muscles de son visage ne se prêtent à l'extériorisation d'aucun de ses sentiments. Il le fit enfermer dans le dernier cachot du fort de Xien Khec. Il le connaissait d'autrefois, quand les Anglais l'y avaient détenu au pain et à l'eau, pendant quatre ans. Il y avait longtemps de cela : à l'époque Bai Pu Un était comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, quelque vingt centimètre de haut, la place suffisante pour que courent les gros rats des rizières de la colline en pente.
Oui, il avait été comme son frère. Maintenant il avait perdu. Den Bié Uko n'avait jamais douté, il avait toujours cru en sa bonne étoile, même quand il aidait son maître -était-ce son père ?- à déplacer ce métier à tisser primitif. Les Français et les Anglais envoyaient alors des agents suicidaires qui se faisaient tuer pour que leurs gouvernements aient un prétexte assez valable pour occuper militairement le pays, ils se faisaient appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et apprit d'eux. Maintenant, avec Bai Pu Un en sa possession, il n'aurait plus de problème, mais il était sur le point d'échouer. C'était la faute de son rival, au fond il l'avait toujours su : il avait du sang Kuri. Comment lui faire payer ces deux dernières années d'insécurité ; de fuite, de cachette, de famine et de peur ? Ce n'était pas aussi facile qu'il y paraissait à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les vengeances possibles. À aucun moment l'idée ne lui vint de recourir à la torture physique. C'était juste bon pour les Européens ou les Mahométans. On supporte la douleur quand on l'a décidé. Il le savait de sa propre expérience, et lointaine. Celui qui veut résister résiste.

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Amélie nous propose sa traduction :

Lorsque le général Den Bié Uko apprit que son ennemi, le général Bai Pu Un, avait été fait prisonnier, il exulta. En vérité, rien n’aurait autant pu le satisfaire. Personne ne le remarqua. Voilà comment il était, réservé, outre le fait que les muscles de son visage ne se prêtaient pas à l’extériorisation de ses sentiments.
Il le fit enfermer dans le dernier cachot du fort de Xien Khec. Il l’avait connu autrefois, quand les Anglais l’y avaient retenu pendant quatre ans, au pain sec et à l’eau. Cela faisait déjà un bon nombre d’années : Bai Pu Un était alors comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, environ vingt centimètres de haut, espace suffisant pour que puissent y courir les gros rats des rizières de la colline pentue.
Oui, il avait été comme son frère. Aujourd’hui, il avait perdu. Den Bié Uko n’avait jamais douté, il avait toujours eu foi en sa bonne étoile, même quand il aidait son maître –ou était-ce son père ?– à déplacer ce métier à tisser primitif. Les Français et les Anglais envoyaient alors des agents suicidaires se faire tuer, afin de donner à leurs gouvernements un prétexte valable pour occuper militairement le pays, en se faisant appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et s’instruisait à leur contact. À présent que Bai Pu Un se trouvait en son pouvoir, il n’aurait plus de problème, mais il avait failli échouer. C’était de la faute de son rival, il l’avait toujours su, au fond : il était de sang Kuri. Comment lui faire payer ces deux dernières années d’insécurité ; courir, se cacher, avoir faim, avoir peur ?
Ce n’était pas aussi facile qu’il y paraissait à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les vengeances possibles. À aucun moment il n’eut l’idée d’avoir recours à la torture physique. C’était juste bon pour les Européens ou les Mahométans. La douleur est supportable quand on l’a décidé. Sa propre expérience et celle des autres le lui avaient prouvé. Celui qui veut résister, il résiste.

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Quand le général Den Bié Uko apprit que son ennemi, le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il en fut fort content. En vérité, rien n’aurait pu autant le satisfaire. Personne ne s’en aperçut. En effet, c’était quelqu’un de réservé, sans compter que les muscles de son visage ne se prêtaient à l’extériorisation d’aucun sentiment.
Il ordonna d’enfermer le général dans les oubliettes du fort de Xien Khec. Il les connaissait de longue date, pour y avoir été détenu au pain et à l’eau, pendant quatre ans, par les anglais. Il y avait de cela assez longtemps : Bai Pu Un était alors comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, une vingtaine de centimètres de haut, un endroit où couraient les gros rats des rizières de la colline en pente.
Oui, il avait été comme son frère. Aujourd’hui, il avait perdu. Den Bié Uko n’avait jamais douté, il avait toujours eu foi en son étoile, même quand il aidait son maître — était-ce son père ? — à manipuler le rudimentaire métier à tisser. Les français et les anglais envoyaient alors des agents qui commettaient des attentats suicides afin de donner à leurs gouvernements un prétexte relativement valable pour occuper militairement le pays ; ils se faisaient appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et il avait beaucoup appris à leur contact. Aujourd’hui, avec Bai Pu Un en son pouvoir, il n’aurait pas de problèmes, mais il avait failli échouer. C’était la faute de son rival ; au fond, il l’avait toujours su : il était de sang Kuri. Comment lui faire payer les deux dernières années d’insécurité, passées à courir, à se cacher, à endurer la faim et la peur ?
Ce n’était pas aussi facile qu’il pouvait paraître à première vue. Immobile sur son hamac, le général vainqueur ruminait les possibilités de vengeance. À aucun moment, il ne lui vint à l’idée de recourir à la torture physique. Ça, c’était bon pour les européens ou les mahométans. On supporte la douleur quand on l’a décidé. Il le savait par expérience, la sienne et celle des autres. Celui qui veut tenir, tient.

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Morgane nous propose sa traduction :

Quand le général Den Bié Uko fut averti que son ennemi le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il s’en réjouit au plus haut point. La vérité : rien n’aurait pu le satisfaire davantage. Personne ne le remarqua. Il était ainsi réservé, ne laissant pas les muscles de son visage se prêter à l’extériorisation d’aucun sentiment. On l’envoya prisonnier dans la dernière oubliette du fort de Xien Khec. Il l’a connaissait depuis un bout de temps, quand les Anglais le privèrent de nourriture, pendant quatre ans. Cela faisait pas mal de temps : alors Bai Pu Un était comme son frère. Huit barreaux à ras de terre, de quelques vingt centimètres de haut, espace suffisant pour que grouillent les rats, gros, des rizières de la colline en pente. Oui, il avait été comme son frère. Maintenant, il avait perdu. Den Bié Uko ne douta jamais, il eut toujours foi en son étoile, même s’ il aidait son maître –fut-ce son père ? – à bouger un tel métier à tisser primitif. Alors les Français et les Anglais envoyaient des agents suicides qui se faisaient tuer pour que leurs gouvernements aient un prétexte relativement valable pour occuper le pays militairement, en se faisant surnommer missionnaires. Den Bié Uko les admirait et apprit d’eux. Maintenant, avec Bai Pu Un entre ses mains, il n’aurait pas de problèmes, mais il fut sur le point d’échouer. C’était la faute de son rival, au fond il l’avait toujours su : il avait du sang Kuri. Comment lui faire payer les deux dernières années d’insécurité ; de courir, se cacher, souffrir de la faim et de la peur ? Ce n’était pas aussi facile que cela pouvait paraître à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les possibles vengeances. À aucun moment, il lui vint à l’esprit de recourir à la torture physique. Cela était destiné aux Européens et aux Musulmans. La douleur est supportable quand on est décidé à cela. Il le savait de sa propre expérience, et d’expérience d’autrui. Celui qui veut supporter, supporte.

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