1 - Nadia Salif. Comment êtes-vous venue à la traduction?
Maryia Bunas. J’ai fait l’école spécialisée de traduction et d'interprétariat et obtenu mon premier diplôme (Bac +5) en tant qu'interprète de cabine. J’ai continué avec un master de linguistique à l’Université de Minsk (Bélarus). Ensuite, ayant enseigné la traduction et l’interprétation dans cette même fac, c'est-à-dire travaillé très différemment selon les cours, j'ai été en mesure de savoir quel type de traduction je voulais pratiquer en tant que professionnelle.
2 - N. S. Vous débutez dans la traduction. Comment avez-vous obtenu votre premier contrat ?
M. B. Je collabore avec l’ambassade de France en Biélorussie en tant que traductrice, interprète, et coordinatrice de projets dans le domaine de l'art. C'est dans ce cadre qu'on m'a proposé de participer au programme d’aide à la publication de Maxime Bagdanovitch : je pouvais choisir un texte à traduire moi-même ; un texte qui, par chance, a plu à un éditeur biélorusse. Voilà comment j’ai décroché mon premier contrat.
3 - N. S. Parlez-nous de votre première traduction : quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Comment les avez-vous résolues ? Qu’est-ce que cette première expérience vous a-t-elle apporté ? En êtes-vous satisfaite ?
M. B. Mon premier travail, c’est Rien de grave de Justine Levy, un texte très intime et très féminin, écrit à la première personne. Le plus difficile, c’était mon état mental ; j’avais l’impression que c’était moi qui racontais ma propre histoire et j’avais du mal à trouver un ton aussi délicat et sincère qu'en V.O. ; il y avait plein de détails et je me sentais très limitée du point de vue de l’intimité de la protagoniste. Sur le plan de la langue, c’est un texte très actuel et j’ai dû choisir un vocabulaire aussi très jeune, des fois de l’argot en russe. C’était un projet très enrichissant à plus d'un titre. D'autant que j’étais en contact avec Justine par mail. Elle m’a beaucoup aidée pour l’interprétation de certains passages.
4 - N. S. Lorsque vous rencontrez une difficulté, voire que vous êtes bloquée (inquiétude majeure des apprentis traducteurs), comment procédez-vous ?
M. B. J'ai recours aux dictionnaires, à mes collègues plus expérimentés, à l’auteur, si j’ai la chance d’être en contact avec lui ou à mes amis francophones, qui m'expliquent certaines subtilités de la langue française.
5 - N. S. Actuellement, vous avez deux traductions en cours, rencontrez-vous les mêmes difficultés qu’avec la première ou est-ce que vous vous sentez déjà plus à l’aise ?
M. B. Je me sens beaucoup plus à l’aise ; surtout parce que j’ai fait un stage de 10 semaines à Arles, au Centre international des traducteurs littéraires, et j’ai davantage confiance en moi.
6 - N. S. Quels sont les principaux outils que vous utilisez ?
M. B. Dictionnaires papier et en ligne (bilingues, unilingue français type Larousse, dictionnaires unilingue russe type Ogegov + de synonymes beaucoup) + encyclopédies.
7 - N. S. Exercez-vous ce métier à plein temps ?
M. B. Non, j’enseigne à plein temps et j’ai des missions ou des contrats à durée limitée.
8 - N. S. Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ? Vous arrive-t-il, par exemple, de leur demander leur aide ?
M. B. Oui, je trouve que c’est indispensable, c’est pourquoi je privilégie les auteurs vivants – ils peuvent m’aider. En tout cas, pour l’instant, je me plais plus dans la modernité.
9 - N. S. Choisissez-vous et, le cas échéant, comment les textes que vous traduisez ?
M. B. Il faut qu’ils me plaisent du point de vue de la lecture et qu’il y ait un défi à relever : soit un langage très intime comme pour Levy, soit parce qu'il s'agit d'un genre très particulier (comme mon deuxième projet jeunesse, que j’ai terminé récemment pour un éditeur à Moscou), soit un défi du point de vue de la thématique, (par exemple La Bête à chagrin, de Paule Constant, que je prépare pour février 2013 – sortie à Minsk –, et qui traite de l’injustice de la justice française).
10 - N. S. Y a-t-il un texte en particulier que vous aimeriez traduire ou que vous auriez aimé traduire ?
M. B. Oui, je rêve de traduire du David Foenkinos. C’est un auteur dont j’apprécie beaucoup la qualité de l’écriture.
J’aimerais ausi essayer la traduction vers le français, notamment un texte plus documentaire que littéraire.
11 - N. S. Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
M. B. Le traducteur pour moi, c’est un traducteur.
12 - N. S. Partagez-vous l'avis de ces traducteurs qui se décrivent avant tout comme des petits artisans ?
M. B. C’est sûr que c’est de l’artisanat, mais de l’art aussi, parfois.
13 - N. S. Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Et si oui, quel lecteur ?
M. B. Oui, quand tu lis un texte que tu vas traduire, tu le perçois d’une façon plus technique. Je distingue bien ce que je lis pour le plaisir et ce que je lis dans l'optique de le traduire après.
14 - N. S. Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?
J’espère que je pourrai continuer ce métier et en faire mon activité principale.
15 - N. S. Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à un(e) apprenti(e) traducteur (trice) ?
M. B. Lire beaucoup, dans les deux langues, de la bonne mais aussi de la mauvaise littérature pour apprendre à s’adapter à des tons très différents.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire