mardi 19 février 2013

Exercice d'écriture 13 – par Nadia Salif

« Banquet »

Dans la salle d’apparat ornée d’orfèvrerie et de tapisseries, les réjouissances ont commencé au son des chalémies et des citoles. Autour des tables recouvertes de nappes blanches, les convives font honneur aux mets préparés par les maîtres queux. Après l’ouvre-bouche et les brouets, voici arrivé leur plat de prédilection : le Rôt. A peine déposé devant eux,  ils se servent à pleine main pour remplir leur tranchoir de morceaux de viande et les déguster au couteau. Entre deux services, les jongleurs,  les troubadours et les ménestrels animent les agapes. Les échansons veillent à ce que les hôtes ne manquent pas de vin. Tout le monde festoie,  sauf elle,  dans sa robe en velours brodée de fil d’or et aux manches évasées, Aénor fait bonne figure mais son estomac est noué ; toutes ces victuailles lui donnent la nausée, le mélange des effluves qui en émanent l’étourdit encore davantage. Ce sont ses noces et tous les invités semblent ravis de faire bombance. Son père est heureux, il se goinfre tout autant que les autres, quant à sa mère, elle reste dans son rôle de représentation. Aujourd’hui, devant Dieu, la fille des châtelains a été unie à cet homme plus âgé assis là, à côté d'elle. Aénor ne l’aime pas, sa présence l’incommode. Elle appréhende le moment où elle se retrouvera seule avec lui. Elle observe les dames qui l’entourent et lui sourient, elles aussi étaient passées par là, comment avaient-elles survécu à pareille humiliation ? Elle ferme les yeux un instant, s’imagine veuve et entrant dans les ordres,  loin de l’univers essentiellement viril qui marque son quotidien. La musique s’arrête soudainement. La desserte vient d’être apportée : tous ces gâteaux, tartes et flans lui font envie maintenant. Elle ne se fait donc pas prier. Quoi de plus efficace pour compenser son désespoir que quelques douceurs… en attendant que son rêve devienne réalité.

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