dimanche 31 janvier 2010

« Premier atelier d’écriture animé par Stéphanie Benson », par Laëtitia Sw.

[en complément du post publié par Amélie le 22 janvier]

Nous l’attendions avec impatience... nous l’avons enfin vécu... et nous n’avons pas été déçus ! Mercredi 20 janvier, nous étions tous réunis (anglicistes et hispanistes) pour notre premier atelier d’écriture avec Stéphanie Benson. Nous en sommes ressortis fourbus (quelle activité intense !), mais heureux d’avoir réussi à mettre toute notre énergie créatrice à l’œuvre ! Ce n’est pas exagéré car les travaux recelaient vraiment, chacun dans un genre différent, de belles trouvailles.
Pour commencer, Stéphanie Benson nous a expliqué en quoi allaient consister précisément nos rendez-vous hebdomadaires. Objectif final : la fabrication d’un objet littéraire, soit l’écriture d’une nouvelle ! But visé à travers cette expérience : sonder les ressorts de son propre style d’écriture. En effet, la pratique de ce type d’ateliers, par la collecte de matériaux pour notre fiction courte et la réalisation d’exercices de rédaction progressifs, doit nous amener à « rendre visible » notre style. Ainsi, nous allons apprendre à cerner et à travailler notre écriture personnelle. Pour cela, nous nous poserons au fil des séances de nombreuses questions. Par exemple : Excellons-nous dans la construction de phrases plutôt longues ou courtes ? Recourons-nous spontanément aux métaphores ou privilégions-nous un langage brut ? Préférons-nous un style poétique ou un style réaliste ?
Mais ce n’est pas tout ! Il ne suffit pas de se lancer à corps perdu dans une rédaction effrénée pour mieux se connaître et extirper le meilleur de nos imaginations fébriles ! Il faut aussi se surveiller de près ! Ainsi, appréhender son style passe également par le repérage de ces inévitables « tics » littéraires qui nous collent à la peau. Nous devons donc faire en sorte de les repérer (car nous n’en sommes pas toujours conscients) pour s’en débarrasser (allez, ouste !), même si ceux-ci sont évolutifs (c’est qu’en plus d’avoir la vie dure, ils mutent en permanence pour nous embêter un peu plus...) Le travail n’est donc jamais gagné... Il sera toujours à refaire... « Cent fois sur le métier tu remettras l’ouvrage... » Tiens, ça me rappelle quelque chose... Ce n’est pas le principe même de la tâche du traducteur ?
Bon, après la théorie, passons à la pratique, car pas question ici de se perdre en conjectures ! Nous nous sommes mis dare-dare au boulot ! Crayon en main, feuille blanche sous les yeux (jamais évident de se lancer sans filet...) et méninges prêtes à être triturées !
Les consignes pour ce premier atelier étaient les suivantes... Première étape : nous devons entreprendre la description d’un quartier de ville. Les « contraintes » : notre écrit doit débuter par une comparaison, se nourrir de verbes d’état, être raconté à l’imparfait et au plus-que-parfait, tenir en une dizaine de lignes. Deuxième étape : nous devons ensuite passer à la narration en introduisant un personnage en mouvement. Nouvelles « contraintes » : privilégier cette fois les verbes d’action, basculer au passé simple, condenser de nouveau notre expression en une dizaine de lignes, ne pas hésiter à introduire des ruptures. Troisième et dernière étape : nous devons enfin terminer par un court dialogue entre notre personnage et une de ses rencontres.
C’est donc avec enthousiasme et application que nous nous sommes attelés à la tâche, et de ce dur labeur a émergé un ensemble de premières productions encourageantes...
Pour ne pas vous laisser sur votre faim (je vous entends dire : « hmmm... mais ça peut donner quoi un tel exercice ?), je vous propose de découvrir à la suite le texte que nous a fait partager Stéphanie Benson. Qu’il puisse vous guider vous aussi dans vos réflexions !
Merci beaucoup à elle d’avoir accepté que son travail soit publié sur le blog et bonne lecture à tous !

« Le quartier de l’horloge s’empilait à gauche du Centre Georges-Pompidou comme une ville de Lego imaginée par un enfant gentiment capricieux. C’était construit, certes : des immeubles d’habitation qui s’imbriquaient les uns dans les autres, des balcons qui ponctuaient la surface en cascades irrégulières, des locaux commerciaux qui entouraient chaleureusement des placettes et longeaient avec bienveillance des voies de circulation piétonne... Cependant, situé comme il l’était, jouxtant le cube compact et entuyauté du musée d’art moderne, il paraissait incongru. Sa construction datait pourtant de la même période, à quelques mois près. Comme quoi.
Youri Sauta par-dessus la grille qui ralentissait l’accès à la rue Saint-Lazare, posa son skate-board sur la surface lisse du macadam et, d’un coup de basket, se propulsa en avant, les deux pieds bien calés sur le revêtement anti-dérapant de la planche pour naviguer les creux et les bosses jusqu’à la rue Rambuteau. Au bord du trottoir, il ramena le pied droit en arrière et frappa un coup sec sur le skate qui sauta avec obéissance dans ses mains. Sans interrompre son élan, il traversa la rue en courant pour se retrouver côté pairs, devant le bureau de tabac. La planche sous le bras, il entra.
– Un paquet de Marlboro, s’il vous plaît, tonna-t-il de son plus beau baryton.
– Votre carte d’identité, répliqua le buraliste. »

Un nouveau mot, entendu à la télévision

Il ne figure pas dans le dictionnaire, mais le fait de l'entendre à la télévision peut éventuellement constituer pour nous autres traducteurs une forme de validation pour la curiosité que voici : un "fait-diveriste".
Que décidons-nous ? Nous entérinons ? Ou nous balançons à la décharge des ineptites télévisuelles ?

Résultats du sondage : « Prêtez-vous vos livres… ? »

Sur 23 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Tout le temps = 2 voix (8%)
Souvent = 7 voix (30%)
De temps en temps = 7 voix (30%)
Rarement = 5 voix (21%)
Jamais = 2 voix (8%)

Et les autres, ceux qui ne sont pas des traducteurs (les pauvres !) que diraient-ils ? La même chose que nous ?

Exercice d'écriture pour le 12 février

Pour la semaine prochaine : décrire une fleur…

Exercice d'écriture

Le sujet était : dans quelques années…

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Laëtitia Sw. :

Moi, quand j’ s’rai grand, j’ s’rai aventurier. Si, ça existe. Même que j’aurai une grosse moto, comme mon papi il m’a montré, et que je suivrai la Route « sixty-six », si, c’est comme ça qu’on dit ! Ouais, eh ben, t’es jaloux, parce que moi, je sais compter en anglais, hé hé. C’était son rêve à mon papi, quand il était jeune, d’aller là-bas, en Amérique. Mon papi, il est complètement fou. Des fois, il se rue sur sa chaîne hi-fi, siii, tu sais bien, le truc qu’ils ont les vieux pour écouter de la musique, il farfouille partout dans son bazar de disques, il finit par choper le bon au bout de trois plombes, et puis il écoute à fond « Born to be wild ». D’abord, je sais l’écrire parce que je l’ai vu au moins trente-six mille fois sur la pochette. Alors, il se met la corbeille à fruit sur la tête, tu sais, celle en forme de coquille, et il fait semblant d’être assis sur une moto, une Harley Davidson qu’il m’a dit. Au début, je me demandais qui c’était ce Davidson qui était hard laid, mais après, mon papi, il m’a expliqué. T’es pas fou, il m’a dit, ça, c’est la déesse des motos, mon pote ! Elle est roulée, t’imagines même pas comment, et quand elle ronronne toute frissonnante contre toi, waouh !... Oui, le pauvre, je crois qu’il commence à perdre la tête... Puis, il fais des yeux du genre je plane à cinq mille, ouais, un peu comme le fils de la voisine du dessus quand il ramasse ses drôles de feuilles de thé, et il me dit, tu vois, Tommy (oui, je sais, je m’appelle Tom, mais lui, il m’appelle Tommy), comme on est bien là, les cheveux dans le vent. Regarde-moi ce paysage de rêve ! Tu sens l’asphalte chauffer sous tes roues ? Tu sens ces effluves de liberté ? Comment ça, ça n’existe pas des fleuves de liberté ? Oui, bon, écoute, je peux pas tout savoir, non plus. Donc moi, dans quelques années, mais non, c’est pas loin, parce que ça arrive plus vite que tu ne le crois, ma maman, elle dit toujours ça, eh ben, j’irai là-bas, en Amérique, où c’est qu’il m’a raconté mon papi, et je serai un grand aventurier. Mais je sais pas encore tout ce que ferai. Parce que mon papi, il doit encore me montrer plein de choses. Dans quelques années, quand je serai presque un homme il a dit, eh ben, il va me faire voir un film du tonnerre, « Easy riders » ça s’appelle, avec plein d’aventuriers comme je veux être. Il paraît qu’ils ont un look trop d’enfer ! Non, même pas vrai, ça craint pas le cuir clouté ! Moi, j’ l’ai vue la panoplie d’aventurier de mon papi, elle est super chouette. Bon, et puis, j’ te préviens, si t’arrête pas de m’embêter, tous les trucs incroyables que je vivrai, eh ben, je viendrai pas te les raconter !

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Amélie :

À l’abri sous sa bulle de verre, le petit village de Gelato-les-flots a été épargné par la forte montée des eaux à laquelle le monde a dû faire face. S’il n’a pas souffert outre mesure, il n’en est pas pour autant ressorti indemne, enfermé à jamais dans cet hémicycle transparent. L’humidité s’est emparée du paysage comme le chiendent sur des jeunes pousses, métamorphosant les rues bétonnées en jungle urbaine et réduisant les pavillons bourgeois à l’état de vieilles bâtisses décrépies. La lumière pâle des lampadaires, allumés jour et nuit désormais, ne parvient même pas à percer l’épais brouillard, compagnon de route quotidien des habitants de l’Aquarium.
Posté à l’arrêt « Poissonnerie », Oméga junior jette un œil impatient sur sa montre –waterproof, cela va sans dire. D’un naturel plutôt calme et souriant d’habitude, son visage fermé trahit son énervement croissant. Le waterway, qui permet de se rendre au sec jusqu’à la grande ville voisine, a encore du retard.
— Les nouvelles centrales hydroénergiques laissent vraiment à désirer, bougonne-t-il, prenant à témoin un autre passager.
— À qui le dites-vous ? Pas plus tard qu’hier, j’ai dû rentrer à la nage alors que j’avais déjà ma journée de boulot dans les pattes, c’est inadmissible !
— Eh oui, que voulez-vous, c’est toujours le même problème avec les nouvelles technologies. Ce sont les magasins de plongée qui sont contents, ils vendent combinaison sur combinaison ! renchérit une petite mamie. Il faut bien que quelqu’un profite de la situation ! Ils doivent s’en mordre les doigts, dans les tombes…
Oméga junior reste silencieux. Sa grand-mère lui a raconté que du temps de sa propre arrière-grand-mère, la Terre – que l’on surnommait pourtant déjà la planète bleue – n’était pas complètement immergée. Le manque d’attention des hommes envers l’environnement aurait précipité les évènements. Le jeune homme est sceptique. De toute manière, les choses sont ce qu’elles sont, personne n’y peut rien. Et puis, pour l’instant, il a des soucis autrement importants en tête : la banque vient de l’appeler, ils acceptent finalement de leur prêter cet argent. Il n’a plus qu’une heure pour se rendre au laboratoire, afin de leur demander d’insérer le gène « branchie » dans le flacon de leur embryon. Il veut à tout prix lui offrir la meilleure vie possible. Et ce fichu waterway qui n’arrive pas…

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Coralie :

Un cocon d'amour, de bonheur, de chaleur, des jouets dans lesquels on s'entrave, des réveils en pleine nuit, des larmes à essuyer, des êtres à aimer... De longues soirées d'été animées par des rires amicaux. Un jardin secret : un immense bureau, des livres, par centaines, des versions originales, des traductions, les miennes peut être... Des « madame » à la place des « mademoiselle », des « vous » auxquels je ne m'habituerai certainement pas. C'est d'ailleurs le seul détail dont je sois vraiment sûre, peut être que dans quelques années ma vie sera loin d'être aussi merveilleuse que je le souhaite... Qui peut m'assurer que je deviendrai traductrice, que je pourrai en vivre, que j'aurai un gentil mari et de beaux enfants, que mes amis seront toujours présents, que nos chemins ne se seront pas séparés ? Je n'ai aujourd'hui aucune idée de la façon dont se déroulera ma journée de demain, comment pourrais-je savoir ce que je serai dans cinq ou dix ans ? Je peux simplement affirmer que je m'efforcerai de rester moi-même, avec ou sans rides, seule ou accompagnée, que je me donnerai les moyens d'aller au bout de mes rêves, d'être heureuse et épanouie quoique le destin me réserve.

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Émeline :

Dans quelques années, environ cinq ans, je ne m’imagine pas. Ou plutôt si. Mais ce ne sera peut-être pas comme cela.
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire. Célibataire et dans mon propre appartement, je serai tranquille et vivrai ma vie comme je l’entends. Je sortirai tous les week-ends avec ma copine dans tous les bars possibles et on boira de la manzana-kas pour elle, du champagne pour moi. On déprimera bien évidemment sur le canapé en se disant qu’on est deux pauvres filles seules, que je suis une carriériste acharnée, qu’elle adore son travail dans les casinos et que son patron est un connard. On aura toujours un problème de shopping, moi avec les chaussures, elle aussi remarque, mais elle avec les bijoux fantaisie en plus. Et puis mes parents vivront dans le sud de la France, au soleil, là où j’irai passer quelques semaines de temps en temps, mon père profitant de son jardin et de pouvoir soulager sa vessie partout autour de la maison, et ma mère profitant du soleil sur la terrasse en lisant je ne sais quel roman. Et ils me demanderont quand seront-ils enfin grands-parents, quand mon père devra s’entrainer pour pouvoir courir tout en poussant le caddie dans lequel je serai avec mes bottes de motard, quand ma mère viendra passer les derniers jours de ma grossesse à mes côtés…
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire, entrecoupées malheureusement par le biberon à donner, la couche à changer, puis plus tard par les cauchemars. Mon mari sera l’homme parfait, toujours aux petits soins, s’occupera de son fils la majorité du temps et cuisinera divinement. On vivra dans un grand appartement dans le centre d’une grande ville. Nous serons liés par la passion du poker et nous gagnerons beaucoup d’argent. Nous voyagerons partout dans le monde, assoiffés de découvertes culturelles. Je n’aurai pas perdu tous les kilos de la grossesse et ma mère me dira chaque fois qu’elle me verra « Mais t’as pas grossi ? », avec sa délicatesse légendaire. Mon père apprendra à son petit-fils à faire toutes sortes de bêtises possibles et lui racontera des anecdotes sur moi. Ma mère se chargera de lui apprendre les pires jurons. Mon fils sera un surdoué fasciné par l’art, les langues et les voyages et deviendra restaurateur d’œuvres d’art en même temps que peintre. Nous passerons nos dimanches en famille, nous mangerons du magret de canard avec des frites, accompagné d’un bon verre de rouge et nous jouerons au tarot ensuite…

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Chloé :

Cédric demanda au chauffeur de taxi d’accélérer, sa montre affichait 9h45 et il avait peur de rater son avion. La voiture jaune et noire filait à toute vitesse sur la 101 et on voyait la ville s’éloigner petit à petit. Pour la énième fois, il vérifia s’il n’avait rien oublié – passeport, billets – tout était là. Après quelques minutes, ils arrivèrent au SFO. Cédric lâcha quelques dollars pour régler la course, récupéra ses bagages et se précipita dans le hall pour aller les enregistrer. Il ne fut rassuré qu’après s’être installé dans l’avion. Cependant, son stress envolé fit place à une nouvelle appréhension. Cela faisait cinq ans qu’il n’était pas revenu en France. Cinq ans qu’il n’avait pas vu Eva, sa meilleure amie, à qui il avait donné rendez-vous deux jours plus tard. Ils s’étaient rencontrés à l’école primaire et ne s’étaient plus quittés jusqu’à la fac, où chacun avait pris des chemins différents. Il était parti à San Francisco pour ses études et avait fini par trouver un job là-bas. Bien sûr, au début, ils avaient gardé le contact, par Skype, par e-mails, les moyens ne manquaient pas. Mais avec le temps, les nouvelles s’étaient faites plus rares et Cédric craignait de ne pas savoir quoi lui dire. Pourtant, il s’en était passé des choses en cinq ans, mais c’était autant d’événements qu’il avait ratés.
Après plusieurs heures de vol et un second avion, il atterrit enfin à Bordeaux. Les retrouvailles avec sa famille s’étaient bien passées, mais il était extrêmement fatigué par le décalage horaire. Le lendemain soir, il se rendit au restaurant Le Risotto, où Eva devait le rejoindre. Cédric constata qu’elle n’était pas encore là. Toujours en retard, ça au moins, ça n’a pas changé, s’amusa-t-il. L’attente le rendit nerveux. Et si elle me trouvait trop différent ? Et si elle ne m’appréciait plus ? De sa table, il fixait la porte en face de lui. Soudain, elle s’ouvrit et Eva apparut sur le seuil. Après quelques secondes, il lui sourit, soulagé de ne pas lire de surprise dans son regard. Elle était toujours la même, mise à part les quelques rides qui commençaient à se creuser au coin de ses yeux. Ils se serrèrent chaleureusement dans les bras et ce fut elle qui brisa le silence en lançant la conversation. Une fois les banalités échangées, elle lui avoua qu’on distinguait des cheveux blancs parmi ses boucles brunes. Ils rirent de bon cœur et Cédric lui raconta combien il avait eu peur de s’apercevoir qu’ils n’avaient plus rien en commun. Leur complicité retrouvée, ils rattrapèrent le temps perdu en refaisant le monde comme autrefois.

Références culturelles, 356 : Chocolate con churros

En photo : Chocolate con Churros, par culiculicin

Chocolate con churros
une idée de Laëtitia Sw.

http://es.wikipedia.org/wiki/Chocolate_con_churros

Exercice de version, 72

LA MUSA CAPRICHOSA DEL AMANECER

No falta drama en mi vida, me sobra material de circo para escribir, pero de todos modos llego ansiosa al 7 de enero. Anoche no pude dormir, nos golpeó la tormenta, el viento rugía entre los robles y vapuleaba las ventanas de la casa, culminación del diluvio bíblico de las recientes semanas. Algunos barrios del condado se inundaron, los bomberos no dieron abasto para responder a tan soberano desastre y los vecinos salieron a la calle, sumergidos hasta la cintura, para salvar lo que se pudiera del torrente. Los muebles navegaban por las avenidas principales y algunas mascotas ofuscadas esperaban a sus amos sobre los techos de los coches hundidos, mientras los reporteros captaban desde los helicópteros las escenas de este invierno de California, que parecía huracán en Louisiana. En algunos barrios no se pudo circular durante un par de días, y cuando por fin escampó y se vio la magnitud del estropicio, trajeron cuadrillas de inmigrantes latinos que se dieron a la tarea de extraer el agua con bombas y los escombros a mano. Nuestra casa, encaramada en una colina, recibe de frente el azote del viento, que doblega las palmeras y a veces arranca de cuajo los árboles más orgullosos, aquellos que no inclinan la cerviz, pero se libra de las inundaciones. A veces, en la cúspide del vendaval, se levantan olas caprichosas que anegan el único camino de acceso; entonces, atrapados, observamos desde arriba el espectáculo inusitado de la bahía enfurecida.

Isabel Allende, La suma de los días

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

La muse capricieuse de l’aube
Ma vie n’a pas été épargnée par les drames, j’ai tout l’attirail nécessaire pour écrire, mais, quoi qu’il soit, j’aborde avec anxiété le 7 janvier. Hier soir, je n’ai pas pu dormir, nous avons été frappés par la tempête, le vent rugissait dans les chênes et fouettait les fenêtres de la maison, point culminant du déluge biblique des dernières semaines. Certains quartiers du comté ont été inondés, les pompiers ont été dépassés par l’étendue du désastre et les habitants sont sortis dans la rue, malgré l’eau qui leur montait jusqu’à la taille, pour sauver ce qu’ils pouvaient de la crue. Les meubles naviguaient dans les avenues principales et des animaux domestiques offusqués attendaient leurs maîtres sur les toits des voitures englouties, tandis que les reporters capturaient depuis les hélicoptères les images de cet hiver californien, qui ressemblait à un ouragan en Louisiane. Dans certains quartiers, on n’a pas pu circuler pendant deux ou trois jours, et quand enfin il a cessé de pleuvoir et que l’on a constaté l’ampleur des dégâts, on a déversé des équipes d’immigrants latino-américains qui se sont employés à évacuer l’eau avec des pompes et à dégager les décombres à la main. Notre maison, juchée sur une colline, reçoit de plein fouet le vent, qui fait ployer les palmiers et déracine parfois les arbres les plus orgueilleux, ceux-là même qui ne courbent pas l’échine ; en revanche, elle est l’abri des inondations. Parfois, au plus fort de la tourmente, se lèvent des vagues capricieuses qui inondent l’unique voie d’accès ; alors, ébahis, nous observons depuis en haut le spectacle insolite de la baie en furie.

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Chloé nous propose sa traduction :

LA MUSE CAPRICIEUSE DE L’AUBE

Ce ne sont pas les drames qui manquent dans ma vie, j’en ai en pagaille du matériel pour écrire, mais quoi qu’il en soit, l’arrivée du 7 janvier me rend anxieuse. La nuit dernière, je n’ai pas pu dormir : l’orage s’est abattu sur nous, le vent rugissait entre les chênes et fouettait les fenêtres de la maison, le déluge biblique de ces dernières semaines était à son apogée. Certains quartiers du comté ont été inondés, les pompiers n’ont pas réussi à répondre à un tel désastre et les habitants, submergés jusqu’à la taille, sont sortis dans la rue pour sauver du torrent ce qui pouvait l’être. Les meubles naviguaient dans les avenues principales et quelques animaux domestiques, perdus, attendaient leurs maîtres sur les toits des voitures englouties, tandis que les reporters, depuis les hélicoptères, filmaient les scènes de cet hiver californien, qui ressemblait à un ouragan de Louisiane. Dans certains quartiers, on n’a pas pu circuler pendant deux jours, et quand il a enfin cessé de pleuvoir et qu’on a constaté l’ampleur des dégâts, on a fait venir une équipe d’immigrants latinos qui se sont affairés à extraire l’eau avec des pompes et à dégager les décombres à la main. Notre maison, juchée sur une colline, reçoit de plein fouet la gifle du vent qui fait ployer les palmiers et parfois déracine complètement les arbres les plus orgueilleux – ceux qui ne courbent pas l’échine –, mais elle échappe cependant aux inondations. Quelque fois, au plus fort de la bourrasque, se lèvent des vagues capricieuses qui noient l’unique voie d’accès ; alors, pris au piège, on observe d’en haut le spectacle inhabituel de la baie furieuse.

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Amélie nous propose sa traduction :

La muse capricieuse de l’aube
J’ai beau avoir une vie regorgeant de drames et ne pas manquer d’instruments pour écrire, c’est dans l’anxiété que j’entame la journée du 7 janvier. La nuit dernière, je n’ai pas pu dormir : nous avons été frappés par l’orage, le vent rugissait dans les chênes et fouettait les fenêtres de la maison, bouquet final du déluge biblique de ces dernières semaines. Certains quartiers du comté ont été inondés, les pompiers ont été débordés face à l’étendue du désastre et les habitants sont sortis dans la rue, de l’eau jusqu’à la taille, pour sauver des flots ce qui pouvait l’être. Les meubles naviguaient dans les avenues principales et des animaux domestiques affolés attendaient leurs maîtres, perchés sur le toit des voitures immergées, tandis que du haut de leurs hélicoptères, les reporters tournaient les images de cet hiver de Californie, qui ressemblait à un ouragan en Louisiane. Certains quartiers ont été fermés à la circulation pendant quelques jours ; quand il a enfin cessé de pleuvoir et que l’on a constaté l’ampleur des dégâts, on a fait venir des équipes d’immigrants latino-américains qui se sont employées à évacuer l’eau à l’aide de pompes et à déblayer les décombres à la main. Juchée sur une colline, notre maison reçoit le vent de plein fouet, lequel fait ployer les palmiers jusqu’à arracher parfois les arbres les plus fiers, ceux-là même qui ne courbent pas l’échine ; en revanche, elle échappe à la montée des eaux. Il arrive qu’au plus fort du grand vent déferlent des vagues capricieuses qui submergent notre unique voie d’accès ; pris au piège, nous observons alors depuis les hauteurs le spectacle inhabituel de la baie déchaînée.

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Laëtitia nous propose sa traduction :

La muse capricieuse du lever du jour
Ma vie ne manque pas de drame, j’ai du matériel de cirque en réserve sur lequel écrire, mais de toute façon j’avais hâte d’être au 7 janvier. Hier soir je n’ai pas pu dormir, nous avons été frappés par la tempête, le vent rugissait entre les chênes et fouettait les fenêtres de la maison, paroxysme du déluge biblique de ces dernières semaines. Quelques uns des quartiers du comté ont été inondés, les pompiers n’ont pas été en mesure de faire face à un désastre si éminent et les voisins sont sortis dans la rue, submergés jusqu’à la taille, pour sauver ce qu’ils pouvaient du torrent. Les meubles naviguaient dans les avenues principales et quelques animaux de compagnie choqués attendaient leurs maîtres sur les toits des voitures immergées, alors que les reporters captaient depuis les hélicoptères les scènes de cet hiver de Californie, qui ressemblait à un ouragan en Louisiane. Dans certains quartiers on n’a pas pu circuler pendant deux jours, et quand la pluie a enfin cessé et que l’on a constaté l’étendue des dégâts, des équipes d’immigrés latinos ont été amenées pour accomplir la tâche d’extraire l’eau avec des pompes et les décombres à la main. Notre maison, juchée sur une colline, reçoit de front le vent qui plie les palmiers et qui déracine parfois les arbres les plus fiers, ceux qui ne courbent pas la tête, mais elle est à l’abri des inondations. Parfois, à l’apogée de la tempête, des vagues capricieuses se lèvent et immerge le seul chemin d’accès : alors piégés, nous observons depuis en haut le spectacle inhabituel de la baie en colère.

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Pascaline nous propose sa traduction :

La muse capricieuse du petit matin

Ce ne sont pas les drames qui manquent dans ma vie, j'ai du matériel en vrac sur quoi écrire plus qu'il n'en faut, mais, dans tous les cas, je suis anxieuse quand arrive le 7 janvier. La nuit dernière, je n'ai pas pu dormir : l'orage s'est abattu sur nous, le vent hurlait entre les chênes et fouettait les fenêtres de la maison, le déluge biblique de ces dernières semaines arrivant ainsi à son apogée. Certains quartiers du comté ont été inondés ; les pompiers ont été bien incapables de répondre à un tel désastre. Les habitants sont sortis dans la rue, noyés jusqu'à la taille, pour sauver du torrent ce qui pouvait l'être, les meubles naviguaient sur les avenues principales ; des animaux de compagnie, perdus, attendaient leurs maîtres sur les toits des voitures englouties, tandis que, depuis les hélicoptères, les reporters enregistraient les scènes de cet hiver de Californie, qui ressemblait à un ouragan en Louisiane. Dans certains quartiers, on n'a pas pas pu circuler pendant quelques jours, et quand il a cessé de pleuvoir et que l'on a constaté l'ampleur des dégâts, on a fait venir une équipe d'immigrants latins qui se sont chargés de retirer l'eau à l'aide de pompes et de déblayer à la main. Notre maison, juchée sur une colline, reçoit en pleine face le coup de fouet du vent, qui fait plier les palmiers et parfois, déracine les arbres les plus orgueilleux, ceux-là même qui n'inclinent pas la cime, laquelle, en revanche, échappe aux inondations. Parfois, au moment des grands vents, des feuilles capricieuses s'élèvent, inondant le seul chemin d'accès ; alors, cernés, nous observons de là-haut le spectacle inhabituel de la baie furieuse.

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Morgane nous propose sa traduction :

La muse capricieuse du lever du jour

Ma vie ne manque pas de drame, j’ai du matériel de cirque à revendre pour écrire, mais de toute façon j’arrive anxieuse le 7 janvier. Je ne pus dormir cette nuit, la tempête nous frappa, le vent rugissait entre les chênes et rouait de coups les fenêtres de la maison, point culminant du déluge biblique des dernières semaines. Quelques quartiers du comté s’inondèrent, les pompiers ne parvenaient pas à faire face à un désordre si magistral et les voisins sortirent dans la rue, submergés jusqu’à la ceinture, pour sauver ce qu’ils pouvaient du torrent. Les meubles naviguaient à travers les avenues principales et quelques mascottes aveuglées attendaient leurs maîtres sur les toits des voitures inondées, pendant que les reporters saisissaient depuis les hélicoptères les scènes de cet hiver de Californie, semblable à un ouragan en Louisiane. Dans quelques quartiers, il ne fut pas possible de circuler durant quelques jours, et quand enfin il cessa de pleuvoir et qu’on constata l’ampleur du désastre, ils apportèrent des équipes d’immigrants latinos qui s’affairaient à la tâche d’extraire l’eau avec des pompes et les décombres à la main. Notre maison, juchée sur une colline, reçoit de plein front le coup du vent, qui double les palmiers et parfois déracine les arbres les plus orgueilleux, ceux-là même qui ne courbent point l’échine, mais est sauvée de l’inondation. Parfois, au summum du vent violent, se dressent des vagues capricieuses qui inondent l’unique chemin accessible; alors, attrapés, nous observons d’en haut le spectacle inhabituel de la baie rendue furieuse.

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Alexandra nous propose sa traduction :

La muse capricieuse de l’aube
Ce ne sont pas les drames qui manquent dans ma vie, il me reste des histoires de cirque à écrire, mais de toute manière je suis arrivée anxieuse le 7 janvier. La veille je n’ai pas pu dormir, la tempête nous a frappé, le vent rugissait entre les chênes et rouait de coups les fenêtres de la maison, c’est l’apogée du déluge biblique de ces dernières semaines. Certains quartiers du comté furent inondés, les pompiers n’étaient pas aptes à faire face à un tel désastre et les habitants étaient sortis dans la rue, submergés jusqu’ à la taille, pour sauver ce qu’ ils pouvaient du torrent. Les meubles naviguaient sur les avenues principales et quelques animaux de compagnie, troublés, attendaient leurs maîtres perchés sur les toits des voitures enfoncées, tandis que les reporters saisissaient depuis les hélicoptères les images de cet hiver en Californie, semblable à un ouragan de Louisiane. Dans quelques quartiers, on n’a pas pu circuler pendant deux jours, et lorsque enfin il a cessé de pleuvoir et que l’on a constaté l’ampleur des dégâts; on a fait venir des équipes d’immigrants latinos qui ont eu la tâche de retirer l’eau avec des pompes et de ramasser les décombres à la main. Notre maison, nichée sur une colline, reçoit de face le coup de fouet du vent; ployant les palmiers et, parfois, déracinant les arbres les plus orgueilleux, ceux qui ne se rendent jamais, est cependant sauvée des inondations. Parfois, au summum du vent violent, se lèvent des vagues capricieuses qui inondent l’unique chemin accessible ; alors, pris au piège, nous observons depuis là-haut le spectacle inhabituel de la baie furieuse.

samedi 30 janvier 2010

« El traductor privilegiado : el autotraductor », par Helena Tanquiero

À consulter sur :

http://209.85.229.132/search?q=cache%3AobGUrE5VQO0J%3Addd.uab.cat%2Fpub%2Fquaderns%2F11385790n3p19.pdf+%22el+traductor+es%22&hl=fr&gl=fr

Exercice de version, 71

Vino el bombardeo, se refugió la gente en las lonjas, y empezó la vida de familias acuarteladas. Nada cambió para Solitaña, todo siguió lo mismo. La campanada de bomba provocaba en él la reacción inconsciente de un Avemaría, y la rezaba pensando en cualquier cosa .Veía pasar a los chimberos de la otra guerra, como veía pasar al eterno chinel. Si el proyectil caía cerca se retiraba adentro, y se tendía en el suelo presa de una angustia indefinible. Durante todo el bombardeo no salió de su cuchitril. La noche de San José temblaba en el colchón, tendido sobre el suelo, ensartando Avemarías —"Si al cabo entraran —decía doña Rufina— ya le haría yo pagar a ese negro de don José María lo que nos debe."
Su hijo fue a estudiar Medicina. La madre le acompañó a Valladolid; a su cargo corría todo lo del chico. Cuando acabó la guerra, pensaron por un momento dejar la tienda, pero Solitaña sin ella hubiera muerto de fiebre, como un oso blanco transportado al África Ecuatorial.
Vino el terremoto de los Osunas, y cuando las obligaciones bambolearon, crujió todo, y cayeron entre ruinas de oro, familias enteras, se encontró Solitaña, una mañana lluviosa y fría, con que aquél papel, era papel mojado, y lo remojó con lágrimas. Bajó mustio a la tienda y siguió su vida.
Su hijo se colocó en una aldea, y aquél día dio don Roque un suspiro de satisfacción. Murió su mujer, y el pobre hombre, al subir las escaleras que temblaban bajo sus pies, y sentir la lluvia, que azotaba las ventanas, lloraba en silencio con la cabeza hundida en la almohada.
Enfermó. Poco antes de morir le llevaron el viático , y cuando el sacerdote empezó la letanía, el pobre Solitaña , con la cabeza hundida en la almohada , lanzaba con labios trémulos unos imperceptibles orá por nobis, que se desvanecían lánguidamente en la alcoba, que estaba entonces como ascua de oro y llena de tibio olor a cera. Murió. Su hijo le lloró el tiempo que sus quehaceres y sus amores, le dejaron libre. Quedó en el aire el hueco que al morir deja un mosquito, y el alma de Solitaña voló a la montaña eterna, a pedir al Pastor, él, que siempre había vivido a la sombra, que nos traiga buen sol para hoy, para mañana, y para siempre.
¡Bienaventurados los mansos!

Miguel de Unamuno, « Solitaña »

***

Morgane nous propose sa traduction :

Le bombardement éclata, les gens se réfugièrent dans les commerces, et la vie de famille retranchée commença. Rien ne changea pour Solitaña, tout continua de la même façon. L’alerte à la bombe provoquait en lui la réaction inconsciente d’un Ave Maria, et il le priait en pensant à n’importe quoi. Il voyait passer les chanceux de l’autre guerre, comme il voyait passer l’éternel chinel. Si le projectile tombait près il rentrait, et s’étendait à même le sol prisonnier d’une angoisse indéfinissable. Durant tout le bombardement il ne sortit pas de son taudis. La nuit de Saint Joseph, je tremblais sur le matelas, étendu sur le sol, répétant les Ave Maria – « Si en fin de compte ils venaient à entrer – disait madame Rufina – je lui ferai payer ce qu’il nous doit à ce sacré monsieur José María. » Son fils étudia la Médecine. La mère l’accompagna à Valladolid ; elle assumait tout ce qui était en relation avec son fils. À la fin de la guerre, ils pensèrent un moment laisser la boutique, mais Solitaña serait mort de fièvre sans elle, tel un ours blanc transporté en Afrique Équatoriale. Il se produisit le tremblement de terre des Osunas, et quand les affaires vacillèrent, tout grinça, et ils tombèrent entre ruines d’or, des familles entières, Solitaña se trouva, un matin pluvieux et froid, avec le papier, qui était un papier mouillé, et il le mouilla de nouveau avec ses larmes. Il descendit, morne, à la boutique et continua sa vie. Son fils se trouva dans un hameau, et ce jour don Roque donna un soupir de satisfaction. Sa femme mourut, et le pauvre homme, en montant des escaliers qui tremblaient sous ses pieds, et en sentant la pluie, qui fouettait les fenêtres, pleurait en silence avec la tête plongée dans l’oreiller. Il tomba malade. Peu avant de mourir on lui apporta le viatique, et lorsque le prêtre commença la litanie, le pauvre Solitaña, avec la tête plongée dans l’oreiller, lançait avec des lèvres vacillantes quelques imperceptibles orá por nobis, qui s’évanouissaient avec langueur dans la chambre à coucher, qui était alors comme charbon ardent et plein de tiède odeur de cire. Son fils pleura le temps que ses travaux et ses amours, le laissèrent libre. Resta dans l’air le creux qu’ en mourant laisse un moustique, et l’âme de Solitaña vola à la montagne éternelle, à demander au Berger, lui, qui toujours avait vécu à l’ombre, qu’il nous apporte un soleil radieux pour aujourd’hui, pour demain, et pour toujours. Bienheureux les doux !

Références culturelles, 355 : Lo tomates azules

En photo : Tomates azules, par El Aderezo - Blog de Cocina

Los tomates azules
une idée de Laëtitia Sw.

« Científicos españoles crean jitomates azules ; están adicionados con proteínas y protegen al organismo de diarreas e infecciones », à lire sur :

http://www.cronica.com.mx/nota.php?id_nota=268248

vendredi 29 janvier 2010

Exercice de version, 70

Los habitantes del humilde barrio del East End-único sitio que en vez de crecer económicamente igual que el resto de Londres conservaba intacta su miseria después del devastador incendio de 1666, y de la declaración de guerra de Francia a Inglaterra imitada por Holanda, detestaban a Margaret Jane Carlton. Inescrupulosa, corrupta, una aprovechadora -afirmaban-, adicta a la vida alegre, una promiscua, una puerca, decían, usando la palabra a su medida; así los envidiosos cortaban leva de la mujer más cautivante de todos aquellos alrededores. Margaret Jane se había convertido en el entretenimiento malsano del vecindario, la moda era intercambiar pestes sobre la -según ellos- asquerosa señora Carlton. Razones dizque sobraban.
Casada con John Carlton -mozo vigoroso de pelo castaño, y ojos pardos, curtida la piel debido a los avatares del salitre, ya que trabajaba y contrabandeaba como mediocre marino subordinado de la Compañía de las Indias Orientales; con lo cual no paraba en casa por motivo obvio: echarse a la mar-, y pese a su inigualable belleza, la amargura dominaba en el modo en que la mujer respondía a la gente si es que resolvía contestar; la perenne soledad cavaba hondo en su interior, y aunque arisca, la melancolía no mellaba la apetitosa frescura de su cuerpo. La fierecilla, sin embargo, deslumbraba, y esto, por supuesto, constituía el motivo esencial del ensañamiento. Margaret Jane padecía callada, conocía los orígenes de la rabia que despertaba: su impresionante atractivo y la indiferencia con la que ella proseguía su camino desoyendo los comentarios. Pues la chusma estaba al tanto de pormenores vulgares, como el que para mayor pesar, cuando John Carlton volvía a casa no cumplía a cabalidad con sus obligaciones matrimoniales.

Zoé Valdés, Lobas de mar

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Les habitants du modeste quartier du East End – unique endroit qui, au lieu de croître économiquement comme le reste de Londres, conservait sa misère intacte depuis l’incendie dévastateur de 1666 et la déclaration de guerre de la France à l’Angleterre, imitée par la Hollande – détestaient Margaret Jane Carlton. Une femme sans scrupule, vénale, une profiteuse – à ce qu’ils affirmaient –, encline à la vie légère, une dépravée, une malpropre, – affirmaient-ils encore –, recourant à des mots à sa mesure ; voilà comment les envieux médisaient de la femme la plus séduisante de tous les environs. Margaret Jane était devenue l’objet des préoccupations malsaines du voisinage, la mode étant d’échanger des méchancetés sur la – d’après eux – dégoûtante madame Carlton. Et des raisons, il n’en manquait pas, disait-on.
Mariée à John Carlton – jeune homme vigoureux aux cheveux châtains, aux yeux bruns, et à la peau tannée par les effets du salpêtre, puisqu’il travaillait et faisait de la contrebande en tant que médiocre marin subordonné de la Compagnie des Indes Orientales, ce pourquoi il n’était pas souvent chez lui pour une raison évidente : il devait prendre la mer –, et en dépit de son inégalable beauté, l’amertume dominait dans la façon qu’avait cette femme de répondre aux gens, si tant est qu’elle daignait leur répondre. Une solitude durable la rongeait profondément en son for intérieur mais, bien qu’elle fût revêche, la mélancolie n’entamait pas l’appétissante fraîcheur de son corps. De fait, la petite lionne était éblouissante, et cela, bien sûr, constituait le motif essentiel de l’acharnement. Margaret Jane supportait tout en silence, elle connaissait l’origine de la rage qu’elle suscitait : son charme impressionnant et l’indifférence avec laquelle elle poursuivait son chemin en faisant fi des commentaires. Car la populace était au courant de détails triviaux, comme celui selon lequel, comble du malheur, quand John Carlton rentrait chez lui, il ne remplissait pas à la lettre ses obligations matrimoniales.

***

Coralie nous propose sa traduction :

Les habitants du modeste quartier de East End -seul endroit qui, au lieu de croître économiquement comme le reste de Londres, conservait sa misère intacte après l'incendie dévastateur de 1666, et la déclaration de guerre de la France à l'Angleterre imitée par la Hollande-, détestaient Margaret Jane Carlton. Sans scrupules, corrompue, profiteuse -affirmaient-ils-, dépendante de la vie légère, dissolue, une truie, disaient-ils, utilisant les mots à sa mesure ; ainsi les envieux habillaient pour l'hiver la femme la plus captivante des alentours. Margaret Jane était devenue le sujet de discussion malsain du voisinage, la mode était de casser du sucre sur le dos de la -selon eux- répugnante madame Carlton. Il y avait apparemment plus de raisons qu'il n'en faut. Mariée à John Carlton -jeune homme vigoureux aux cheveux châtains, et aux yeux sombres, la peau tannée par les désagréments du salpêtre, puisqu'il travaillait et trafiquait en tant que médiocre marin subordonné de la Compagnie des Indes Orientales ; par conséquent il ne s'arrêtait pas chez lui pour une raison évidente : il prenait la mer-, et malgré son inégalable beauté, l'amertume dominait dans la façon dont la femme répondait aux gens, si tant est qu'elle se décide à répondre, sa perpétuelle solitude creusait profondément en son fort intérieur, et bien que revêche, la mélancolie n'ébranlait pas l'appétissante fraîcheur de son corps. Sa petite fierté, cependant, était éblouissante, et cela, naturellement, constituait la raison essentielle de l'acharnement. Margaret Jane souffrait en silence, elle connaissait l'origine de la rage qu'elle provoquait : son charme impressionnant et l'indifférence avec laquelle elle poursuivait son chemin en ignorant les commentaires. La populace était alors au courant des détails vulgaires, comme le plus regrettable, quand John Carlton rentrait chez lui il n'honorait pas ses obligations matrimoniales.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Les habitants du modeste quartier de East End –le seul endroit de Londres qui, au lieu de faire preuve de croissance économique comme le reste de la ville, conservait sa misère intacte après l’incendie dévastateur de 1666 et la déclaration de guerre de la France, puis de la Hollande, à l’Angleterre– détestaient Margaret Jane Carlton. Sans scrupules, vénale, une profiteuse –affirmait-on–, dépendante de sa vie légère, une dévergondée, une cochonne, disait-on, pour employer un mot à sa mesure ; voilà comment les envieux médisaient-ils sur la femme la plus captivante des alentours. Margaret Jane était devenue la distraction malsaine du voisinage, la coutume étant de casser du sucre sur le dos de la –selon eux– dégoûtante madame Carlton. Apparemment, ce n’était pas les raisons qui manquaient.
Épouse de John Carlton – jeune homme vigoureux aux cheveux châtains et aux yeux bruns, la peau tannée par les effets du salpêtre, car il travaillait et faisait de la contrebande en tant que médiocre marin subordonné de la Compagnie des Indes Orientales ; par conséquent, il habitait rarement chez lui, pour une raison évidente : il devait prendre la mer–, malgré sa beauté inégalable, l’amertume prévalait dans la manière avec laquelle la femme répondait aux gens, pour peu qu’elle daignât leur répondre ; sa solitude perpétuelle la rongeait profondément et bien qu’elle fût revêche, sa mélancolie n’altérait pas la fraîcheur appétissante de son corps. Toutefois, la petite lionne était éblouissante, ce qui expliquait en grande partie leur acharnement. Margaret Jane souffrait en silence, consciente des origines de la rage qu’elle suscitait : son charme impressionnant et l’indifférence avec laquelle elle poursuivait sa route en ignorant les commentaires. Car la populace était même au courant des détails les plus insignifiants, comme le fait que, pour son plus grand malheur, John Carlton n’honorait pas complètement son devoir conjugal quand il rentrait à la maison.

***

Sandrine nous propose sa traduction :

Les habitants de l’humble quartier de East-End – unique lieu qui, au lieu de progresser économiquement comme le reste de Londres, gardait intacte son état misérable du à l’incendie dévastateur de 1666, et à la déclaration de guerre de la France à l’Angleterre imitée par la Hollande-, détestaient Margaret Jane Carlton.
Indélicate, corrompue, une profiteuse –on la qualifiait ainsi-, adepte de la vie joyeuse, une vie dissolue, un goujat au féminin, on disait, qui emploie le mot juste; ainsi les envieux disaient du mal de la femme la plus envoûtante de ces alentours. Margaret Jane était devenue le sujet de conversation malsain du voisinage, la mode était d’échanger des jurons sur la répugnante femme Carlton.
Apparemment des raisons étaient de trop.
Mariée à John Carlton – jeune homme vigoureux aux cheveux châtains, et aux yeux bruns, la peau tannée à cause des avatars du salpêtre, puisqu’il travaillait et faisait de la contrebande comme matelot médiocre de la Compagnie des Indes Orientales; en conséquence de quoi il ne restait pas chez lui pour une raison évidente : partir en mer-, et en dépit de son inégalable beauté, dans la mesure où la femme répondait aux gens, si elle décidait de rétorquer, l’amertume l’emparait; la perpétuelle solitude rongeait profond son for intérieur, et bien que revêche, la mélancolie n’ébranle pas la délicieuse fraîcheur de son corps. La petite tigresse, toutefois, éblouissait, et ceci, évidemment, constituait le principal motif à l’acharnement. Margaret Jane l’endurait silencieuse, elle connaissait les origines de la colère qu’elle éveillait: son impressionnant charme et l’indifférence avec laquelle elle poursuivait son chemin en faisant la sourde oreille aux commentaires.
Donc la racaille était au courant des détails banals, comme celui qui cause son plus grand regret: quand John Carlton rentrait chez eux et qu’il ne remplissait pas entièrement ses obligations matrimoniales/ conjugales.

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Morgane nous propose sa traduction :

Les habitants de l’humble quartier de East End – unique endroit qui, à défaut de croître économiquement à l’instar du reste de Londres, conservait intacte sa misère depuis l’incendie dévastateur de 1666, et de la déclaration de guerre de la France et de l’Angleterre imitée par la Hollande, détestaient Margaret Jane Carlton. Sans scrupules, corrompue, une profiteuse – affirmaient-ils - , habituée à la vie facile, une femme légère, une truie, disait-ils, utilisant la parole à leur mesure ; de cette manière les envieux murmuraient dans le dos de la femme la plus captivante des alentours. Margaret Jane était devenue la distraction malsaine du voisinage, la mode était à échanger des méchancetés sur la – selon leurs dires- dégoutante Madame Carlton. De toute évidence les motifs ne manquaient pas. Mariée à John Carlton – garçon vigoureux aux cheveux châtains, et aux yeux bruns, la peau tannée à cause des avatars du salpêtre, étant donné qu’il travaillait et faisait de la contrebande tel un médiocre marin subordonné à la compagnie des Indes Orientales ; raison pour laquelle elle ne se reposait pas à la maison pour une raison évidente : se jeter à l’eau -, et malgré son inégalable beauté , l’amertume dominait de sorte que la femme répondait aux gens si elle était résolue à répondre ; la solitude persistante creusait au plus profond d’elle-même, et bien que farouche, la mélancolie ne ternissait point l’appétissante fraîcheur de son corps. La petite brute, cependant, éblouissait, et cela, bien sûr, constituait le motif essentiel de l’acharnement. Margaret Jane souffrait, muette, elle connaissait l’origine de la rage qu’elle éveillait : son irrésistible attrait et l’indifférence avec laquelle elle poursuivait son chemin n’écoutant point les commentaires. Car la racaille était au courant de détails vulgaires, à l’instar du plus regrettable, lorsque John Carlton revenait chez lui, elle ne s’acquittait point convenablement de ses obligations matrimoniales.

Références culturelles, 354 : Zara

En photo : il duomo di Zara, par jefolo

Zara
une idée de Laëtitia Sw

http://fr.wikipedia.org/wiki/Zara_(v%C3%AAtements)

jeudi 28 janvier 2010

« El traductor, un lector enamorado », par Isabel Mallén

À consulter sur :

http://www.literaturate.com/el-traductor-un-lector-enamorado/

Références culturelles, 353 : Balenciaga

En photo : Balenciaga t-shirt, par tereneh

Exercice de version, 69

Epílogo

La Barcelona de mi juventud ya no existe. Sus calles y su luz se han marchado para siempre y ya sólo viven en el recuerdo. Quince años después regresé a la ciudad y recorrí los escenarios que ya creía desterrados de mi memoria. Supe que el caserón de Sarriá fue derribado. Las calles que lo rodeaban forman ahora parte de una autovía por la que, dicen, corre el progreso. El viejo cementerio sigue allí, supongo, perdido en la niebla. Me senté en aquel banco de la plaza que tantas veces había compartido con Marina. Distinguí a lo lejos la silueta de mi antiguo colegio, pero no me atreví a acercarme a él. Algo me decía que, si lo hacía, mi juventud se evaporaría para siempre. El tiempo no nos hace más sabios, sólo más cobardes.
Durante años he huido sin saber de qué. Creí que, si corría más que el horizonte, las sombras del pasado se apartarían de mi camino.
Creí que, si ponía suficiente distancia, las voces de mi mente se acallarían para siempre. Volví por fin a aquella playa secreta frente al Mediterráneo. La ermita de Sant Elm se alzaba a lo lejos, siempre vigilante. Encontré el viejo Tucker de mi amigo Germán.
Curiosamente, sigue allí, en su destino final entre los pinos.
Bajé a la orilla y me senté en la arena, donde años atrás había esparcido las cenizas de Marina. La misma luz de aquel día encendió el cielo y sentí su presencia, intensa. Comprendí que ya no podía ni quería huir más. Había vuelto a casa.
En sus últimos días prometí a Marina que, si ella no podía hacerlo, yo acabaría esta historia. Aquel libro en blanco que le regalé me ha acompañado todos estos años. Sus palabras serán las mías.
No sé si sabré hacer justicia a mi promesa. A veces dudo de mi memoria y me pregunto si únicamente seré capaz de recordar lo que nunca sucedió.
Marina, te llevaste todas las respuestas contigo.

Carlos Ruiz Zafón, Marina

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Épilogue

La Barcelone de ma jeunesse n’existe plus. Ses rues et sa lumière s’en sont allées pour toujours, elles ne vivent plus que dans le souvenir. Quinze ans après, je revins dans cette ville, et je parcourai les lieux que je croyais alors exilés de ma mémoire. J’avais su que le Caserón de Sarriá avait été détruit. Les rues qui l’entouraient faisaient maintenant partie d’une autoroute le long de laquelle, à ce qu’on dit, court le progrès. Le vieux cimetière est encore là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m’assis sur ce banc de la place que j’avais tant de fois partagé avec Marina. Je distinguai au loin la silhouette de mon ancien collège, mais je n’osai pas m’approcher de lui. Quelque chose me disait que, si je le faisais, ma jeunesse s’évaporerait à jamais. Le temps ne nous rend pas plus sages, seulement plus lâches.
Pendant des années, j’ai fui, sans savoir ce que je fuyais. J’avais cru que, si je courrais plus loin que l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de mon chemin. J’avais cru que, si je mettais suffisamment de distance, les voix de mon esprit se tairaient pour toujours. Enfin, je retournai à cette plage secrète face à la Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm s’élevait au loin, toujours aux aguets. Je rencontrai le vieux Tucker de mon ami Germán. Curieusement, il est encore là, sur la voie de son ultime destin parmi les pins.
Je descendis sur le rivage et je m’assis sur le sable où, des années auparavant, j’avais dispersé les cendres de Marina. La même lumière que ce jour-là alluma le ciel, et je sentis sa présence, intense. Je compris que je ne pouvais plus, ni ne voulais plus, fuir davantage. J’étais rentré chez moi.
Lors de ses derniers jours, j’avais promis à Marina que, si elle ne pouvait pas le faire, ce serait moi qui terminerait cette histoire. Ce libre en blanc que je lui avais offert m’a accompagné pendant toutes ces années. Ses mots seraient les miens.
Je ne sais pas si je saurai honorer ma promesse. Parfois, je doute de ma mémoire, et je me demande si je ne serai pas uniquement capable de me rappeler ce qui n’est jamais arrivé.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Coralie nous propose sa traduction :

Épilogue

Le Barcelone de ma jeunesse n'existe plus. Ses rues et sa lumières s'en sont allés pour toujours et ne vivent plus que dans le souvenir. Je revins en ville quinze ans plus tard et je parcourus les lieux que je croyais alors bannis de ma mémoire. J'appris que l'immeuble de Sarría avait été démoli. Les rues qui l'entouraient forment aujourd'hui une voie rapide par laquelle, dit-on, le progrès se propage. Le vieux cimetière est toujours là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m'assis sur ce banc de la place que j'avais tant de fois partagé avec Marina. J'aperçus au loin la silhouette de mon ancien collège, mais je n'osai pas m'en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, ma jeunesse s'évaporerait pour toujours. Le temps ne nous rend pas plus sages, mais seulement plus lâches. Pendant des années j'ai fuit, sans savoir quoi. Je crus que, si je courais au-delà de l'horizon, les ombres du passé s'écarteraient de mon chemin. Je crus que, si je mettais une distance suffisante, les voix de mon esprit se tairaient pour toujours. Je retournai enfin sur cette plage secrète face à la Méditerranée. L'ermitage de Sant Elm se dressait au loin, sans cesse vigilant. Je trouvai le vieux Tucker de mon ami Germán. Curieusement, il reste là, voué à son ultime destin entre les pins. Je descendis sur la rivage et m'assis sur le sable, où, des années auparavant, j'avais répandu les cendres de Marina. La lumière, pareille à celle de ce jour, embrasa le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris que je ne pouvais plus ni ne voulais fuir encore. J'étais retourné chez moi. Dans ses derniers jours, j'avais promis à Marina que, si elle ne pouvait pas le faire, je finirais moi-même cette histoire. Ce livre vierge que je lui avais offert m'a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens. Je ne sais pas si je saurai honorer ma promesse. Je doute parfois de ma mémoire et je me demande si je serais seulement capable de me souvenir de ce qui n'eut jamais lieu.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Chloé nous propose sa traduction :

Épilogue

Le Barcelone de ma jeunesse n’existe plus. Ses rues et ses lumières s’en sont allées pour toujours et ne vivent désormais que dans mon souvenir. Quinze ans plus tard, je suis retourné dans cette ville, et j’ai parcouru les endroits que je croyais déjà chassés de ma mémoire. J’avais appris que la bâtisse de Sarriá avait été démolie. Les rues qui l’entouraient font aujourd’hui partie d’une autoroute par laquelle, dit-on, court le progrès. Le vieux cimetière est toujours là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je me suis assis sur ce banc de la place que j’avais partagé tant de fois avec Marina. Au loin, j’ai distingué la silhouette de mon ancien collège, mais je n’ai pas osé m’en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, mon enfance s’évaporerait à tout jamais. Le temps ne nous rend pas plus sages, juste plus lâches. Pendant des années, j’avais fui, sans savoir ce que je fuyais. J’avais cru que, si je courrais au-delà que l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de mon chemin.
J’avais cru que si j’y mettais suffisamment de distance, les voix de ma conscience se tairaient pour de bon. Enfin, je suis revenu sur cette plage secrète face à la Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm se dressait au loin, toujours vigilant. J’ai retrouvé la vieille Tucker de mon ami Germán.
Curieusement, elle est encore là-bas, parmi les pins, son ultime destination. Je suis descendu sur le rivage et je me suis assis sur le sable, où des années auparavant, j’avais dispersé les cendres de Marina. La même lumière qu’il y avait eu ce jour-là a éclairé le ciel, et j’ai senti sa présence, intense. J’ai compris que maintenant, je ne pouvais ni ne voulais plus fuir. J’étais rentré chez moi.
Durant les derniers jours de son existence, j’avais promis à Marina que, si elle ne pouvait pas le faire, je terminerais cette histoire. Ce livre vierge que je lui avait offert m’a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens.
Je ne sais pas si je saurai honorer ma promesse. Parfois, je doute de ma mémoire et je me demande si je serai seulement capable de me rappeler ce qui ne s’est jamais produit.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Épilogue

Le Barcelone de ma jeunesse n’existe plus. Ses rues et sa lumière sont parties pour toujours et ne vivent désormais que dans mes souvenirs. Quinze ans plus tard, de retour dans la ville, je parcourus les lieux que je croyais déjà bannis de ma mémoire. J’avais appris que la bâtisse de Sarriá avait été démolie. Aujourd’hui, les rues alentours font partie d’une voie express, sur laquelle roule le progrès, à ce qu’on dit. Le vieux cimetière est toujours là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m’assis sur un banc de la place, celui que j’avais tant de fois partagé avec Marina. Au loin, je distinguai la silhouette de mon ancien collège, mais je n’osai pas m’en approcher. Quelque chose me disait que, si je m’y risquais, ma jeunesse s’évaporerait à tout jamais. Le temps ne nous rend pas plus sages, juste plus lâches.
Pendant des années, j’ai fui sans savoir ce que je fuyais. J’avais cru que si je courrais au-delà de l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de ma route.
J’avais cru que, si j’établissais une distance suffisante, les voix dans ma tête se tairaient pour l’éternité. Je finis par retourner sur cette plage secrète, face à la Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm se dressait sur les hauteurs, en fidèle veilleur. J’y retrouvai la vieille Tucker de mon ami Germán.
Curieusement, elle ne bouge pas de là, sa dernière destination parmi les pins.
Je descendis sur la rive et m’assis sur le sable, où j’avais dispersé les cendres de Marina, des années auparavant. Le ciel s’éclaira de la même teinte que ce jour-là et je ressentis sa présence, intense. Je compris alors que je ne pouvais ni ne voulais plus fuir davantage. J’étais revenu chez moi.
Les derniers jours avant sa mort, j’avais promis à Marina que si elle n’avait pas la possibilité de le faire, je terminerais cette histoire. Ce livre vierge que je lui avais offert m’a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens.
Je ne sais pas si je saurai honorer ma promesse. Parfois, je doute de ma mémoire et je me demande si je serai seulement capable de me rappeler ce qui n’est pas arrivé.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

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Pascaline nous propose sa traduction :

Épilogue

La Barcelone de ma jeunesse n’existe plus. Ses rues et sa lumière s’en sont allées pour toujours ; désormais, elles ne reviennent que dans mon souvenir. Quinze ans après, je retournai dans la ville et parcourus les scènes que je croyais déjà bannies de ma mémoire. J’appris que la vielle maison de Sarriá avait été démolie. Les rues qui l’entouraient font maintenant partie d’une autoroute par laquelle, dit-on, arrive le progrès. Le vieux cimetière est toujours là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m’assis sur ce banc de la place que j’avais tant de fois partagé avec Marina. Au loin, j’aperçus la silhouette de mon ancien collège, mais je n’eus pas l’audace de m’en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, ma jeunesse s’évaporerait pour toujours. Le temps ne nous rend pas plus sages, seulement plus lâches.
Pendant des années, j’ai fui, sans savoir quoi. Je pensai que, si je courais plus vite que l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de mon chemin.
Je crus que, si je mettais suffisamment de distance, les voix dans ma tête se tairaient à jamais. Je retournai enfin sur cette place secrète, face à la Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm se dressait au loin, toujours vigilant. Je tombai sur la vielle Tucker de mon ami Germán.
Curieusement, elle est encore là, effectuant son dernier voyage parmi les pins.
Je descendis au bord de l’eau et m’assis sur le sable, où, des années auparavant, j’avais répandu les cendres de Marina. La même lumière que ce jour-là illumina le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris que ne je pouvais ni ne voulais plus fuir. J’étais de nouveau chez moi. Dans ses derniers jours, je promis à Marina que si elle, elle ne pouvait pas le faire, j’achèverais cette histoire moi-même. Ce livre encore vierge que je lui offris m’a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens.
J’ignore si je saurai honorer ma promesse. Parfois, je doute de ma mémoire et je me demande si je serai ne serait-ce que capable de me souvenir de choses qui jamais n’eurent lieu. Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Marie G. nous propose sa traduction :

La Barcelone de mon enfance n'existe plus. Ses rues et sa lumière sont parties pour toujours et elles ne survivent que dans mon souvenir. Quinze ans après, je revins dans cette ville et je parcourus les endroits que je pensais déjà s'être envolés de ma mémoire. J'appris que la bâtisse de Sarria fut démolie. Les rues qui l'entouraient font désormais partie d'une autoroute par laquelle, dit-on, passe le progrès. Le vieux cimetière demeure là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m'assis sur ce banc de la place, que j'avais maintes fois partagé avec Marina. Je distinguai au loin les contours de mon ancienne école, mais je n'osai pas m'en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, ma jeunesse s'évaporerait pour toujours. Le temps ne nous rend pas plus sages, seulement plus lâches.
Pendant plusieurs années, j'ai fui sans savoir ce que je fuyais. Je crus que, si je courais au-delà de l'horizon, les ombres du passé s'écarteraient de mon chemin.
Je pensai que, si je mettais suffisamment de distance, les voix de mon esprit se tairaient à jamais. Je refis un tour sur cette plage secrète face à la Méditerranée. L'ermitage de Sant Elm s'élevait au loin, toujours vigilant. J'y trouvai le vieux Tucker de mon ami German. Curieusement, il était toujours là, dans son ultime destin, au milieu des pins.
Je descendis au bord de l'eau et m'assis sur le sable, où des années auparavant j'avais répandu les cendres de Marina. La lumière identique à ce jour-là éclaira le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris que je ne pouvais plus, ni ne voulais plus fuir. J'étais revenu chez moi.
Dans les derniers jours de sa vie, je promis à Marina que, si elle ne pouvait pas le faire, je terminerais moi-même cette histoire. Ce livre vierge que je lui avais offert m'a accompagné pendant toutes ces années. Ses mots seront les miens.
Je ne sais pas si je saurais respecter ma promesse. Je doute parfois de ma mémoire et me demande si je ne serais guère capable que de me rappeler ce qui n'a jamais eu lieu.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Sandrine nous propose sa traduction :

Epilogue

Le Barcelone de mon enfance n’existe plus. Ses rues et sa lumière s’en sont allées pour toujours et ne revivent déjà plus que dans nos souvenirs. 15 ans après je revins dans la ville et parcourus les lieux que je croyais déjà banni de ma mémoire. Je sus que la bâtisse de Sarria fut démolie. Les rues qui l’entouraient, étaient maintenant une autoroute par laquelle, on dit qu’avance le progrès. Le vieux cimetière est encore là, je suppose, perdu dans le brouillard. Je m’assis sur ce banc de la place que j’ai tant de fois partagé avec Marina. Je remarquai au loin la silhouette de mon ancienne école, mais je n’osai pas m’en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, ma jeunesse s’évaporerait pour toujours. Le temps ne nous rend pas plus sages, seulement plus lâches.
Durant des années j’ai fui sans savoir quoi. Je crus que, si je courrais plus loin que l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de mon chemin.
Je crus que, si je mettais assez de distance, les voix dans ma tête se tairaient pour toujours. Je retournai enfin à cette plage secrète face à la Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm se dressait au loin, toujours vigilant. Je rencontrai le vieux Tucker de mon ami German.
Curieusement, il est encore là, à sa place finale entre les pins.
Je descendis jusqu’à la rive et m’assis dans le sable, où j’avais quelques années plus tôt répandu les cendres de Marina. Une lumière identique à ce jour éclaira le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris que je ne pouvais ni ne voulais fuir encore. J’étais rentré à la maison.
Dans ces derniers jours de vie je promis à Marina que, si elle ne pouvait le faire, moi je terminerais cette histoire. Ce livre vierge que je lui offris m’a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens.
Je ne sais pas si je saurai rendre justice à ma promesse. Parfois je doute de ma mémoire et je me demande si je serai seulement capable de me souvenir de ce qui n’arriva jamais.
Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

***

Loïc nous propose sa traduction :

Épilogue

La Barcelone de ma jeunesse n’existe plus. Ses rues et sa lumière s’en sont allées pour toujours et ne vivent plus à présent que dans le souvenir. Quinze ans après, je retournai dans la ville et je parcourus les lieux que je croyais chassés de ma mémoire. J’appris que la bâtisse de Sarriá fut démolie. Les rues qui en faisaient le tour sont devenues maintenant une voie rapide par laquelle, dit-on, le progrès se propage à toute vitesse. Le vieux cimetière est toujours là, je présume, perdu dans le brouillard. Je m’assis sur ce banc de la place que j’avais partagé tant de fois avec Marina. Je distinguai au loin la silhouette de mon ancienne école, mais je n’osai pas m’en approcher. Quelque chose me faisait dire que, si je le faisais, ma jeunesse s’évaporerait pour toujours. Le temps ne nous rend pas davantage sages, mais seulement plus lâches.
Pendant des années, j’ai fui sans savoir quoi. Je crus que si je courais plus vite que l’horizon, les ombres du passé se sépareraient de ma route. Je crus que si j’imposais une distance suffisante, les voix de mon esprit se tairaient pour toujours. Je revins en définitive sur cette plage secrète en face de la mer Méditerranée. L’ermitage de Sant Elm s’élevait au loin, toujours vigilant. Je trouvai la vieille Tucker de mon ami Germán. Curieusement, elle est toujours là, dans sa dernière course au milieu des pins.
Je descendis au bord de la mer et m’assis sur le sable où, quelques années auparavant, j’avais répandu les cendres de Marina. La même lumière que ce jour-là emplit le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris alors que je ne pouvais ni ne voulais fuir davantage. J’étais de retour à la maison.
Au cours de ses derniers jours d’existence, je fis la promesse à Marina que si elle ne pouvait pas le faire elle-même, je finirais cette histoire. Ce livre encore vierge que je lui offris m’a accompagné toutes ces années. Ses mots seront les miens. Je ne sais pas si je rendrai correctement justice à ma promesse. Parfois, je doute de ma mémoire et je me demande si je serai capable de me rappeler seulement ce qui ne se produisit jamais.
Marina, tu as emporté avec toi toutes les réponses.

***

Morgane nous propose sa traduction :

Épilogue

La Barcelone de ma jeunesse n’existe déjà plus. Ses rues et sa lumière s’en sont allées pour toujours et elles ne vivent déjà plus que dans le souvenir. Quinze ans après je revins à la ville et j’arpentai les théâtres que je croyais déjà bannis de ma mémoire. Je sus que la bâtisse de Sarriá avait été démolie. Les rues qui l’entouraient font à présent partie d’une quatre-voies par laquelle, dit-on, court le progrès. Le vieux cimetière a été conservé, je suppose, perdu dans le brouillard. Sur la place, je m’assis sur le banc que tant de fois j’avais partagé avec Marina. Je distinguai au loin la silhouette de mon ancien collège, mais je ne m’aventurai point à m’en approcher. Quelque chose me disait que, si je le faisais, me jeunesse s’évaporerait à tout jamais. Le temps ne nous rend pas plus savants, mais plutôt plus lâches. Pendant des années j’ai fui je ne sais quoi. Je crus que, si je courrai plus que l’horizon, les ombres du passé s’écarteraient de mon chemin.
Je crus que, si je mettais suffisamment de distance, les voix de mon esprit se tairaient pour toujours. Je revins enfin à cette place secrète face à la Méditerranée. L’ermitage de Saint Elm s’élevait au loin, toujours vigilant. Je rencontrai le vieux Tucker de mon ami Germain.
Curieusement, il reste là, dans sa destination finale entre les pins. Je descendis au bord de la mer et m’assis sur le sable, où des années auparavant j’avais éparpillé les cendres de Marina. La même lumière que ce jour-là enflamma le ciel et je sentis sa présence, intense. Je compris que je ne pouvais ni ne voulais fuir davantage. Elle était rentrée à la maison. Dans ses derniers jours j’avais promis à Marina que, si elle ne pouvait pas le faire, je terminerais cette histoire. Ce carnet de feuilles blanches que je lui offris m’a accompagné toutes ces années. Ses paroles seront miennes. J’ignore si je saurai tenir ma promesse. Parfois je doute de ma mémoire et me demande si je serai seulement capable de me souvenir de ce qu’il n’était jamais advenu. Marina, tu as emporté toutes les réponses avec toi.

Résultats du sondage : « Trouvez-vous légitime qu'un traducteur dédicace ses traductions (sur la page de garde, comme le fait l'auteur) ? »

Sur 23 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Oui = 9 voix (39%)
Non = 14 voix (60%)

Pas simple, le statut du traducteur par rapport au texte traduit, avec ce paradoxe que pour bien travailler, il doit venir au cœur du texte, dans ce qu'il a de plus profond pour en saisir l'âme (et ses secrets)… alors que pour bien jouer son rôle, il doit, une fois son office accompli, se tenir à la marge, dans cet espace étroit qu'on lui concède en mettant son nom sur la couverture, etc. Mouvement hyper-centripète d'un côté, mouvement hyper-centrifuge de l'autre… comme si après l'avoir attiré à elle, l'œuvre la repoussait. Et dans ces conditions, le traducteur n'est-il pas un peu l'enfant de cette mère qui enjoint de ne pas rester dans ses jupes trop longtemps, parce que, fatalement, il est temps de grandir ?

mercredi 27 janvier 2010

« El vocabulario del vino »

Vous prendrez bien un petit verre de lexique !

http://www.pedroximenez.com/letras/letraa.htm

« La traducción como arma de la vida en común », Mario Merlino

http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache%3AsRe7oi509x0J%3Awww.cedro.org%2FFiles%2Fforo41.pdf+"el+traductor+es"&hl=fr&gl=fr&sig=AHIEtbRryD1yvjMGKhL0Dz7ewTtjUle0HQ&pli=1

Exercice de version, 68

La calle, ancha, vacía y en rampa, sólo vive en el gris muerto del día, de la mañana de domingo,
en su color abismo y en la gracia de las tiendas que van mal (y que hoy están cerradas). La calle,
una de las grandes calles de la ciudad, es como una calle mineral o de mineral: su asfalto se puebla de asteroides indecisos, su vacío dominical palpita en la huella de los millones de automóviles que la surcan durante la semana, su amplitud se reúne trabajosamente hacia arriba, hacia la meseta central, llena de bares fríos y cines apagados, más el lujo subacuático de las joyerías. Luego, pasada una plaza lateral y equivocadamente monumental, la calle desciende hacia un norte frío de rascacielos repetidos y cielos invernizos. Lo que más se ve de la calle, en el domingo vacío, es el brillo de minerales mínimos que asoman entre el asfalto, que brotan entre bordillo y bordillo, sólo revelados por la luz errante del cielo (parece como si las nubes llevasen el invisible sol de un lado a otro). El hombre sube despacio la calle tan sabida, quizá sean las tres de la tarde, ha pasado el apogeo/perigeo fugaz de los que salen de misa o van a la pastelería, o ambas cosas, toda la ciudad está almorzando en las casas con luz de gas (que ellos creen eléctrica, dado que estamos a finales del siglo XX), en los restaurantes con luz de llama, donde gime un lechón vivo para deleite de estos romanos de tervilor.

Francisco Umbral, Nada en el domingo

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

La rue, large, vide et en pente, ne vit que dans la grisaille morte du jour, du dimanche matin, dans sa couleur abîme et dans la grâce des boutiques qui vont mal (et qui sont fermées aujourd’hui). La rue, une des grandes rues de la ville, est comme une rue minérale ou en minéral : son asphalte est peuplé d’astéroïdes indécis, son vide dominical palpite sur la trace des millions de voitures qui la sillonnent pendant la semaine, son amplitude est atteinte laborieusement vers en haut, vers le plateau central, plein de bars froids et de cinémas éteints, outre le luxe subaquatique des bijouteries. Après avoir passé une place latérale et faussement monumentale, la rue descend vers un nord froid de gratte-ciel répétitifs et de cieux hivernaux. Ce qu’on voit le plus de la rue, dans le dimanche vide, c’est l’éclat de minuscules minéraux qui poignent entre l’asphalte, qui surgissent entre deux bordures, révélés seulement par la lumière errante du ciel (apparemment comme si les nuages entraînaient l’invisible soleil d’un côté à un autre). L’homme remonte lentement la rue si connue, peut-être est-il trois heures de l’après-midi, il a dépassé l’apogée/périgée fugace de ceux qui sortent de la messe ou vont à la pâtisserie, ou les deux, toute la ville déjeune dans les maisons à la lumière du gaz (qu’on croit électrique, étant donné que nous sommes à la fin du XXe siècle), dans les restaurants à la lumière des flammes, où gémit un cochon vivant pour le plus grand plaisir de ces romains en tergal.

***

Amélie nous propose sa traduction :

La rue, large, vide et pentue, ne vit que dans la grisaille morte du jour, du dimanche matin, dans sa couleur abyssale et dans la grâce des magasins qui dépérissent (lesquels sont d’ailleurs fermés aujourd’hui). La rue, une des grandes rues de la ville, ressemble à une rue minérale ou en minéral : son asphalte est peuplé d’astéroïdes imprécis, son vide dominical palpite sur la trace des millions de véhicules qui la sillonnent pendant la semaine, sa largeur converge péniblement vers le haut, vers le plateau central, garni de bars froids et de cinémas éteints, indépendamment du luxe subaquatique des bijouteries. Puis, au-delà d’une place latérale faussement monumentale, la rue redescend vers un nord glacé de gratte-ciels répétitifs et de cieux hivernaux. Dans cette rue, dans le dimanche vide, l’œil est attiré par l’éclat des minéraux qui poignent de l’asphalte, qui jaillissent entre deux bordures, seulement révélés par la lumière errante du ciel (il semble que les nuages entraînent le soleil invisible d’un côté à l’autre). L’homme remonte lentement la fameuse rue, il doit être trois heures de l’après-midi, l’apogée/périgée fugace de ceux qui sortent de la messe ou se rendent à la pâtisserie –ou les deux– a déjà eu lieu, toute la ville déjeune dans les maisons à la lumière du gaz (que l’on croit électrique, étant donné que nous sommes à la fin du XXe siècle), dans les restaurants à la lumière de la flamme, où gémit un cochon de lait vivant, pour le plus grand plaisir de ces romains en tergal.

***

Julie V. nous propose sa traduction :

La rue, large, vide et en pente, ne vit que dans le gris mort du jour, du matin de dimanche, dans sa couleur abîme et dans la goguenardise des boutiques qui sont en difficulté (et qui sont fermées aujourd’hui). La rue, une de ces grandes rues de la ville, est semblable à une rue minérale ou en minerai: son asphalte se peuple d’astéroïdes indécis, son vide dominical palpite sur la trace des millions de voitures qui la sillonnent pendant la semaine, son étendue s’unie péniblement vers le haut, vers le plateau central, plein de bars froids et de cinémas éteints, en plus du luxe sous-marin des bijouteries. Puis, une fois passée une place latérale et faussement monumentale, la rue descend vers un nord froid de gratte-ciels sans fin et de ciels hivernaux. Ce qu’on voit le plus de la rue, lors du dimanche abandonné, c’est l’éclat des minéraux les plus petits qui brillent parmi l’asphalte, qui jaillissent entre les deux bordures, révélés seulement grâce à la lumière errante du ciel (c’était comme si les nuages emportaient l’invisible soleil d’un côté de l’autre). L’homme monte lentement la rue tellement connue, peut-être est-il trois heures de l’après-midi, il a dépassé l’apogée/périgée fugace de ceux qui sortent de la messe ou qui vont à la pâtisserie, ou qui font les deux choses, toute la ville est en train de déjeuner dans les maisons à la lumière à gaz (qu’eux croient électrique, étant donné que nous sommes à la fin du XXème siècle), dans les restaurants à la lumière du feu, où gémit un cochon de lait vivant pour le plus grand plaisir de ces Romains de tervilor.

***

Morgane nous propose sa traduction :

La rue, large, vide et en pente, vit seulement dans la grise agonie du jour, du dimanche matin, dans sa couleur sans fond et dans la grâce des boutiques en faillite (et qui sont aujourd’hui fermées). La rue, une des grandes rues de la ville, est comme une rue minérale ou de minéral : son asphalte se peuple d’astéroïdes indécis, son vide dominical palpite dans la trace des millions de voitures qui la parcourent pendant la semaine, sa largeur laborieusement vers le haut, vers le plateau central, plein de bars froids et de cinés éteints, plus le luxe sous-marin des bijouteries. Ensuite, passée une place latérale et faussement monumentale, la rue descend vers un nord froid de gratte- ciel redoublés et de ciels hivernaux. Ce qui se voit le plus depuis la rue, le dimanche vide, c’est l’éclat des petits minéraux qui apparaissent entre l’asphalte, qui naissent de bords en bords, seulement éclairés par la lumière vagabonde du ciel (il ressemble à des nuages qui auraient porté le soleil invisible d’un côté à l’autre). L’homme monte lentement la rue tellement connue, il est peut-être trois heures de l’après-midi, il a passé l’apogée fugace / ? de ceux qui sortent de la messe ou vont à la patisserie, ou les deux, toute la ville est en train de déjeuner dans les maisons avec la lumière à gaz (qu’ils croient électriques, étant donné que nous sommes à la fin du XXème siècle), dans les restaurants avec des bougies, où gémit un cochon de lait vivant pour le bon plaisir de ces romains de tervilor.

***

Selva nous propose sa traduction :

La rue, large, vide et en pente, vit seulement dans le gris mort du jour, du matin de dimanche, dans sa couleur abîme et dans la grâce des magasins qui vont mal (et qui sont fermés aujourd'hui). La rue, une des grandes rues de la ville, est comme une rue minéral ou en minéral: son asphalte se remplit des astéroïdes indécis, son vide dominical palpite dans la trace des millions de voitures qui creusent de sillons pendant la semaine, son ampleur s'unit péniblement vers le haut, vers le plateau central, plein de bars froids et de cinémas éteints, en plus du luxe subaquatique des bijouteries.
Ensuite, une fois passée une place latérale et erronément monumentale, la rue descend vers le nord froid de gratte-ciels répétitifs et ciels hivernaux. Ce qu'on voit le plus de la rue, dans le dimanche désert, c'est l'éclat des petits minéraux qui dépassent parmi l'asphalte, qui poussent entre les deux bords, ne révélés que par la lumière errante du ciel (c'était comme si les nuages portaient le soleil d'un côté vers un autre). L'homme monte lentement la rue si connue, il est peut-être trois heures de l'après-midi, a passé l'apogée/ périgée fugace de ceux qui sortent de messe ou vont à la pâtisserie, ou les deux; toute la ville est en train de déjeuner dans les maisons avec lumière à gaz (qu'eux croient électrique, étant donné qu'on est à la fin du XXème. siècle), dans les restaurants à la lumière des flammes, où un cochon de lait vivant gémit pour délectation de ces Romains de tervilor.

Références culturelles, 352 : Custo Barcelona

En photo : Custo-Barcelona, par AntiqueBelleek

Custo Barcelona
une idée de Laëtitia Sw

http://www.custo-barcelona.com/es/about
http://es.wikipedia.org/wiki/Custo_Dalmau

mardi 26 janvier 2010

La phrase du jour…

… trouvée au hasard sur internet :
« El traductor es la clase de persona que le busca la “quinta pata al gato” ».
Un compliment ? Pas sûr…

Exercice de version, 67

Ante él Van Gogh sólo podía exclamar: «¡In­creíble! ¡Es increíble!». Todo un Marcel Proust se atre­vió a considerarlo «el cuadro más bello del mundo». Se ofrece a nuestros ojos, instantáneamente ena­morados, en el museo Mauritshuis de La Haya y fue pintado hace aproximadamente trescientos cincuenta años por el holandés Jan Vermeer. ¿Su tema? Una vista de la pequeña ciudad de Delft, donde el secreto y prodigioso artista había nacido medio siglo antes. Las aguas de un canal que refleja el cielo nuboso, en parte plomizo; el perfil sin estridencias ni gigantis­mos de los edificios al fondo, casas, pináculos, embar­caciones; las pequeñas figuras en la orilla, nítidas y modosas, destacándose merced a una raramente plá­cida luz amarilla, como amarillo es también «el pe­queño trozo de pared» que allí obsesionaba a Proust. Ni la más mínima concesión a la estridencia o al pintoresquismo. Todo se hace familiar a la primera ojeada, como si fuese el pedazo de mundo que ve­mos desde nuestra ventana día tras día, hace mu­chos años. Pero en su plena transparencia todo es enigmático.
Sería pretencioso hasta lo ridículo por mi parte, que no soy Marcel Proust ni tampoco Gom-brich, ofrecer una nueva clave conjetural de la sose­gada maravilla que nos fascina en este lienzo. Ciertas cosas hay que verlas: y basta con verlas. Aunque si
un amable impertinente me lo pregunta, le susurra­ré que Vermeer ha sabido pintar la tierra natal. No su tierra natal simplemente, sino la emoción de la tierra natal en sí misma, la suya, la mía, la de todos. El escenario de la infancia, el rincón insustituible en que se nos manifestó la vida. Algo sencillo, terri­ble como la fatalidad, hecho de gozo, rutina y lágri­mas. Lo que el tiempo borrará sin misericordia, como a nosotros, pero lo que en nuestra memoria el tiem­po despiadado nunca podrá del todo borrar.

Fernando Savater, Despierta y lee

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Devant lui, Van Gogh ne pouvait que s’exclamer : « Incroyable ! Vraiment incroyable ! ». Marcel Proust a même eu l’audace de le considérer comme « le plus beau tableau du monde ». Il s’offre à nos yeux, instantanément amoureux, au musée Mauritshuis de La Haye. Il a été peint, il y a trois cent cinquante ans environ, par le hollandais Jan Vermeer. Son sujet ? Une vue de la petite ville de Delft, où le secret et prodigieux artiste était né un demi siècle auparavant. Les eaux d’un canal qui reflète le ciel nuageux, en partie plombé ; le profil sans extravagance ni gigantisme des édifices au fond, des maisons, des pinacles, des embarcations ; les petites figures sur le rivage, nettes et sages, ressortant sous l’effet d’une lumière jaune étrangement douce, jaune comme l’est aussi « le petit pan de mur » qui obsédait Proust. Pas la moindre concession à l’excentricité ou au pittoresque. Tout est familier au premier coup d’œil, comme si c’était le bout de monde que nous voyons depuis notre fenêtre, jour après jour, depuis de nombreuses années. Mais, dans sa pleine transparence, tout est énigmatique.
Ce serait prétentieux et même ridicule de ma part, car je ne suis pas Marcel Proust, pas plus que Gombrich, de proposer une nouvelle clé hypothétique de la paisible merveille qui nous fascine dans cette toile. Il y a certaines choses qu’il faut voir et même qu’il ne faut que voir. Encore que... si un aimable impertinent me le demandait, je lui murmurerais que Vermeer a su peindre la terre natale. Non pas, seulement, sa terre natale, mais l’émotion de la terre natale en elle-même, la sienne, la mienne, celle de tout un chacun. Le décor de l’enfance, le coin irremplaçable où la vie s’est manifestée à nous. Quelque chose de simple, de terrible comme la fatalité, fait de joie, de routine et de larmes. Ce que le temps effacera sans pitié, comme nous-mêmes, mais ce qu’il ne pourra jamais, tout impitoyable qu’il est, complètement effacer de notre mémoire.

***

Pascaline nous propose sa traduction :

Exercice de version, 67
Devant lui, Van Gogh ne pouvait que s’exclamer : « Incroyable ! C’est incroyable ! ». Marcel Proust, le seul et unique, n’hésita pas à en faire « le plus beau tableau du monde ». Il s’offre à nos yeux, instantanément amoureux, au musée Mauritshuis de La Haye ; il a été peint il y a environ trois cent cinquante ans par l’Hollandais Jan Vermeer. Son sujet ? Une vue de la petite ville de Delft, où le secret et prodigieux artiste avait vu le jour un demi-siècle auparavant. Les eaux d’un canal qui reflète le ciel nuageux, un ciel en partie plombé ; les traits des édifices dans le fond, des maisons, des pinacles, des embarcations, exempts de toute stridence et de gigantisme ; les petites silhouettes sur la rive, nettes et sages, se détachant grâce une étrange lumière douce et jaune ; jaune l’est aussi « le petit bout de mur » qui, là, obsédait Proust. Pas la moindre concession à la stridence ou au pittoresque. Tout devient familier au premier regard, comme s’il s’agissait d’une partie du monde que nous voyons de notre fenêtre, jour après jour, il y a longtemps. Mais dans sa transparence toute entière, tout est énigmatique.
Il serait prétentieux de ma part, voire ridicule – en effet, je ne suis ni Marcel Proust ni Gombrich – de proposer une nouvelle clé contextuelle de la paisible merveille qui nous fascine sur cette toile. Il y a certaines choses qu’il faut voir : et les voir suffit. Bien que, si un aimable impertinent me le demande, je lui chuchoterai que Vermeer a su peindre la terre natale. Pas simplement sa terre natale, mais l’émotion même de la terre natale, la sienne, la mienne, celle de tous. Le théâtre de notre enfance, le lieu irremplaçable où la vie s’est offerte à nous. Une chose simple, terrible, comme la fatalité, faite de plaisir, de routine et de larmes. Ce que le temps effacera sans miséricorde, comme il nous effacera, mais ce que, dans notre mémoire, le temps impitoyable ne pourra jamais gommer complètement.

Références culturelles, 351 : Pocoyó

Pocoyó
une idée de Laëtitia Sw

http://es.wikipedia.org/wiki/Pocoy%C3%B3
http://www.pocoyo.com/v2/home.php?lang=0

Pour information…

Je viens de publier les traductions pour les exercices de version qui m'ont été envoyées samedi, dimanche et lundi…

Regard sur la traduction par une jeune apprentie traductrice, un texte d'Amélie

Du haut de ma tour d’ivoire, j’observe le monde alentours. Tandis que je reste attablée à mon bureau, protégée par un rempart de dictionnaires, çà et là les gens se déplacent, s’activent, s’agitent. L’un vient d’obtenir un concours, l’autre recherche activement un emploi, celui-ci effectue un stage dans une entreprise et celui-là est déjà sur le marché du travail.
Pendant ce temps-là, moi, je joue, à cloche-pied sur la frontière entre deux langues. Je m’amuse à courir après les mots et à les examiner sous toutes les coutures pour être sûre que ce sont bien ceux dont j’ai besoin ; il me faut toujours être sur le qui-vive car les mots sont fourbes, ils peuvent me tromper en faisant semblant d’être ce qu’ils ne sont pas vraiment, en se parant d’atours qui vont déjouer ma vigilance et me faire tomber dans le piège. Parfois, ils m’échappent : après avoir fouillé partout, je dois me rendre à l’évidence, ils surgiront quand ils l’auront décidé –et non pas le contraire–, au détour d’une pensée ou d’un rêve, tantôt le jour tantôt la nuit, quelquefois sans lien apparent avec la situation. Ils reviendront alors sagement à la place que je leur aurai assignée. Il arrive cependant que ce ne soit pas là le mot qu’il me fallait, que cette longue quête m’ait fait voir la phrase autrement, et l’attente recommence alors, jusqu’à la prochaine étincelle. Tout en bataillant avec eux, je dois décider qui de la virgule, du point-virgule ou des deux-points surveillera le mieux ces suites de lettres turbulentes. Pour cela, il me faut lire attentivement le texte que j’ai sous les yeux, pour déterminer les relations existant entre les différents segments : cela paraît beaucoup moins drôle tout de suite, n’est-ce pas ? Mais non, rien n’y fait, je me divertis toujours autant.
Vous l’aurez compris, j’assimile cette activité quotidienne à un jeu. Pourtant, celui-ci est un peu particulier car chaque partie est à la fois différente et semblable. Les règles changent à chaque fois, ou presque, mais il est primordial de les respecter, sans quoi on pourrait tricher, et plus personne alors ne voudrait faire partie de notre équipe. La stratégie pour parvenir à ses fins n’est jamais exactement la même non plus –évidemment, puisque les cartes ont été mélangées et distribuées différemment –, mais gare à celui qui modifiera complètement sa technique d’une partie à l’autre : chacun a sa propre manière de jouer, sa marque de fabrique, qu’il doit savoir faire évoluer au fil des parties. Mais le plus important à mes yeux dans cette comparaison concerne le chapitre des autres joueurs. Il ne faut pas constamment s’amuser tout seul, d’une part parce qu’en haut d’une tour, il n’y a que peu de passage, on finirait donc par ne plus voir personne ; d’autre part, jouer en équipe permet d’appréhender de nouvelles méthodes, d’acquérir une autre habileté ou d’emprunter aux autres un ou deux « trucs » auxquels nous n’avions pas pensé. Ce jeu est plus compliqué qu’il n’y paraît, c’est un savant mélange d’adaptation et d’habitude, laquelle ne doit pas nous faire penser que nous sommes en terrain conquis, et oublier qu’il faut toujours être aux aguets. Il est également nécessaire de se souvenir que, qu’elle que soit la façon dont nous menons notre jeu, il faudra rendre des comptes à la fin, sans décevoir personne et en offrant au spectateur le même plaisir que ressenti en ouvrant la boîte du jeu pour la première fois. Un élément, néanmoins, rend cette activité unique : le fait que l’on referme fréquemment la boîte en ayant le sentiment de ne pas avoir achevé la partie. Il faut accepter de s’en détacher, de prendre du recul et de la laisser s’en aller : elle ne nous appartient pas, même si nous avons effectué quelques pas ensemble et que nous avons grandi avec elle.
Finalement, à bien y regarder, les gens que je distingue en bas ne sont pas tous si heureux que ça : l’un s’est trompé de chemin, l’autre s’ennuie là où il est, celui-ci a tout recommencé à zéro et celui-là a perdu son emploi. Ce que je me sens à mon aise dans ma tour confortable ! Le tout est de savoir en descendre, pour aller respirer un peu d’air frais, ou ouvrir les fenêtres en grand, pour laisser entrer un vent de folie qui saura donner une note passionnée à ma traduction. J’y travaille.