Le sujet était : dans quelques années…
Coralie :
Un cocon d'amour, de bonheur, de chaleur, des jouets dans lesquels on s'entrave, des réveils en pleine nuit, des larmes à essuyer, des êtres à aimer... De longues soirées d'été animées par des rires amicaux. Un jardin secret : un immense bureau, des livres, par centaines, des versions originales, des traductions, les miennes peut être... Des « madame » à la place des « mademoiselle », des « vous » auxquels je ne m'habituerai certainement pas. C'est d'ailleurs le seul détail dont je sois vraiment sûre, peut être que dans quelques années ma vie sera loin d'être aussi merveilleuse que je le souhaite... Qui peut m'assurer que je deviendrai traductrice, que je pourrai en vivre, que j'aurai un gentil mari et de beaux enfants, que mes amis seront toujours présents, que nos chemins ne se seront pas séparés ? Je n'ai aujourd'hui aucune idée de la façon dont se déroulera ma journée de demain, comment pourrais-je savoir ce que je serai dans cinq ou dix ans ? Je peux simplement affirmer que je m'efforcerai de rester moi-même, avec ou sans rides, seule ou accompagnée, que je me donnerai les moyens d'aller au bout de mes rêves, d'être heureuse et épanouie quoique le destin me réserve.
***
***
***
Laëtitia Sw. :
Moi, quand j’ s’rai grand, j’ s’rai aventurier. Si, ça existe. Même que j’aurai une grosse moto, comme mon papi il m’a montré, et que je suivrai la Route « sixty-six », si, c’est comme ça qu’on dit ! Ouais, eh ben, t’es jaloux, parce que moi, je sais compter en anglais, hé hé. C’était son rêve à mon papi, quand il était jeune, d’aller là-bas, en Amérique. Mon papi, il est complètement fou. Des fois, il se rue sur sa chaîne hi-fi, siii, tu sais bien, le truc qu’ils ont les vieux pour écouter de la musique, il farfouille partout dans son bazar de disques, il finit par choper le bon au bout de trois plombes, et puis il écoute à fond « Born to be wild ». D’abord, je sais l’écrire parce que je l’ai vu au moins trente-six mille fois sur la pochette. Alors, il se met la corbeille à fruit sur la tête, tu sais, celle en forme de coquille, et il fait semblant d’être assis sur une moto, une Harley Davidson qu’il m’a dit. Au début, je me demandais qui c’était ce Davidson qui était hard laid, mais après, mon papi, il m’a expliqué. T’es pas fou, il m’a dit, ça, c’est la déesse des motos, mon pote ! Elle est roulée, t’imagines même pas comment, et quand elle ronronne toute frissonnante contre toi, waouh !... Oui, le pauvre, je crois qu’il commence à perdre la tête... Puis, il fais des yeux du genre je plane à cinq mille, ouais, un peu comme le fils de la voisine du dessus quand il ramasse ses drôles de feuilles de thé, et il me dit, tu vois, Tommy (oui, je sais, je m’appelle Tom, mais lui, il m’appelle Tommy), comme on est bien là, les cheveux dans le vent. Regarde-moi ce paysage de rêve ! Tu sens l’asphalte chauffer sous tes roues ? Tu sens ces effluves de liberté ? Comment ça, ça n’existe pas des fleuves de liberté ? Oui, bon, écoute, je peux pas tout savoir, non plus. Donc moi, dans quelques années, mais non, c’est pas loin, parce que ça arrive plus vite que tu ne le crois, ma maman, elle dit toujours ça, eh ben, j’irai là-bas, en Amérique, où c’est qu’il m’a raconté mon papi, et je serai un grand aventurier. Mais je sais pas encore tout ce que ferai. Parce que mon papi, il doit encore me montrer plein de choses. Dans quelques années, quand je serai presque un homme il a dit, eh ben, il va me faire voir un film du tonnerre, « Easy riders » ça s’appelle, avec plein d’aventuriers comme je veux être. Il paraît qu’ils ont un look trop d’enfer ! Non, même pas vrai, ça craint pas le cuir clouté ! Moi, j’ l’ai vue la panoplie d’aventurier de mon papi, elle est super chouette. Bon, et puis, j’ te préviens, si t’arrête pas de m’embêter, tous les trucs incroyables que je vivrai, eh ben, je viendrai pas te les raconter !
Moi, quand j’ s’rai grand, j’ s’rai aventurier. Si, ça existe. Même que j’aurai une grosse moto, comme mon papi il m’a montré, et que je suivrai la Route « sixty-six », si, c’est comme ça qu’on dit ! Ouais, eh ben, t’es jaloux, parce que moi, je sais compter en anglais, hé hé. C’était son rêve à mon papi, quand il était jeune, d’aller là-bas, en Amérique. Mon papi, il est complètement fou. Des fois, il se rue sur sa chaîne hi-fi, siii, tu sais bien, le truc qu’ils ont les vieux pour écouter de la musique, il farfouille partout dans son bazar de disques, il finit par choper le bon au bout de trois plombes, et puis il écoute à fond « Born to be wild ». D’abord, je sais l’écrire parce que je l’ai vu au moins trente-six mille fois sur la pochette. Alors, il se met la corbeille à fruit sur la tête, tu sais, celle en forme de coquille, et il fait semblant d’être assis sur une moto, une Harley Davidson qu’il m’a dit. Au début, je me demandais qui c’était ce Davidson qui était hard laid, mais après, mon papi, il m’a expliqué. T’es pas fou, il m’a dit, ça, c’est la déesse des motos, mon pote ! Elle est roulée, t’imagines même pas comment, et quand elle ronronne toute frissonnante contre toi, waouh !... Oui, le pauvre, je crois qu’il commence à perdre la tête... Puis, il fais des yeux du genre je plane à cinq mille, ouais, un peu comme le fils de la voisine du dessus quand il ramasse ses drôles de feuilles de thé, et il me dit, tu vois, Tommy (oui, je sais, je m’appelle Tom, mais lui, il m’appelle Tommy), comme on est bien là, les cheveux dans le vent. Regarde-moi ce paysage de rêve ! Tu sens l’asphalte chauffer sous tes roues ? Tu sens ces effluves de liberté ? Comment ça, ça n’existe pas des fleuves de liberté ? Oui, bon, écoute, je peux pas tout savoir, non plus. Donc moi, dans quelques années, mais non, c’est pas loin, parce que ça arrive plus vite que tu ne le crois, ma maman, elle dit toujours ça, eh ben, j’irai là-bas, en Amérique, où c’est qu’il m’a raconté mon papi, et je serai un grand aventurier. Mais je sais pas encore tout ce que ferai. Parce que mon papi, il doit encore me montrer plein de choses. Dans quelques années, quand je serai presque un homme il a dit, eh ben, il va me faire voir un film du tonnerre, « Easy riders » ça s’appelle, avec plein d’aventuriers comme je veux être. Il paraît qu’ils ont un look trop d’enfer ! Non, même pas vrai, ça craint pas le cuir clouté ! Moi, j’ l’ai vue la panoplie d’aventurier de mon papi, elle est super chouette. Bon, et puis, j’ te préviens, si t’arrête pas de m’embêter, tous les trucs incroyables que je vivrai, eh ben, je viendrai pas te les raconter !
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Amélie :
À l’abri sous sa bulle de verre, le petit village de Gelato-les-flots a été épargné par la forte montée des eaux à laquelle le monde a dû faire face. S’il n’a pas souffert outre mesure, il n’en est pas pour autant ressorti indemne, enfermé à jamais dans cet hémicycle transparent. L’humidité s’est emparée du paysage comme le chiendent sur des jeunes pousses, métamorphosant les rues bétonnées en jungle urbaine et réduisant les pavillons bourgeois à l’état de vieilles bâtisses décrépies. La lumière pâle des lampadaires, allumés jour et nuit désormais, ne parvient même pas à percer l’épais brouillard, compagnon de route quotidien des habitants de l’Aquarium.
Posté à l’arrêt « Poissonnerie », Oméga junior jette un œil impatient sur sa montre –waterproof, cela va sans dire. D’un naturel plutôt calme et souriant d’habitude, son visage fermé trahit son énervement croissant. Le waterway, qui permet de se rendre au sec jusqu’à la grande ville voisine, a encore du retard.
— Les nouvelles centrales hydroénergiques laissent vraiment à désirer, bougonne-t-il, prenant à témoin un autre passager.
— À qui le dites-vous ? Pas plus tard qu’hier, j’ai dû rentrer à la nage alors que j’avais déjà ma journée de boulot dans les pattes, c’est inadmissible !
— Eh oui, que voulez-vous, c’est toujours le même problème avec les nouvelles technologies. Ce sont les magasins de plongée qui sont contents, ils vendent combinaison sur combinaison ! renchérit une petite mamie. Il faut bien que quelqu’un profite de la situation ! Ils doivent s’en mordre les doigts, dans les tombes…
Oméga junior reste silencieux. Sa grand-mère lui a raconté que du temps de sa propre arrière-grand-mère, la Terre – que l’on surnommait pourtant déjà la planète bleue – n’était pas complètement immergée. Le manque d’attention des hommes envers l’environnement aurait précipité les évènements. Le jeune homme est sceptique. De toute manière, les choses sont ce qu’elles sont, personne n’y peut rien. Et puis, pour l’instant, il a des soucis autrement importants en tête : la banque vient de l’appeler, ils acceptent finalement de leur prêter cet argent. Il n’a plus qu’une heure pour se rendre au laboratoire, afin de leur demander d’insérer le gène « branchie » dans le flacon de leur embryon. Il veut à tout prix lui offrir la meilleure vie possible. Et ce fichu waterway qui n’arrive pas…
À l’abri sous sa bulle de verre, le petit village de Gelato-les-flots a été épargné par la forte montée des eaux à laquelle le monde a dû faire face. S’il n’a pas souffert outre mesure, il n’en est pas pour autant ressorti indemne, enfermé à jamais dans cet hémicycle transparent. L’humidité s’est emparée du paysage comme le chiendent sur des jeunes pousses, métamorphosant les rues bétonnées en jungle urbaine et réduisant les pavillons bourgeois à l’état de vieilles bâtisses décrépies. La lumière pâle des lampadaires, allumés jour et nuit désormais, ne parvient même pas à percer l’épais brouillard, compagnon de route quotidien des habitants de l’Aquarium.
Posté à l’arrêt « Poissonnerie », Oméga junior jette un œil impatient sur sa montre –waterproof, cela va sans dire. D’un naturel plutôt calme et souriant d’habitude, son visage fermé trahit son énervement croissant. Le waterway, qui permet de se rendre au sec jusqu’à la grande ville voisine, a encore du retard.
— Les nouvelles centrales hydroénergiques laissent vraiment à désirer, bougonne-t-il, prenant à témoin un autre passager.
— À qui le dites-vous ? Pas plus tard qu’hier, j’ai dû rentrer à la nage alors que j’avais déjà ma journée de boulot dans les pattes, c’est inadmissible !
— Eh oui, que voulez-vous, c’est toujours le même problème avec les nouvelles technologies. Ce sont les magasins de plongée qui sont contents, ils vendent combinaison sur combinaison ! renchérit une petite mamie. Il faut bien que quelqu’un profite de la situation ! Ils doivent s’en mordre les doigts, dans les tombes…
Oméga junior reste silencieux. Sa grand-mère lui a raconté que du temps de sa propre arrière-grand-mère, la Terre – que l’on surnommait pourtant déjà la planète bleue – n’était pas complètement immergée. Le manque d’attention des hommes envers l’environnement aurait précipité les évènements. Le jeune homme est sceptique. De toute manière, les choses sont ce qu’elles sont, personne n’y peut rien. Et puis, pour l’instant, il a des soucis autrement importants en tête : la banque vient de l’appeler, ils acceptent finalement de leur prêter cet argent. Il n’a plus qu’une heure pour se rendre au laboratoire, afin de leur demander d’insérer le gène « branchie » dans le flacon de leur embryon. Il veut à tout prix lui offrir la meilleure vie possible. Et ce fichu waterway qui n’arrive pas…
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Coralie :
Un cocon d'amour, de bonheur, de chaleur, des jouets dans lesquels on s'entrave, des réveils en pleine nuit, des larmes à essuyer, des êtres à aimer... De longues soirées d'été animées par des rires amicaux. Un jardin secret : un immense bureau, des livres, par centaines, des versions originales, des traductions, les miennes peut être... Des « madame » à la place des « mademoiselle », des « vous » auxquels je ne m'habituerai certainement pas. C'est d'ailleurs le seul détail dont je sois vraiment sûre, peut être que dans quelques années ma vie sera loin d'être aussi merveilleuse que je le souhaite... Qui peut m'assurer que je deviendrai traductrice, que je pourrai en vivre, que j'aurai un gentil mari et de beaux enfants, que mes amis seront toujours présents, que nos chemins ne se seront pas séparés ? Je n'ai aujourd'hui aucune idée de la façon dont se déroulera ma journée de demain, comment pourrais-je savoir ce que je serai dans cinq ou dix ans ? Je peux simplement affirmer que je m'efforcerai de rester moi-même, avec ou sans rides, seule ou accompagnée, que je me donnerai les moyens d'aller au bout de mes rêves, d'être heureuse et épanouie quoique le destin me réserve.
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Émeline :
Dans quelques années, environ cinq ans, je ne m’imagine pas. Ou plutôt si. Mais ce ne sera peut-être pas comme cela.
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire. Célibataire et dans mon propre appartement, je serai tranquille et vivrai ma vie comme je l’entends. Je sortirai tous les week-ends avec ma copine dans tous les bars possibles et on boira de la manzana-kas pour elle, du champagne pour moi. On déprimera bien évidemment sur le canapé en se disant qu’on est deux pauvres filles seules, que je suis une carriériste acharnée, qu’elle adore son travail dans les casinos et que son patron est un connard. On aura toujours un problème de shopping, moi avec les chaussures, elle aussi remarque, mais elle avec les bijoux fantaisie en plus. Et puis mes parents vivront dans le sud de la France, au soleil, là où j’irai passer quelques semaines de temps en temps, mon père profitant de son jardin et de pouvoir soulager sa vessie partout autour de la maison, et ma mère profitant du soleil sur la terrasse en lisant je ne sais quel roman. Et ils me demanderont quand seront-ils enfin grands-parents, quand mon père devra s’entrainer pour pouvoir courir tout en poussant le caddie dans lequel je serai avec mes bottes de motard, quand ma mère viendra passer les derniers jours de ma grossesse à mes côtés…
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire, entrecoupées malheureusement par le biberon à donner, la couche à changer, puis plus tard par les cauchemars. Mon mari sera l’homme parfait, toujours aux petits soins, s’occupera de son fils la majorité du temps et cuisinera divinement. On vivra dans un grand appartement dans le centre d’une grande ville. Nous serons liés par la passion du poker et nous gagnerons beaucoup d’argent. Nous voyagerons partout dans le monde, assoiffés de découvertes culturelles. Je n’aurai pas perdu tous les kilos de la grossesse et ma mère me dira chaque fois qu’elle me verra « Mais t’as pas grossi ? », avec sa délicatesse légendaire. Mon père apprendra à son petit-fils à faire toutes sortes de bêtises possibles et lui racontera des anecdotes sur moi. Ma mère se chargera de lui apprendre les pires jurons. Mon fils sera un surdoué fasciné par l’art, les langues et les voyages et deviendra restaurateur d’œuvres d’art en même temps que peintre. Nous passerons nos dimanches en famille, nous mangerons du magret de canard avec des frites, accompagné d’un bon verre de rouge et nous jouerons au tarot ensuite…
Dans quelques années, environ cinq ans, je ne m’imagine pas. Ou plutôt si. Mais ce ne sera peut-être pas comme cela.
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire. Célibataire et dans mon propre appartement, je serai tranquille et vivrai ma vie comme je l’entends. Je sortirai tous les week-ends avec ma copine dans tous les bars possibles et on boira de la manzana-kas pour elle, du champagne pour moi. On déprimera bien évidemment sur le canapé en se disant qu’on est deux pauvres filles seules, que je suis une carriériste acharnée, qu’elle adore son travail dans les casinos et que son patron est un connard. On aura toujours un problème de shopping, moi avec les chaussures, elle aussi remarque, mais elle avec les bijoux fantaisie en plus. Et puis mes parents vivront dans le sud de la France, au soleil, là où j’irai passer quelques semaines de temps en temps, mon père profitant de son jardin et de pouvoir soulager sa vessie partout autour de la maison, et ma mère profitant du soleil sur la terrasse en lisant je ne sais quel roman. Et ils me demanderont quand seront-ils enfin grands-parents, quand mon père devra s’entrainer pour pouvoir courir tout en poussant le caddie dans lequel je serai avec mes bottes de motard, quand ma mère viendra passer les derniers jours de ma grossesse à mes côtés…
Je me vois derrière mon grand bureau en verre, à passer des nuits entières à traduire, entrecoupées malheureusement par le biberon à donner, la couche à changer, puis plus tard par les cauchemars. Mon mari sera l’homme parfait, toujours aux petits soins, s’occupera de son fils la majorité du temps et cuisinera divinement. On vivra dans un grand appartement dans le centre d’une grande ville. Nous serons liés par la passion du poker et nous gagnerons beaucoup d’argent. Nous voyagerons partout dans le monde, assoiffés de découvertes culturelles. Je n’aurai pas perdu tous les kilos de la grossesse et ma mère me dira chaque fois qu’elle me verra « Mais t’as pas grossi ? », avec sa délicatesse légendaire. Mon père apprendra à son petit-fils à faire toutes sortes de bêtises possibles et lui racontera des anecdotes sur moi. Ma mère se chargera de lui apprendre les pires jurons. Mon fils sera un surdoué fasciné par l’art, les langues et les voyages et deviendra restaurateur d’œuvres d’art en même temps que peintre. Nous passerons nos dimanches en famille, nous mangerons du magret de canard avec des frites, accompagné d’un bon verre de rouge et nous jouerons au tarot ensuite…
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Chloé :
Cédric demanda au chauffeur de taxi d’accélérer, sa montre affichait 9h45 et il avait peur de rater son avion. La voiture jaune et noire filait à toute vitesse sur la 101 et on voyait la ville s’éloigner petit à petit. Pour la énième fois, il vérifia s’il n’avait rien oublié – passeport, billets – tout était là. Après quelques minutes, ils arrivèrent au SFO. Cédric lâcha quelques dollars pour régler la course, récupéra ses bagages et se précipita dans le hall pour aller les enregistrer. Il ne fut rassuré qu’après s’être installé dans l’avion. Cependant, son stress envolé fit place à une nouvelle appréhension. Cela faisait cinq ans qu’il n’était pas revenu en France. Cinq ans qu’il n’avait pas vu Eva, sa meilleure amie, à qui il avait donné rendez-vous deux jours plus tard. Ils s’étaient rencontrés à l’école primaire et ne s’étaient plus quittés jusqu’à la fac, où chacun avait pris des chemins différents. Il était parti à San Francisco pour ses études et avait fini par trouver un job là-bas. Bien sûr, au début, ils avaient gardé le contact, par Skype, par e-mails, les moyens ne manquaient pas. Mais avec le temps, les nouvelles s’étaient faites plus rares et Cédric craignait de ne pas savoir quoi lui dire. Pourtant, il s’en était passé des choses en cinq ans, mais c’était autant d’événements qu’il avait ratés.
Après plusieurs heures de vol et un second avion, il atterrit enfin à Bordeaux. Les retrouvailles avec sa famille s’étaient bien passées, mais il était extrêmement fatigué par le décalage horaire. Le lendemain soir, il se rendit au restaurant Le Risotto, où Eva devait le rejoindre. Cédric constata qu’elle n’était pas encore là. Toujours en retard, ça au moins, ça n’a pas changé, s’amusa-t-il. L’attente le rendit nerveux. Et si elle me trouvait trop différent ? Et si elle ne m’appréciait plus ? De sa table, il fixait la porte en face de lui. Soudain, elle s’ouvrit et Eva apparut sur le seuil. Après quelques secondes, il lui sourit, soulagé de ne pas lire de surprise dans son regard. Elle était toujours la même, mise à part les quelques rides qui commençaient à se creuser au coin de ses yeux. Ils se serrèrent chaleureusement dans les bras et ce fut elle qui brisa le silence en lançant la conversation. Une fois les banalités échangées, elle lui avoua qu’on distinguait des cheveux blancs parmi ses boucles brunes. Ils rirent de bon cœur et Cédric lui raconta combien il avait eu peur de s’apercevoir qu’ils n’avaient plus rien en commun. Leur complicité retrouvée, ils rattrapèrent le temps perdu en refaisant le monde comme autrefois.
Cédric demanda au chauffeur de taxi d’accélérer, sa montre affichait 9h45 et il avait peur de rater son avion. La voiture jaune et noire filait à toute vitesse sur la 101 et on voyait la ville s’éloigner petit à petit. Pour la énième fois, il vérifia s’il n’avait rien oublié – passeport, billets – tout était là. Après quelques minutes, ils arrivèrent au SFO. Cédric lâcha quelques dollars pour régler la course, récupéra ses bagages et se précipita dans le hall pour aller les enregistrer. Il ne fut rassuré qu’après s’être installé dans l’avion. Cependant, son stress envolé fit place à une nouvelle appréhension. Cela faisait cinq ans qu’il n’était pas revenu en France. Cinq ans qu’il n’avait pas vu Eva, sa meilleure amie, à qui il avait donné rendez-vous deux jours plus tard. Ils s’étaient rencontrés à l’école primaire et ne s’étaient plus quittés jusqu’à la fac, où chacun avait pris des chemins différents. Il était parti à San Francisco pour ses études et avait fini par trouver un job là-bas. Bien sûr, au début, ils avaient gardé le contact, par Skype, par e-mails, les moyens ne manquaient pas. Mais avec le temps, les nouvelles s’étaient faites plus rares et Cédric craignait de ne pas savoir quoi lui dire. Pourtant, il s’en était passé des choses en cinq ans, mais c’était autant d’événements qu’il avait ratés.
Après plusieurs heures de vol et un second avion, il atterrit enfin à Bordeaux. Les retrouvailles avec sa famille s’étaient bien passées, mais il était extrêmement fatigué par le décalage horaire. Le lendemain soir, il se rendit au restaurant Le Risotto, où Eva devait le rejoindre. Cédric constata qu’elle n’était pas encore là. Toujours en retard, ça au moins, ça n’a pas changé, s’amusa-t-il. L’attente le rendit nerveux. Et si elle me trouvait trop différent ? Et si elle ne m’appréciait plus ? De sa table, il fixait la porte en face de lui. Soudain, elle s’ouvrit et Eva apparut sur le seuil. Après quelques secondes, il lui sourit, soulagé de ne pas lire de surprise dans son regard. Elle était toujours la même, mise à part les quelques rides qui commençaient à se creuser au coin de ses yeux. Ils se serrèrent chaleureusement dans les bras et ce fut elle qui brisa le silence en lançant la conversation. Une fois les banalités échangées, elle lui avoua qu’on distinguait des cheveux blancs parmi ses boucles brunes. Ils rirent de bon cœur et Cédric lui raconta combien il avait eu peur de s’apercevoir qu’ils n’avaient plus rien en commun. Leur complicité retrouvée, ils rattrapèrent le temps perdu en refaisant le monde comme autrefois.
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