Yo no soy el que parezco ser. No sé por qué, desde niño, desde que empecé a estudiar el bachillerato, me repito frases urdidas en torno al verbo ser, a la manera de ejemplos gramaticales que aún recuerdo de memoria: yo soy el que soy..., los pocos sabios que en el mundo han sido... Yo no soy el que parezco ser, me repito una y otra vez, en voz alta, ante el espejo de mi cuarto de baño, en sordina cuando no estoy solo y necesito la compañía fundamental de mi frase predilecta, mentalmente cuando incluso el sotto voce llegaría a sorprender esa alertada y agresiva disposición que los demás nos dedican. Las pocas personas que me conocen bien, y que nadie me obligue a censarlas porque tal vez ante la debilidad del censo no podría aportar ni un solo nombre, pero en fin, las pocas personas que potencialmente me conocerían bien saben que de vez en cuando las sorprendo con algunas exclamaciones fijas que son como el estribillo de mi subconsciente.
Por ejemplo: "Yo no soy el que parezco ser". O bien: "¿Y qué decir de la inquebrantable lucha de los comunistas argelinos?".
En cierta ocasión llegué a la consecuencia, después de un esfuerzo de investigación introspectiva, que ambas frases debía grabarlas en mi subconsciente en torno al comienzo de los años sesenta, a raíz de las lecturas de No soy Stiller, de Max Frish, y de La question, de Henri Alleg. El primer libro, una novela, guardaba referencia con el problema de la personalidad, y si quisiera ponerme pedante y recordar mi primera vocación diría que hay en esa novela un eco de las tesis kierkegaardianas, eco por otra parte tan presente en los literatos del comportamiento como Unamuno o Pirandello. El segundo era el relato testimonial de Henri Alleg, subdirector de L'Écho d'Alger, comunista que padeció la tortura en manos de los paracaidistas franceses por su solidaridad con el Front de Libération National (FLN). Acudir a estos recuerdos es para mí como adentrarme en el desván de mi memoria culta. Con una cierta sonrisa irónica en el rostro, el mío, que supongo. Es más: cuando, a veces, ante el espejo del cuarto de baño, trato de componer esa sonrisa irónica que me supongo, no me sale. Ahí está un extraño maniquí lleno de sonrisas rotas o excesivas, que jamás acierta a componer esa sonrisa sutil, como espuma tenue, que me haría feliz.
El inspector, Dávila creo que se llama, ha elogiado las dimensiones de mi biblioteca. Asegura que a él le gusta mucho leer.
Por ejemplo: "Yo no soy el que parezco ser". O bien: "¿Y qué decir de la inquebrantable lucha de los comunistas argelinos?".
En cierta ocasión llegué a la consecuencia, después de un esfuerzo de investigación introspectiva, que ambas frases debía grabarlas en mi subconsciente en torno al comienzo de los años sesenta, a raíz de las lecturas de No soy Stiller, de Max Frish, y de La question, de Henri Alleg. El primer libro, una novela, guardaba referencia con el problema de la personalidad, y si quisiera ponerme pedante y recordar mi primera vocación diría que hay en esa novela un eco de las tesis kierkegaardianas, eco por otra parte tan presente en los literatos del comportamiento como Unamuno o Pirandello. El segundo era el relato testimonial de Henri Alleg, subdirector de L'Écho d'Alger, comunista que padeció la tortura en manos de los paracaidistas franceses por su solidaridad con el Front de Libération National (FLN). Acudir a estos recuerdos es para mí como adentrarme en el desván de mi memoria culta. Con una cierta sonrisa irónica en el rostro, el mío, que supongo. Es más: cuando, a veces, ante el espejo del cuarto de baño, trato de componer esa sonrisa irónica que me supongo, no me sale. Ahí está un extraño maniquí lleno de sonrisas rotas o excesivas, que jamás acierta a componer esa sonrisa sutil, como espuma tenue, que me haría feliz.
El inspector, Dávila creo que se llama, ha elogiado las dimensiones de mi biblioteca. Asegura que a él le gusta mucho leer.
Manuel Vázquez Montalbán, Cuarteto
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Coralie nous propose sa traduction :
Je ne suis pas celui que je parais être. Je ne sais pas pourquoi, depuis mon enfance, depuis que j'ai commencé à étudier pour le baccalauréat, je me répète des phrases tissées autour de verbe être, à la manière d'exemples grammaticaux, dont je me souviens encore par cœur : je suis celui que je suis..., les rares sages qui ont été dans le monde... Je ne suis pas celui que je parais être, me répète-je une fois et une autre, à voix haute, face au miroir de ma salle de bain, en sourdine quand je ne suis pas seul et j'ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase préférée, mentalement quand même le sotto voce viendrait surprendre cette disposition avisée et agressive que les autres nous adressent. Les rares personnes qui me connaissent bien, et que personne ne m'oblige à les recenser parce que devant la faiblesse de recensement je ne pourrais fournir aucun nom, mais enfin, les rares personnes qui, potentiellement, me connaitraient bien savent que de temps en temps je les surprends avec des exclamations figées qui sont comme le refrain de mon subconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que je parais être ». Ou bien : « Et que dire de l'inébranlable lutte des communistes algériens ? ». Un jour, je suis arrivé à la conclusion, après un effort de recherche introspective, que je devais graver ces phrases dans mon subconscient autour du début des années soixante, à la suite des lectures de Je ne suis pas Stiller, de Max Frish, et de La question, de Henri Alleg. Le premier livre, un roman, fait allusion au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma première vocation, je dirais qu'il y a dans ce roman un écho aux thèses kierkegaardiennes, écho si présent d'autre part chez les écrivains comportementalistes comme Unamuno ou Pirandello. Le second était le récit testimonial d'Henri Alleg, sous-directeur de L'Écho d'Alger, communiste qui subit la torture des mains des parachutistes français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération Nationale (FLN). Faire appel à ces souvenirs est pour moi comme pénétrer dans le grenier de ma mémoire érudite. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, que j'imagine. C'est plus que cela : quand, parfois, face au miroir de ma salle de bain, je tente de composer ce sourire ironique que j'imagine, il ne vient pas. Il y a là un étrange mannequin plein de sourires cassés ou excessifs, qui ne parvient jamais à composer ce sourire subtil, tel une légère écume qui me rendrait heureux. L'inspecteur, je crois qu'il s'appelle Dávila, a fait l'éloge des dimensions de ma bibliothèque. Il assure qu'il aime beaucoup lire.
Je ne suis pas celui que je parais être. Je ne sais pas pourquoi, depuis mon enfance, depuis que j'ai commencé à étudier pour le baccalauréat, je me répète des phrases tissées autour de verbe être, à la manière d'exemples grammaticaux, dont je me souviens encore par cœur : je suis celui que je suis..., les rares sages qui ont été dans le monde... Je ne suis pas celui que je parais être, me répète-je une fois et une autre, à voix haute, face au miroir de ma salle de bain, en sourdine quand je ne suis pas seul et j'ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase préférée, mentalement quand même le sotto voce viendrait surprendre cette disposition avisée et agressive que les autres nous adressent. Les rares personnes qui me connaissent bien, et que personne ne m'oblige à les recenser parce que devant la faiblesse de recensement je ne pourrais fournir aucun nom, mais enfin, les rares personnes qui, potentiellement, me connaitraient bien savent que de temps en temps je les surprends avec des exclamations figées qui sont comme le refrain de mon subconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que je parais être ». Ou bien : « Et que dire de l'inébranlable lutte des communistes algériens ? ». Un jour, je suis arrivé à la conclusion, après un effort de recherche introspective, que je devais graver ces phrases dans mon subconscient autour du début des années soixante, à la suite des lectures de Je ne suis pas Stiller, de Max Frish, et de La question, de Henri Alleg. Le premier livre, un roman, fait allusion au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma première vocation, je dirais qu'il y a dans ce roman un écho aux thèses kierkegaardiennes, écho si présent d'autre part chez les écrivains comportementalistes comme Unamuno ou Pirandello. Le second était le récit testimonial d'Henri Alleg, sous-directeur de L'Écho d'Alger, communiste qui subit la torture des mains des parachutistes français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération Nationale (FLN). Faire appel à ces souvenirs est pour moi comme pénétrer dans le grenier de ma mémoire érudite. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, que j'imagine. C'est plus que cela : quand, parfois, face au miroir de ma salle de bain, je tente de composer ce sourire ironique que j'imagine, il ne vient pas. Il y a là un étrange mannequin plein de sourires cassés ou excessifs, qui ne parvient jamais à composer ce sourire subtil, tel une légère écume qui me rendrait heureux. L'inspecteur, je crois qu'il s'appelle Dávila, a fait l'éloge des dimensions de ma bibliothèque. Il assure qu'il aime beaucoup lire.
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Laëtitia Sw nous propose sa traduction :
Je ne suis pas celui que je parais être. Je ne sais pas pourquoi mais, depuis que je suis enfant, depuis que j’ai commencé à préparer le baccalauréat, je me répète des phrases élaborées autour du verbe être, à la manière d’exemples grammaticaux que je sais encore par cœur : je suis celui que je suis..., les quelques esprits savants qui ont été de ce monde... Je ne suis pas celui que je parais être, me répété-je maintes fois, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bains, en sourdine quand je ne suis pas seul et que j’ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase de prédilection, mentalement quand même le sotto voce arriverait à surprendre cette disposition préventive et agressive que les autres nous réservent. Les quelques personnes qui me connaissent bien, et qu’on ne m’oblige pas à les compter parce que peut-être, devant la faiblesse du compte, je ne pourrais même pas produire un seul nom, bref, les quelques personnes qui potentiellement me connaîtraient bien savent que, de temps en temps, je les surprends par quelques exclamations figées qui sont comme le refrain de mon subconscient.
Par exemple : « Je ne suis pas celui que je parais être ». Ou bien : « Que dire de l’inébranlable lutte des communistes algériens ? »
Un jour, après un effort d’investigation introspective, j’en vins à la conclusion que j’avais dû graver ces deux phrases dans mon subconscient vers le début des années soixante, à partir des lectures de « Je ne suis pas Stiller » de Max Frisch, et de « La question » de Henri Alleg. Le premier livre, un roman, faisait allusion au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma vocation première, je dirais qu’il y a dans ce roman un écho des thèses kierkegaardiennes, écho également présent, d’autre part, chez les écrivains du comportement comme Unamuno ou Pirandello. Le second était le témoignage de Henri Alleg, sous-directeur de L’Écho d’Alger, communiste qui endura la torture des parachutistes français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération Nationale (FLN). Me plonger dans ces souvenirs est pour moi comme pénétrer dans le grenier de ma mémoire littéraire. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, celui que je me prête. Or, quand, parfois, devant le miroir de la salle de bains, j’essaie de faire ce sourire ironique que je me prête, je n’y parviens pas. Je ne vois qu’un étrange pantin affublé de sourires ratés ou excessifs, qui ne réussit jamais à faire ce sourire subtil, comme l’écume ténue, qui me rendrait heureux.
L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a salué les proportions généreuses de ma bibliothèque. Il assure qu’il aime beaucoup lire.
Je ne suis pas celui que je parais être. Je ne sais pas pourquoi mais, depuis que je suis enfant, depuis que j’ai commencé à préparer le baccalauréat, je me répète des phrases élaborées autour du verbe être, à la manière d’exemples grammaticaux que je sais encore par cœur : je suis celui que je suis..., les quelques esprits savants qui ont été de ce monde... Je ne suis pas celui que je parais être, me répété-je maintes fois, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bains, en sourdine quand je ne suis pas seul et que j’ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase de prédilection, mentalement quand même le sotto voce arriverait à surprendre cette disposition préventive et agressive que les autres nous réservent. Les quelques personnes qui me connaissent bien, et qu’on ne m’oblige pas à les compter parce que peut-être, devant la faiblesse du compte, je ne pourrais même pas produire un seul nom, bref, les quelques personnes qui potentiellement me connaîtraient bien savent que, de temps en temps, je les surprends par quelques exclamations figées qui sont comme le refrain de mon subconscient.
Par exemple : « Je ne suis pas celui que je parais être ». Ou bien : « Que dire de l’inébranlable lutte des communistes algériens ? »
Un jour, après un effort d’investigation introspective, j’en vins à la conclusion que j’avais dû graver ces deux phrases dans mon subconscient vers le début des années soixante, à partir des lectures de « Je ne suis pas Stiller » de Max Frisch, et de « La question » de Henri Alleg. Le premier livre, un roman, faisait allusion au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma vocation première, je dirais qu’il y a dans ce roman un écho des thèses kierkegaardiennes, écho également présent, d’autre part, chez les écrivains du comportement comme Unamuno ou Pirandello. Le second était le témoignage de Henri Alleg, sous-directeur de L’Écho d’Alger, communiste qui endura la torture des parachutistes français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération Nationale (FLN). Me plonger dans ces souvenirs est pour moi comme pénétrer dans le grenier de ma mémoire littéraire. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, celui que je me prête. Or, quand, parfois, devant le miroir de la salle de bains, j’essaie de faire ce sourire ironique que je me prête, je n’y parviens pas. Je ne vois qu’un étrange pantin affublé de sourires ratés ou excessifs, qui ne réussit jamais à faire ce sourire subtil, comme l’écume ténue, qui me rendrait heureux.
L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a salué les proportions généreuses de ma bibliothèque. Il assure qu’il aime beaucoup lire.
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Pascaline nous propose sa traduction :
Je ne suis pas celui que je semble être. J’ignore pourquoi, depuis mon enfance, lorsque j’ai commencé mes études en dernière année de lycée, je me répète des phrases alambiquées autour du verbe être, à la façon des exemples grammaticaux dont je me souviens encore de mémoire : je suis celui que je suis…, le peu de sages qui dans le monde ont été … Je ne suis pas celui que je semble être, je me répète cette phrase encore et encore, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bain ; en sourdine, quand je ne suis pas seul mais que j’ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase de prédilection ; mentalement, lorsque, même à voix basse, je pourrais surprendre cette attention alerte et vive que les autres nous prêtent. Le peu de gens qui me connaissent bien - et que personne ne m’oblige à les recenser, car il se peut que face à la maigreur du recensement, je ne puisse fournir un seul nom, enfin bref -, le peu de gens qui potentiellement me connaîtraient bien savent que, de temps en temps, je les étonne avec certaines exclamations figées qui semblent être le refrain de mon subconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que je semble être ». Ou bien : « Et que dire de l’inébranlable lutte des communistes algériens ? »
Dans certains cas, après un effort de recherche introspective, j’en suis arrivé à la conclusion que je devais avoir enregistré ces deux phrases dans mon subconscient vers le début des années soixante, à la suite des lectures de No soy Stiller, de Max Frish, et de La question, d’Henri Alleg. Le premier livre, un roman, faisait référence au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma première vocation, je dirais qu’il y dans ce roman un écho des thèses kierkegaardiennes, écho que l’on retrouve par ailleurs chez les écrivains du comportement tels que Unamuno ou Pirandello. Le second ouvrage était le témoignage d’Henri Alleg, sous-directeur de L’Écho d’Alger, un communiste qui subit la torture des parachutistes français en raison de sa solidarité avec le Front de Libération National. Lorsque je fais appel à ces souvenirs, c’est comme si je pénétrais dans le grenier de ma mémoire érudite. J’imagine un certain sourire ironique, le mien. Il y a plus : quand, parfois, face au miroir de la salle de bain, j’essaie de reproduire ce sourire ironique que je m’imagine, je n’y arrive pas. Nous avons là un étrange mannequin empli de sourires brisés et exagérés, qui ne parvient jamais à afficher ce sourire subtil, comme une légère mousse, qui me rendrait heureux.
L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a fait l’éloge de ma bibliothèque. Il affirme qu’il aime beaucoup lire.
Je ne suis pas celui que je semble être. J’ignore pourquoi, depuis mon enfance, lorsque j’ai commencé mes études en dernière année de lycée, je me répète des phrases alambiquées autour du verbe être, à la façon des exemples grammaticaux dont je me souviens encore de mémoire : je suis celui que je suis…, le peu de sages qui dans le monde ont été … Je ne suis pas celui que je semble être, je me répète cette phrase encore et encore, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bain ; en sourdine, quand je ne suis pas seul mais que j’ai besoin de la compagnie fondamentale de ma phrase de prédilection ; mentalement, lorsque, même à voix basse, je pourrais surprendre cette attention alerte et vive que les autres nous prêtent. Le peu de gens qui me connaissent bien - et que personne ne m’oblige à les recenser, car il se peut que face à la maigreur du recensement, je ne puisse fournir un seul nom, enfin bref -, le peu de gens qui potentiellement me connaîtraient bien savent que, de temps en temps, je les étonne avec certaines exclamations figées qui semblent être le refrain de mon subconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que je semble être ». Ou bien : « Et que dire de l’inébranlable lutte des communistes algériens ? »
Dans certains cas, après un effort de recherche introspective, j’en suis arrivé à la conclusion que je devais avoir enregistré ces deux phrases dans mon subconscient vers le début des années soixante, à la suite des lectures de No soy Stiller, de Max Frish, et de La question, d’Henri Alleg. Le premier livre, un roman, faisait référence au problème de la personnalité, et si je voulais me montrer pédant et rappeler ma première vocation, je dirais qu’il y dans ce roman un écho des thèses kierkegaardiennes, écho que l’on retrouve par ailleurs chez les écrivains du comportement tels que Unamuno ou Pirandello. Le second ouvrage était le témoignage d’Henri Alleg, sous-directeur de L’Écho d’Alger, un communiste qui subit la torture des parachutistes français en raison de sa solidarité avec le Front de Libération National. Lorsque je fais appel à ces souvenirs, c’est comme si je pénétrais dans le grenier de ma mémoire érudite. J’imagine un certain sourire ironique, le mien. Il y a plus : quand, parfois, face au miroir de la salle de bain, j’essaie de reproduire ce sourire ironique que je m’imagine, je n’y arrive pas. Nous avons là un étrange mannequin empli de sourires brisés et exagérés, qui ne parvient jamais à afficher ce sourire subtil, comme une légère mousse, qui me rendrait heureux.
L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a fait l’éloge de ma bibliothèque. Il affirme qu’il aime beaucoup lire.
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Morgane nous propose sa traduction :
Je ne suis pas celui que j’apparente. J’ignore pourquoi, depuis mon enfance, depuis que j’ai commencé à étudier dans le secondaire, je me répète des phrases tournant autour du verbe être, à la manière des exemples grammaticaux dont je me souviens encore par cœur : je suis celui qui est…, les rares savants qui ont existés dans le monde… Je ne suis point celui que j’apparente, cela, je me le répète incessamment, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bain, en sourdine lorsque je ne suis point seul et que j’ai besoin de la compagnie indispensable de ma phrase de prédilection, mentalement lorsque même le sotto voce en arriverait à surprendre cette disposition alerte et agressive que les autres nous attribuent.
Les rares personnes qui me connaissent bien, et que personne m’oblige à les recenser car peut-être que devant l’inefficacité du recensement on ne pourrait apporter aucun nom, mais enfin, les rares personnes qui potentiellement me connaîtraient bien savent que de temps en temps je les surprends avec quelques exclamations figées qui sont comme le refrain de mon inconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que j’apparente ». Ou bien « Et quoi dire de l’inébranlable lutte des communistes Algériens ? ». Dans certaine occasion je suis arrivée à la conclusion, après un effort de recherche intérieure, que je devais enregistrer chaque phrase dans mon inconscient autour des années soixante, à côté des lectures de « No soy Stiller », de Max Frish ; et de « La question », d’Henri Alleg. Le premier livre, un roman, avait comme référence le problème de la personnalité, et si je souhaitais être pédant et rappeler ma première vocation je dirais qu’il y a dans ce roman un écho des thèses kierkegaardienne, écho d’autre part si présent chez les littéraires spécialiste du comportement tels Unamuno ou Pirandello. Le second était un récit testimonial d’Henri Alleg, sous-directeur de l’Écho d’Alger, communiste qui endura la torture aux mains des parachutistes Français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération National (FNL). Faire appel à ces souvenirs est pour moi comme pénétrer plus avant dans le grenier de ma docte mémoire. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, je suppose. Et en plus : lorsque, quelque fois, devant le miroir de la salle de bain, j’essaie d’arpenter ce sourire ironique que je crois être mien, je n’y parviens point. Là-bas se trouve un étrange mannequin arborant à foison sourires brisés ou excessifs, qui jamais ne parvient à composer ce sourire subtil, telle l’écume légère, qui me rendrait heureux. L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a fait l’éloge de la grandeur de ma bibliothèque. Il assure qu’il aime beaucoup lire.
Je ne suis pas celui que j’apparente. J’ignore pourquoi, depuis mon enfance, depuis que j’ai commencé à étudier dans le secondaire, je me répète des phrases tournant autour du verbe être, à la manière des exemples grammaticaux dont je me souviens encore par cœur : je suis celui qui est…, les rares savants qui ont existés dans le monde… Je ne suis point celui que j’apparente, cela, je me le répète incessamment, à voix haute, devant le miroir de ma salle de bain, en sourdine lorsque je ne suis point seul et que j’ai besoin de la compagnie indispensable de ma phrase de prédilection, mentalement lorsque même le sotto voce en arriverait à surprendre cette disposition alerte et agressive que les autres nous attribuent.
Les rares personnes qui me connaissent bien, et que personne m’oblige à les recenser car peut-être que devant l’inefficacité du recensement on ne pourrait apporter aucun nom, mais enfin, les rares personnes qui potentiellement me connaîtraient bien savent que de temps en temps je les surprends avec quelques exclamations figées qui sont comme le refrain de mon inconscient. Par exemple : « Je ne suis pas celui que j’apparente ». Ou bien « Et quoi dire de l’inébranlable lutte des communistes Algériens ? ». Dans certaine occasion je suis arrivée à la conclusion, après un effort de recherche intérieure, que je devais enregistrer chaque phrase dans mon inconscient autour des années soixante, à côté des lectures de « No soy Stiller », de Max Frish ; et de « La question », d’Henri Alleg. Le premier livre, un roman, avait comme référence le problème de la personnalité, et si je souhaitais être pédant et rappeler ma première vocation je dirais qu’il y a dans ce roman un écho des thèses kierkegaardienne, écho d’autre part si présent chez les littéraires spécialiste du comportement tels Unamuno ou Pirandello. Le second était un récit testimonial d’Henri Alleg, sous-directeur de l’Écho d’Alger, communiste qui endura la torture aux mains des parachutistes Français à cause de sa solidarité avec le Front de Libération National (FNL). Faire appel à ces souvenirs est pour moi comme pénétrer plus avant dans le grenier de ma docte mémoire. Avec un certain sourire ironique sur le visage, le mien, je suppose. Et en plus : lorsque, quelque fois, devant le miroir de la salle de bain, j’essaie d’arpenter ce sourire ironique que je crois être mien, je n’y parviens point. Là-bas se trouve un étrange mannequin arborant à foison sourires brisés ou excessifs, qui jamais ne parvient à composer ce sourire subtil, telle l’écume légère, qui me rendrait heureux. L’inspecteur, je crois qu’il s’appelle Dávila, a fait l’éloge de la grandeur de ma bibliothèque. Il assure qu’il aime beaucoup lire.
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