dimanche 28 février 2010

Résultats du sondage : « Vous travaillez vos traductions sur… ? »

Sur 22 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Sur un ordinateur portable = 19 voix (86%)
Sur un ordinateur normal (de bureau) = 3 voix (13%)

Pourquoi cette question (m'a demandé l'une des apprenties de la promo Aline Schulman) ? Eu égard à l'utilisation intensive de son ordinateur par le traducteur – je me demande combien d'heures nous passons devant tous les jours rien que pour notre activité –, je me doutais de la réponse… massive, il faut bien le dire. Car si nous préférons manifestement travailler chez nous (cf sondage précédent), il va de soi qu'il faut pouvoir se délocaliser et continuer à avancer la traduction en cours… sans compter l'intérêt pour les éventuels déplacements dans la maison. Quel plaisir de pouvoir faire quelques pages au coin du feu, puis dehors, dans le jardin ou sur la terrasse, dans sa chambre, dans sa cuisine… Ça permet de voyager un peu !

Références culturelles, 383 : La Oreja de Van Gogh

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Oreja_De_Van_Gogh

Pour écouter un morceau :
http://www.youtube.com/watch?v=s_SpTXB4xpo

Exercice de version, 100

El rastro moría al pie de un árbol. Cierto era que había un fuerte olor a negro en el aire, cada vez que la brisa levantaba las moscas que trabajaban en oquedades de frutas podridas. Pero el perro —nunca le habían llamado sino Perro— estaba cansado. Se revoleó entre las yerbas para desrizarse el lomo y aflojar los músculos. Muy lejos, los gritos de los de la cuadrilla se perdían en el atardecer. Seguía oliendo a negro. Tal vez el cimarrón estaba escondido arriba, en alguna parte, a horcajadas sobre una rama, escuchando con los ojos. Sin embargo, Perro no pensaba ya en la batida. Había otro olor ahí, en la tierra vestida de bejuqueras que un próximo roce borraría tal vez para siempre. Olor a hembra. Olor que Perro se prendía, retorciéndose patas arriba, riendo por el colmillo, para llevarlo encima y poder alargar una lengua demasiado corta hacia el hueco que separaba sus omoplatos. Las sombras se hacían más húmedas. Perro se volteó, cayendo sobre sus patas. Las campanas del ingenio, volando despacio, le enderezaron las orejas. En el valle, la neblina y el humo eran una misma inmovilidad azulosa, sobre la que flotaban cada vez más siluetas, una chimenea de ladrillos, un techo de grandes aleros, la torre de la iglesia, y las luces que parecían encenderse en el fondo de un lago. Perro tenía hambre. Pero hacia allá, había olor a hembra. A veces lo envolvía aún el olor a negro. Pero el olor de su propio celo, llamado por el olor de otro celo, se imponía a todos los demás. Las patas traseras de Perro se espigaron, haciéndole alargar el cuello. Su vientre se hundía, al pie del costillar, en el ritmo de un jadeo corto y ansioso. Las frutas, demasiado llenas de sol, caían aquí y allá, con un ruido mojado, esparciendo, a ras del suelo, efluvios de pulpas tibias.

Alejo Carpentier, Los fugitivos

***

Coralie nous propose sa traduction :

La trace mourait au pied d'un arbre. Il était certain qu'il y avait une forte odeur de nègre dans l'air, à chaque fois que la brise soulevait les mouches qui travaillaient dans des fentes des fruits pourris. Mais le chien -on ne l'avait jamais appelé autrement que Chien- était fatigué. Il se roula dans l'herbe pour détendre son dos et délasser ses muscles. Très loin, les cris des travailleurs se perdaient dans la tombée du jour. Cela sentait encore le nègre. Peut être le marron était-il caché là-haut, quelque part, à califourchon sur une branche, écoutant avec ses yeux. Cependant, Chien ne pensait plus à la battue. Il y avait là une autre odeur, sur la terre vêtue de lianes qu'une prochaine friction effacerait sans doute pour toujours. Une odeur de femelle. Une odeur dont Chien s'enivrait, se tordant sur ses pattes, riant pour pouvoir passer ses crocs sur sa babine et allonger sa langue, plutôt courte, jusqu'au creux qui séparait ses omoplates. Les ombres devenaient plus humides. Chien se renversa, retombant sur ses pattes. Les grelots de l'ingéniosité, volant lentement, lui firent dresser les oreilles. Dans la vallée, le brouillard et la fumée ne formaient qu'une même immobilité bleutée, sur laquelle flottaient chaque fois plus de silhouettes, une cheminée d'aboiements, un toit de grands auvents, le clocher de l'église, et les lumières qui semblaient s'allumer au fond d'un lac. Chien avait faim. Mais par là, cela sentait la femelle. Parfois l'odeur de nègre l'enveloppait encore. Mais l'odeur de ses propres chaleurs, appelée par l'odeur d'autres chaleurs, dominait tout le reste. Les pattes de Chien s'étirèrent, le faisant allonger son coup. Son ventre se creusait, au bas de ses flancs, au rythme d'un halètement court et anxieux. Les fruits, trop pleins de soleil, tombaient çà et là, avec un bruit mouillé, répandant, au ras du sol, des effluves de pulpes tièdes.

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

La piste s’arrêtait au pied d’un arbre. Assurément, il y avait dans l’air une forte odeur de nègre, à chaque fois que la brise soulevait les mouches qui œuvraient dans les cavités des fruits pourris. Mais le chien — on ne l’avait jamais appelé autrement que Chien — était fatigué. Il gambadait dans les herbes pour s’étirer l’échine et se dégourdir les muscles. Au loin, les cris de l’escouade se perdaient dans le soir. Cela sentait toujours le nègre. L’esclave marron était peut-être caché en haut, quelque part, à califourchon sur une branche, écoutant avec les yeux. Cependant, Chien ne pensait plus à la battue. Il y avait une autre odeur, sur la terre couverte de lianes qu’un frôlement allait peut-être effacer pour toujours. Une odeur de femelle. Une odeur dont le Chien s’enivrait, en se roulant sur le dos, toutes dents dehors, pour s’en imprégner et pouvoir tirer une langue trop courte vers le creux qui séparait ses omoplates. Les ombres devenaient plus humides. Chien se retourna pour retomber sur ses pattes. Le son des cloches de la raffinerie, qui se propageait lentement, lui fit dresser les oreilles. Dans la vallée, le brouillard et la fumée figuraient une même immobilité bleutée, sur laquelle flottaient de plus en plus de silhouettes, une cheminée en brique, un toit au larges auvents, le clocher d’une église, et les lumières qui semblaient s’allumer au fond d’un lac. Chien avait faim. Mais là-bas, il y avait une odeur de femelle. Parfois, une odeur de nègre l’enveloppait encore. Mais l’odeur de son rut, auquel répondait l’odeur d’une femelle en chaleur, l’emportait sur toutes les autres. Chien étira ses pattes arrière, ce qui lui fit tendre le cou. Son ventre se creusait, au niveau des côtes, au rythme d’un halètement court et anxieux. Les fruits, trop gorgés de soleil, tombaient de ci de là, dans un bruit mouillé, distillant, au ras du sol, des effluves de pulpes tièdes.

***

Marie G. nous propose sa traduction :

La piste se terminait au pied d'un arbre. Il était vrai qu'il y avait une forte odeur de noir dans l'air, chaque fois que la brise soulevait les mouches qui travaillaient dans les creux des fruits pourris. Mais le chien -ils ne l'avaient jamais appelé autrement que Chien- était fatigué. Il se secouait dans l'herbe pour se gratter le dos et détendre ses muscles. Très loin, les cris des membres de l'escadron s'éloignaient au coucher du soleil. Il sentait toujours cette odeur de noir. Peut-être était-ce un clandestin caché en haut, quelque part, à califourchon sur une branche, écoutant avec ses yeux. Cependant, Chien ne pensait plus à la battue. Il y avait là, dans la terre recouverte de lianes, une autre odeur, qui lors d'un prochain frôlement s'effacerait peut-être pour toujours. Une odeur de femelle. Odeur à laquelle Chien fut saisi, remuant ses pattes en l'air, riant avec ses crocs, pour la porter sur lui et pouvoir tirer une langue trop courte vers le trou qui séparait ses omoplates. Les ombres devenaient plus humides. Chien se retourna et retomba sur ses pattes. Les cloches du génie, qui volaient lentement, lui firent dresser les oreilles. Dans la vallée, le brouillard et la fumée avaient une même immobilité bleutée, sur laquelle flottaient de plus en plus de silhouettes, une cheminée en brique, un toit aux grands auvents, la tour d'une église et les lumières qui semblaient s'allumer au fond du lac. Chien avait faim. Mais vers là-bas, il y avait une odeur de femelle. Parfois l'odeur de de noir la recouvrait encore. Mais l'odeur de son propre rut, appelé par l'odeur d'un autre rut, s'imposait à toutes les autres. Les pattes arrière de Chien se dressèrent , lui faisant allonger le cou. Son ventre se creusa, au niveau de son flanc, au rythme d'un halètement court et anxieux. Les fruits, trop pleins de soleil, tombaient ça et là, avec un bruit mouillé, répandant, à ras du sol, des effluves de pulpes tièdes.

***

Morgane nous propose sa traduction :

La trace mourait au pied d’un arbre. Il était certain qu’il y avait une forte odeur de noir, à chaque fois que la brise soulevait les mouches qui envahissaient le creux des fruits pourris. Cependant, le chien – on ne l’avait jamais appelé autrement que Chien – était fatigué. Il se replongea entre les herbes pour se gratter l’échine et relâcher ses muscles. Très loin, les cris de la bande se dissipaient dans la tombée du jour. L’odeur de noir persistait. Peut-être le cimarron était-il dissimulé en haut, quelque part, à califourchon sur une branche, écoutant avec les yeux. Cependant, le Chien ne pensait déjà plus à la battue. Il y avait une autre odeur, là, dans la terre entrelacée de lianes qu’un autre frôlement effacerait peut-être pour toujours. Odeur de femelle. Odeur qui gagnait le Chien, se dressant sur ses pattes avant, montrant ses crocs, pour atteindre la partie supérieure et pouvoir allonger une langue trop courte pour arriver au creux séparant ses omoplates. Les ombres se faisaient plus humides. Le Chien se retourna, retombant sur ses pattes. Les cloches de l’esprit, tintant doucement lui firent dresser les oreilles. Dans la vallée, le brouillard et la fumée se teintaient d’ un même bleu statique, sur lequel flottaient à chaque fois plus de silhouettes, une cheminée de brique, un toit avec de grands auvents, la tour de l’église, et les lumières qui semblaient s’allumaient au fond d’un lac. Le Chien avait faim. Mais, là-bas, il y avait une odeur de femelle. Parfois, l’odeur du noir l’imprégnait encore. Mais l’odeur de son propre amour, appelée par l’odeur d’un autre amour, s’imposait à tous les autres. Les pattes arrière du Chien se dressèrent permettant au cou de s’allonger. Son ventre s’affaissait jusqu’à ce que la cage thoracique touchât terre, au rythme d’un halètement court et anxieux. Les fruits, trop imprégné de soleil, tombaient deci delà, avec un bruit d’éclaboussement, se répandant, au ras du sol, des effluves de pulpes tièdes.

samedi 27 février 2010

Résultats du sondage : « Lisez-vous de essais traduits… »

Sur 20 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Souvent = 1 voix (5%)
Régulièrement = 2 voix (10%)
De temps en temps = 6 voix (30%)
Rarement = 8 voix (40%)
Jamais = 3 voix (15%)

Où il faut en déduire, au moins à cette minuscule échelle de notre blog, que la traduction des essais n'est pas exactement un créneau porteur… On le savait, dites-vous ? Pas nécessairement. Certains demeurent encore persuadés du contraire et militent pour des formations spécifiques.

Faisons le plein d'expressions…

De la part d'Amélie, quelques liens utiles !

Autour des animaux :
http://legrenierdebibiane.com/participez/Expressions/animaux.html

Autour des organes et parties du corps :
http://legrenierdebibiane.com/participez/Expressions/corps.html

Autour des couleurs :
http://legrenierdebibiane.com/participez/Expressions/couleurs.html

Petite fiche lexicale autour du sang, par Amélie

En photo : Gota de Sangre / Drop of blood, par CREINASILVESTRE

Suite à l’exercice de stylistique sur le sang, voici une petite liste – non-exhaustive – d’expressions comportant le mot « sang » et de leurs traductions :





- a sangre fría : de sang-froid
- a sangre y fuego : à feu et à sang
- caballo cruzado : demi-sang
- donante de sangre : donneur de sang
- pura sangre : pur-sang
- sangre azul : sang bleu
- sangre ligera (Amer) : sympathique
- sangre pesada (Amer) : antipathique
- sangre y leche : marbre rouge veiné de blanc
- tracción de o a sangre : traction animale
- azotar a alguien hasta hacerle sangre : fouetter quelqu’un jusqu’au sang
- chupar la sangre a uno : saigner quelqu’un à blanc
- conservar la calma : garder son sang-froid
- dejar helada la sangre : tourner le sang ou les sangs
- derramar sangre : faire couler le sang
- echar sangre como un toro o un cochino : saigner comme un bœuf
- echar sangre por las narices : saigner du nez
- estar por los huesos de alguien : avoir quelqu’un dans le sang
- estar que no vive, estar que no le llega la camisa al cuerpo : se faire un sang d’encre, se ronger les sangs
- lavar una afrenta con sangre : laver un affront dans le sang
- llevar bañado en la sangre, estar chorreando sangre : être en sang
- no llegar la sangre al río : ne pas aller plus loin, ne pas avoir de mal
- perder la calma o los estirbos : perdre son sang-froid
- quemarle o freírle a uno la sangre : faire bouillir ou exaspérer qqun
- quemarse la sangre, preocuparse mucho : se faire du mauvais sang
- sacarse sangre : se faire faire une prise de sang
- ser una gallina : avoir du sang de poulet
- sudar sangre : suer sang et eau
- tener algo en la masa de la sangre, llevar algo en la sangre : avoir quelque chose dans le sang, dans la peau
- tener la sangre caliente, ser adoroso, hervirle la sangre : avoir le sang chaud
- tener la sangre gorda : être lymphatique
- tener las manos manchadas de sangre : avoir du sang sur les mains
- tener mala sangre : être méchant
- tener sangre en las venas : avoir du sang dans les veines
- tener sangre de chinches : être assommant
- tener sangre de horchata : avoir du sang de navet, être flegmatique ou impassible
- tomar las cosas con tranquilidad : ne pas se faire de mauvais sang
- la letra con sangre entra : c’est en forgeant qu’on devient forgeron, on n’apprend rien sans rien

Références culturelles, 383 : Pablo Abraira

http://es.wikipedia.org/wiki/Pablo_Abraira

Exercice de version, 99

A eso de las seis dejó el Rambler en el garaje. Después del trabajo, por lo general iba un rato al
café Espinosa, a conversar con los amigos; pero esa tarde fue directamente a su casa, porque tenía apuro por reflexionar sobre lo que había pasado. En el trayecto comentó consigo mismo: «Una aventura bastante rara, sin más consecuencias que esta incomodidad en los ojos. A lo mejor me acostumbro, como dijo el ayudante». Empujó la puerta, y entró. Más allá del zaguán se abría el patio, en cuyo fondo vio a un grupo de señoras que lavaban y planchaban. Fue a saludar.
quien Morales sentía simpatía y respeto, era una La que estaba lavando era la señora María Esther : chicuela, rubia, de expresión ansiosa y pálida. La blancura de sus piernas era tan extrema, que a veces Morales la creía con medias blancas. Relinda Carrillo planchaba. Era una mujer ampulosa, ojerosa, morena, que se decía profesora y que vivía del tarot, de las líneas de la mano, de los horóscopos y del psicoanálisis. Completaban el grupo, en animada conversación, doña Eladia Avendaño y Roberta Valdez. Doña Eladia, por mujer bella, de tamaño considerable, plácida, que le recordaba las estatuas de la República o de la Libertad; en cuanto a Roberta Valdez, trabajaba por horas en Caballito, usaba anteojos, era linda, sin duda inteligente o por lo menos despierta. Entre el grupo y Morales habían cambiado algunas consideraciones sobre el tiempo, que estaba pesado y con ganas de llover, cuando la expresión de la señora Eladia se volvió ansiosa. Morales adivinó que el Palurdo Avendaño se acercaba.

Adolfo Bioy Casares, Un campeón desparejo

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Vers six heures, il laissa la Rambler au garage. Après le travail, il allait en général passer un moment au café Espinosa pour discuter avec ses amis ; mais cet après-midi là, il rentra directement chez lui, parce qu’il avait du mal à considérer ce qu’il s’était produit. Sur le trajet, il se dit à lui-même : « Une aventure assez bizarre, sans d’autre conséquence que cette gêne au niveau des yeux. Je commence peut-être à m’habituer, comme l’a affirmé l’assistant ». Il poussa la porte et entra. Une fois le seuil franchi, il se trouva dans la cour, au fond de laquelle il vit un groupe de femmes en train de laver et de repasser. Il alla les saluer. Celle qui était occupée au lavage était madame María Esther pour laquelle Morales avait de la sympathie et du respect : toute petite, blonde, le visage anxieux et pâle. La blancheur de ses jambes était telle que Morales croyait parfois qu’elle portait des bas blancs. Relinda Carrillo repassait. C’était une femme emphatique, brune, aux yeux cernés, qui se disait professeur et qui, pour gagner sa vie, tirait les cartes, lisait les lignes de la main, faisait des horoscopes et de la psychanalyse. Doña Eladia Avendaño et Roberta Valdez, en pleine conversation, complétaient le groupe. Doña Eladia était une belle femme, extrêmement grande, placide, qui lui rappelait les statues de la République ou de la Liberté ; quant à Roberta Valdez, elle travaillait quelques heures au Caballito, elle portait des lunettes, elle était jolie, sans doute intelligente, ou du moins vive d’esprit. Morales venait d’échanger avec elles quelques considérations sur le temps, qui était lourd et menaçait de tourner à la pluie, quand madame Eladia eut l’air inquiet. Morales devina qu’Avendaño le Paysan s’approchait d’eux.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Vers six heures, il rangea sa Rambler au garage. Après son travail, il avait l’habitude de s’arrêter un peu au café Espinosa, pour discuter avec ses amis ; mais ce soir-là, il rentra directement chez lui, parce qu’il avait hâte de réfléchir à ce qui s’était passé. Sur le trajet, il commenta, comme pour lui-même : « Une aventure assez étrange, sans autre conséquence que cette gêne au niveau des yeux. Peut-être que je m’y suis fait, comme a dit l’assistant ». Il poussa la porte puis entra. L’entrée s’ouvrait sur la cour, au fond de laquelle il vit un groupe de femmes qui lavaient et repassaient. Il alla les saluer. Celle qui lavait était madame María Esther, pour qui Morales avait de la sympathie et du respect : toute petite, blonde, le visage anxieux et pâle. La blancheur des ses jambes était telle que Morales croyait parfois qu’elle portait des bas blancs. Relinda Carrillo repassait. C’était une femme prétentieuse, brune, aux yeux cernés, qui se disait professeur mais qui gagnait sa vie en tirant les cartes, en lisant les lignes de la main et en faisant des horoscopes et de la psychanalyse. Doña Eladia Avendaño et Roberta Valdez, en grande conversation, complétaient le groupe. Doña Eladia, une belle femme, très grande, placide, lui rappelait les statues de la République ou de la Liberté ; quant à Roberta Valdez, elle travaillait quelques heures au Caballito, elle portait des lunettes, elle était jolie, intelligente sans doute, ou du moins vive d’esprit. Le groupe et Morales avaient échangé quelques considérations sur le temps, qui était lourd et menaçant, quand madame Eladia prit soudain un air inquiet. Morales devina qu’Avendaño le Rustre s’approchait d’eux.

***

Pascaline nous propose sa traduction :

Vers six heures, il laissa la Rambler au garage. Après le travail, il allait généralement passer un moment au café Espinosa, discuter avec ses amis; mais cet après-midi-là, il rentra directement chez lui, car il avait hâte de réfléchir à ce qui s'était passé. Sur le chemin, il se fit ses propres commentaires: « Une aventure assez étrange, sans plus de conséquences que cela, si ce n'est cette gêne au niveau des yeux. Je vais sans doute m'y habituer, comme a dit l'assistant ». Il poussa la porte, et entra. Passée l'entrée, s'ouvrait le patio, au fond duquel il vit un groupe de dames qui lavaient et repassaient. Il alla les saluer. Celle qui nettoyait était madame María Esther : jeunette, blonde, l'air anxieux et pâle. La blancheur de ses jambes était si intense, qu'il arrivait à Morales de penser qu'elle portait des bas blancs. Relinda Carrillo repassait. C'était une femme ampoulée, cernée, brune, qui se disait professeur mais qui vivait du tarot, des lignes de la main, des horoscopes et de la psychanalyse. Doña Eladia Avendaño et Roberta Valdez - dans une conservation animée-, complétaient le groupe. Doña Eladia, envers qui Morales avait de la sympathie et du respect, était une femme belle, d'une taille considérable, calme, faisant penser les statues de la République ou de la Liberté; quant à Roberta Valdez, elle travaillait à l'heure à Caballito, portait des lunettes, était jolie, sans doute intelligente, ou du moins, vive d'esprit. Le groupe et Morales avaient échangé un certain nombre de considérations sur le temps, lequel était lourd et désireux de pleuvoir, quand le visage de madame Eladia devint anxieux. Morales devina que Palurdo Avendaño s'approchait.

***

Marie G. nous propose sa traduction :

Vers six heures, il laissa le Rambler dans le garage. Après le travail, il se rendait généralement un moment au café Espinosa, pour discuter avec des amis; mais cet après-midi-là, il rentra directement chez lui, parce qu'il était pressé de réfléchir à ce qui s'était passé. Durant le trajet, il se dit à lui-même: « une aventure assez étrange, sans plus de conséquences que cette gêne au niveau des yeux. Je vais peut-être m'y habituer , comme l'a dit l'assistant ». Il poussa la porte, et entra. Bien après le vestibule, s'ouvrait la cour intérieure, où au fond il vit un groupe de dames qui lavaient et repassaient du linge. Il alla les saluer. Celle pour qui Morales ressentait de la sympathie et du respect était une parmi celles qui étaient en train de laver, c'était Madame María Esther: une jeune fille blonde, à l'air angoissé et pâle. La blancheur de ses jambes était si extrême que parfois, Morales croyait qu'elle portait des collants blancs. Relinda Carrillo repassait. C'était une femme au style ampoulé, aux yeux cernés, brune, qui se disait être professeur mais qui vivait grâce au tarot, aux lignes de la main, aux horoscopes et à la psychanalyse. Doña Eladia Avendaño y Roberta Valdez venaient complétées le groupe, qui avait une vive conversation . Doña Eladia était une belle femme, d'une hauteur considérable, placide, qui rappelait les statues de la République ou de la Liberté; quant à Roberta Valdez, elle travaillait à l'heure à Caballitos, elle portait des lunettes, elle était jolie, sans doute intelligente, ou du moins elle avait l'esprit vif. Avec le groupe, Morales avait échangé quelques considérations sur le temps, lourd et sur le point de pleuvoir, quand Madame Eladia eut l'air anxieuse. Morales devina qu'Avendaño le balourd s'approchait.

***

Morgane nous propose sa traduction :

Vers six heures, il laissa la Rambler dans le garage. Après le travail, en général, il se rendait un moment au café Espinosa, pour bavarder avec les amis ; mais cette après-midi, il se rendit directement chez lui, car il était pressé de réfléchir sur ce qui c’était passé. Sur le trajet, il se parla à lui-même : « Une aventure bien étrange, sans plus de conséquences que cette gêne au niveau des yeux. Je vais peut-être m’y habituer, comme m’a dit l’assistant ». Il poussa la porte et entra. Au-delà de l’entrée, la cour s’ouvrait. Au fond, il vit un groupe de femmes qui lavaient et repassaient. Il alla les saluer. Celle qui était en train de laver était Madame María Esther : toute petite, blonde, aux traits anxieux et pâles. La blancheur des jambes étaient si accentuée, que parfois, Morales pensait qu’elle portait des bas blancs. Relinda Carrillo repassait. C’était une femme ampoulée, aux yeux cernés, brune, qui se disait professeur et qui vivait du tarot, des lignes de la main, des horoscopes et de la psychanalyse. Doña Eladia, Avendaño et Roberta Valdez complètaient le groupe à grand renfort de bavardage. Doña Eladia, belle femme, très grande, plaisante, qui lui rappelait les statues de la République ou de la Liberté ; en ce qui a trait à Roberta Valdez, elle faisait des heures chez Caballito, portait des lunettes, elle était belle, sans doute intelligente ou tout du moins éveillée. Le groupe et Morales avaient échangé quelques considérations sur le temps, que ce dernier était lourd et qu’il menaçait de pleuvoir, lorsque l’expression de Madame Eladia se fit anxieuse. Morales devina que le Palurdo Avendaño approchait

vendredi 26 février 2010

Devoir blanc de CAPES du 26 février : la version

No ignoro que el recurso de beber para huir es un viejo truco pero ¿ conoces tú alguno más eficaz para escapar de ti mismo ? Una copa acartona el recuerdo, pero, al propio tiempo, convierte la onerosa gravedad de tu cuerpo en una suerte de porosidad flotante. Algo parecido a la fiebre. Pasado el trance, sobreviene el decaimiento, pero hay un medio para evitarlo : mantener en sangre una dosis de alcohol que te imbuya la impresión de que participas en la vida, de que la vida no pasa sobre el hoyo en que te pudres sin advertir que existes. Esta forma de energía suele identificarse con la alegría, aunque, por supuesto, no es la alegría. A lo sumo, una energía inferior, improductiva; en caso contrario, yo trabajaría. Pero mi ingenio, si alguna vez existió, se ha agotado; ya lo estás viendo: no soy capaz de embadurnar un lienzo, ni siquiera de sostener un pincel en la mano.
Hace una hora, cuando llegaste, miraba, como cada día, el camino de grava desde el escañil. Vi cruzar tu coche ante el tragaluz. Te estaba esperando. Alicia me lo comunicó ayer. Me dijo : Ha terminado la pesadilla. Los han soltado. Ana irá a verte mañana. A través de ese cristal llega hasta mí la apagada vida del pueblo : la hornillera, la actividad de las huertas, el monótono runrún del tractor del señor Balbino; el pastor con las ovejas... Todo lo que conforma mi vida actual se recorta cada mañana en el tragaluz. Lo miro todo; lo veo todo. Soy como Dios. La claraboya ya es otra cosa. Es ella la que me mira a mí, me ofusca con su luminosidad excesiva. Pero tu madre la quiso de esta manera : grande e inclemente para que no pudiera atribuir mis limitaciones a deficiencias de instalación. El problema era armonizar el gran chorro de luz con una casa campesina del XVIII.

Miguel Delibes, Señora de rojo sobre fondo gris

Michael Ondaatje conversa con sus traductores

http://barcelonareview.com/25/s_ent_mo.htm

Résultats du sondage : « Pouvez-vous traduire (correctement)… ? »

Sur 21 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Partout, peu importe = 7 voix (33%)
J'ai besoin d'être chez moi = 14 (66%)

Les traducteurs seraient-ils des femmes et des hommes d'habitudes ? Voire de rituels ?

Exercice d'écriture pour le 5 mars

Le sujet : Caddie (en amical hommage à Amélie !)

Exercice d'écriture

Le sujet du jour était le suivant : Sang

***

Laëtitia Sw. :

Son sang n’avait fait qu’un tour. Ah, ah, Boris allait voir ce qu’il allait voir. Robin en avait assez de son petit air innocent d’enfant de chœur qui cachait un beau manipulateur de première. Mais attention, pas de coup de sang ! Il fallait avancer prudemment car il avait affaire à un genre de personnes particulier : celles qui sous couvert d’être animées de vie ont le sang froid. Pas d’affrontement direct. Surtout pas. Il n’attendait que ça. Il en profiterait pour retourner la situation à son avantage, comme toujours. Boris faisait partie de ces types super doués pour sucer le sang des autres à leur insu, pour s’immiscer dans leur vie au moment opportun avant de la laisser à feu et à sang. Il respirait le pur-sang de bons sentiments, mais il cachait en fait une âme vile. Charmeur, hâbleur, mais bien sûr point trop n’en faut, juste le nécessaire pour séduire ses proies tout en restant indétectable. Du coup, il sévissait en toute impunité. Et Robin venait justement élargir la liste de ceux qui s’apercevaient un peu tard de la supercherie. Sauf que lui, contrairement à tous les autres, avait décidé de ne pas en rester là. Ils seraient quittes. Cette mauviette des relations humaines, ce coucou au sang de poulet, allait se retrouver face à lui-même, ce qu’il redoutait le plus, en somme. C’est qu’il avait commis une grossière erreur, celle de croire que l’on peut fuir son passé. Or, un jour, il nous rattrape et nous explose à la figure, le masque tombe et on se retrouve nez à nez avec ce qu’on a cru pouvoir enterrer. Et ce jour-là était arrivé. Ça tombait sur Robin mais il aurait très bien pu s’agir de quelqu’un d’autre, ça n’avait pas d’importance. Pourtant Robin n’aimait pas cette idée de vengeance. Il avait compris qu’elle emprisonne le cœur et l’âme, qu’elle ronge les sangs à perpétuité, qu’elle est stérile. Un bain de sang psychologique, ô combien meurtrier. Aujourd’hui, il avait dépassé ce stade. Néanmoins, il avait la possibilité de remettre les choses à leur place, de dire voilà je n’ai plus le cœur en sang, j’ai guéri, j’ai repris ma route, j’ai avancé, mais là, je fais un petit détour, je ne viens pas réclamer le solde, je viens juste reprendre ce qui m’appartenait et m’appartient encore : la vérité des faits. Se réapproprier la vérité des faits et reprendre tranquillement le cours de sa vie.

***

Laëtitia :

Il faisait bon ce jour-là, l’été approchait et je sentais une brise caresser délicatement mes joues comme m’invitant à fermer les yeux. Ma sœur et moi étions devant l’école, installées sur un banc, elle sur le dossier, moi sur l’assise, tranquillement. Ma sœur a toujours eu beaucoup d’amies, elle discutait avec elles pendant que moi, je savourais cette belle journée de juin. Sur mon banc j’assistais, envieuse, au balai des parents qui entraient et ressortaient avec leurs filles. Mais nous, on ne venait jamais nous chercher. Nous restions là, juste pour tenir compagnie aux autres et parce que vraiment, nous n’étions pas pressées de rentrer. Une fois nos camarades parties, deux garçons se sont approchés de nous. Dans leurs chemises bien repassées, leurs chaussures bien cirées et leurs pantalons à pinces, ils avaient l’air de deux petits hommes. C’était des 5ème au moins, c’est sûr. Ils étaient plus grands que nous et leurs parents à eux, ils étaient d’ici.
– Alors les conchitas, l’école est finie ? On traîne histoire de voir c’qu’on peut chiper ?
Ma sœur était verte de rage, ses yeux lançaient des flammes. Mais ni elle ni moi n’avons décroché un mot. Se faire discrètes, ne jamais faire de vagues.
– C’est pas vrai c’qu’on est envahi ! disait-il à son acolyte. Il est pas sympa Franco ? Ça vous manque pas le chorizo ?
– Ben alors, on a perdu sa langue ? No compro pan lé francès ? a renchéri l’autre.
Voyant que, tétanisées par l’humiliation, aucune de nous deux ne réagissait, le plus excité a posé son pied sur le mien et a pressé de toute la force qu’il a puisée dans sa langue qu’il mordait, dans ses sourcils qu’il fronçait, dans tout son corps qu’il contractait, dans sa haine. Je n’ai pas bronché, ma sœur non plus. Se faire discrètes, ne jamais faire de vagues. Il a retiré son pied. Sur mon visage une larme orpheline a perlé, sur mon bas : cette tache de sang honteuse.

***

Amélie :

Un soir d’hiver, pluvieux et venté comme d’habitude, nous sortions tout juste de la garderie quand Arthur me demanda :
— Dis maman, c’est quoi le sang ?
Interloquée, je restai un moment silencieuse.
— Le sang ? Mais enfin Arthur, pourquoi tu me poses cette question ?
— Pour rien, pour savoir… Alors, c’est quoi ?
— Mets ta capuche, tu vas être trempé ! On verra ça dans la voiture. —lui répondis-je, ne comprenant vraiment pas où il voulait en venir.
À peine attaché, il revint à la charge :
— Bon, alors ! Tu me dis ?
— Le sang, tu sais ce que c’est voyons, tu n’es plus un bébé ! C’est le liquide rouge qui coule à l’intérieur de ton corps, qui te permet de respirer et de bouger en apportant à tes muscles les choses dont ils ont besoin. Le sang te permet de vivre, Arthur, tout le monde en a, et pour ceux qui n’en ont pas assez, on peut en donner. Tu te rappelles, tu étais venu avec moi une fois, j’étais restée sur un lit avec une infirmière pendant quelques temps, et après on avait mangé du pain et du jambon…
— Oui, oui, je me rappelle, même que je croyais que c’était mamie qui servait le café. Mais alors, le sang, c’est rouge ?
— Bien sûr, mon chéri... Que s’est-il passé à l’école pour que tu me parles de ça ?
— Ben c’est Théo, à la récré, il nous a dit que hier soir, son frère apprenait une leçon d’histoire, parce que c’est un grand son frère, il est en CM2, et même qu’il fait du judo et aussi du foot et que quand il sera grand, il veut être cosmonaute, et ben dans la leçon de son frère, hier soir, Théo a entendu que les rois, il avait du sang bleu. Mais alors, pourquoi moi, quand je tombe et que je saigne, mon sang, il est rouge ? C’est pas le même ? Comment on fait pour qu’il soit bleu, je trouve ça rigolo, moi ! On peut le peindre ?
— Ah, ce n’est que ça ! lui répondis-je en riant sous cape –il faut faire attention, ça se vexe vite ces petits bonhommes !–. Je vais t’expliquer : en fait, on dit ça parce que les rois ne voulaient avoir que des rois dans leur famille. Ils voulaient que leur père soit roi, leur grand-père soit roi, leur arrière grand-père soit roi, et ainsi de suite. On appelle ça, être noble. Enfin, ce n’est pas tout à fait ça, mais pour ton âge, c’est largement suffisant. Et du coup, on disait que les gens qui était dans une famille où il n’y avait que des rois, ils avaient la peau plus blanche que les autres, donc on voyait mieux leurs veines bleues. Tu sais, les petits traits bleu-verts que tu as partout, regarde sur ta main par exemple…
— Oui, j’en vois une…ah non deux en fait ! Trois, quatre ! Eh, mais j’en ai plein !!
— Évidemment ! C’est par là que ton sang circule. Et donc, pour en finir avec les rois, comme on voyait mieux leurs veines bleues, à une époque, on a cru que leur sang était bleu. Alors qu’en fait, leur sang était rouge, comme le tien ou le mien, c’était une erreur. Pas de question de peinture ou quoi que ce soit… Ne va pas t’amuser à avaler de l’encre par exemple ! Sinon, direction hôpital !
— Ok maman, merci ! Tu pourras m’écrire l’histoire sur un papier, comme ça demain, je montrerai à mes copains, sinon je me rappellerai jamais ! Et aussi, je voulais savoir, pourquoi papa a dit l’autre jour que le film qu’il avait été voir lui avait glacé le sang ? Il faisait froid dans le cinéma ?
— Écoute Arthur, si c’est ton père qui l’a dit, c’est à lui que tu dois poser la question. Ça tombe bien, on est arrivés. Tu attends que le moteur soit éteint pour te détacher, c’est pas possible, combien de fois je devrais te le répéter ?
— Oups, pardon maman… Je vais voir papa !
— Oui ,oui, vas-y ! Tiens, demande-lui de lui faire ton bain, comme ça il aura bien le temps de t’expliquer que le cinéma n’est pas un congélateur !

***

Coralie :

La salle grouille de monde, des milliers de personnes se sont déplacés pour assister à la rencontre de la saison, le choc : Imed Mathlouthi contre Samir Mohamed. Le public est en ébullition, la tension à son comble. Qui de ces deux boxeurs décrochera le titre si convoité ? Qui s'envolera pour le championnat du monde ? La cloche retentit. Le dernier round commence. Les fulleurs vont au contact. Crochet gauche de Mohamed, belle esquive de Mathlouthi qui riposte avec un superbe retourné sauté, Mohamed encaisse et répond, direct du gauche, direct du droit, circulaire à la tête, croissant... Le protège-dents de Mathlouthi vole. Le boxeur tombe dans les cordes et s'effondre, inerte, sur le ring. Des perles de sueur recouvrent son visage. Un filet de salive s'échappe de sa bouche. Un ruisseau rouge coule de son arcade, passe sur son œil clos, se grossit sous son nez et une flaque baigne sa figure tuméfiée. L'arbitre compte, un, deux, trois, quatre, cinq... Imed ne bouge pas. Six, sept, huit, neuf, dix...la flaque devient mare. Une mare de sang dans laquelle se noie l'espoir du full-contact français.

Exercice de version, 98

Eugenia, Iris, Lucía y Nieves eran amigas desde Pri­maria. Salvo cuando alguna estaba de viaje, se reunían cada dos viernes para intercambiar chismes y nostal­gias. Las cuatro estaban casadas, pero no tenían hijos. Gracias a las lucrativas profesiones de sus maridos (un abogado, dos contadores, un arquitecto), gozaban de un buen nivel de vida y lo aprovechaban para mane­jarse en un plausible estrato cultural.
Fue en uno de esos viernes que Iris aguardó a sus amigas con un planteo original.
-¿Saben qué estuve pensando? Que nuestros queri­dos maridos nos llevan algunos años, así que lo más probable es que se mueran antes que nosotras. Ojalá que no, pero es bastante probable. Mientras tanto ¿qué podemos hacer? Pensando y pensando, de insomnio en insomnio, llegué a la conclusión de que en ese caso infortunado, nosotras, cuatro viudas todavía presenta­bles, podríamos alquilar (o adquirir) una casa bien confortable, con un dormitorio para cada una, con una sola mucama y una sola cocinera (¿para qué más?). Y un solo automóvil, a financiar colectivamente. ¿Qué les parece? Ya hablé con el Flaco y me dio su visto bueno.
Las otras tres se miraron casi estupefactas, pero al cabo de una media hora esbozaron una sonrisa no exenta de esperanza.
Seis meses después de ese viernes tan peculiar, una de las cuatro, la pelirroja Lucía, sucumbió como consecuencia de un infarto totalmente inesperado. Para las otras tres fue un golpe sobrecogedor, algo así como si la infancia se les hubiera quebrado para siempre. También a Edmundo, el viudo de Lucía, le costó sobreponerse.

Mario Benedetti, « El gran quizás »

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Eugenia, Iris, Lucía et Nieves étaient amies depuis le Primaire. Quand l’une d’elles n’était pas en voyage, elles se réunissaient un vendredi sur deux, pour échanger potins et souvenirs. Toutes les quatre étaient mariées, mais elles n’avaient pas d’enfants. Grâce aux professions lucratives de leurs maris (un avocat, deux comptables, un architecte), elles jouissaient d’un bon niveau de vie qui leur permettait d’évoluer favorablement dans un hypothétique milieu culturel.
Un de ces vendredis, Iris attendit ses amies avec un projet original.
– Vous savez à quoi j’ai pensé ? Je me suis dit que nos chers maris sont plus âgés que nous de quelques années, et que donc, ils risquent fort de mourir avant nous. Espérons que non, mais c’est assez probable. En attendant, que pouvons-nous faire ? À force d’y penser pendant mes insomnies, je suis arrivée à la conclusion que, dans cette éventualité malheureuse, nous pourrions, nous, qui serions quatre veuves toujours présentables, louer (ou acheter) une maison très confortable, avec une chambre pour chacune de nous, une seule domestique et une seule cuisinière (pourquoi davantage ?) ; et une seule voiture, que nous financerions collectivement. Qu’en pensez-vous ? J’en ai déjà parlé au Maigre qui a approuvé mon idée.
Le trois autres se regardèrent avec stupéfaction, ou presque, mais au bout d’une demie heure, elles esquissèrent un sourire non dépourvu d’espoir.
Six mois après ce vendredi si particulier, l’une des quatre, Lucía, la rousse, succomba à un infarctus de façon totalement inattendue. Pour les trois autres, ce fut un choc terrible, comme si leur enfance avait été brisée pour toujours. Edmundo, le veuf de Lucía, eut beaucoup de mal, lui aussi, à surmonter cette épreuve.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Eugenia, Iris, Lucía et Nieves étaient amies depuis l’école primaire. Elles se réunissaient un vendredi sur deux pour échanger les derniers potins et se rappeler le bon vieux temps, sauf quand l’une d’entre elles partait en voyage. Elles étaient toutes les quatre mariées, mais aucune n’avait d’enfants. Grâce aux professions lucratives de leurs maris (un avocat, deux comptables, un architecte), elles jouissaient d’un niveau de vie agréable et en profitaient pour se maintenir dans des sphères culturelles acceptables.
Ce fut à l’occasion d’un de ces fameux vendredis qu’Iris suscita une forte attente chez ses amies, en leur faisant une proposition originale.
— Savez-vous à quoi j’ai pensé ? Nos chers maris ont quelques années de plus que nous, n’est-ce pas, donc il est probable qu’ils meurent avant nous. J’espère que non, bien entendu, mais cela risque fort d’arriver. En attendant, que pouvons-nous faire ? À force de réflexions et d’insomnies, je suis arrivée à la conclusion que dans ce malheureux cas de figure, nous autres, quatre veuves encore présentables, pourrions louer (ou acheter) une maison assez confortable, avec une chambre pour chacune, mais un seul domestique et une seule cuisinière (pourquoi en avoir plus ?). Et une seule voiture, dont on partagera les frais. Vous en pensez quoi ? J’en ai déjà parlé avec le Maigrichon, qui m’a dit qu’il était d’accord.
Les trois autres se regardèrent, sidérées, mais au bout d’une demi-heure, elles esquissèrent un sourire emprunt d’espoir.
Six mois après ce vendredi si particulier, une des quatre, Lucía la rousse, succomba des suites d’un infarctus complètement inattendu. Pour les trois autres, ce fut un choc douloureux, comme si toute leur enfance était brisée à jamais. Edmundo, le veuf de feu Lucía, eut également du mal à surmonter sa mort.

***

Chloé nous propose sa traduction :

Eugenia, Iris, Lucía et Nieves étaient amies depuis l’école primaire. Elles se réunissaient un vendredi sur deux, sauf quand l’un d’entre elles partait en voyage, pour échanger des potins et se rappeler le bon vieux temps. Toutes les quatre étaient mariées, mais aucune n’avait d’enfants. Grâce aux professions lucratives de leur maris ( un avocat, deux comptables, un architecte), elles jouissaient d’un bon niveau de vie et elles en profitaient pour se maintenir dans des sphères culturelles acceptables.
Ce fut lors d’un de ces vendredis qu’Iris attendit ses amies avec une proposition originale.
Savez-vous à quoi j’ai pensé ? Nos chers maris ont quelques années de plus que nous, il est donc probable qu’ils meurent avant nous. J’espère que non, bien sûr, mais cela risque fort d’arriver. En attendant, que pouvons nous faire ? De réflexions en réflexions, d’insomnies en insomnies, je suis arrivée à la conclusion que dans ce malheureux cas de figure, nous, quatre veuves encore présentables, nous pourrions louer (ou acheter) une maison assez confortable, avec une chambre pour chacune, avec une seule domestique et une seule cuisinière (pourquoi en avoir plusieurs ?). Et une seule voiture, que nous financerions collectivement. Qu’en pensez-vous ? J’en ai déjà parlé avec le Maigre, et il a approuvé mon idée.
Les trois autres se regardèrent, comme sidérées, mais au bout d’une demi-heure, elles esquissèrent un sourire non dépourvu d’espoir.
Six mois après ce vendredi si particulier, une des quatre, Lucía la rousse, succomba suite à un infarctus totalement inattendu. Pour les trois autres, ce fut un choc terrible, comme si leur enfance s’était brisée à tout jamais. Edmundo, le mari de feu Lucía, eut beaucoup de mal, lui aussi, à surmonter cette épreuve.

***

Laëtitia nous propose sa traduction :

Eugenia, Iris, Lucía et Nieves étaient amies depuis le primaire. Excepté quand l’une d’entre elles était en voyage, elles se réunissaient un vendredi sur deux pour échanger des potins et des souvenirs nostalgiques. Toutes les quatre étaient mariées, mais elles n’avaient pas d’enfants. Grâce aux professions lucratives de leurs maris (un avocat, deux comptables, un architecte), elles jouissaient d’un bon niveau de vie et elles en profitaient pour se mouvoir dans les sphères d’une estimable strate culturelle.
C’est au cours de l’un de ces vendredis qu’Iris reçut ses amies avec une proposition originale.
-Vous savez ce à quoi j’ai pensé ? Que nos maris chéris ont quelques années d’avance sur nous, donc le plus probable est qu’ils meurent avant nous. Espérons que ce ne soit pas le cas, mais c’est assez probable. Pendant ce temps, que pouvons-nous faire ? En pensant et en repensant, d’insomnie en insomnie, j’en suis arrivée à la conclusion que dans ce malheureux cas, nous, quatre veuves encore présentables, nous pourrions louer (ou acquérir) une maison bien confortable, avec une chambre pour chacune, une seule bonne et une seule cuisinière (que demander de plus ?). Et une seule voiture, que nous financerions collectivement. Qu’en dites-vous ? J’en ai déjà parlé au Gringalet et il m’a donné son aval.
Les trois autres se regardèrent presque sidérées, mais au bout d’une demi-heure elles ébauchèrent un sourire non exempt d’espoir.
Six mois après ce vendredi si particulier, l’une des quatre, la rousse Lucía, succomba à la suite d’un infarctus totalement inattendu. Pour les trois autres ce fut un coup saisissant, un peu comme si l’enfance s’était brisée pour toujours. Edmundo, le veuf de Lucía, eut lui aussi du mal à s’en remettre.

Références culturelles, 382 : Dyango

http://dyangomusic.galeon.com/aficiones869514.html

jeudi 25 février 2010

« La traduction ou l’art de la demi-mesure », par Laetitia Sworzil

Voilà résumée en une formule la façon dont je me représente l’inconfortable position du traducteur, œuvrant toujours sur le fil, oscillant sans cesse entre deux pôles qui l’attirent et lui tendent des pièges dans lesquels il risque à tout moment de tomber. Eh oui... c’est que le traducteur passe son temps à se débattre au beau milieu d’intérêts multiples et parfois contraires ! Par exemple, lorsqu’il rend accessible un texte étranger à un public français, généralement novice, ou du moins, non spécialiste, il ne doit pas oublier qu’il est là aussi pour servir fidèlement la noble cause de la littérature. Autre exemple : il doit pouvoir s’abstraire de la réalité extra-fictionnelle pour plonger avec délice dans la fiction, tout en restant un professionnel rigoureux, en mesure de respecter des délais, de suivre des directives voire des contraintes précises, de négocier des contrats, de prospecter de nouveaux horizons. Autre exemple encore : il doit s’approprier l’œuvre d’un autre, sans jamais verser, en traduisant, dans la réécriture. En définitive, faire sien ce qui ne l’est pas, pour mieux l’ingérer, le digérer et le restituer en profondeur, et non pour le transformer un tant soit peu, même inconsciemment...
En outre, l’expression « demi-mesure » se justifie du fait que le traducteur jongle avec plusieurs identités. C’est ce que j’avais appelé en d’autres lieux ses différentes « casquettes ». Ainsi, lorsqu’une traduction lui échoit, le traducteur se mue tout à coup en divers personnages. D’abord, il prend connaissance du texte avec ses yeux de lecteur : plaisir de la lecture mais aussi concentration et examen méthodique pour ressentir un style, s’imprégner d’une atmosphère, observer la mécanique d’une histoire, découvrir un ton, écouter une musique personnelle des mots. Quelles que soient ses impressions finales (appréciation mitigée, véritable coup de foudre, déception, avis favorable...), il ne peut se départir de cette première identité. À celle-ci, s’en mêle une autre : celle du critique littéraire, ou plus modestement de l’étudiant studieux qu’il est resté, bref, celle de l’herméneute qu’il doit être, car effectivement le travail de traduction s’accompagne à chaque fois d’une nécessaire « explication de texte ». Remémorons-nous un instant le temps de nos commentaires composés où tout l’arrière-plan biographique et bibliographique de l’auteur nous aidait à comprendre le texte, ou celui, plus récent, de nos analyses linéaires qui nous permettaient de décortiquer l’histoire pas à pas, dans ses méandres, nous révélant, à la fin, tous les ressorts de la narration. À cette deuxième figure se superpose ensuite celle du traducteur, toujours en alerte, à même de repérer, de systématiser et de résoudre les problèmes de traduction soulevés par le texte. Et, enfin, dans une certaine mesure, plane l’ombre de l’écrivain, car il n’y a pas de bon traducteur qui ne sache, à mon avis, agencer ses propres mots avant de pouvoir faire résonner ceux des autres. Pas de création directe certes, mais un certain pouvoir de recréation tout de même...
Un travail en demi-mesure donc, puisque le traducteur doit savoir manier le compromis, en vue d’opérer les meilleurs choix. Un travail en demi-teinte aussi, puisque tout en nuances, soumis à une remise en cause perpétuelle. Ainsi, il ne faut jamais hésiter à faire demi-tour : revenir sur ses pas pour vérifier et vérifier encore, pour peaufiner par couches successives le premier jet. Compréhension à demi-mot enfin, parce qu’il est bien utile de savoir lire entre les lignes, parfois, pour éclaircir de nombreux points épineux ! Le souci, c’est que cet art de la demi-mesure peut rapidement devenir un exercice périlleux car à double tranchant. En effet, à chaque instant, on risque de tomber dans un écueil inverse, comme le laisse présager la polysémie de toutes ces expressions ! Ainsi, prôner la demi-mesure peut parfois entraîner le traducteur sur un terrain glissant : devant la difficulté des décisions à prendre, de leur nombre et de la rapidité avec laquelle il faut agir, il peut se montrer hésitant, frileux, ne pas oser « se mouiller » et finir par rendre une traduction « tiède ». Alors, la sanction tombe, terrible : on a raté le compromis, on est resté trop ceci ou cela, on est juste « passé à côté ». Dans le même ordre d’idées, « demi-teinte » peut évoquer aussi un résultat décevant, en deçà de nos espérances, et « faire demi-tour » peut suggérer une perte de temps, des tours et détours stériles, des piétinements... Quant au « demi-mot », si le traducteur peut l’appliquer à son protocole de lecture, à son mode de compréhension, il ne doit pas pour autant le prendre à son compte : pas question pour lui de laisser flotter dans sa traduction la moindre incertitude, imprécision, confusion... Triste sentence donc quand le résultat de ses efforts reste justement dans une indétermination qui ne conduit à la fin qu’à avoir relevé mollement le défi posé ! De là à ce que notre pauvre traducteur se fasse bientôt traiter de demi-portion ! Non... arrêtons de filer la métaphore car, à ce stade, notre traducteur apparaît plutôt comme quelqu’un de plutôt solide ! En effet, il doit faire preuve d’une réelle endurance : c’est à force de courir affolé d’un côté à un autre, de pécher par tel excès puis par tel autre, de se débarrasser de telle manie (quitte à en contracter une autre...), de reprendre sans relâche son ouvrage, de se remettre toujours en question, que notre traducteur finira par acquérir suffisamment de métier, d’expérience, de savoir-faire, de bons réflexes, pour espérer confirmer petit à petit ses aptitudes, voire son talent. En somme, à traducteur acharné, traducteur et demi !

Exercice de version, 97

La muchacha abrió los ojos y se sintió apabullada por su propio desconcierto. No recordaba nada. Ni su nombre, ni su edad, ni sus señas. Vio que su falda era marrón y que la blusa era crema. No tenía cartera. Su reloj pulsera marcaba las cuatro y cuarto. Sintió que su lengua estaba pastosa y que las sienes le palpitaban. Miró sus manos y vio que las uñas tenían un esmalte transparente. Estaba sentada en el banco de una plaza con árboles, una plaza que en el centro tenía una fuente vieja, con, angelitos, y algo así como tres platos paralelos. Le pareció horrible. Desde su banco veía comercios, grandes letreros. Pudo leer: Nogaró, Cine Club, Porley Muebles, Marcha, Partido Nacional. Junto a su pie izquierdo vio un trozo de espejo, en forma de triángulo. Lo recogió. Fue consciente de una enfermiza curiosidad cuando se enfrentó a aquel rostro que era el suyo. Fue como si lo viera por primera vez. No le trajo ningún recuerdo. Trató de calcular su edad. Tendré dieciséis o diecisiete años, pensó. Curiosamente, recordaba los nombres de las cosas (sabía que esto era un banco, eso una columna, aquello una fuente, aquello otro un letrero),, pero no podía situarse a sí misma en un lugar y en un tiempo. Volvió a pensar, esta vez en voz alta: «Sí, debo tener dieciséis o diecisiete», sólo para confirmar que era una frase en español. Se preguntó si además hablaría otro idioma. Nada. No recordaba nada. Sin embargo, experimentaba una sensación de alivio, de serenidad, casi de inocencia. Estaba asombrada, claro, pero el asombro no le producía desagrado. Tenía la confusa impresión de que esto era mejor que cualquier otra cosa, como si a sus espaldas quedará algo abyecto, algo horrible. Sobre su cabeza el verde de los árboles tenía dos tonos, y el cielo casi no se veía. Las palomas se acercaron a ella, pero en seguida se retiraron, defraudadas.

Mario Benedetti, « Miss Amnesia »

***

Amélie et Chloé nous proposent leur traduction :

La jeune fille ouvrit les yeux et se sentit déconcertée par son propre confusion. Elle ne se souvenait de rien. Ni de son nom, ni de son âge, ni de son adresse. Elle remarqua que sa jupe était marron et son chemisier de couleur crème. Elle n’avait pas de sac à main. À son poignet, sa montre affichait quatre heures et quart. Elle s’aperçut que sa langue était pâteuse et que ses tempes la lançaient. Elle regarda ses mains et vit qu’elle avait du vernis transparent sur les ongles. Elle était assise sur le banc d’une place plantée d’arbres ; au centre de cette place, une vieille fontaine avec des angelots et trois sortes de plateaux parallèles. Elle trouva ça vraiment moche. De son banc, elle voyait des commerces, de grandes enseignes. Elle put lire : Nogaró, Ciné Club, Meubles Porley, Marcha, Parti National. Près de son pied gauche, elle trouva un morceau de miroir en forme de triangle. Elle le ramassa. Elle prit conscience de sa curiosité maladive lorsqu’elle se retrouva face à ce visage, qui était le sien. C’était comme si elle le voyait pour la première fois. Aucun souvenir ne lui revint. Elle essaya de deviner son âge. Je dois avoir seize ou dix-sept ans, pensa-t-elle. Bizarrement, elle se rappelait le nom des choses (elle savait que ça, c’était un banc, ça, là, une colonne, ça, là-bas, une fontaine, et encore là-bas, une enseigne), alors qu’elle ne parvenait pas à se situer dans le temps ni dans l’espace. Elle se remit à penser, cette fois-ci à voix haute: « Oui, je dois avoir seize ou dix-sept ans», juste pour vérifier que c’était bien une phrase en espagnol. Elle se demanda si elle parlait une autre langue. Rien. Elle ne se souvenait de rien. Cependant, elle éprouvait une sensation de soulagement, de sérénité, presque d’innocence. Elle était étonnée, bien sûr, mais cet étonnement ne lui déplaisait pas. Elle avait la vague impression que c’était mieux ainsi, comme si elle laissait derrière elle quelque chose d’abject, quelque chose d’atroce. Au-dessus de sa tête, les arbres avaient deux teintes de vert différentes, et on ne voyait quasiment pas le ciel. Les pigeons s’approchèrent d’elle, mais ils s’en allèrent aussitôt, déçus.

***

Marie G. nous propose sa traduction :

La jeune fille ouvrit les yeux et se sentit désemparée face à sa propre confusion. Elle ne se souvenait de rien. Ni de son nom, de son âge, de son adresse. Elle vit que sa jupe était marron et que sa chemise était couleur crème. Elle n'avait pas de portefeuille. Sa montre indiquait quatre heures et quart. Elle avait la langue pâteuse et ses tempes palpitaient. Elle regarda ses mains et remarqua que ses ongles portaient du vernis transparent. Elle était assise sur le banc d'une place avec des arbres, une place qui possédait en son centre une vieille fontaine avec des petits anges, et quelque chose comme trois assiettes parallèles. Elle lui sembla affreuse. Depuis son banc, elle apercevait des commerces, des grandes enseignes. Elle put lire: Nogaro, Ciné Club, Porley Meubles, Marcha, Parti National. À côté de son pied gauche, elle trouva un morceau de miroir, en forme de triangle. Elle le ramassa. Elle fut prise d'une curiosité maladive quand elle affronta ce visage qui était le sien. Ce fut comme si elle le voyait pour la première fois. Aucun souvenir ne refit surface. Elle essaya de calculer son âge. Je devrais avoir seize ou dix-sept ans, pensa-t-elle. Curieusement, elle se rappelait les noms des choses (elle savait que cela était un banc, que c'était une colonne, que là-bas c'était une fontaine, encore là-bas c'était une enseigne), mais elle ne pouvait pas se situer elle-même dans un espace et un temps. Elle réfléchit à nouveau, cette fois à voix haute: « Oui, je dois avoir seize ou dix-sept ans », rien que pour confirmer que c'était une phrase en espagnol. Elle se demanda si elle parlait aussi une autre langue. Rien. Elle ne se souvenait de rien. Cependant, elle ressentait une sensation de soulagement, de sérénité, presque d'innocence. Elle était étonnée évidemment, mais cet étonnement ne l'en rendait pas pour autant mécontente. Elle éprouvait l'impression troublante que cela était mieux que n'importe quelle autre chose, comme si elle laissait derrière elle quelque chose d'abject, d'horrible. Sur sa tête, le vert des arbres donnait deux tons, et on ne voyait presque pas le ciel. Les pigeons s'approchèrent d'elle, mais ils s'en allèrent de suite, déçus.

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

La jeune fille ouvrit les yeux et elle se sentit totalement bouleversée, désorientée. Elle ne se rappelait rien. Ni son nom, ni son âge, ni son adresse. Elle vit que sa jupe était marron et sa blouse, crème. Elle n’avait pas de portefeuille. Sa montre bracelet indiquait quatre heures et quart. Sa langue était pâteuse et ses tempes palpitaient. Elle regarda ses mains et constata que ses ongles portaient un vernis transparent. Elle était assise sur le banc d’une place arborée, une place au centre de laquelle se trouvait une vieille fontaine avec de petits anges et ce qui ressemblait à trois plateaux parallèles. Cela lui parut horrible. Depuis son banc, elle voyait des commerces, de grandes enseignes. Elle put lire : Nogaró, Ciné Club, Meubles Porley, Marcha, Parti National. À côté de son pied gauche, elle découvrit un morceau de miroir, en forme de triangle. Elle le ramassa. Elle eut conscience de manifester une curiosité maladive au moment de se confronter à ce visage qui était le sien. C’était comme si elle le voyait pour la première fois. Il ne lui évoqua aucun souvenir. Elle essaya de calculer son âge. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans, pensa-t-elle. Curieusement, elle se rappelait le nom des choses (elle savait que ceci était un banc, ceci, une colonne, cela, une fontaine, cela encore, une enseigne), mais elle ne pouvait pas se situer elle-même dans l’espace et dans le temps. Elle se remit à penser, cette fois à voix haute : « Oui, je dois avoir seize ou dix-sept ans », seulement pour s’assurer qu’il s’agissait d’une phrase en espagnol. Elle se demanda si elle ne parlait pas aussi une autre langue. Rien. Elle ne se rappelait rien. Cependant, elle éprouvait une sensation de soulagement, de sérénité, presque d’innocence. Elle était déconcertée, bien sûr, mais cela ne lui était pas désagréable. Elle avait l’impression confuse que c’était mieux que toute autre chose, comme s’il devait rester, dans son dos, quelque chose d’abject, quelque chose d’horrible. Au-dessus de sa tête, les arbres déclinaient deux tons de vert ; on ne voyait quasiment pas le ciel. Les pigeons s’approchèrent d’elle, pour s’éloigner aussitôt, déçus.

***

Morgane nous propose sa traduction :

La jeune fille ouvrit les yeux et se sentit troublée par sa propre confusion. Elle ne se souvenait de rien. Ni de son nom, ni de son âge, ni de son adresse. Elle vit que sa jupe était marron et que son chemisier était couleur crème. Elle n’avait pas de portefeuille. Sa montre marquait quatre heures quinze. Elle sentit que sa langue était pâteuse et que ses tempes palpitaient. Elle regarda ses mains et vit que ses ongles avaient un vernis transparent. Elle était assise sur le banc d’une place arborée, une place qui contenait en son centre une vielle fontaine, avec des anges et quelque chose comme trois assiettes parallèles. Cela lui sembla horrible. Depuis son banc, elle voyait des commerces, des grands écriteaux. Elle put lire : Nogaró, Cine club, Meubles Porley, Marche, Parti National. À côté de son pied gauche, elle vit un morceau de miroir, de forme triangulaire. Elle le ramassa. Elle prit conscience de sa curiosité maladive lorsqu’elle fit face à ce visage qui était le sien. Ce fut comme si elle l’avait vu pour la première fois. Il ne lui rappelait rien. Elle essaya de calculer son âge. J’aurai seize ou dix sept ans, pensa t-elle. Curieusement, elle se souvenait des noms des choses (elle savait que ceci était un bateau, cela une colonne, là-bas une fontaine ou bien encore un autre écriteau), en revanche elle ne parvenait pas à se situer elle-même dans un lieu ou dans un temps. Elle pensa de nouveau, cette fois-ci à voix haute : « Oui, je dois avoir dans les seize ou dix sept ans », seulement pour confirmer que c’était bien une phrase en espagnol. De plus, elle se demanda si elle ne parlait pas une autre langue. Rien. Elle ne se souvenait de rien. Cependant, elle éprouvait une sensation de légèreté, de sérénité, presque d’innocence. Elle était étonnée, bien sûr, mais l’étonnement ne lui produisait pas de mécontentement. Elle avait l’impression confuse que cela était mieux que n’importe quoi d’autre, comme s’il y avait quelque chose d’abject, quelque chose d’horrible derrière son dos. Le vert des arbres avait deux tons, au –dessus de sa tête, et le ciel se distinguait à peine. Les pigeons s’approchèrent d’elle, mais s’en allèrent aussitôt, déçus.

Résultats du sondage

« Vous arrive-t-il de laisser dans vos traductions des choses dont vous n'êtes pas totalement satisfaits… par "flemme" de chercher davantage ?

Sur 19 votants, nous obtenons les résultats suivants :

Ça m'est arrivé 1 fois ou 2 = 1 voix (5%)
Oui, mais très rarement = 8 voix (42%)
Oui, de temps en temps = 4 voix (21%)
Non, jamais = 6 voix (31%)

Qu'il est difficile d'être à la fois un bon ouvrier et un bon chef de chantier !

Références culturelles, 381 : belinda

http://www.biografiasyvidas.com/biografia/b/belinda.htm

mercredi 24 février 2010

Références culturelles, 380 : Corín Tellado

En photo : FOTONOVELA 70'S CORÍN TELLADO $50, par groovybazaar

Corín Tellado : escritora de novela “rosa” del siglo XX
une idée d'Auréba

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Exercice de version, 96

Cuando el general Den Bié Uko se enteró que su enemigo el general Bai Pu Un había caído prisionero, se alegró muchísimo. La verdad: nada hubiera podido satisfacerle tanto. Nadie lo notó. Así era de reservado, dejando aparte que los músculos de su cara no se prestaban a la exteriorización de ningún sentimiento.
Lo mandó encerrar en la última mazmorra del fuerte de Xien Khec. La conocía de tiempo atrás, cuando los ingleses lo tuvieron allí a pan y agua, cuatro años. Hacía de eso bastante tiempo: entonces Bai Pu Un era como su hermano. Ocho barrotes a ras de tierra, cosa de veinte centímetros de alto, sitio suficiente para que corrieran las ratas, gordas, de los arrozales de la colina en declive.
Sí, había sido como su hermano. Ahora había perdido. Den Bié Uko no dudó nunca, siempre tuvo fe en su estrella, aun cuando ayudaba a su amo —¿fue su padre?— a mover aquel telar primitivo. Entonces los franceses y los ingleses enviaban agentes suicidas que se hacían matar para que sus gobiernos tuvieran pretexto relativamente valedero para ocupar militarmente el país, hacíanse llamar misioneros. Den Bié Uko los admiraba y aprendió de ellos. Ahora, con Bai Pu Un en su poder no tendría problemas, pero estuvo a punto de fracasar. La culpa la tenía su rival, en el fondo siempre lo supo: era de sangre Kuri. ¿Cómo hacerle pagar los dos últimos años de inseguridad; de correr, esconderse, pasar hambre y miedo?
No era tan fácil como pudiera parecer a primera vista. Inmóvil en su hamaca el general vencedor rumiaba las posibles venganzas. En ningún momento se le ocurrió recurrir al tormento físico. Eso quedaba para los europeos o los mahometanos. El dolor se soporta cuando uno está decidido a ello. Lo sabía por propia experiencia, y ajena. El que quiere aguantar, aguanta.

Max Aub, « La sonrisa »

***

Coralie nous propose sa traduction :

Lorsque le général Den Bié Uko apprit que son ennemi le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il s'en réjouit vivement. La vérité : rien n'aurait autant pu le combler. Personne ne le remarqua. Il était réservé, veillant à ce que les muscles de son visage ne se prêtent à l'extériorisation d'aucun de ses sentiments. Il le fit enfermer dans le dernier cachot du fort de Xien Khec. Il le connaissait d'autrefois, quand les Anglais l'y avaient détenu au pain et à l'eau, pendant quatre ans. Il y avait longtemps de cela : à l'époque Bai Pu Un était comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, quelque vingt centimètre de haut, la place suffisante pour que courent les gros rats des rizières de la colline en pente.
Oui, il avait été comme son frère. Maintenant il avait perdu. Den Bié Uko n'avait jamais douté, il avait toujours cru en sa bonne étoile, même quand il aidait son maître -était-ce son père ?- à déplacer ce métier à tisser primitif. Les Français et les Anglais envoyaient alors des agents suicidaires qui se faisaient tuer pour que leurs gouvernements aient un prétexte assez valable pour occuper militairement le pays, ils se faisaient appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et apprit d'eux. Maintenant, avec Bai Pu Un en sa possession, il n'aurait plus de problème, mais il était sur le point d'échouer. C'était la faute de son rival, au fond il l'avait toujours su : il avait du sang Kuri. Comment lui faire payer ces deux dernières années d'insécurité ; de fuite, de cachette, de famine et de peur ? Ce n'était pas aussi facile qu'il y paraissait à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les vengeances possibles. À aucun moment l'idée ne lui vint de recourir à la torture physique. C'était juste bon pour les Européens ou les Mahométans. On supporte la douleur quand on l'a décidé. Il le savait de sa propre expérience, et lointaine. Celui qui veut résister résiste.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Lorsque le général Den Bié Uko apprit que son ennemi, le général Bai Pu Un, avait été fait prisonnier, il exulta. En vérité, rien n’aurait autant pu le satisfaire. Personne ne le remarqua. Voilà comment il était, réservé, outre le fait que les muscles de son visage ne se prêtaient pas à l’extériorisation de ses sentiments.
Il le fit enfermer dans le dernier cachot du fort de Xien Khec. Il l’avait connu autrefois, quand les Anglais l’y avaient retenu pendant quatre ans, au pain sec et à l’eau. Cela faisait déjà un bon nombre d’années : Bai Pu Un était alors comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, environ vingt centimètres de haut, espace suffisant pour que puissent y courir les gros rats des rizières de la colline pentue.
Oui, il avait été comme son frère. Aujourd’hui, il avait perdu. Den Bié Uko n’avait jamais douté, il avait toujours eu foi en sa bonne étoile, même quand il aidait son maître –ou était-ce son père ?– à déplacer ce métier à tisser primitif. Les Français et les Anglais envoyaient alors des agents suicidaires se faire tuer, afin de donner à leurs gouvernements un prétexte valable pour occuper militairement le pays, en se faisant appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et s’instruisait à leur contact. À présent que Bai Pu Un se trouvait en son pouvoir, il n’aurait plus de problème, mais il avait failli échouer. C’était de la faute de son rival, il l’avait toujours su, au fond : il était de sang Kuri. Comment lui faire payer ces deux dernières années d’insécurité ; courir, se cacher, avoir faim, avoir peur ?
Ce n’était pas aussi facile qu’il y paraissait à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les vengeances possibles. À aucun moment il n’eut l’idée d’avoir recours à la torture physique. C’était juste bon pour les Européens ou les Mahométans. La douleur est supportable quand on l’a décidé. Sa propre expérience et celle des autres le lui avaient prouvé. Celui qui veut résister, il résiste.

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Quand le général Den Bié Uko apprit que son ennemi, le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il en fut fort content. En vérité, rien n’aurait pu autant le satisfaire. Personne ne s’en aperçut. En effet, c’était quelqu’un de réservé, sans compter que les muscles de son visage ne se prêtaient à l’extériorisation d’aucun sentiment.
Il ordonna d’enfermer le général dans les oubliettes du fort de Xien Khec. Il les connaissait de longue date, pour y avoir été détenu au pain et à l’eau, pendant quatre ans, par les anglais. Il y avait de cela assez longtemps : Bai Pu Un était alors comme son frère. Huit barreaux au ras du sol, une vingtaine de centimètres de haut, un endroit où couraient les gros rats des rizières de la colline en pente.
Oui, il avait été comme son frère. Aujourd’hui, il avait perdu. Den Bié Uko n’avait jamais douté, il avait toujours eu foi en son étoile, même quand il aidait son maître — était-ce son père ? — à manipuler le rudimentaire métier à tisser. Les français et les anglais envoyaient alors des agents qui commettaient des attentats suicides afin de donner à leurs gouvernements un prétexte relativement valable pour occuper militairement le pays ; ils se faisaient appeler missionnaires. Den Bié Uko les admirait et il avait beaucoup appris à leur contact. Aujourd’hui, avec Bai Pu Un en son pouvoir, il n’aurait pas de problèmes, mais il avait failli échouer. C’était la faute de son rival ; au fond, il l’avait toujours su : il était de sang Kuri. Comment lui faire payer les deux dernières années d’insécurité, passées à courir, à se cacher, à endurer la faim et la peur ?
Ce n’était pas aussi facile qu’il pouvait paraître à première vue. Immobile sur son hamac, le général vainqueur ruminait les possibilités de vengeance. À aucun moment, il ne lui vint à l’idée de recourir à la torture physique. Ça, c’était bon pour les européens ou les mahométans. On supporte la douleur quand on l’a décidé. Il le savait par expérience, la sienne et celle des autres. Celui qui veut tenir, tient.

***

Morgane nous propose sa traduction :

Quand le général Den Bié Uko fut averti que son ennemi le général Bai Pu Un avait été fait prisonnier, il s’en réjouit au plus haut point. La vérité : rien n’aurait pu le satisfaire davantage. Personne ne le remarqua. Il était ainsi réservé, ne laissant pas les muscles de son visage se prêter à l’extériorisation d’aucun sentiment. On l’envoya prisonnier dans la dernière oubliette du fort de Xien Khec. Il l’a connaissait depuis un bout de temps, quand les Anglais le privèrent de nourriture, pendant quatre ans. Cela faisait pas mal de temps : alors Bai Pu Un était comme son frère. Huit barreaux à ras de terre, de quelques vingt centimètres de haut, espace suffisant pour que grouillent les rats, gros, des rizières de la colline en pente. Oui, il avait été comme son frère. Maintenant, il avait perdu. Den Bié Uko ne douta jamais, il eut toujours foi en son étoile, même s’ il aidait son maître –fut-ce son père ? – à bouger un tel métier à tisser primitif. Alors les Français et les Anglais envoyaient des agents suicides qui se faisaient tuer pour que leurs gouvernements aient un prétexte relativement valable pour occuper le pays militairement, en se faisant surnommer missionnaires. Den Bié Uko les admirait et apprit d’eux. Maintenant, avec Bai Pu Un entre ses mains, il n’aurait pas de problèmes, mais il fut sur le point d’échouer. C’était la faute de son rival, au fond il l’avait toujours su : il avait du sang Kuri. Comment lui faire payer les deux dernières années d’insécurité ; de courir, se cacher, souffrir de la faim et de la peur ? Ce n’était pas aussi facile que cela pouvait paraître à première vue. Immobile dans son hamac, le général victorieux ruminait les possibles vengeances. À aucun moment, il lui vint à l’esprit de recourir à la torture physique. Cela était destiné aux Européens et aux Musulmans. La douleur est supportable quand on est décidé à cela. Il le savait de sa propre expérience, et d’expérience d’autrui. Celui qui veut supporter, supporte.

mardi 23 février 2010

Références culturelles, 379 : Pitingo y su «soulería»

Pitingo y su «soulería»
une idée d'Auréba


Exercice de version, 95

Pienso en la primera enfermedad, es decir, en la enfermedad del primer hombre, Adán. No pienso en una enfermedad grave: para lo que quiero pensar, me basta con una gripe.
Yo no estuve allí, desde luego, pero tengo para mí que Adán no debió sentir mucho la pérdida del paraíso. Le ocurriría probablemente como a los que saltan de la cama a una habitación fría y no reparan en la baja temperatura hasta en el momento en que su cuerpo pierde el calor que había absorbido entre las sábanas: vería Adán el mismo cielo azul que había visto antes, y vería los mismos ríos limpios, y los mismos pájaros, y no tendría otra incomodidad que la provocada por algunas imágenes llegadas en sueños, imágenes de un ángel con una espada, o de una serpiente, o de un árbol lleno de manzanas a causa del cual, él no sabía muy bien por qué, habían tenido en el paraíso una gran discusión. ¿Durante cuánto tiempo viviría Adán inmerso en aquella inocencia? Ya he dicho que no estuve allí, y no lo sé. Lo que sí sé, porque me es fácil imaginarlo, es lo que sintió un día al despertar: dolor de garganta, tos persistente, cierta sensación de mareo y malestar en el estómago. Todo es relativo, y para alguien que había vivido en el paraíso el mal que sentía era un mal terrible, y Adán, presa del pánico y de un humor que luego, siglos después, alguien llamaría melancolía, se dirigió hacia la mujer que tenía a su lado y exclamó: “Eva, me estoy muriendo”. La exclamación, por decirlo así, resultó en aquel contexto revolucionaria: se utilizaba por primera vez el verbo morir, y por primera vez también, aquel hombre reparaba en la persona que le había acompañado tras la salida del paraíso. Efectivamente, allí estaba Eva. Allí estaba él, Adán, muriéndose.

Bernardo Atxaga, « La primera gripe de Adán »

***

Laëtitia nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce qu’il m’importe de penser, une grippe me suffit.
Je n’étais pas là, évidemmment, mais je tiens pour sûr qu’Adam n’a pas dû être très affecté par la perte du paradis. Il devait se sentir probablement comme ceux qui, sautant de leur lit dans une chambre froide, ne se rendent pas compte de la basse température ambiante jusqu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait accumulée entre les draps : Adam devait voir le même ciel bleu qu’il avait vu jusque-là, les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et il ne devait être incommodé par rien d’autre que quelques images survenues en rêve, les images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre chargé de pommes, à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, une grande discussion avait eu lieu au paradis. Pendant combien de temps Adam devait-il vivre plongé dans cette innocence ? J’ai déjà dit que je n’étais pas là ; en fait, je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, parce qu’il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a ressenti un jour en se réveillant : une douleur dans la gorge, une toux persistente, une certaine sensation de nausée et une gêne à l’estomac. Tout est relatif mais, pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal qu’il éprouvait était un mal terrible, et Adam, pris de panique et sous le coup d’une humeur qu’on appellerait, des siècles plus tard, mélancolie, s’adressa à la femme qui était à ses côtés, s’exclamant : « Ève, je suis en train de mourir ». Cette exclamation, pour ainsi dire, est apparue, dans ce contexte, révolutionnaire : on utilisait pour la première fois le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme faisait attention à la personne qui l’avait accompagné depuis son départ du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là aussi, sur le point de mourir.

***

Coralie nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c'est à dire, à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je veux penser, une grippe me suffit. Je n'y étais pas, bien sûr, mais je crois qu'Adam n'a pas beaucoup regretté de perdre le paradis. Il a probablement dû se trouver dans la situation de ceux qui sautent de leur lit dans une chambre froide et ne remarquent pas la basse température jusqu'au moment où leurs corps perdent la chaleur qu'ils avaient absorbé sous les draps : Adam verrait le même ciel bleu qu'il avait vu avant, et il verrait les mêmes fleuves clairs, et les mêmes oiseaux, et il n'aurait d'autre incommodité que celle provoquée par quelques images surgies dans ses rêves, images d'un ange avec une épée, ou d'un serpent, ou d'un arbre couvert de pommes à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, ils avaient eu une grande discussion au paradis. Pendant combien de temps Adam vivrait-il immergé dans cette innocence ? J'ai déjà dit que je n'y étais pas, et je ne le sais donc pas. Ce que je sais en revanche, parce qu'il m'est facile de l'imaginer, c'est ce qu'il a éprouvé un jour en se réveillant : mal de gorge, toux persistante, une sensation de vertige et des maux d'estomac. Tout est relatif, et pour quelqu'un qui avait vécu au paradis, le mal qu'il ressentait était un mal terrible, et Adam, prisonnier de la panique et d'une humeur qu'on appellerait plus tard, des siècles après, mélancolie, s'adressa à la femme qu'il avait à ses côtés et s'exclama : « Ève, je me meurs !». Cette exclamation, pour le dire ainsi, se révéla révolutionnaire dans ce contexte : on utilisait le verbe mourir pour la première fois, et pour la première fois aussi, cet homme s'attachait à la personne qui l'avait accompagné à la sortie du paradis. En effet, Ève était là. Lui, Adam, était là aussi, mourant.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je veux penser, une grippe me suffit.
Je n’y étais pas, bien évidemment, mais je crois qu’Adam n’a pas été trop troublé par la perte du paradis. Il s’est sans doute trouvé dans la même situation que ceux qui sortent de leur lit dans une chambre glaciale, sans se rendre compte de la faible température, jusqu’à ce que leur corps ait perdu la chaleur qu’il avait emmagasinée sous les draps : Adam devait voir le même ciel qu’il voyait auparavant, les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et ne devait ressentir aucune gêne, si ce n’est celle provoquée par des images dans ses rêves, des images d’un ange avec une épée, d’un serpent, ou d’un arbre rempli de pommes à cause duquel –il ne savait pas vraiment pourquoi–, ils avaient eu une longue discussion au paradis. Pendant combien de temps Adam devait-il rester plongé dans cette innocence ? Comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas là-bas, je n’ai donc pas la réponse. Ce que je sais, en revanche, car il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a éprouvé un matin, au réveil : maux de gorge, toux persistante, sensation de vertige et estomac dérangé. Tout est relatif, mais pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal dont il souffrait était un mal terrible, alors Adam, en proie à la panique et à une humeur qu’on nommerait, des siècles plus tard, « mélancolie », se dirigea vers la femme qui se trouvait à ses côtés et s’exclama : « Ève, je suis sur le point de mourir ! ». L’exclamation s’est avérée, pour ainsi dire, révolutionnaire dans un tel contexte : on utilisait pour la première fois le verbe « mourir » et, pour la première fois également, cet homme prêtait attention à la personne qui l’avait accompagné au sortir du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là lui aussi, mourant.

***

Chloé nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c’est-à-dire, la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce à quoi je pense, une grippe me suffit.
Je n’étais pas là, évidemment, mais j’ai dans l’idée qu’Adam n’a pas dû être très affecté par la perte du paradis. Il a probablement dû éprouver la même sensation que ceux qui, au saut du lit, se retrouvent dans une chambre glacée et ne remarquent la basse température qu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait emmagasinée sous les draps : Adam devait voir le même ciel bleu qu’il avait vu jusqu’à présent, il devait voir les mêmes rivières limpides, les mêmes oiseaux, et il devait seulement être incommodé par quelques images surgies en rêves, des images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre chargé de pommes à cause duquel – d’ailleurs, il ne savait pas très bien pourquoi – ils avaient eu une longue discussion au paradis. Combien de temps Adam avait-il vécu plongé dans cette innocence ? J’ai déjà dit que je n’y étais pas, et donc je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, car il m’est facile de l’imaginer, c’est ce qu’il a ressenti un jour en se réveillant : maux de gorge, toux persistante, nausées et gêne au niveau de l’estomac. Tout est relatif, et pour quelqu’un qui avait vécu au paradis, le mal qu’il ressentait était un mal terrible, et Adam, en proie à la panique et à un sentiment qu’on appellerait, des siècles plus tard, mélancolie, s’est tourné vers la femme qui se trouvait à ses côtés en s’exclamant : « Ève, je suis en train de mourir ! ». L’exclamation, pour ainsi dire, s’est révélée révolutionnaire dans ce contexte : c’était la première fois qu’on utilisait le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme faisait attention à la personne qui l’avait accompagné depuis son départ du paradis. Effectivement, Ève était là. Adam était là, lui aussi, sur le point de mourir.

***

Morgane nous propose sa traduction :

Je pense à la première maladie, c'est-à-dire, à la maladie du premier homme, Adam. Je ne pense pas à une maladie grave : pour ce que je veux penser, une grippe me suffit. Je ne me trouvai pas là, bien sûr, mais j’ai en moi la certitude qu’Adam ne dut pas beaucoup ressentir la perte du paradis. Il lui arriverait probablement la même chose que ceux qui sautent du lit dans une chambre froide et remarquent dans la basse température jusqu’au moment où leur corps perd la chaleur qu’il avait absorbé entre les draps : Adam verrait le même ciel bleu qu’il avait vu avant, et il verrait les mêmes fleuves limpides, et les mêmes oiseaux, et n’aurait pas d’autre obstacles qui celui provoqué par quelques images venues en rêves, images d’un ange avec une épée, ou d’un serpent, ou d’un arbre plein de pommes à cause duquel, il ne savait pas très bien pourquoi, ils avaient eu au paradis une grande discussion. Durant combien de temps vivrait Adam immergé dans une telle innocence ? J’ai déjà dit que je ne me trouvai pas là, et je ne le sais pas. Ce que je sais, car il m’est facile de l’imaginer, est ce que j’ai ressentis un jour au réveil : mal de gorge, toux persistante, une certaine sensation de nausée et de malaise au niveau de l’estomac. Tout est relatif, et pour quelqu’un que avait vécu au paradis le mal que je sentais était un mal terrible, et Adam, prisonnier par la panique et d’une humeur qui, ensuite, des siècles après, quelqu’un appellerait mélancolie, se dirigea vers la femme qu’il avait à ses côtés et s’exclama : « Eva, je suis en train de mourir ». L’exclamation, pour ainsi dire, s’avéra dans un tel contexte révolutionnaire : on utilisait pour la première fois le verbe mourir, et pour la première fois aussi, cet homme remarquait chez la personne qui l’avait accompagné après la sortie du paradis. Effectivement, Eva était là. Il était là, Adam, en train de mourir.

lundi 22 février 2010

Références culturelles, 378 : Lola Flores

Lola Flores
une idée d'Auréba

http://www.biografiasyvidas.com/biografia/f/flores_lola.htm

Como me la maravillaría yo (1972) :
http://eurosongcontest.phpbb3.es/viewtopic.php?f=44&t=19777

¡Ay Alvariño!

Exercice de version, 94

Mi deseo más ferviente era estar siempre al lado de Carlos, pero algo me decía que en cualquier momento un destino diverso se fraguaría para mi persona.
Mi mayor preocupación eran las relaciones entre él y Fernando.
Bueno sería que los dos llegaran a congeniar, pues la diferencia de educación y de consejeros, que luchaban por defender sus propios intereses, no había de separar a los dos Únicos varones de la familia.
Los que en Flandes residimos muy unidos estábamos, pero yo me sentía en la obligación de ampliar esta piña a Fernando y Catalina, dado que por sus venas corría la misma sangre que por las nuestras.
En una ocasión Carlos me había comentado que los distintos reinos españoles, desde hacia generaciones, vivían, luchaban y morían por conseguir la unidad de estas tierras; sin embargo, poco habían hecho para fomentar la unidad familiar liar que entre todos había de existir.
Con su proverbial idealismo me prometió que ésa era una de las tareas que más le incumbían. Dejada atrás Valladolid, íbamos, pues, camino de Calatayud, con destino a la siguiente jura.
La primavera ensalzaba los campos y sin duda poco debía de faltar para que los calores de los cuales tanto nos hablaron comenzaran.
Junto a mí cabalgaban mis dos hermanos.
Mi preferencia estaba puesta claramente en Carlos, pero me daba cuenta de que Fernando sin duda sería más apuesto. Aunque todavía le faltaba un hervor para cuajar: en algunas de sus actitudes y contestaciones era aún más infantil que Carlos.
El rey desmontó del caballo y, después de dárselo a uno de los sirvientes, se pegó a mi silla. Fernando hizo lo mismo, situándose al otro lado, dejándome así en medio de los dos, que caminaban como si formasen mi cortejo particular.
—Le he dicho a Fernando que eres muy juiciosa e imparcial y por eso hemos decidido pedirte consejo —dijo de pronto Carlos.
La verdad es que no me molestó en absoluto que quisieran fomentar mi protección hacia ellos, si bien me extrañé que por primera vez estuvieran de acuerdo en algo.
—¿De qué se trata?
Carlos bajó el tono de voz pero sin llegar al susurro; supongo que para no levantar demasiadas sospechas sobre nuestra conversación.
—Fernando y yo hemos decidido conocernos mejor y dejar a un lado todas nuestras rencillas, como vos me aconsejasteis. Unas cosas nos han llevado a otras. Él me ha contado mucho sobre estas tierras que tanto ansiábamos conocer y yo le he relatado las vivencias que tuvimos en Bruselas.

Almudena de Artega de Alcázar, La vida privada del emperador

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Mon désir le plus cher était de toujours rester au côté de Carlos, mais quelque chose me disait qu’à tout moment, un destin inverse se nouerait contre moi.
Ma principale préoccupation concernait les relations entre Carlos et Fernando.
Ce serait bien que tous les deux finissent par sympathiser, car leur différence d’éducation et les divergences de leurs conseillers, qui luttaient pour défendre leurs propres intérêts, ne devaient pas séparer les deux fils Uniques de la famille.
Nous qui résidions dans les Flandres étions très unis, mais je me sentais dans l’obligation d’élargir ce groupe à Fernando et Catalina, étant donné qu’il coulait dans leurs veines le même sang que dans les nôtres.
Un jour, Carlos m’avait expliqué que les différents royaumes espagnols, depuis des générations, vivaient, luttaient et mouraient pour obtenir l’unité de ces terres ; cependant, ils n’avaient pas fait grand-chose pour encourager l’unité familiale qu’il devait exister entre tous les membres.
Avec l’idéalisme qui le caractérisait, il me promit que c’était là un des devoirs qui lui incombaient en priorité. Laissant derrière nous Valladolid, nous prenions donc le chemin de Calatayud, en vue de prêter le prochain serment.
Le printemps embellissait les champs et nous nous trouvions sans doute à l’aube des premières chaleurs dont on nous avait tant parlé.
Près de moi, mes deux frères chevauchaient leur monture.
Ma préférence allait clairement à Carlos, mais je me rendais compte que Fernando aurait sans doute plus de prestance. Bien qu’il manquât encore d’ardeur pour réussir : par certaines de ses attitudes et réflexions, il se montrait encore plus puéril que Carlos.
Le roi descendit de son cheval et, après l’avoir confié à un de ses serviteurs, il se pressa contre ma selle. Fernando fit de même, se plaçant de l’autre côté ; je me retrouvai ainsi entre eux deux, au pas, comme s’ils composaient ma suite particulière.
— J’ai dit à Fernando que tu étais quelqu’un de très judicieux et d’impartial, c’est pourquoi nous avons décidé de te demander conseil — dit soudain Carlos.
En vérité, cela ne me dérangea pas du tout qu’ils voulussent solliciter ma protection à leur égard ; en revanche, je fus étonnée que, pour la première fois, ils fussent d’accord sur quelque chose.
— De quoi s’agit-il ?
Carlos baissa le ton de sa voix, sans pour autant murmurer ; je suppose qu’il ne voulait pas trop éveiller de soupçons à propos de notre conversation.
— Fernando et moi, nous avons décidé de mieux nous connaître et de renoncer à nos rancœurs, comme tu me l’avais conseillé. Nous avons discuté de choses et d’autres. Il m’a beaucoup raconté sa vie sur ces terres que nous désirions tant découvrir, et moi, je lui ai relaté ce que nous avons vécu à Bruxelles.

***

Amélie nous propose sa traduction :

Mon souhait le plus cher était de toujours rester auprès de Charles, mais quelque chose me disait qu’un jour, un tout autre destin se dessinerait pour moi.
Ma principale inquiétude concernait les relations entre lui et Ferdinand.
Ce serait bien qu’ils réussissent à s’entendre, car ni la différence d’éducation ni leurs conseillers respectifs –qui luttaient pour défendre les intérêts de chacun– ne devaient séparer les deux seuls garçons de la famille.
Nous, qui résidions en Flandres, étions très unis, mais je me sentais obligée d’élargir le groupe à Ferdinand et à Catherine, étant donné que le même sang coulait dans nos veines.
Une fois, Charles m’avait expliqué que depuis des générations, tous les royaumes espagnols vivaient, se battaient et mouraient pour réussir à unifier ces terres ; en revanche, ils n’avaient presque rien fait pour encourager l’harmonie familiale qui devait exister entre tous les membres.
Avec son fameux idéalisme, il me promit que c’était là une des tâches qui lui incombaient en priorité.
Laissant derrière nous Valladolid, nous étions en route pour Calatayud, lieu du prochain serment d’allégeance.
Le printemps magnifiait les champs, et nul doute que les chaleurs dont on nous avait parlé n’étaient pas loin d’apparaître.
Mes deux frères chevauchaient à mes côtés.
J’avais une nette préférence pour Charles, mais je me rendais compte que Ferdinand serait sans doute plus apte. Pourtant, il manquait toujours de fougue pour y parvenir : par certaines de ses attitudes ou de ses réflexions, il se montrait encore plus puéril que Charles.
Le roi descendit de cheval puis, après avoir confié les rênes à un de ses serviteurs, s’approcha de ma selle. Ferdinand fit de même de l’autre côté, me plaçant ainsi entre eux deux ; ils avançaient comme s’ils formaient mon cortège personnel.
— J’ai dit à Ferdinand que tu étais sensée et impartiale, aussi, nous avons décidé de te demander conseil—déclara Charles subitement.
À vrai dire, cela ne me dérangea pas du tout qu’ils voulussent accentuer mon rôle de protectrice à leur égard, même si je m’étonnais que, pour la première fois, ils fussent d’accord sur quelque chose.
— Et, de quoi s’agit-il ?
Charles baissa le ton de sa voix –sans chuchoter pour autant–, sans doute pour ne pas éveiller trop de soupçons autour de notre conversation.
—Ferdinand et moi avons décidé de mieux nous connaître et de faire abstraction de tous nos ressentiments, comme tu me l’avais conseillé. Une chose menant à une autre, il m’a beaucoup parlé de ces terres que nous désirions ardemment découvrir, et moi, je lui ai raconté ce que nous avions vécu à Bruxelles.

***

Pascaline nous propose sa traduction :

Je désirais ardemment être toujours aux côtés de Carlos, mais quelque chose me disait qu'à n'importe quel moment, un autre destin se dessinerait pour ma personne.
J'étais particulièrement soucieuse des relations entre lui et Fernando.
Il serait bon que les deux finissent par sympathiser, car la différence d'éducation et de conseillers, lesquels luttaient pour défendre leurs propres intérêts, ne devait pas séparer les deux seuls hommes de la famille.
Nous, qui résidions en Flandre, étions très unis ; mais moi, je me sentais dans l'obligation d'ouvrir ce groupe à Fernando et Catalina, puisque dans leurs veines coulaient le même sang que dans les nôtres.
Une fois, Carlos m'avait expliqué que les différents royaumes espagnols vivaient, luttaient et mouraient depuis des générations afin d'obtenir l'unité de ces terres ; nonobstant, ils n'avaient guère agi pour encourage l'unité familiale qui devait exister entre tous.
Avec son idéalisme notoire, il me promit qu'il s'agissait là de l'une des tâches dont il s'occupait le plus.
Valladolid désormais derrière nous, nous allions, par conséquent, vers Calatayud, lieu du prochain serment d'allégeance.
Le printemps exaltaient les champs, et il s'en fallait sans doute de peu pour que les chaleurs dont on nous parla tant ne commençassent.
À côté de moi chevauchaient mes deux frères.
J'avais clairement une préférence pour Carlos, mais je me rendais bien compte que Fernando serait sans doute plus approprié. Bien qu'il lui manquât encore quelque vivacité pour me plaire : certaines de ses attitudes et réponses révélaient qu'il était encore plus enfantin que Carlos.
Le roi descendit de cheval et, après l'avoir confié à l'un de ses serviteurs, se colla à ma chaise. Fernando en fit de même, se plaçant de l'autre côté, me laissant ainsi au milieu des deux, lesquels avançaient comme pour former mon cortège particulier.
- J'ai dit à Fernando que tu es très sensée et impartiale et pour cela, nous avons décidé de te demander conseil – dit soudain Carlos.
Pour être sincère, le fait qu'ils voulussent susciter une protection de ma part ne me gêna aucunement, bien que je fusse surprise de constater que pour la première fois, ils tombèrent d'accord sur un point.
- De quoi s'agit-il ?
Carlos baissa le ton de sa voix sans pour autant murmurer ; je suppose qu'il ne voulait pas éveiller trop de soupçons au sujet de notre conversation.
- Fernando et moi-même avons décidé de mieux nous connaître et de mettre de côté toutes nos querelles, comme vous nous l'avez conseillé. Certains choses nous ont amenées à en évoquer d'autres. Il m'a beaucoup conté au sujet de ces terres que nous avons si hâte de connaître ; moi, je lui ai fait part des expériences que nous avions vécues à Bruxelles.

***

Morgane nous propose sa traduction :

Mon désir le plus ardent était celui d’être toujours aux côtés de Carlos, mais quelque chose me disait qu’à n’importe quel moment un destin différent se tramerait en ce qui me concerne. Ma plus grande préoccupation était les relations entre lui et Fernando. Bon, ce serait que les deux en viendraient à sympathiser, donc la différence d’éducation et de conseillers, qui luttaient pour la défense de leurs propres intérêts, on n’avait pas à séparer les deux seuls garçons de la famille. Ceux qui résident en Flandres sont très unis, mais je me sentais dans l’obligation de faire bloc contre Fernando et Catalina, étant donné que, dans leurs veines, coulaient le même sang que le nôtre. Une fois, Carlos m’avait commenté que les différents royaumes espagnols, depuis des générations, vivaient, luttaient et mouraient pour obtenir l’unité de leurs terres ; cependant, ils avaient fait peu pour fomenter l’unité familiale qui devait exister entre tous. Avec son proverbial idéalisme il me promit que celle-ci était une des tâches qui lui incombaient le plus. Il laissait derrière lui Valladolid, nous allions, donc, sur le chemin de Calatayud, à destination du prochain sermon. Le printemps portait aux nues les champs et sans doute il en fallait de peu pour que les chaleurs desquelles on nous a tant parlé, ne commencent.
A côté de moi, chevauchaient mes deux frères.
Ma préférence portait clairement sur Carlos, mais je me rendais compte que Fernando serait sans doute plus fringant.
Bien qu’il lui manquait encore de la vivacité pour être adopté : dans quelques unes de ses attitudes et réponses, il était encore plus enfantin que Carlos.
Le roi descendit de cheval et, après l’avoir remis à l’un des serviteurs, se colla à ma chaise. Fernando fit de même, en se plaçant de l’autre côté, me laissant ainsi au milieu des deux, qui marchaient comme s’ils étaient mon cortège particulier.
— J’ai dit à Fernando que tu es très judicieuse et impartiale et c’est pour cette raison que nous avons décidé de te demander conseil – dit soudain Carlos.
La vérité est que cela ne me dérange pas du tout qu’ils souhaitent fomenter ma protection, si bien que je me suis surpris qu’ils soient d’accord, pour une fois, sur un point.
— De quoi s’agit-il ?
Carlos baissa le ton de sa voix mais sans aller jusqu’au chuchotement ; je suppose que c’était pour ne pas créer trop de soupçons à propos de notre conversation.
— Fernando et moi avons décidé de mieux nous connaitre et laisser de côté toutes nos rancœurs, comme vous me l’avez conseillé. Des choses nous ont menées à d’autres choses. Il m’a raconté beaucoup de choses sur ces terres que nous désirions tant connaitre et je lui ai raconté les aventures que nous avons vécues à Bruxelles.