vendredi 13 janvier 2012

Entretien avec Jean-Louis Barreau à propos de ¡ Vamos !

Nous remercions collectivement Jean-Louis Barreau de nous avoir accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions sur le dictionnaire bilingue ¡ Vamos ! qu'il vient de publier aux éditions Publibook (col. « Universitaire » – 646 pages).
Jean-Louis Barreau est Maître de conférences à l'Université de Montpellier 3.


1) Justine / Elena : Comment vous est venue l'idée de vous lancer dans une aventure d'une telle ampleur… – est-ce lié, et désolée d'employer le lexique du maketing, au constat d'un "besoin"… ?
À vrai dire lorsque je me suis lancé dans cette "aventure" en 1990 il n'existait aucun dictionnaire bilingue de ce genre. Mon choix de départ est donc bien lié au constat d'un "besoin" comme vous dites, ou d'une lacune dans le domaine en tout cas.

2) Laëtitia :Ce dictionnaire a-t-il fait l'objet d'une commande ? Si non, comment convainc-t-on un éditeur de se lancer dans un tel projet ?
Ce dictionnaire n'a pas été fait sur commande. Il a effrayé plusieurs éditeurs de par sa spécialisation et son nombre de pages, sauf Publibook qui l'a accepté sans problème. 

3) Elena : Quel est le public visé ?
Mon dictionnaire est bien entendu avant tout destiné aux étudiants hispanisants et à mes collègues hispanistes, mais je crois (du moins j'espère) qu'il peut intéresser tous les hispanophiles francophones ainsi que les francophiles hispanophones.

4) Caroline : J'imagine qu'en vous attelant à ce travail, vous étiez conscient de la terrible concurrence que représentent les dictionnaires bilingues en ligne… Mais, puisque de toute évidence cela ne vous a pas arrêté, c'est que vous faites des différences entre les deux et que vous donnez l'avantage aux versions papier. Quelles différences ? Quels avantages ?
Quand j'ai commencé ce travail les dictionnaires bilingues en ligne n'existaient pas. Je ne me suis donc pas posé la question. Aujourd'hui, je ne donne pas (ou plus) l'avantage aux versions papier et j'espère bien que ¡Vamos! ou un dictionnaire du même genre sera bientôt disponible en ligne, sous une forme évolutive si possible.

5) Caroline : Faire un dictionnaire… est-ce tout reprendre de zéro ou prendre ce qui a déjà été fait et procéder à une « simple » actualisation.
Tout a commencé au hasard de mes lectures, c'est-à-dire de zéro, puis j'ai ressenti la nécessité de me référer aux différents dictionnaires d'argot français et espagnols pour tenter de faire quelque chose d'assez complet.

6) Caroline : La question suivante étant logiquement de savoir ce que, en dehors du fait qu'il est plus récent et donc certainement plus en prise avec la langue d'aujourd'hui, votre ¡ Vamos ! a de différent par rapport aux dictionnaires papiers existant déjà, notamment le plus célèbre d'entre eux, Le Larousse
C'est tout simple : le Grand dictionnaire bilingue Larousse est un dictionnaire de langue générale qui intègre disons... en marge certains termes familiers, populaires et argotiques, alors que mon ouvrage est composé uniquement de termes et d'expressions issus du "bas-langage".

7) Laëtitia : Vu l'ampleur de la tâche, on peut présumer qu'un travail d'équipe a été nécessaire. Si oui, combien de personnes ont été mobilisées et quelle a été la spécialité de chacune ?
Comme dirait Renaud, « je suis [ou plutôt j'étais] une bande de jeunes à moi tout seul... » En fait oui, j'ai toujours travaillé en solo. Cela m'a permis de travailler librement et à mon rythme. C'est sans doute pour cela que mon dictionnaire est resté en sommeil durant plusieurs années où j'avais beaucoup d'autres choses à préparer...

8) Perrine : Par où commence-t-pour mener à bien ce type de travail ?
Comme il a été dit plus haut tout a commencé au hasard de mes lectures et de mes rencontres. Je crois aussi que dans mon cas particulier, malgré mes origines espagnoles, le regret de ne pas être bilingue "de naissance" a été une sorte de déclencheur.

9) Perrine : concrètement, comment vous êtes-vous organisé ?
J'ai dans un premier temps travaillé un peu au hasard puis j'ai décidé de prendre comme sources scientifiques de référence les deux dictionnaires les fiables que j'avais à l'époque, à savoir le Diccionario de argot español de Victor LEÓN du côté espagnol et le Dictionnaire de l'argot de Jean-Paul COLIN et Jean-Pierre MÉVEL pour le français.

10) Perrine : Quels outils avez-vous utilisés ?
Outre les dictionnaires mentionnés ci-dessus (entre autres), j'ai notamment "épluché" de nombreux romans et bandes dessinées, traduit(e)s ou non, je me suis abonné à la revue satirique El Jueves, j'ai écouté beaucoup de rock espagnol, j'ai pris des notes parfois même dans la rue... Bref, un peu de tout.

11) Justine : Quels sont les critères de sélection pour qu'un mot ou une expression soit référencé plutôt qu'un autre ?
Il y a effectivement toujours une part de subjectivité dans un ouvrage comme le mien. J'ai essayé de garder tout ce qui se situait entre le familier et l'argot commun, en excluant si possible les termes et expressions désuettes ou trop marginales.

12) Elena : Avez-vous fait une place à l'espagnol des Amériques… ? Le cas échéant laquelle et suivant quels critères ?
En fait non. Je me suis "contenté" de l'espagnol péninsulaire. Il y avait largement de quoi faire tout en restant en Europe.

13) Justine : Combien de temps vous a-t-il fallu pour mener à bien ce projet ?
Je n'ai pas compté exactement. Il vaut mieux je crois... Un an de DEA puis quatre ans de Doctorat, soit cinq ans pour établir (entre autres choses puisque ma thèse s'intitule Une approche de la langue familière espagnole - Éléments de linguistique comparée et comporte quelque 1127 pages) un premier dictionnaire dans le sens français-espagnol. Ensuite une longue période de sommeil pour mon dictionnaire pour des raisons essentiellement professionnelles puis plusieurs reprises plus ou moins inspirées et intensives à partir de 2005 pour terminer par un fastidieux travail de "retournement" ces dernières années et aboutir (enfin) à un ouvrage entièrement bilingue (français-espagnol et espagnol-français).

14) Justine : Quand et comment décide-t-on de mettre un point final à un tel ouvrage ? (la langue étant tellement riche et en constante évolution).
Pas facile en effet de s'arrêter, mais je me suis rendu compte que le temps passait, que d'autres ouvrages (moins universitaires, plus commerciaux, plus légers aussi parfois) étaient "déjà" sortis avant le mien et qu'il fallait bien en finir avant qu'il ne soit vraiment dépassé.

15) Perrine : Vous êtes-vous inspiré / aidé de votre expérience personnelle à l'étranger ? Avez-vous eu besoin de demander de l'aide à des hispano-hablantes ?
En Espagne oui, bien sûr et j'ai parfois demandé de l'aide ouvertement, mais je crois que le plus souvent je me suis inspiré du parler des natifs à leur insu.

16) Caroline : Pouvez-vous nous parler des difficultés que vous avez rencontrées… ?
J'ai surtout rencontré des problèmes d'ordre technique car le matériel informatique a beaucoup évolué ces dernières années. J'ai dû changer plusieurs fois de mise en forme pour obtenir au final quelque chose d'assez présentable, notamment en ce qui concerne le classement, le repérage visuel (en noir et blanc) des sous-entrées et des équivalents de traduction.

17) Perrine : Comment être sûr que telle ou telle expression espagnole corresponde vraiment à telle ou telle expression française ? 
Parfois l'équivalence (sémantique et morphologique) est évidente, parfois elle n'est que partielle voire impossible. Pour moi cela a vraiment été de l'inspiration au cas par cas. 

18) Annabelle : lorsque les sources citées sont un peu anciennes, si les traductions sont vérifiées par un natif pour s'assurer qu'elles ne sont pas désuètes.
Certaines sources citées sont effectivement un peu anciennes mais j'ai essayé, avec l'aide de quelques amis natifs comme vous dites (et de nombreuses sources écrites pour la plupart), d'écarter dans la mesure du possible les traductions désuètes. Il doit en rester et il y en aura de plus en plus avec les années qui passent, mais j'espère bien être en mesure un jour de mettre en place un dictionnaire interactif en ligne et donc... vivant.  

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