Nous remercions collectivement Jean-Louis Barreau de nous avoir accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions sur le dictionnaire bilingue ¡ Vamos ! qu'il vient de publier aux éditions Publibook (col. « Universitaire » – 646 pages).
Jean-Louis Barreau est Maître de conférences à l'Université de Montpellier 3.
Jean-Louis Barreau est Maître de conférences à l'Université de Montpellier 3.
1)
Justine / Elena : Comment vous est venue l'idée de vous lancer dans
une aventure d'une telle ampleur… – est-ce lié, et désolée
d'employer le lexique du maketing, au constat d'un "besoin"…
?
À
vrai dire lorsque je me suis lancé dans cette "aventure"
en 1990 il n'existait aucun dictionnaire bilingue de ce genre. Mon
choix de départ est donc bien lié au constat d'un "besoin"
comme vous dites, ou d'une lacune dans le domaine en tout cas.
2)
Laëtitia :Ce dictionnaire a-t-il fait l'objet d'une commande ? Si
non, comment convainc-t-on un éditeur de se lancer dans un tel
projet ?
Ce
dictionnaire n'a pas été fait sur commande. Il a effrayé plusieurs
éditeurs de par sa spécialisation et son nombre de pages, sauf
Publibook qui l'a accepté sans problème.
3)
Elena : Quel est le public visé ?
Mon
dictionnaire est bien entendu avant tout destiné aux étudiants
hispanisants et à mes collègues hispanistes, mais je crois (du
moins j'espère) qu'il peut intéresser tous les hispanophiles
francophones ainsi que les francophiles hispanophones.
4)
Caroline : J'imagine qu'en vous attelant à ce travail, vous
étiez conscient de la terrible concurrence que représentent les
dictionnaires bilingues en ligne… Mais, puisque de toute évidence
cela ne vous a pas arrêté, c'est que vous faites des différences
entre les deux et que vous donnez l'avantage aux versions papier.
Quelles différences ? Quels avantages ?
Quand
j'ai commencé ce travail les dictionnaires bilingues en ligne
n'existaient pas. Je ne me suis donc pas posé la question.
Aujourd'hui, je ne donne pas (ou plus) l'avantage aux versions papier
et j'espère bien que ¡Vamos! ou un dictionnaire du même
genre sera bientôt disponible en ligne, sous une forme évolutive si
possible.
5)
Caroline : Faire un dictionnaire… est-ce tout reprendre de zéro ou
prendre ce qui a déjà été fait et procéder à une « simple »
actualisation.
Tout
a commencé au hasard de mes lectures, c'est-à-dire de zéro, puis
j'ai ressenti la nécessité de me référer aux différents
dictionnaires d'argot français et espagnols pour tenter de faire
quelque chose d'assez complet.
6)
Caroline : La question suivante étant logiquement de savoir ce que,
en dehors du fait qu'il est plus récent et donc certainement plus en
prise avec la langue d'aujourd'hui, votre ¡ Vamos ! a de différent
par rapport aux dictionnaires papiers existant déjà, notamment le
plus célèbre d'entre eux, Le Larousse…
C'est
tout simple : le Grand dictionnaire bilingue Larousse est un
dictionnaire de langue générale qui intègre disons... en
marge certains termes familiers, populaires et argotiques, alors que
mon ouvrage est composé uniquement de termes et d'expressions issus
du "bas-langage".
7)
Laëtitia : Vu l'ampleur de la tâche, on peut présumer qu'un
travail d'équipe a été nécessaire. Si oui, combien de personnes
ont été mobilisées et quelle a été la spécialité de chacune ?
Comme
dirait Renaud, « je suis [ou plutôt j'étais] une bande de jeunes à
moi tout seul... » En fait oui, j'ai toujours travaillé en solo.
Cela m'a permis de travailler librement et à mon rythme. C'est
sans doute pour cela que mon dictionnaire est resté en sommeil
durant plusieurs années où j'avais beaucoup d'autres choses à
préparer...
8)
Perrine : Par où commence-t-pour mener à bien ce type de travail ?
Comme
il a été dit plus haut tout a commencé au hasard de mes lectures
et de mes rencontres. Je crois aussi que dans mon cas particulier,
malgré mes origines espagnoles, le regret de ne pas être bilingue
"de naissance" a été une sorte de déclencheur.
9)
Perrine : concrètement, comment vous êtes-vous organisé ?
J'ai
dans un premier temps travaillé un peu au hasard puis j'ai décidé
de prendre comme sources scientifiques de référence les deux
dictionnaires les fiables que j'avais à l'époque, à savoir
le Diccionario de argot español de Victor LEÓN du côté
espagnol et le Dictionnaire de l'argot de Jean-Paul COLIN
et Jean-Pierre MÉVEL pour le français.
10)
Perrine : Quels outils avez-vous utilisés ?
Outre
les dictionnaires mentionnés ci-dessus (entre autres), j'ai
notamment "épluché" de nombreux romans et bandes
dessinées, traduit(e)s ou non, je me suis abonné à la revue
satirique El Jueves, j'ai écouté beaucoup de rock espagnol,
j'ai pris des notes parfois même dans la rue... Bref, un peu de
tout.
11)
Justine : Quels sont les critères de sélection pour qu'un mot ou
une expression soit référencé plutôt qu'un autre ?
Il
y a effectivement toujours une part de subjectivité dans un ouvrage
comme le mien. J'ai essayé de garder tout ce qui se situait entre le
familier et l'argot commun, en excluant si possible les termes et
expressions désuettes ou trop marginales.
12)
Elena : Avez-vous fait une place à l'espagnol des Amériques… ? Le
cas échéant laquelle et suivant quels critères ?
En
fait non. Je me suis "contenté" de l'espagnol
péninsulaire. Il y avait largement de quoi faire tout en restant en
Europe.
13)
Justine : Combien de temps vous a-t-il fallu pour mener à bien ce
projet ?
Je
n'ai pas compté exactement. Il vaut mieux je crois... Un an de DEA
puis quatre ans de Doctorat, soit cinq ans pour établir (entre
autres choses puisque ma thèse s'intitule Une approche de la
langue familière espagnole - Éléments de linguistique comparée et
comporte quelque 1127 pages) un premier dictionnaire dans le sens
français-espagnol. Ensuite une longue période de sommeil pour mon
dictionnaire pour des raisons essentiellement professionnelles puis
plusieurs reprises plus ou moins inspirées et intensives à partir
de 2005 pour terminer par un fastidieux travail de
"retournement" ces dernières années et aboutir (enfin) à
un ouvrage entièrement bilingue (français-espagnol et
espagnol-français).
14)
Justine : Quand et comment décide-t-on de mettre un point final à
un tel ouvrage ? (la langue étant tellement riche et en constante
évolution).
Pas
facile en effet de s'arrêter, mais je me suis rendu compte que le
temps passait, que d'autres ouvrages (moins universitaires, plus
commerciaux, plus légers aussi parfois) étaient "déjà"
sortis avant le mien et qu'il fallait bien en finir avant qu'il ne
soit vraiment dépassé.
15)
Perrine : Vous êtes-vous inspiré / aidé de votre expérience
personnelle à l'étranger ? Avez-vous eu besoin de demander de
l'aide à des hispano-hablantes ?
En
Espagne oui, bien sûr et j'ai parfois demandé de l'aide
ouvertement, mais je crois que le plus souvent je me suis inspiré du
parler des natifs à leur insu.
16)
Caroline : Pouvez-vous nous parler des difficultés que vous avez
rencontrées… ?
J'ai
surtout rencontré des problèmes d'ordre technique car le matériel
informatique a beaucoup évolué ces dernières années. J'ai dû
changer plusieurs fois de mise en forme pour obtenir au final quelque
chose d'assez présentable, notamment en ce qui concerne le
classement, le repérage visuel (en noir et blanc) des sous-entrées
et des équivalents de traduction.
17)
Perrine : Comment être sûr que telle ou telle expression espagnole
corresponde vraiment à telle ou telle expression française ?
Parfois
l'équivalence (sémantique et morphologique) est évidente, parfois
elle n'est que partielle voire impossible. Pour moi cela a vraiment
été de l'inspiration au cas par cas.
18)
Annabelle : lorsque les sources citées sont un peu anciennes, si les
traductions sont vérifiées par un natif pour s'assurer qu'elles ne
sont pas désuètes.
Certaines
sources citées sont effectivement un peu anciennes mais j'ai essayé,
avec l'aide de quelques amis natifs comme vous dites (et de
nombreuses sources écrites pour la plupart), d'écarter dans la
mesure du possible les traductions désuètes. Il doit en rester et
il y en aura de plus en plus avec les années qui passent, mais
j'espère bien être en mesure un jour de mettre en place un
dictionnaire interactif en ligne et donc... vivant.
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