mercredi 17 avril 2013

Exercice d'écriture 11 – par Kévin Cipollini

« Dialogue impossible »

Entre le feu et la glace, il y a moi. Entre ma fille et mon père, entre une pro et un anti, il y a moi ; moi qui n’ai rien demandé et qui me retrouve à jouer le rôle de l’allié potentiel qu’il faut rallier à sa cause. C’était clair et net : « Débrouillez-vous entre vous ! ». Qu’avais-je à y gagner à prendre parti pour l’un, quand ça revenait à me mettre l’autre à dos ? À dire vrai, je n’ai pas d’avis tranché sur la question du « mariage pour tous » qui fait polémique depuis des mois. Et puis, étant hétéro, cela ne me regarde pas. J’entends de nouveau la réponse de mon père qui s’efforce de raisonner ma fille : « Ça n’a rien à voir ! C’est une attaque aux fondements de notre société ! »
Mais comment voulez-vous qu’elle sache où il veut en venir en disant cela ? À son âge, ma fille ne voit que de l’injustice, une inégalité : « Faudra pas venir chialer en disant qu’on respecte plus les Droits de l’Homme ! Ça respecte même pas le tout premier article si on est contre ! » Ce à quoi il lui rétorque de revoir le seizième. Elle fait alors la sourde oreille et contre-attaque avec le Code Civil : « … tu parles, ça n’a plus de crédibilité ce truc, on l’a déjà modifié dans l’histoire pour d’autres raisons. S’il était irréprochable, on aurait rien changé. » Et quand la question des éventuels mariages incestueux, polygames et pédophiles qui pourraient en découler est remise sur le tapis, le point Godwin – l’échec et mat argumentaire à la mode – n’est jamais bien loin. Mais là où la tension atteint son apogée, c’est à l’heure du journal télévisé. Il suffit qu’elle écoute les opposants pour être choquée par les propos tenus. Homophobes, moyenâgeux, extrémistes, voilà les mots qui reviennent immanquablement, rentrant dans mon oreille gauche. Mais dans celle de droite, on entend d’autres termes : déni de démocratie, provocations et bandes d’incompétents. Et chacun refuse catégoriquement de discuter les arguments de l’autre tant que les siens ne seront pas abordés en premier. En règle générale, les minutes qui suivent volent au ras des pâquerettes : entre les « Au moins, elle porte bien son nom, la Barjot ! » et les « Flamby est un gros con ! », on se retrouve, dans notre salon, avec deux de ces spécimens médiatiques du moment : des pseudos chantres de la démocratie qui s’obstinent à la bafouer en son propre nom et qui refusent de l’admettre.

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