mercredi 6 janvier 2010

Exercice de version, 47

Mientras en el centro de la abarrotada plaza del Mercado Chico un clérigo de la Inquisición arrojaba libros herejes a la hoguera, dos calles más arriba yo luchaba desesperadamente por sacar del garaje mi flamante BMW 525 tds, color granate metalizado, en dura liza con la riada de rezagados que llegaban tarde a la fiesta medieval organizada por el ayuntamiento. Para mi desgracia, desde varios días atrás estaban teniendo lugar, en la misma puerta de mi casa, ruidosas reyertas de mendigos, ventas de esclavos, torneos de caballeros y ajusticiamientos de vendedoras de remedios y reliquias. Me decía, desesperada, que si hubiera sido un poco más lista, me habría abstenido de quedarme esos días en Ávila, marchándome a la finca con Ezequiela y dejando que mis conciudadanos se divirtiesen como les viniera eh gana. Pero acababa de regresar de un largo viaje y necesitaba urgentemente el entorno de mi propia casa, la comodidad de mi propia cama y un poco de... ¿tranquilidad? Las dichosas fiestas municipales me estaban sentando fatal.
Golpeé suavemente el claxon e hice señales con las luces para que el río humano se apartara y me dejara salir, pero fue totalmente inútil. Hube de contener un agudo instinto asesino al ver cómo un corro de adolescentes se dedicaba a aporrearme el capó entre gestos obscenos y risotadas. En estas ocasiones, y en otras del mismo pelaje, siempre juro para mis adentros —generalmente en hebreo— que es el último año que me quedo encerrada en el interior de las murallas a merced de la jauría.
Es evidente que por nada del mundo hubiera salido a la calle en tales circunstancias de no haberse producido la imperiosa llamada de mi querida tía Juana, a quien, precisamente, tenía pensado visitar al día siguiente para dar por terminado el asunto de San Petersburgo. Pero cuando Juana dice «¡Ahora!», ni todo el ejército norteamericano, con Patton a la cabeza, se atrevería a llevarle la contraria.
—Llévate la chaqueta, que está refrescando —me advirtió Ezequiela desde el salón—. ¡Y no le des recuerdos de mi parte a... ésa! —añadió con desprecio.
La vieja Ezequiela llevaba trabajando para mi familia desde que tenía doce años, cuando mi abuela se la trajo desde la aldehuela de Blasconuño, al norte de la provincia. Había visto crecer a mi padre y a mi tía, había amortajado a mis abuelos, había servido fielmente a mis padres y, luego, tras la muerte de mi madre, me había criado a mí. Su cariño y lealtad sólo tenían parangón con la irreductible hostilidad que sentía por mi tía: Ezequiela conservaba un recuerdo muy vivido del mal genio y el temperamento agrio de la joven Juana y nunca podría perdonarle ciertos agravios que, años atrás, la habían herido en lo más hondo.

Matilde Asensi, El salón de ámbar

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La traduction « officielle », réalisée par Carole d'Yvoire, pour le compte des éditions Plon (2005) :

Tandis qu'au centre de la place animée du Mercado Chico un membre de l'Inquisition jetait au feu des livres jugés hérétiques, je luttais désespérément à deux rues de là pour sortir du garage ma BMW 525 RDS neuve rouge métallisé. J'étais bloquée par la marée de retardataires qui déferlait vers la fête médiévale organisée par la municipalité. Les réjouissances avaient commencé depuis plusieurs jours déjà et, comble de malchance, de bruyants conclaves de mendiants, de ventes d'esclaves, des tournois de chevaliers et des exécutions de vendeuses de remèdes et reliques se déroulaient quotidiennement juste devant la porte de mon immeuble. Découragée, je me reprochai de ne pas avoir été plus maligne et de ne pas m'être organisée pour passer ces quelques jours hors d'Avila et de son effervescence, à la campagne avec Ézéquiela, en laissant mes concitoyens s'amuser comme ils le désiraient pendant mon absence. Mais je venais tout juste de rentrer d'un long voyage, et j'avais besoin de me retrouver entre mes mrs, de profiter du confort de mon lit et d'un peu de… tranquillité. Non, ces maudites fêtes municipales ne me réussissaient pas du tout !
Je klaxonnai discrètement et fis des appels de phares pour que le fleuve humain se décide à me céder le passage, mais ce fut peine perdue. Je dus retenir une violente envie de meurtre quand un groupe d'adolescents tendance heavy metal s'amusa à frapper de manière répétée sur mon capot, avec des gestes obscènes et des éclats de rire bruyants. Et je me jurai encore une fois, comme en beaucoup d'autres occasions, que c'était la dernière fois que je me retrouvais enfermée à l'intérieur des murs d'une ville à la merci d'une telle meute.
Évidemment, si cela n'avait tenu qu'à moi, jamais je ne serais sortie en de pareilles circonstances. Mais j'avais reçu un coup de fil impérieux de ma très chère tante Juana, à qui je comptais d'ailleurs rendre visite le lendemain pour mettre un terme à l'affaire de Saint-Pétersbourg. Et quand ma tante prend son ton le plus autoritaire et vous dit : « Tout de suite ! », personne n'oserait lui désobéir, pas même l'armée américaine avec Patton à sa tête.
— N'oublie pas ta veste, le temps se rafraîchit, m'avait prévenue Ezéquiela qui regardait la télévision dans le salon, et salue de ma part cette… Enfin, tu la salues, c'est tout, ajouta-t-elle avec froideur.
La vieille Ezéquiela travaillait pour ma famille depuis l'âge de douze ans. C'est ma grand-mère qui l'avait sortie de son hameau du Blasconuño, au nord de la province. Ezéquiela avait ainsi vu naître mon père et ma tante, elle avait enterré mes grands-parents, avait servi loyalement mes parents et plus tard, à la mort de ma mère, m'avait élevée. Sa tendresse et sa fidélité n'avaient d'égale que l'irréductible histilité qu'elle manifestait envers ma tante : Ezéquiela gardait un souvenir très vivace du mauvais caractère et de l'aigreur de la jeune Juana, et elle n'avait jamais réussi à lui pardonner de vieilles offenses qui l'avaient profondément blessée des années auparavant.

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Morgane nous propose sa traduction :

Tandis qu’au centre de la place bondée de monde du Petit Marché un prêtre de l’Inquisition jetait des livres hérétiques au bûcher, deux rues plus bas, je luttais désespéramment pour sortir du garage ma flambante BMW 525 tds, couleur grenat cristallisée en une lutte ardue menée contre le flot de traînards qui arrivaient tard à la fête médiévale organisée par la mairie. Pour mon malheur, depuis plusieurs jours, sur le seuil même de ma porte, avaient lieu de bruyantes disputes de mendiants, des ventes d’esclaves, des tournois de chevaliers et des exécutions de vendeurs de remèdes et de reliques. Je me disais, désespérée, que si j’avais été un peu plus intelligente, je me serais abstenue de rester ces jours ci à Avila en me retirant à la propriété d’Ezequiela et en laissant mes concitoyens se divertir comme ils le désiraient. Mais je venais de rentrer d’un long voyage et j’avais un besoin urgent de mon environnement familier, de la commodité de mon propre lit et un peu de … tranquillité ? Les ennuyeuses fêtes municipales me déplaisaient très fortement. Je klaxonnai doucement et je fis des appels de phare pour que la marée humaine s’écarte et me laisse sortir, mais ce fut totalement inutile. Je dus retenir un mince instinct assassin en voyant comment un groupe d’adolescents s’affairait à tambouriner sur le capot avec des gestes obscènes et des éclats de rire. Dans ces occasions, et dans d’autres du même style, je jure toujours au fond de moi – généralement en Hébreu – que c’est la dernière année que je reste enfermée à l’intérieur des murailles à la merci de la meute.
Il est évident que pour rien au monde je ne serai sortie dans la rue en de telles circonstances s’il n’y avait pas eu le coup de fil impérieux de ma tante Juana, à qui, précisément, j’avais pensé rendre visite le jour suivant afin de mettre fin à l’affaire de Saint-Pétersbourg. Mais quand Juana dit « Maintenant ! », pas même l’armée nord-américaine dirigée par Patton ne s’aventurerait à la contredire.
– Emporte ta veste, ça c’est refroidi – m’avertit Ezequiela depuis le salon. Et ne passe pas le bonjour de ma part à… celle-là ! – ajouta t- elle sur un ton méprisant.
La vielle Ezéquiela travaillait pour ma famille depuis l’âge de douze ans, lorsque ma grand-mère l’amena du village de Blasconuno, au nord de la province. Elle avait vu grandir mon père et ma tante, elle avait enterré mes grands-parents, elle avait servi fidèlement mes parents et, ensuite, après le décès de ma mère, elle m’avait élevée. Sa tendresse et sa loyauté n’avait d’égale que l’irréductible hostilité qu’elle éprouvait pour ma tante : Ezequiela conservait un souvenir très vif du mauvais esprit et de l’aigre tempérament de la jeune Juana et je ne pourrais jamais lui pardonner certaines offenses qui, des années auparavant, l’avaient profondément blessée.

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Julie nous propose sa traduction :

Tandis qu’au centre de la place bondée du Petit Marché un prêtre de l’Inquisition jetait des livres hérétiques au bûcher, moi deux rues plus haut je livrais désespérément combat pour sortir du garage ma BMW525 tds. flambant neuve, couleur grenat métallisé, au coude-à-coude avec le flot de lambins qui arrivaient en retard pour la fête médiévale organisée par la mairie. Pour mon plus grand malheur, depuis plusieurs jours déjà avaient lieu, sur le pas de la porte de ma propre maison, de bruyantes rixes de mendiants, des ventes d’esclaves, des tournois de chevaliers et des mises à mort de marchandes de remèdes et de reliques. Je me disais, désespérée, que si j’avais été un peu plus maline, je me serais abstenue de rester ces jours-ci à Avila, fuyant pour la propriété avec Ezequiela et laissant mes concitoyens s’amuser comme ils leur plaisaient. Mais je venais de rentrer d’un long voyage et j’avais besoin d’urgence de me retrouver chez moi, le confort de mon lit à moi et un peu de… tranquillité ? Ces maudites fêtes municipales me sortaient par les yeux !
Je donnai des petits coups de klaxon et je fis appel de phares pour que la marée humaine s’écartât et me laissât passer, mais ce fut totalement inutile. Je dus contenir un puissant instinct assassin en voyant comment un chœur d’adolescents s’appliquait à frapper le capot de ma voiture alternant grimaces obscènes et éclats de rire. Lors de pareilles occasions, ou d’autres du même genre, je jure toujours en moi-même -généralement en hébreux – que c’est la dernière année que je reste enfermée à l’intérieur des murailles à la merci de la meute.
Il est évident que pour rien au monde je ne serais sortie dans la rue dans de telles circonstances si le coup de téléphone impérieux de ma chère tante Juana ne s’était pas produit, tante à laquelle, j’avais justement pensé rendre visite, le lendemain, pour considérer comme bouclée l’affaire de Saint-Pétersbourg. Mais quand Juana dit « Maintenant », même toute l’armée nord-américaine, avec Patton à sa tête, ne se risquerait pas à la contredire.
— Emporte ta veste, ça se rafraîchit – m’avisa Ezequiela depuis le salon- Et ne lui présente pas mes salutations à… celle-là !- ajouta-t-elle avec mépris.

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