La corriente de Humboldt
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Corriente_de_Humboldt
Et pour aller un peu plus loin… :
http://es.wikipedia.org/wiki/Alexander_von_Humboldt
Plateforme communautaire et participative de traduction espagnol / français ; français / espagnol – Université Paris Nanterre
samedi 31 juillet 2010
vendredi 30 juillet 2010
« Ma version de la première phrase du Quichotte », par Vanessa Canavesi
En photo : City girl., par angelooloo
À partir de la traduction de Francis de Miomandre :
« Dans un village de la Manche, dont je ne veux point me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un de ces gentilshommes qui ont lance au râtelier, bouclier à l’ancienne, roussin efflanqué, et lévrier de course. »
Antonymes
A l'extérieur de plusieurs capitales des États-Unis, dont aucun nom ne me vient à l'esprit, bien malgré moi, ne disparaîtront que dans fort longtemps quelques-unes de ces citadines qui ont ordinateur portable dans le sac à main, antivirus dernier cri, limousine avec chauffeur et bouledogue français de compagnie.
« Dans un village de la Manche, dont je ne veux point me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un de ces gentilshommes qui ont lance au râtelier, bouclier à l’ancienne, roussin efflanqué, et lévrier de course. »
Antonymes
A l'extérieur de plusieurs capitales des États-Unis, dont aucun nom ne me vient à l'esprit, bien malgré moi, ne disparaîtront que dans fort longtemps quelques-unes de ces citadines qui ont ordinateur portable dans le sac à main, antivirus dernier cri, limousine avec chauffeur et bouledogue français de compagnie.
Quelques nouvelles d'Émeline Laduche, promo Aline Schulman
En photo : Pins des Landes N°1 / Pines of..., par Nomad Photography
Bien le bonjour de Lacanau ! Cela faisait fort longtemps que je n’avais point donné de nouvelles ! En effet, pas d’internet au milieu des pins ou alors avec une connexion très mauvaise, très limitée et totalement instable.
Voici donc quelques nouvelles du front.
Mon stage s’est terminé début juin. Il fut fort instructif : j’ai appris à faire un site web, lu plusieurs manuscrits, participé à la tenue de la comptabilité de la maison d’édition et fait nombre de recherches d’articles sur internet afin de mettre en place le site. Malheureusement pour moi, et donc pour la maison d’édition, aucun hébergeur ne m’a encore répondu ou autorisé la publication malgré plusieurs relances. Mon accès à internet étant limité je ne peux malheureusement pas régler le problème rapidement. Ce problème d’accès au web m’empêche aussi de peaufiner les quelques détails restant à résoudre dans ma traduction longue.
Celle-ci est terminée, relue, il ne reste plus qu’à la mettre en forme convenablement. Je me sens déjà nostalgique de devoir abandonner mon bébé le 15 août… Je me raccroche à cette traduction depuis que j’ai commencé à travailler, ce sont des moments en or que je ne partage qu’avec moi-même, mon ordinateur, mon livre et mes dictionnaires. Je pense que personne ne peut comprendre la relation fusionnelle entre le traducteur et le livre qu’il traduit. Ce livre, si hermétique au départ et qui finit par ne presque plus avoir de secrets, duquel on finit par connaître presque toutes les phrases par cœur et que l’on mettrait presque sous son coussin le soir avant de s’endormir par peur qu’il ne disparaisse et qu’on ne puisse pas résoudre les derniers casse-tête qui tourbillonnent dans nôtre cerveau à longueur de journée. Malgré tout, une insatisfaction permanente nous hante, comme si on ne pouvait accepter que la déesse perfection reste inaccessible, qu’il faut se contenter des moments de « chispa » qui nous emplissent le cœur d’une joie fulgurante, on a trouvé l’idée du siècle !!
Je pense aux nouvelles recrues qui connaitront ces joies un jour. D’ailleurs, j’ai parcouru le blog tout à l’heure et je suis ravie de voir tout le potentiel qui va se développer au cours de ces intenses mois de traduction et écriture. Des visites régulières vont s’imposer, ne serait-ce que pour retrouver le bonheur de traduire en groupe, d’échanger des idées, de justifier et défendre âprement ses choix, sous l’œil bienveillant de Caroline qui adore voir ses ouailles presser leur cerveau à la recherche de la solution magique, en donnant parfois quelques indices ou en attendant parfois une semaine que l’on se démène. Ces ateliers me manquent et me manqueront, mais en attendant il faut que je retourne m’occuper de mon bébé, que je vais bientôt lâcher entre les mains de jurés impitoyables qui nous ont suivies toute l’année, grondées, bien savonnées parfois, mais qui nous ont toujours soutenues, et encouragées.
Voici donc quelques nouvelles du front.
Mon stage s’est terminé début juin. Il fut fort instructif : j’ai appris à faire un site web, lu plusieurs manuscrits, participé à la tenue de la comptabilité de la maison d’édition et fait nombre de recherches d’articles sur internet afin de mettre en place le site. Malheureusement pour moi, et donc pour la maison d’édition, aucun hébergeur ne m’a encore répondu ou autorisé la publication malgré plusieurs relances. Mon accès à internet étant limité je ne peux malheureusement pas régler le problème rapidement. Ce problème d’accès au web m’empêche aussi de peaufiner les quelques détails restant à résoudre dans ma traduction longue.
Celle-ci est terminée, relue, il ne reste plus qu’à la mettre en forme convenablement. Je me sens déjà nostalgique de devoir abandonner mon bébé le 15 août… Je me raccroche à cette traduction depuis que j’ai commencé à travailler, ce sont des moments en or que je ne partage qu’avec moi-même, mon ordinateur, mon livre et mes dictionnaires. Je pense que personne ne peut comprendre la relation fusionnelle entre le traducteur et le livre qu’il traduit. Ce livre, si hermétique au départ et qui finit par ne presque plus avoir de secrets, duquel on finit par connaître presque toutes les phrases par cœur et que l’on mettrait presque sous son coussin le soir avant de s’endormir par peur qu’il ne disparaisse et qu’on ne puisse pas résoudre les derniers casse-tête qui tourbillonnent dans nôtre cerveau à longueur de journée. Malgré tout, une insatisfaction permanente nous hante, comme si on ne pouvait accepter que la déesse perfection reste inaccessible, qu’il faut se contenter des moments de « chispa » qui nous emplissent le cœur d’une joie fulgurante, on a trouvé l’idée du siècle !!
Je pense aux nouvelles recrues qui connaitront ces joies un jour. D’ailleurs, j’ai parcouru le blog tout à l’heure et je suis ravie de voir tout le potentiel qui va se développer au cours de ces intenses mois de traduction et écriture. Des visites régulières vont s’imposer, ne serait-ce que pour retrouver le bonheur de traduire en groupe, d’échanger des idées, de justifier et défendre âprement ses choix, sous l’œil bienveillant de Caroline qui adore voir ses ouailles presser leur cerveau à la recherche de la solution magique, en donnant parfois quelques indices ou en attendant parfois une semaine que l’on se démène. Ces ateliers me manquent et me manqueront, mais en attendant il faut que je retourne m’occuper de mon bébé, que je vais bientôt lâcher entre les mains de jurés impitoyables qui nous ont suivies toute l’année, grondées, bien savonnées parfois, mais qui nous ont toujours soutenues, et encouragées.
Libellés :
promo Aline Schulman,
Stages,
Traductions longues
Un mini-post spécial…
Pour vous dire que j'ai beaucoup aimé vos premières phrases du Quichotte… très bien pensées, très bien troussées, amusantes. Continuez !
« Ma version de la première phrase du Quichotte », par Auréba Sadouni
En photo : Interrogatorio, par FotoVideoVicio
J’ai utilisé la version d’Aline Schulman…
« Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n’y a pas longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l’ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée. »
— Quand cette histoire s’est-elle produite ?
— Je ne peux pas vous le dire exactement.
— Il y a longtemps de cela ?
— Non, il n’y a pas si longtemps.
— Situez moi le lieu de cette histoire, s’il vous plait !
— C’était dans un village.
— Quel village ?
— Un village de la Manche.
— Pouvez-vous m’en donner le nom, je vous prie ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne m’en souviens pas.
— Pourquoi donc ?
— Parce que je n’en ai pas envie.
— Qu’y avait-il de particulier dans ce village ?
— Il y avait un gentil homme qui y vivait.
— Comme c’est original ! Et puis ?
— C’était un de ces gentils hommes !
— C’est-à-dire ?
— Il avait une arme.
— Une arme à feu ?
— Non, une lance.
— Une lance !? Mais alors, il ne pouvait pas la cacher sous ses vêtements !
— Non, il la rangeait dans son placard quand il n’était pas de sortie.
— Avait-il d’autres signes distinctifs ? Un tatouage ? Une ceinture ?
— Un bouclier.
— Un bouclier !? Un bouclier en argent ? Comme dans les temps anciens ?
— Un bouclier à l’ancienne, oui, mais en cuir.
— Et quoi d’autre?
— Il avait une chienne, une levrette.
— Pour lui tenir compagnie, je suppose ?
— Non, pour aller à la chasse.
— Je vois !
— Avait-il une voiture ?
— Non ! Il avait un cheval.
— Mais oui ! Quelle évidence ! Pourquoi ne l’avais-je pas deviné !? C’était un beau cheval, n’est-ce pas ?
— Vous refroidissez, mon cher. C’était un cheval tout maigrichon.
« Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n’y a pas longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l’ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée. »
— Quand cette histoire s’est-elle produite ?
— Je ne peux pas vous le dire exactement.
— Il y a longtemps de cela ?
— Non, il n’y a pas si longtemps.
— Situez moi le lieu de cette histoire, s’il vous plait !
— C’était dans un village.
— Quel village ?
— Un village de la Manche.
— Pouvez-vous m’en donner le nom, je vous prie ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne m’en souviens pas.
— Pourquoi donc ?
— Parce que je n’en ai pas envie.
— Qu’y avait-il de particulier dans ce village ?
— Il y avait un gentil homme qui y vivait.
— Comme c’est original ! Et puis ?
— C’était un de ces gentils hommes !
— C’est-à-dire ?
— Il avait une arme.
— Une arme à feu ?
— Non, une lance.
— Une lance !? Mais alors, il ne pouvait pas la cacher sous ses vêtements !
— Non, il la rangeait dans son placard quand il n’était pas de sortie.
— Avait-il d’autres signes distinctifs ? Un tatouage ? Une ceinture ?
— Un bouclier.
— Un bouclier !? Un bouclier en argent ? Comme dans les temps anciens ?
— Un bouclier à l’ancienne, oui, mais en cuir.
— Et quoi d’autre?
— Il avait une chienne, une levrette.
— Pour lui tenir compagnie, je suppose ?
— Non, pour aller à la chasse.
— Je vois !
— Avait-il une voiture ?
— Non ! Il avait un cheval.
— Mais oui ! Quelle évidence ! Pourquoi ne l’avais-je pas deviné !? C’était un beau cheval, n’est-ce pas ?
— Vous refroidissez, mon cher. C’était un cheval tout maigrichon.
« Ma version de la première phrase du Quichotte », par Stéphanie Maze
En photo : Ne... Liste des choses à ne plus..., par Mr-Pan
Toujours à partir de la traduction de Viardot :
Ce n'était ni une ville, ni un bourg, mais un petit village aux maisons éparses qui n'était ni en Andalousie, ni aux Pays-Basques mais dans la Manche, dont je ne veux ni scander, ni hurler, mais taire le nom. Là-bas, n'était ni en vacances, ni de passage, mais vivait, ni jadis, ni naguère, mais il n'y a pas longtemps, ni un manant, ni un roturier, mais un hidalgo, de ceux qui n'ont ni pertuisane, ni hallebarde mais une lance ni à la ceinture, ni sur le dos, mais au râtelier. Il ne portait ni broquel, ni pavois, mais une rondache, ni récente, ni à la mode, mais antique. Il ne montait ni bourrin, ni canasson, mais un bidet ni gras, ni flasque mais maigre et ne possédait ni chihuahua, ni bichon, mais un lévrier, ni domestique, ni empaillé, mais de chasse.
Ce n'était ni une ville, ni un bourg, mais un petit village aux maisons éparses qui n'était ni en Andalousie, ni aux Pays-Basques mais dans la Manche, dont je ne veux ni scander, ni hurler, mais taire le nom. Là-bas, n'était ni en vacances, ni de passage, mais vivait, ni jadis, ni naguère, mais il n'y a pas longtemps, ni un manant, ni un roturier, mais un hidalgo, de ceux qui n'ont ni pertuisane, ni hallebarde mais une lance ni à la ceinture, ni sur le dos, mais au râtelier. Il ne portait ni broquel, ni pavois, mais une rondache, ni récente, ni à la mode, mais antique. Il ne montait ni bourrin, ni canasson, mais un bidet ni gras, ni flasque mais maigre et ne possédait ni chihuahua, ni bichon, mais un lévrier, ni domestique, ni empaillé, mais de chasse.
Références culturelles, 535 : El río Orinoco
En photo : Pequeño Caño, Rio Orinoco, Amazonas..., par Don Perucho
El río Orinoco
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/R%C3%ADo_Orinoco
El río Orinoco
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/R%C3%ADo_Orinoco
jeudi 29 juillet 2010
« Ma version de la première phrase du Quichotte », par Alexis Poraszka
En photo : Poésie Trouvée!, par Moser's Maroon
J'ai également utilisé la traduction de Louis Viardot : « Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. »
Un jour dans un paisible recoin de la Manche
où dans un petit lieu dont je tairai le nom
errait un gentilhomme à la barbe juste blanche
de ceux qui s'arment d'un attirail de centurion
Il traînait là une grande lance, une mangeoire
un petit bouclier sorti d'une autre époque
un cheval efflanqué qui faisait peine à voir
et un chien de chasse à la démarche loufoque.
J'ai également utilisé la traduction de Louis Viardot : « Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. »
Un jour dans un paisible recoin de la Manche
où dans un petit lieu dont je tairai le nom
errait un gentilhomme à la barbe juste blanche
de ceux qui s'arment d'un attirail de centurion
Il traînait là une grande lance, une mangeoire
un petit bouclier sorti d'une autre époque
un cheval efflanqué qui faisait peine à voir
et un chien de chasse à la démarche loufoque.
Références culturelles, 534 : El estrecho de Magallanes
En photo : Estrecho de Magallanes, par sicoactiva
El estrecho de Magallanes
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Estrecho_de_Magallanes
El estrecho de Magallanes
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Estrecho_de_Magallanes
mercredi 28 juillet 2010
Références culturelles, 533 : El desierto de Atacama
En photo : desierto de atacama, par Igor Alecsander
El desierto de Atacama
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Desierto_de_Atacama
El desierto de Atacama
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Desierto_de_Atacama
mardi 27 juillet 2010
Références culturelles, 532 : Agustín Lazo
En photo : AGUSTÍN LAZO, par Foro Mexicano de la Cultura
http://www.museoblaisten.com/v2008/indexESP.asp?myURL=artistDetailSpanish&artistId=1
http://www.museoblaisten.com/v2008/indexESP.asp?myURL=artistDetailSpanish&artistId=1
lundi 26 juillet 2010
« Ma version de la première phrase du Quichotte », par Julie Sanchez
En photo : Hi Definition, par babykailan
Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. (Louis Viardot)
Dans un village aux habitations dispersées d’une région naturelle d’Espagne nommée la Manche, dont je ne suis pas en volonté de me remettre en mémoire le mot qui sert à désigner un être vivant, une chose, un groupe, était en vie, il n’y a pas un long espace de temps, un noble espagnol, de ceux qui ont une ancienne arme offensive à longue hampe et à fer pointu sur le support destiné au rangement vertical d’objets oblongs, un bouclier de forme circulaire et généralement de taille moyenne très ancien, un petit cheval de selle trapu et résistant qui a peu de graisse et un chien aux membre longs, à la taille étroite et au ventre concave, très rapide à la course fait pour accomplir l’action de chasser, de poursuivre des animaux afin de les tuer pour leur chair, leur fourrure, afin d’éliminer ceux qui sont nuisibles ou par goût du sport.
Dans un village aux habitations dispersées d’une région naturelle d’Espagne nommée la Manche, dont je ne suis pas en volonté de me remettre en mémoire le mot qui sert à désigner un être vivant, une chose, un groupe, était en vie, il n’y a pas un long espace de temps, un noble espagnol, de ceux qui ont une ancienne arme offensive à longue hampe et à fer pointu sur le support destiné au rangement vertical d’objets oblongs, un bouclier de forme circulaire et généralement de taille moyenne très ancien, un petit cheval de selle trapu et résistant qui a peu de graisse et un chien aux membre longs, à la taille étroite et au ventre concave, très rapide à la course fait pour accomplir l’action de chasser, de poursuivre des animaux afin de les tuer pour leur chair, leur fourrure, afin d’éliminer ceux qui sont nuisibles ou par goût du sport.
Références culturelles, 531 : El copihue (Lapageria rosea) – flor nacional de Chile
En photo : Copihue rojo - Lapageria rosea - Chilean Bell Flower, par rsaezn, Copihue rojo - Lapageria rosea -..., par rsaezn
El copihue (Lapageria rosea) : flor nacional de Chile
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Lapageria_rosea
http://fr.wikipedia.org/wiki/Copihue
http://www.familia.cl/ContenedorTmp/Copihue/copihue.htm
El copihue (Lapageria rosea) : flor nacional de Chile
une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Lapageria_rosea
http://fr.wikipedia.org/wiki/Copihue
http://www.familia.cl/ContenedorTmp/Copihue/copihue.htm
dimanche 25 juillet 2010
Références culturelles, 530 : El coatí
En photo : White-nosed coati., par peregrin@very busy, uploading, sorry
El coatí
une idée d'Odile
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nasua_nasua
http://es.wikipedia.org/wiki/Nasua_nasua
El coatí
une idée d'Odile
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nasua_nasua
http://es.wikipedia.org/wiki/Nasua_nasua
samedi 24 juillet 2010
Encore un peu de lecture pour cet été
Jacques Gélat, Le traducteur amoureux, Paris, José Corti Editions, 2010, 193 pages.
Présentation de l'éditeur
Ce livre présente la particularité de reproduire mot pour mot la première page du précédent roman de Jacques Gélat intitulé " Le Traducteur " (publié chez le même éditeur). Pourtant, à partir de cette situation parfaitement identique, tout devient différent. À qui la faute ? Que s'est-il passé pour que, à partir du même point virgule, inconsciemment transformé en virgule, le monde bascule vers autre chose ? Tours et détours de l'amour, artifices et vérité, la passion amoureuse s'amuse ici de notre traducteur qui, de déboires en délices, connaîtra un destin auquel même son maître Cupidon n'aurait pas pensé...
Biographie de l'auteur
Jacques Gélat a déjà publié aux éditions José Corti, La Couleur Inconnue, Le Plaisir du Diable et, bien sûr, Le Traducteur. Avec ce Traducteur Amoureux, nous retrouvons la même virtuosité et le même humour pour suivre un itinéraire amoureux dont le dénouement, croyons-nous, n'avait jusque-là jamais été envisagé. Mais l'amour a de ces embuscades…
Présentation de l'éditeur
Ce livre présente la particularité de reproduire mot pour mot la première page du précédent roman de Jacques Gélat intitulé " Le Traducteur " (publié chez le même éditeur). Pourtant, à partir de cette situation parfaitement identique, tout devient différent. À qui la faute ? Que s'est-il passé pour que, à partir du même point virgule, inconsciemment transformé en virgule, le monde bascule vers autre chose ? Tours et détours de l'amour, artifices et vérité, la passion amoureuse s'amuse ici de notre traducteur qui, de déboires en délices, connaîtra un destin auquel même son maître Cupidon n'aurait pas pensé...
Biographie de l'auteur
Jacques Gélat a déjà publié aux éditions José Corti, La Couleur Inconnue, Le Plaisir du Diable et, bien sûr, Le Traducteur. Avec ce Traducteur Amoureux, nous retrouvons la même virtuosité et le même humour pour suivre un itinéraire amoureux dont le dénouement, croyons-nous, n'avait jusque-là jamais été envisagé. Mais l'amour a de ces embuscades…
Appel à contributions
En photo : Exploradores, par Eric Coelho
Outre la rubrique de « La chanson du mardi » (j'ai déjà reçu pas mal de contributions, programmées pour les semaines à venir), il y a aussi, la plus gourmande de toutes, celle des « Références culturelles ». Imaginez un peu qu'il me faut trouver une idée différente chaque jour… Certes l'Espagne et l'Amérique sont grandes, diverses et immensément riches, mais je ne refuserai pas un peu d'aide, ne serait-ce que pour enrichir mes propres horizons, car vous aurez certainement des idées de choses (les thèmes sont aussi variés que possible, sans hiérarchie aucune… puisque la "petite" culture nous intéresse autant que la "grande") que je ne connais pas. Avant de me faire des propositions (toujours via les commentaires), prenez la peine de regarder, avec le moteur de recherche, si le sujet a déjà été traité… Étant donné que nous en sommes à plus de 500 fiches, les boulevards ont donc a priori déjà été parcourus, mais aussi de nombreux sentiers et sentes.
À vous d'explorer la jungle culturelle et de nous rapporter vos conquêtes.
Merci !
À vous d'explorer la jungle culturelle et de nous rapporter vos conquêtes.
Merci !
Références culturelles, 529 : El charango
En photo : CHARANGO DE QUIRQUINCHO, par MARELOPEÑI
El Charango
Une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Charango
El Charango
Une idée d'Odile
http://es.wikipedia.org/wiki/Charango
vendredi 23 juillet 2010
« Dans ma tour d'ivoire », par Auréba Sadouni
En photo : Y voir, par Mon Œil
Puisque c’est ton tour
De faire un tour dans ma tour,
Laisse-moi d’abord en définir les contours,
Mettre les plus beaux atours,
Pour qu’aux alentours,
On ait envie d’y voir
Qu’une façade d’ivoire…
Dans ma tour d’ivoire,
As-tu envie de te mouvoir
Entouré par le velours
De nos vies dérisoires ?
Dans ma tour d’ivoire,
As-tu peur de t’émouvoir,
Entre espoirs et désespoirs
Et de broyer du noir ?
Une voix vibre dans cette tour
Où Mont Imagination est roi…
Suis-je reine
Des histoires illusoires
Que comme la potière au tour
Je modèle et auxquelles je veux croire ?
Suis-je sereine
Dans cet isoloir ?...
Étant à l’étroit
On peut en sortir même s’il fait froid
En sachant que vers cette tour
On peut faire demi-tour…
Puisque c’est ton tour
De faire un tour dans ma tour,
Laisse-moi d’abord en définir les contours,
Mettre les plus beaux atours,
Pour qu’aux alentours,
On ait envie d’y voir
Qu’une façade d’ivoire…
Dans ma tour d’ivoire,
As-tu envie de te mouvoir
Entouré par le velours
De nos vies dérisoires ?
Dans ma tour d’ivoire,
As-tu peur de t’émouvoir,
Entre espoirs et désespoirs
Et de broyer du noir ?
Une voix vibre dans cette tour
Où Mont Imagination est roi…
Suis-je reine
Des histoires illusoires
Que comme la potière au tour
Je modèle et auxquelles je veux croire ?
Suis-je sereine
Dans cet isoloir ?...
Étant à l’étroit
On peut en sortir même s’il fait froid
En sachant que vers cette tour
On peut faire demi-tour…
« Dans ma tour d'ivoire », par Alexis Poraszka
En photo : redemption, par Andrew22485
Si vous saviez comme ils m'énervaient tous là à vouloir toujours tout contrôler, à vouloir toujours être ceux qu'ils n'étaient ni ne seront jamais. Tous ces hypocrites ! Vous savez, je ne me mêlais pas à cette bande d'idiots pré-pubères !
Ils ne me trouvaient pas beau, pas intelligent, pas sociable, pas marrant, pas agréable. Qu'à cela ne tienne je n'avais pas besoin d'eux, moi. Je suis bien tout seul.
En cours de maths ou de sport, je voyais bien qu'ils se moquaient de moi, mais je n'y faisais plus attention. Ils étaient tellement puérils que ça m'en faisait tourner la tête !
Et comme si cela ne suffisait pas, il y avait mes parents qui passaient leur temps soit à s'engueuler, soit à m'engueuler moi de tout ce qui allait de travers dans cette famille. A croire que j'ennuyais tout le monde rien qu'en étant présent.
Heureusement, l'arrivée des vacances me procura une joie intense. Sans rien dire, j'ai pris ma valise et j'ai foutu le camps de ce village pourri, où tout était rongé de l'intérieur ! Je ne voulais plus les voir, ni eux ni personne. J'ai traversé la France avec mes économies et me suis trouvé une petite chambre ici, chez vous. Je m'y suis redécouvert. J'y ai découvert un sentiment et une conviction insoupçonnés. Ce silence m'a soufflé ma nouvelle vie, telle une aspiration légitime. Je ne veux plus repartir. je veux rester ici, avec vous, ce qui se passe au delà de ces murs ne m'intéresse plus guère.
Maman me disait que je devais voir un psy pour tous ces rêves bizarres que je fais. Mais c'étaient les personnes autour de moi qui étaient bizarres, qui ne rendaient ma vie que plus étrange et insupportable. J'ai perdu foi en l'être humain mais pas en Lui. Mon Père, merci de m'avoir écouté.
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Amen.
Ils ne me trouvaient pas beau, pas intelligent, pas sociable, pas marrant, pas agréable. Qu'à cela ne tienne je n'avais pas besoin d'eux, moi. Je suis bien tout seul.
En cours de maths ou de sport, je voyais bien qu'ils se moquaient de moi, mais je n'y faisais plus attention. Ils étaient tellement puérils que ça m'en faisait tourner la tête !
Et comme si cela ne suffisait pas, il y avait mes parents qui passaient leur temps soit à s'engueuler, soit à m'engueuler moi de tout ce qui allait de travers dans cette famille. A croire que j'ennuyais tout le monde rien qu'en étant présent.
Heureusement, l'arrivée des vacances me procura une joie intense. Sans rien dire, j'ai pris ma valise et j'ai foutu le camps de ce village pourri, où tout était rongé de l'intérieur ! Je ne voulais plus les voir, ni eux ni personne. J'ai traversé la France avec mes économies et me suis trouvé une petite chambre ici, chez vous. Je m'y suis redécouvert. J'y ai découvert un sentiment et une conviction insoupçonnés. Ce silence m'a soufflé ma nouvelle vie, telle une aspiration légitime. Je ne veux plus repartir. je veux rester ici, avec vous, ce qui se passe au delà de ces murs ne m'intéresse plus guère.
Maman me disait que je devais voir un psy pour tous ces rêves bizarres que je fais. Mais c'étaient les personnes autour de moi qui étaient bizarres, qui ne rendaient ma vie que plus étrange et insupportable. J'ai perdu foi en l'être humain mais pas en Lui. Mon Père, merci de m'avoir écouté.
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Amen.
Exercice d'écriture pour vendredi prochain
En photo : Don Quijote y Sancho Panza - SOLD!, par Roger Cummiskey
« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n'y a pas longtemps, un hidalgo de ceux qui ont lance au râtelier... »
Vous connaissez tous cette phrase, bien sûr, la première du Quichotte. Pour cette semaine, vous la prendrez dans son intégralité (à partir de l'édition que vous souhaitez) et vous en produirez votre propre version, à la manière des exercices de style de R. Queneau.
Bon courage !
Vous connaissez tous cette phrase, bien sûr, la première du Quichotte. Pour cette semaine, vous la prendrez dans son intégralité (à partir de l'édition que vous souhaitez) et vous en produirez votre propre version, à la manière des exercices de style de R. Queneau.
Bon courage !
« Dans ma tour d'ivoire », par Stéphanie Maze
En photo : Enfermement, par TidjiParis
Dans ma tour d'ivoire, c'est là que j'ai fait mon nid. L'isolement est devenu ma marque de fabrique, le lien indéfectible qui m'unit à toutes ces têtes déconfites, à cette masse ignare. Supporter le rythme de la ville, je ne peux plus. J'ai trop donné. Dix ans de métro-boulot-dodo. Dix ans à se réveiller à la même heure. À la même heure, tous les jours certes, mais à la même heure que tous les autres... Ce que ça signifie ? Slalomer entre les gens, une épaule par-ci, un genoux par-là. Et pas de pardon, parce que regarder les gens, s'excuser, ça fait perdre du temps, et le temps, c'est de l'argent. Alors, un beau jour, c'était l'été, le 25 juin si je me souviens bien, j'ai décidé de mettre le holà ! J'ai convoqué le patron, je l'ai regardé droit dans les yeux et là, j'ai balancé la phrase que tout employé qui se respecte rêve un jour de prononcer : « Je plaque tout ! Vous et votre boîte pourrie ! ». Sur ce, j'ai claqué la porte. Je me revois encore déguerpir à toute allure en fredonnant : « Il est libre, Max ». Oui, parce que Max, c'est mon prénom, pas Maxence ni Maxime, non, Max tout court... on ne peut pas tout avoir... Je l'ai cloué sur place le patron, du moins c'est ce que j'aime à croire... Parce que depuis ma tour d'ivoire, je revisite le monde à ma façon, et vu d'ici, c'est moi qui ai démissionné. J'ai dit stop, je les ai laissés sur le carreau, tous autant qu'ils étaient, avec leur pathétique regard incrédule... C'est ce soir-là que je me suis dirigé vers ma tour d'ivoire. Rien de tel que de s'éloigner de ce cimetière ambulant, de ces automates décérébrés et de leur air vicié. Car si on échappe à la pollution, leur haleine fétide ou les effluves de transpiration nous rattrape dans l'espace confiné du métro. Il me fallait fuir. Pas d'autre échappatoire. Mais j'ai eu besoin d'aide, je n'aurais pas pu y parvenir tout seul. Je peux même dire qu'il a été fait sans que je m'en rende compte, mon trou. Parfois, je m'y sens un peu à l'étroit, impossible d'étendre les bras, mais d'ici je vois les choses sous un nouvel angle, comme si je vivais à l'horizontal. Je ne pensais vraiment pas pouvoir recouvrer tant de sérénité, tant de calme. Heureusement qu'on me l'a donné ce coup de pouce. C'était l'été, le 25 juin si je me souviens bien, je sortais du boulot, le patron venait de me virer, je suis entré dans un bar, j'ai commandé un whisky bien tassé, décidé à noyer ma haine. J'en ai avalé un autre et encore un autre, puis j'ai perdu le compte. J'ai pris la voiture et plus de souvenir, juste une vision, des phares face à moi...
Et depuis je suis dans cette boîte capitonnée, comme si on m'avait transvasé, comme si on avait lu dans mes pensées, qu'on m'avait enveloppé de silence absolu et d'obscurité. Un espace rien qu'à moi, coupé du monde. Moi face à moi-même, et mes rêves pour seule compagnie. D'ici, j'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre, que je suis intouchable, pourtant les odeurs persistent. Différentes de celles de la ville certes, mais toujours aussi nauséabondes, la terre mouillée, la putréfaction... Seulement, depuis peu, ça ne se limite plus aux odeurs, je me sens habité, infesté d'une présence agitée... J'ai quitté ce monde grouillant, animé et pénible mais un autre se développe en moi, tout aussi pénible, animé et grouillant. Me voilà devenu ce monde que j'abhorrais...
Et depuis je suis dans cette boîte capitonnée, comme si on m'avait transvasé, comme si on avait lu dans mes pensées, qu'on m'avait enveloppé de silence absolu et d'obscurité. Un espace rien qu'à moi, coupé du monde. Moi face à moi-même, et mes rêves pour seule compagnie. D'ici, j'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre, que je suis intouchable, pourtant les odeurs persistent. Différentes de celles de la ville certes, mais toujours aussi nauséabondes, la terre mouillée, la putréfaction... Seulement, depuis peu, ça ne se limite plus aux odeurs, je me sens habité, infesté d'une présence agitée... J'ai quitté ce monde grouillant, animé et pénible mais un autre se développe en moi, tout aussi pénible, animé et grouillant. Me voilà devenu ce monde que j'abhorrais...
« Dans ma tour d'ivoire », par Vanessa Canavesi
En photo : Or, par Rebels Abú
Sur la place du village, l’agitation matinale des commerçants installant leur étal insufflait à Bastien une sensation de vitalité inhabituelle. Il inspirait profondément, s’emplissant de ces couleurs, de ces odeurs, de ces sons, et il se disait à lui-même que son essence devait se trouver là, dans les bavardages et les rires des éleveurs venus vendre leurs fromages.
Il traversait le marché mais ne s’arrêtait pas ; bientôt, passant deux ou trois ruelles seulement, il sortirait du village, en contournant le lotissement neuf encore endormi, et il gravirait le chemin de terre tortueux jusqu'au sommet.
Du bas de la montagne, on apercevait à peine les bâtiments gris. Il pensait à eux, qui passaient leurs journées et leurs nuits là haut, à ce que devait être leur vie. À Jules, toujours assis au fond de la salle commune, à même le sol, replié sur lui-même, et comme absorbé tout entier dans la contemplation de choses que lui, Bastien, ne pouvait percevoir. Il pensait à Lydia, qui remplissait des cahiers de signes inconnus, et prenait soin de marcher uniquement le long des murs, jamais en dehors. Ils paraissaient habiter un monde différent, ne jamais échanger avec ceux qui les entouraient ; ils ne parlaient pas, il ne riaient pas. Bastien emmenait Jules en promenade l'après-midi, dans le parc alentour, avec quelques autres patients, qui s'accrochaient à son bras, ou bien suivaient de loin. Parfois, l'éducateur obtenait un sourire, une réponse, et c'était déjà une victoire.
Alors qu'il entreprenait l'ascension de la petite montagne, Bastien cherchait à comprendre. Il pensait à la tour d'ivoire, impénétrable, sécurisante, qui abritait l'existence de Jules, qui la préservait des regards intempestifs. Blotti tout là haut, Jules pouvait sans doute analyser à sa guise les comportements de ceux qui s'agitaient en désordre plus bas. Depuis son poste d'observation, il possédait sans doute une vue générale sur le monde, et peut-être était-ce là qu'il découvrait des choses invisibles aux yeux indifférents...
Cependant Bastien était parvenu au sommet de la montagne. Sortant de sa rêverie, il contourna le premier bâtiment, bloc de béton d'un gris invariable faisant office d'accueil pour les nouveaux patients, et s'avança d'un pas assuré vers le seuil de son lieu de travail. Pavillon 12. La journée pouvait commencer.
Il traversait le marché mais ne s’arrêtait pas ; bientôt, passant deux ou trois ruelles seulement, il sortirait du village, en contournant le lotissement neuf encore endormi, et il gravirait le chemin de terre tortueux jusqu'au sommet.
Du bas de la montagne, on apercevait à peine les bâtiments gris. Il pensait à eux, qui passaient leurs journées et leurs nuits là haut, à ce que devait être leur vie. À Jules, toujours assis au fond de la salle commune, à même le sol, replié sur lui-même, et comme absorbé tout entier dans la contemplation de choses que lui, Bastien, ne pouvait percevoir. Il pensait à Lydia, qui remplissait des cahiers de signes inconnus, et prenait soin de marcher uniquement le long des murs, jamais en dehors. Ils paraissaient habiter un monde différent, ne jamais échanger avec ceux qui les entouraient ; ils ne parlaient pas, il ne riaient pas. Bastien emmenait Jules en promenade l'après-midi, dans le parc alentour, avec quelques autres patients, qui s'accrochaient à son bras, ou bien suivaient de loin. Parfois, l'éducateur obtenait un sourire, une réponse, et c'était déjà une victoire.
Alors qu'il entreprenait l'ascension de la petite montagne, Bastien cherchait à comprendre. Il pensait à la tour d'ivoire, impénétrable, sécurisante, qui abritait l'existence de Jules, qui la préservait des regards intempestifs. Blotti tout là haut, Jules pouvait sans doute analyser à sa guise les comportements de ceux qui s'agitaient en désordre plus bas. Depuis son poste d'observation, il possédait sans doute une vue générale sur le monde, et peut-être était-ce là qu'il découvrait des choses invisibles aux yeux indifférents...
Cependant Bastien était parvenu au sommet de la montagne. Sortant de sa rêverie, il contourna le premier bâtiment, bloc de béton d'un gris invariable faisant office d'accueil pour les nouveaux patients, et s'avança d'un pas assuré vers le seuil de son lieu de travail. Pavillon 12. La journée pouvait commencer.
jeudi 22 juillet 2010
Appel à contributions pour alimenter la nouvelle rubique, « La chanson du mardi soir »
Des chansons espagnoles ou latino-américaines que vous aimez bien ? Si c'est le cas, laissez-moi le nom du chanteur ou du groupe ainsi que le titre de la chanson dans les commentaires…
Merci de votre aide !
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Un exposé de Laëtitia Sworzil
Dans le cadre du cours de Pascale Sardin sur l'histoire de la traduction, les apprentis traducteurs avaient à rédiger une dissertation, dont le sujet était : « Commentez ce vers de Philippe Jaccottet en lien avec la théorie, l’histoire et la pratique de la traduction : '[Que] l’effacement soit ma façon de resplendir'. »
Laëtitia a la générosité de rendre son travail public… Le voici.
Ce vers de Philippe Jaccottet, extrait du poème « Que la fin nous illumine », lui-même tiré du recueil L’Ignorant (composé entre 1952 et 1956), condense, dans toute sa concision et même son dépouillement, l’esthétique de la pensée de son auteur. « [Que] l’effacement soit ma façon de resplendir » : tout est dit, dans cette invocation, du rapport qu’entretient Jaccottet avec le monde. Par « effacement », le poète-traducteur qu’il est entend œuvrer en toute modestie, discrétion et retenue, voire dépossession, jusqu’à la transparence. L’homme doit se taire pour devenir « pur regard [...] [et] écoute » [GIUSTO Jean-Pierre, Philippe Jaccottet ou le désir d’inscription, Presses Universitaires de Lille, collection Objet, 1994, p. 21.] Cette nécessité de contenir le flot de la parole afin d’aiguiser la perception fait d’ailleurs l’objet du deuxième quatrain du poème : « Moins il y a d’avidité et de faconde / en nos propos, mieux on les néglige pour voir / jusque dans leur hésitation briller le monde / entre le matin ivre et la légèreté du soir ». Effacement donc, mais également lumière : « resplendir » et « briller », voilà à quoi nous convient ces vers. Partant, l’effort d’effacement est aussi et surtout un effort de clarification et d’élucidation. À ce propos, les trois premiers vers de la strophe suivante nous enseignent que : « Moins nos larmes apparaîtront brouillant nos yeux / et nos personnes par la crainte garrottées, / plus les regards iront s’éclaircissant [...] ». En somme, « l’effacement seul conduit au jour » [Ibid., p. 23.], d’où le devoir de se refréner pour mieux voir, entendre et comprendre. Mais la tâche est loin d’être aisée. En effet, s’effacer n’implique ni une posture passive, une mise en retrait confortable, ni une démarche simple, toute tracée, qui va de soi : « Prenons garde : effacement n’est pas spontanéité jaillissante, tout au contraire ! Il suppose maîtrise, recherche de la transparence et donc justesse. Quand la justesse est parfaite quelque chose peut se manifester, [...] quelque chose comme une lumière, un certain éclairage qui pénètre et révèle. » [ONIMUS Jean, Philippe Jaccottet : une poétique de l’insaisissable, Seyssel, Éditions Champ Vallon, collection Champ Poétique, 1993, p. 67.] Effacement, justesse et illumination, nous avons là les principaux concepts qui fondent le pacte d’écriture de Jaccottet, non seulement en tant que poète, mais aussi – et c’est ce qui nous intéresse ici – comme traducteur. Par conséquent, nous nous proposons d’analyser, à la lueur d’exemples puisés dans l’histoire, la théorie et la pratique de la traduction, en quoi ils peuvent être associés à l’acte de traduire, à la « tâche du traducteur » pour reprendre la célèbre formule de Walter Benjamin dans son article éponyme, et, n’ayons pas peur d’associer ces deux mots, à une œuvre de traduction.
Utilisons derechef cette expression pour débuter notre réflexion car il convient de préciser que l’œuvre de traduction de Jaccottet a été considérable. Il a par exemple traduit – pour ne citer que quelques noms – Musil, Rilke et Hölderlin (de l’allemand), Ungaretti et Leopardi (de l’italien), Góngora (de l’espagnol), Mandelstam (du russe) et même L’Odyssée d’Homère… Pour lui, la traduction est « une forme d’hommage, une attention admirative au texte, qui fait […] l’objet d’une sorte de lecture supérieure » [BÉNÉVENT Christine, Poésie et À la lumière d’hiver de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, collection Foliothèque, 2006, p. 25.] Ainsi, comme nous l’avons déjà fait remarquer, la recherche de l’effacement s’avère un exercice ardu qui, s’il est mené à bien, confère une forme d’extralucidité garantissant l’accès profond au texte : une « lecture supérieure » qui conduira à la lumière, au « resplendir ». Voilà l’articulation entre les trois concepts de l’esthétique de Jaccottet, fondée, en outre, sur un double mouvement : dans sa tâche, le traducteur opère une « ressaisie, […] une mise à distance (puisque le texte de l’autre est alors pris comme un objet, objectivé), […] [qui] apparaît comme une manière d’apprivoiser le texte de […] grands phares si intimidants, de se l’approprier » [Ibid., pp. 25-26.] Résumons : le traducteur doit, d’une part, s’imposer (se ressaisir et s’approprier quelque chose) pour mieux s’effacer (se mettre à distance) et d’autre part, se laisser éblouir par les « phares si intimidants » pour offrir à son tour cet éblouissement et « resplendir ». La clef de cette démarche réside dans le « souci de trouver une voix juste […] [en] se méfi[ant] de toute emphase et grandiloquence, de la tentation d’une parole trop souveraine, […] d’où le choix d’une écriture de la réticence […] : […] [il faut] refuse[r] tout à la fois la trop forte inscription du sujet et un placement de la voix trop assuré de ses effets » [GERVAIS-ZANINGER Marie-Annick & THONNERIEUX Stéphanie, Jaccottet : Poésie 1946-1967, À la lumière d’hiver, Pensées sous les nuages, Neuilly, Atlande, collection Clefs concours – Lettres XXe siècle, 2003, p. 143.] Que pouvons-nous déduire de ces observations ? Partons de l’ouvrage La tâche du traducteur du théoricien allemand Walter Benjamin (1892-1940), que nous avons évoqué en fin d’introduction, car celui-ci est doublement intéressant. D’une part, il constitue un point de départ solide pour s’interroger à propos de la traduction. Ainsi, Antoine Berman, dans L’âge de la traduction, considère ce texte [La tâche du traducteur] « comme le texte central du XXe siècle sur la traduction […] : un texte indépassable, duquel toute autre méditation sur la traduction doit partir, fût-ce pour se dresser contre lui » [BERMAN Antoine, L’âge de la traduction : « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin, un commentaire, Presses Universitaires de Vincennes, collection Intempestives, impr. 2008, p. 17. Texte d’un séminaire tenu par Antoine Berman au Collège international de philosophie, Paris, hiver 1984-1985.] D’autre part, la poétique de Jaccottet s’inscrit dans la même lignée que la pensée de Benjamin : même « effacement » (Benjamin parle de « transparence »), même « illumination » à la fin, et même « justesse » de la voix que Benjamin qualifie de « pure langue ». Pour le théoricien allemand, « il s’agit de donner aux mots une aura. Dans l’aura s’unissent la clarté et l’obscurité » [Ibid., p.30.] Obscurité, effectivement, car Benjamin soumet ses textes au secret, au mystère et même à une certaine mystique, en vue de les rendre « illuminants ». Leur cheminement intellectuel est donc extrêmement proche. Berman explique que, pour Benjamin, la traduction est :
« un acte de translation transparente du sens. La traduction, pour parvenir à cette transparence, devrait être pour ainsi dire sans sujet, car le sujet viendrait déformer le procès de la traduction. Reconnaître par exemple la ‘marque’ du traducteur dans une traduction passe pour une tare qui affecte sa ‘fidélité’ et sa ‘vérité’. De là toute une psychologie du traducteur comme être voué à l’effacement. En tant qu’impératif posé au traducteur, l’effacement signifie littéralement qu’il ne doit pas ‘être’ pour que la translation puisse s’effectuer, pour que la traduction puisse ‘être’. Ou plutôt, que son seul ‘être’ est celui d’une pure fonction : celle d’effectuer le passage embellissant du sens. Partout où le traducteur ‘apparaît’, c’est d’une manière négative ; il est ce qui menace l’accomplissement de la traduction. Traduttore traditore : de toutes les trahisons que le traducteur commet, la plus grande et la plus patente est celle qu’il commet envers la traduction même. » [Ibid., pp. 36-37.]
Mais cette volonté d’effacement absolu résiste-t-elle vraiment à l’agir, à la mise en acte ? On peut en douter. Si on suit le raisonnement de Benjamin, la traduction ne doit pas apparaître comme ayant été produite par quelqu’un. Pour lui, le traducteur disparaît donc. Par ailleurs, la traduction ne doit pas apparaître non plus comme une production produite par quelqu’un. La traduction disparaît donc à son tour. Comme le souligne Berman :
« À l’auto-oblitération du traducteur répond l’auto-oblitération de la traduction. Et comme cette double oblitération est évidemment impossible, surgit une tension. Car la traduction est bien une traduction, non un original, et elle est bien l’œuvre, l’opération d’un sujet. […] Si bien qu’il faut choisir : ou la traduction, ou le traducteur. De cette alternative paradoxale, il n’est pas facile de se libérer. » [Ibid., p. 37.]
Quant à Jaccottet, les mêmes problèmes se posent. Certes, le traducteur doit être un passeur, un médiateur, un intermédiaire discret entre l’auteur et le lecteur pour ne pas « polluer » la relation qui se noue entre ces deux-là. Or, le traducteur dispose pour ce faire d’un seul outil, le langage, qui est par essence subjectif, donc orienté, et nécessairement dépendant de contingences. On suspecte donc que le traducteur aura beau essayer de réduire au maximum sa place, il laissera forcément des traces, aussi imperceptibles soient-elles, de sa présence. D’où, qu’on le veuille ou non, un inévitable statut de tiers pour le traducteur avec toute la visibilité que cela entraîne. En outre, par sa sensibilité, son interprétation, le traducteur imprimera sa marque sur le texte : la finalité n’est donc pas un texte plus transparent, plus pur. Au contraire, il jouera le rôle d’un filtre qui apportera une façon de voir et non « la » façon de voir. Le traducteur sera bien là, avec toute l’entièreté et parfois l’opacité de sa présence. Enfin, il transportera avec lui toute une série de doutes, d’incertitudes qui parasiteront une communication limpide entre l’auteur et le lecteur. Triple échec ou, du moins, limite de ce concept d’effacement, semble-t-il. Un argument de Christine Bénévent, maître de conférences à l’Université de Tours, est éclairant à ce sujet :
Ces exigences se heurtent immédiatement à la réalité de ce qu’on est, à ses propres limites et à celles des hommes en général. […] Le regard lui-même, la voix peuvent-ils échapper aux pesanteurs du sujet ? Comment sortir de soi […] ? […] d’où le paradoxe qui se donne à lire dans le vers désormais si célèbre : ‘L’effacement soit ma façon de resplendir’, où les sonorités fuyantes des [f] et des [s] cèdent la place à la fermeté des [r], où le vœu d’effacement s’articule avec une affirmation rayonnante de soi. » [BÉNÉVENT Christine, op. cit., pp. 38-39.]
Nous aussi, nous nous interrogerons avec elle sur la réelle viabilité d’un tel parti pris (l’effacement) en traduction. Afin de progresser dans notre analyse, voyons maintenant en quoi les préceptes d’autres théoriciens de la traduction infirment-ils ou nuancent-ils cette conception.
Antoine Berman (1942-1991), dans La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, commente les deux conceptions classiques de la traduction que sont la traduction de l’esprit, c’est-à-dire la traduction du sens, qui fonctionne par équivalences (c’est pour lui la forme majoritairement prise par la traduction traditionnelle occidentale) et la traduction de la lettre, à savoir une traduction littérale – et non « mot à mot » : il déplore la confusion abusive entre les deux appellations – qu’il pose comme celle qui devrait toujours être appliquée. C’est d’ailleurs par ce postulat qu’il ouvre sa démonstration : « La traduction est traduction-de-la-lettre, du texte en tant qu’il est lettre » [BERMAN Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, Paris, Seuil, collection L’ordre philosophique, 1999, p. 25. Texte du séminaire d’Antoine Berman sur la traduction, tenu au Collège international de philosophie en 1984 et publié en 1985 dans Les tours de Babel : essais sur la traduction.] Il qualifie la première (la traduction de l’esprit) d’« ethnocentrique », d’« hypertextuelle » et de « platonicienne » et la seconde (la traduction de la lettre) d’« éthique », de « poétique » et de « pensante », ces termes s’opposant deux à deux respectivement. La traduction ethnocentrique dont il condamne durement la finalité (il la présente comme n’ayant de cesse d’« adapter », de « filtrer », d’« annexer », de « censurer » l’Étranger en vue de l’« assimiler », de se l’« approprier ») est régie par un double principe : un principe d’invisibilité et un autre de naturalité (au sens de recherche d’un effet de naturel). Il explique que l’ : « on doit traduire l’œuvre étrangère de façon que l’on ne sente pas la traduction [et] […] de façon à donner l’impression que c’est ce que l’auteur aurait écrit s’il avait écrit dans la langue traduisante » [Ibid., p. 35.] Il expose ensuite les implications qui découlent de cette vision. Cela suppose de gommer toute trace de la langue d’origine, par l’emploi d’une « langue normative » qui ne doit en aucun cas « heurter par des ‘étrangetés’ » afin que l’impression produite sur le lecteur d’arrivée soit la même que sur le lecteur d’origine. D’où le fait qu’une traduction ethnocentrique induit une traduction hypertextuelle puisque le texte d’arrivée va se trouver placé dans un rapport d’antériorité / postériorité avec le texte d’origine. D’une traduction en « bon français » (la « langue normative »), on glisse vers une traduction en français classique (l’héritage modèle). De là, une traduction comme « opération où intervient massivement la littérature, et même la ‘littérarisation’, la sur-littérature » [Ibid.] A priori, Berman se situe donc dans la même lignée que Benjamin et partage la même conception que Jaccottet. Cependant, il convient de nuancer cette conclusion. En effet, Berman reconnaît tout de même qu’il n’est pas possible d’évacuer totalement le type de traduction qu’il vient de critiquer. Ainsi, il concède que « mettre en question la traduction hypertextuelle et ethnocentrique, c’est chercher à situer la part nécessairement ethnocentrique et hypertextuelle de toute traduction » [Ibid., p. 41.] Il semblerait donc que l’on soit en fait irrémédiablement rattrapé par ce que l’on cherchait précisément à éviter. Pour Berman, réussir une traduction, c’est aussi « situer la part qu’y occupent la captation du sens et la transformation littéraire » [ Ibid.]
Puisqu’un projet farouche d’effacement en traduction semble se heurter à la réalité de l’acte de traduire, à la présence effective du traducteur et à l’évidence de l’existence d’un produit fini, la traduction, différent de l’original, essayons d’interroger maintenant les défenseurs de l’autre conception de la traduction : les partisans de l’« esprit », du sens. Jean-René Ladmiral (1942), à la suite de théoriciens comme Georges Mounin (1910-1993) ou Eugene Nida (1914) dont il a étudié les travaux, a utilisé deux termes – qui ont le mérite d’être tout aussi simples qu’ils sont éclairants – pour désigner ces deux positions semble-t-il irréconciliables : celle des « sourciers » et celle des « ciblistes ». En outre, Ladmiral s’est attaché à illustrer combien l’histoire et la théorie de la traduction s’étaient vues constamment tiraillées entre ces pôles qui ont fini par former, ce qu’il appelle, des « couples célèbres ». Dans son premier livre intitulé Les Belles Infidèles (1955), Mounin a illustré l’opposition entre l’esprit et la lettre par la métaphore des « verres transparents » (l’esprit) et celle des « verres colorés » (la lettre). Nida, lui, en 1966, a forgé les concepts d’équivalence dynamique (l’esprit) et de correspondance formelle (la lettre). Mais Ladmiral ne s’est pas contenté d’inscrire ces deux postures dans l’histoire, il a aussi démontré qu’une catégorisation étanche des deux n’était pas réelle. Il prend des exemples puisés dans la pratique, à partir desquels il prouve que l’on peut parfois, certes, établir une catégorisation nette lorsque l’on analyse un fait précis, isolé mais que celle-ci est toujours, au final, invalidée, lorsqu’on l’envisage dans un ensemble. L’appartenance stricte à l’une ou l’autre pratique serait donc indécidable. C’est pourquoi, lui, préfère parler de « continuum » : on ne peut jamais vraiment savoir où la traduction s’arrête et où l’adaptation commence. Cependant, ce n’est pas pour autant que Ladmiral accepte qu’un traducteur puisse se réclamer des deux points de vue à la fois. Pour lui, « c’est impossible : c’est marier l’eau avec le feu » [LADMIRAL Jean-René, « Lever de rideau théorique : quelques esquisses conceptuelles », in RAGUET Christine (dir.), De la lettre à l’esprit : traduction ou adaptation ?, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Palimpsestes, n°16, 2004, p. 19.], pour utiliser une métaphore des éléments, ou « marier l’eau et l’huile » [Ibid., p. 170.], pour sa variante culinaire. Il apparaît donc difficile de pencher définitivement pour l’une ou l’autre théorie, les théoriciens nous laissant quelque peu dans un entre-deux mouvant. En définitive, il serait prudent de conseiller une première approche où le « mot à mot », ou plutôt le littéral prime, pour passer ensuite à une phase de relecture interprétative où l’adaptation et toutes ses modalités doivent pouvoir trouver leur place si nécessaire.
Pour achever cette réflexion, je souhaiterais citer, en guise de conclusion (provisoire…), une partie d’une présentation qu’un traducteur consacre à la traduction d’un ouvrage qui prouve que fuir une posture « cibliste » a priori peut s’avérer totalement inopérant. Certains choix en ce sens peuvent s’imposer au traducteur qui les opère alors en toute conscience. L’ouvrage en question est le Livre du chevalier Zifar, un roman de chevalerie anonyme datant du début du XIVe siècle, traduit du castillan médiéval par Jean-Marie Barberà. Il s’agit d’un passage du prologue où le traducteur justifie ses choix de traduction.
« Choisir un texte devant servir de socle à une traduction pose de réels problèmes, car aucune des versions connues n’est exempte de défauts. […] D’autre part, la nature des différences entre les versions […] montre une volonté de correction pour rendre le texte clair lorsqu’il ne l’est pas. Il ne s’agit guère d’une pratique arbitraire, mais d’un exercice auquel convie l’auteur même du Zifar dans son premier prologue […] : ‘Mais cette œuvre pourra être corrigée par ceux qui voudront l’amender, et certes, ceux qui désireront et sauront l’améliorer doivent le faire, ne serait-ce que parce que […] ce qui est corrigé avec subtilité mérite d’être davantage loué que le premier qui l’a trouvé. Et celui qui commence l’ouvrage doit ressentir également beaucoup de plaisir dans le fait que tous ceux qui voudront et pourront amender son travail le fassent, car celui-ci est d’autant plus loué qu’il est réformé. […]’ Ce ne saurait donc être une atteinte au texte que de l’amender, mais au contraire un respect supérieur […]. Cette pratique n’est pas propre au Livre du chevalier Zifar, mais correspond bien aux arts poétiques du Moyen Âge. ‘La correction, la réécriture, est habituelle dans les textes en langue vernaculaire parce que l’auteur […] offre [une œuvre], dans l’attente de sa diffusion et de sa transmission, ce qui implique inévitablement son amélioration…’ (José Manuel Lucía Megías). D’une certaine façon, traduire relève aussi de cet exercice d’amendement […]. Le respect mécanique de la lettre serait la pire des trahisons, car elle aboutirait trop souvent à des non-sens, or c’est justement le sens qui importe. C’est lui que l’on traduit, et non les mots qui l’expriment. Lorsqu’une obscurité apparaît, […] il reste [au traducteur] le cotexte, le contexte et son bon sens. Il rejoint ainsi la chaîne des réviseurs d’un texte qui, comme le dit l’auteur dans le premier prologue, ‘est d’autant plus loué qu’il est réformé’. C’est la voie que, nous semble-t-il, nous devions emprunter […].
Voilà une belle démonstration qui permet de comprendre, par le biais d’arguments convaincants, la nécessité, pour le cas présent, d’une traduction qui s’attache visiblement plus à l’esprit qu’à la lettre. La théorie, au lieu de constituer un cadre strict de prescriptions dans lequel chacun aurait à choisir son « camp », devrait viser – et c’est dans ce sens là qu’elle intéresse, il me semble, le traducteur – l’analyse de phénomènes non généralisables dans l’absolu à partir d’éléments précis, clairement identifiés. Les choix de traduction, inévitablement fluctuants d’un texte à l’autre, dépendront ainsi de toute une série de contraintes à définir en amont. La prise en compte d’un éventail de données préalables permettra d’orienter le traducteur dans ses choix. Il s’agira de tenir compte, notamment, du contexte historique (politique, social, culturel, moral…) de création mais aussi de traduction de l’œuvre originale (on peut mesurer dans le cas exposé précédemment que leur degré d’éloignement est déterminant de la conduite à tenir) ; du type de lecteurs auxquels on s’adresse (grand public, spécialistes…) ; du type de traduction (première traduction, retraduction après vieillissement de la première, énième retraduction à des époques rapprochées…) ; du degré de proximité entre la langue-source et la langue-cible (lexique, syntaxe, schémas de pensée…). On le voit, le traducteur a donc tout intérêt à se présenter le plus neutre possible devant un texte à traduire, sans préjugés, sans idées préconçues, sans calque à appliquer ou théorie à suivre absolument. Il doit, par conséquent, s’adapter à chaque fois à la nouveauté, à la singularité que représente le texte à traduire en se servant de tous les outils dont il pourra disposer : des instruments fixes (son expérience, sa rigueur, sa méthode, son bon sens…) et des recours temporaires (tel dictionnaire spécialisé, telle recherche de références culturelles…). En somme, il n’en finit jamais de se former… exercice ô combien formateur !
Laëtitia a la générosité de rendre son travail public… Le voici.
Ce vers de Philippe Jaccottet, extrait du poème « Que la fin nous illumine », lui-même tiré du recueil L’Ignorant (composé entre 1952 et 1956), condense, dans toute sa concision et même son dépouillement, l’esthétique de la pensée de son auteur. « [Que] l’effacement soit ma façon de resplendir » : tout est dit, dans cette invocation, du rapport qu’entretient Jaccottet avec le monde. Par « effacement », le poète-traducteur qu’il est entend œuvrer en toute modestie, discrétion et retenue, voire dépossession, jusqu’à la transparence. L’homme doit se taire pour devenir « pur regard [...] [et] écoute » [GIUSTO Jean-Pierre, Philippe Jaccottet ou le désir d’inscription, Presses Universitaires de Lille, collection Objet, 1994, p. 21.] Cette nécessité de contenir le flot de la parole afin d’aiguiser la perception fait d’ailleurs l’objet du deuxième quatrain du poème : « Moins il y a d’avidité et de faconde / en nos propos, mieux on les néglige pour voir / jusque dans leur hésitation briller le monde / entre le matin ivre et la légèreté du soir ». Effacement donc, mais également lumière : « resplendir » et « briller », voilà à quoi nous convient ces vers. Partant, l’effort d’effacement est aussi et surtout un effort de clarification et d’élucidation. À ce propos, les trois premiers vers de la strophe suivante nous enseignent que : « Moins nos larmes apparaîtront brouillant nos yeux / et nos personnes par la crainte garrottées, / plus les regards iront s’éclaircissant [...] ». En somme, « l’effacement seul conduit au jour » [Ibid., p. 23.], d’où le devoir de se refréner pour mieux voir, entendre et comprendre. Mais la tâche est loin d’être aisée. En effet, s’effacer n’implique ni une posture passive, une mise en retrait confortable, ni une démarche simple, toute tracée, qui va de soi : « Prenons garde : effacement n’est pas spontanéité jaillissante, tout au contraire ! Il suppose maîtrise, recherche de la transparence et donc justesse. Quand la justesse est parfaite quelque chose peut se manifester, [...] quelque chose comme une lumière, un certain éclairage qui pénètre et révèle. » [ONIMUS Jean, Philippe Jaccottet : une poétique de l’insaisissable, Seyssel, Éditions Champ Vallon, collection Champ Poétique, 1993, p. 67.] Effacement, justesse et illumination, nous avons là les principaux concepts qui fondent le pacte d’écriture de Jaccottet, non seulement en tant que poète, mais aussi – et c’est ce qui nous intéresse ici – comme traducteur. Par conséquent, nous nous proposons d’analyser, à la lueur d’exemples puisés dans l’histoire, la théorie et la pratique de la traduction, en quoi ils peuvent être associés à l’acte de traduire, à la « tâche du traducteur » pour reprendre la célèbre formule de Walter Benjamin dans son article éponyme, et, n’ayons pas peur d’associer ces deux mots, à une œuvre de traduction.
Utilisons derechef cette expression pour débuter notre réflexion car il convient de préciser que l’œuvre de traduction de Jaccottet a été considérable. Il a par exemple traduit – pour ne citer que quelques noms – Musil, Rilke et Hölderlin (de l’allemand), Ungaretti et Leopardi (de l’italien), Góngora (de l’espagnol), Mandelstam (du russe) et même L’Odyssée d’Homère… Pour lui, la traduction est « une forme d’hommage, une attention admirative au texte, qui fait […] l’objet d’une sorte de lecture supérieure » [BÉNÉVENT Christine, Poésie et À la lumière d’hiver de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, collection Foliothèque, 2006, p. 25.] Ainsi, comme nous l’avons déjà fait remarquer, la recherche de l’effacement s’avère un exercice ardu qui, s’il est mené à bien, confère une forme d’extralucidité garantissant l’accès profond au texte : une « lecture supérieure » qui conduira à la lumière, au « resplendir ». Voilà l’articulation entre les trois concepts de l’esthétique de Jaccottet, fondée, en outre, sur un double mouvement : dans sa tâche, le traducteur opère une « ressaisie, […] une mise à distance (puisque le texte de l’autre est alors pris comme un objet, objectivé), […] [qui] apparaît comme une manière d’apprivoiser le texte de […] grands phares si intimidants, de se l’approprier » [Ibid., pp. 25-26.] Résumons : le traducteur doit, d’une part, s’imposer (se ressaisir et s’approprier quelque chose) pour mieux s’effacer (se mettre à distance) et d’autre part, se laisser éblouir par les « phares si intimidants » pour offrir à son tour cet éblouissement et « resplendir ». La clef de cette démarche réside dans le « souci de trouver une voix juste […] [en] se méfi[ant] de toute emphase et grandiloquence, de la tentation d’une parole trop souveraine, […] d’où le choix d’une écriture de la réticence […] : […] [il faut] refuse[r] tout à la fois la trop forte inscription du sujet et un placement de la voix trop assuré de ses effets » [GERVAIS-ZANINGER Marie-Annick & THONNERIEUX Stéphanie, Jaccottet : Poésie 1946-1967, À la lumière d’hiver, Pensées sous les nuages, Neuilly, Atlande, collection Clefs concours – Lettres XXe siècle, 2003, p. 143.] Que pouvons-nous déduire de ces observations ? Partons de l’ouvrage La tâche du traducteur du théoricien allemand Walter Benjamin (1892-1940), que nous avons évoqué en fin d’introduction, car celui-ci est doublement intéressant. D’une part, il constitue un point de départ solide pour s’interroger à propos de la traduction. Ainsi, Antoine Berman, dans L’âge de la traduction, considère ce texte [La tâche du traducteur] « comme le texte central du XXe siècle sur la traduction […] : un texte indépassable, duquel toute autre méditation sur la traduction doit partir, fût-ce pour se dresser contre lui » [BERMAN Antoine, L’âge de la traduction : « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin, un commentaire, Presses Universitaires de Vincennes, collection Intempestives, impr. 2008, p. 17. Texte d’un séminaire tenu par Antoine Berman au Collège international de philosophie, Paris, hiver 1984-1985.] D’autre part, la poétique de Jaccottet s’inscrit dans la même lignée que la pensée de Benjamin : même « effacement » (Benjamin parle de « transparence »), même « illumination » à la fin, et même « justesse » de la voix que Benjamin qualifie de « pure langue ». Pour le théoricien allemand, « il s’agit de donner aux mots une aura. Dans l’aura s’unissent la clarté et l’obscurité » [Ibid., p.30.] Obscurité, effectivement, car Benjamin soumet ses textes au secret, au mystère et même à une certaine mystique, en vue de les rendre « illuminants ». Leur cheminement intellectuel est donc extrêmement proche. Berman explique que, pour Benjamin, la traduction est :
« un acte de translation transparente du sens. La traduction, pour parvenir à cette transparence, devrait être pour ainsi dire sans sujet, car le sujet viendrait déformer le procès de la traduction. Reconnaître par exemple la ‘marque’ du traducteur dans une traduction passe pour une tare qui affecte sa ‘fidélité’ et sa ‘vérité’. De là toute une psychologie du traducteur comme être voué à l’effacement. En tant qu’impératif posé au traducteur, l’effacement signifie littéralement qu’il ne doit pas ‘être’ pour que la translation puisse s’effectuer, pour que la traduction puisse ‘être’. Ou plutôt, que son seul ‘être’ est celui d’une pure fonction : celle d’effectuer le passage embellissant du sens. Partout où le traducteur ‘apparaît’, c’est d’une manière négative ; il est ce qui menace l’accomplissement de la traduction. Traduttore traditore : de toutes les trahisons que le traducteur commet, la plus grande et la plus patente est celle qu’il commet envers la traduction même. » [Ibid., pp. 36-37.]
Mais cette volonté d’effacement absolu résiste-t-elle vraiment à l’agir, à la mise en acte ? On peut en douter. Si on suit le raisonnement de Benjamin, la traduction ne doit pas apparaître comme ayant été produite par quelqu’un. Pour lui, le traducteur disparaît donc. Par ailleurs, la traduction ne doit pas apparaître non plus comme une production produite par quelqu’un. La traduction disparaît donc à son tour. Comme le souligne Berman :
« À l’auto-oblitération du traducteur répond l’auto-oblitération de la traduction. Et comme cette double oblitération est évidemment impossible, surgit une tension. Car la traduction est bien une traduction, non un original, et elle est bien l’œuvre, l’opération d’un sujet. […] Si bien qu’il faut choisir : ou la traduction, ou le traducteur. De cette alternative paradoxale, il n’est pas facile de se libérer. » [Ibid., p. 37.]
Quant à Jaccottet, les mêmes problèmes se posent. Certes, le traducteur doit être un passeur, un médiateur, un intermédiaire discret entre l’auteur et le lecteur pour ne pas « polluer » la relation qui se noue entre ces deux-là. Or, le traducteur dispose pour ce faire d’un seul outil, le langage, qui est par essence subjectif, donc orienté, et nécessairement dépendant de contingences. On suspecte donc que le traducteur aura beau essayer de réduire au maximum sa place, il laissera forcément des traces, aussi imperceptibles soient-elles, de sa présence. D’où, qu’on le veuille ou non, un inévitable statut de tiers pour le traducteur avec toute la visibilité que cela entraîne. En outre, par sa sensibilité, son interprétation, le traducteur imprimera sa marque sur le texte : la finalité n’est donc pas un texte plus transparent, plus pur. Au contraire, il jouera le rôle d’un filtre qui apportera une façon de voir et non « la » façon de voir. Le traducteur sera bien là, avec toute l’entièreté et parfois l’opacité de sa présence. Enfin, il transportera avec lui toute une série de doutes, d’incertitudes qui parasiteront une communication limpide entre l’auteur et le lecteur. Triple échec ou, du moins, limite de ce concept d’effacement, semble-t-il. Un argument de Christine Bénévent, maître de conférences à l’Université de Tours, est éclairant à ce sujet :
Ces exigences se heurtent immédiatement à la réalité de ce qu’on est, à ses propres limites et à celles des hommes en général. […] Le regard lui-même, la voix peuvent-ils échapper aux pesanteurs du sujet ? Comment sortir de soi […] ? […] d’où le paradoxe qui se donne à lire dans le vers désormais si célèbre : ‘L’effacement soit ma façon de resplendir’, où les sonorités fuyantes des [f] et des [s] cèdent la place à la fermeté des [r], où le vœu d’effacement s’articule avec une affirmation rayonnante de soi. » [BÉNÉVENT Christine, op. cit., pp. 38-39.]
Nous aussi, nous nous interrogerons avec elle sur la réelle viabilité d’un tel parti pris (l’effacement) en traduction. Afin de progresser dans notre analyse, voyons maintenant en quoi les préceptes d’autres théoriciens de la traduction infirment-ils ou nuancent-ils cette conception.
Antoine Berman (1942-1991), dans La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, commente les deux conceptions classiques de la traduction que sont la traduction de l’esprit, c’est-à-dire la traduction du sens, qui fonctionne par équivalences (c’est pour lui la forme majoritairement prise par la traduction traditionnelle occidentale) et la traduction de la lettre, à savoir une traduction littérale – et non « mot à mot » : il déplore la confusion abusive entre les deux appellations – qu’il pose comme celle qui devrait toujours être appliquée. C’est d’ailleurs par ce postulat qu’il ouvre sa démonstration : « La traduction est traduction-de-la-lettre, du texte en tant qu’il est lettre » [BERMAN Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, Paris, Seuil, collection L’ordre philosophique, 1999, p. 25. Texte du séminaire d’Antoine Berman sur la traduction, tenu au Collège international de philosophie en 1984 et publié en 1985 dans Les tours de Babel : essais sur la traduction.] Il qualifie la première (la traduction de l’esprit) d’« ethnocentrique », d’« hypertextuelle » et de « platonicienne » et la seconde (la traduction de la lettre) d’« éthique », de « poétique » et de « pensante », ces termes s’opposant deux à deux respectivement. La traduction ethnocentrique dont il condamne durement la finalité (il la présente comme n’ayant de cesse d’« adapter », de « filtrer », d’« annexer », de « censurer » l’Étranger en vue de l’« assimiler », de se l’« approprier ») est régie par un double principe : un principe d’invisibilité et un autre de naturalité (au sens de recherche d’un effet de naturel). Il explique que l’ : « on doit traduire l’œuvre étrangère de façon que l’on ne sente pas la traduction [et] […] de façon à donner l’impression que c’est ce que l’auteur aurait écrit s’il avait écrit dans la langue traduisante » [Ibid., p. 35.] Il expose ensuite les implications qui découlent de cette vision. Cela suppose de gommer toute trace de la langue d’origine, par l’emploi d’une « langue normative » qui ne doit en aucun cas « heurter par des ‘étrangetés’ » afin que l’impression produite sur le lecteur d’arrivée soit la même que sur le lecteur d’origine. D’où le fait qu’une traduction ethnocentrique induit une traduction hypertextuelle puisque le texte d’arrivée va se trouver placé dans un rapport d’antériorité / postériorité avec le texte d’origine. D’une traduction en « bon français » (la « langue normative »), on glisse vers une traduction en français classique (l’héritage modèle). De là, une traduction comme « opération où intervient massivement la littérature, et même la ‘littérarisation’, la sur-littérature » [Ibid.] A priori, Berman se situe donc dans la même lignée que Benjamin et partage la même conception que Jaccottet. Cependant, il convient de nuancer cette conclusion. En effet, Berman reconnaît tout de même qu’il n’est pas possible d’évacuer totalement le type de traduction qu’il vient de critiquer. Ainsi, il concède que « mettre en question la traduction hypertextuelle et ethnocentrique, c’est chercher à situer la part nécessairement ethnocentrique et hypertextuelle de toute traduction » [Ibid., p. 41.] Il semblerait donc que l’on soit en fait irrémédiablement rattrapé par ce que l’on cherchait précisément à éviter. Pour Berman, réussir une traduction, c’est aussi « situer la part qu’y occupent la captation du sens et la transformation littéraire » [ Ibid.]
Puisqu’un projet farouche d’effacement en traduction semble se heurter à la réalité de l’acte de traduire, à la présence effective du traducteur et à l’évidence de l’existence d’un produit fini, la traduction, différent de l’original, essayons d’interroger maintenant les défenseurs de l’autre conception de la traduction : les partisans de l’« esprit », du sens. Jean-René Ladmiral (1942), à la suite de théoriciens comme Georges Mounin (1910-1993) ou Eugene Nida (1914) dont il a étudié les travaux, a utilisé deux termes – qui ont le mérite d’être tout aussi simples qu’ils sont éclairants – pour désigner ces deux positions semble-t-il irréconciliables : celle des « sourciers » et celle des « ciblistes ». En outre, Ladmiral s’est attaché à illustrer combien l’histoire et la théorie de la traduction s’étaient vues constamment tiraillées entre ces pôles qui ont fini par former, ce qu’il appelle, des « couples célèbres ». Dans son premier livre intitulé Les Belles Infidèles (1955), Mounin a illustré l’opposition entre l’esprit et la lettre par la métaphore des « verres transparents » (l’esprit) et celle des « verres colorés » (la lettre). Nida, lui, en 1966, a forgé les concepts d’équivalence dynamique (l’esprit) et de correspondance formelle (la lettre). Mais Ladmiral ne s’est pas contenté d’inscrire ces deux postures dans l’histoire, il a aussi démontré qu’une catégorisation étanche des deux n’était pas réelle. Il prend des exemples puisés dans la pratique, à partir desquels il prouve que l’on peut parfois, certes, établir une catégorisation nette lorsque l’on analyse un fait précis, isolé mais que celle-ci est toujours, au final, invalidée, lorsqu’on l’envisage dans un ensemble. L’appartenance stricte à l’une ou l’autre pratique serait donc indécidable. C’est pourquoi, lui, préfère parler de « continuum » : on ne peut jamais vraiment savoir où la traduction s’arrête et où l’adaptation commence. Cependant, ce n’est pas pour autant que Ladmiral accepte qu’un traducteur puisse se réclamer des deux points de vue à la fois. Pour lui, « c’est impossible : c’est marier l’eau avec le feu » [LADMIRAL Jean-René, « Lever de rideau théorique : quelques esquisses conceptuelles », in RAGUET Christine (dir.), De la lettre à l’esprit : traduction ou adaptation ?, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Palimpsestes, n°16, 2004, p. 19.], pour utiliser une métaphore des éléments, ou « marier l’eau et l’huile » [Ibid., p. 170.], pour sa variante culinaire. Il apparaît donc difficile de pencher définitivement pour l’une ou l’autre théorie, les théoriciens nous laissant quelque peu dans un entre-deux mouvant. En définitive, il serait prudent de conseiller une première approche où le « mot à mot », ou plutôt le littéral prime, pour passer ensuite à une phase de relecture interprétative où l’adaptation et toutes ses modalités doivent pouvoir trouver leur place si nécessaire.
Pour achever cette réflexion, je souhaiterais citer, en guise de conclusion (provisoire…), une partie d’une présentation qu’un traducteur consacre à la traduction d’un ouvrage qui prouve que fuir une posture « cibliste » a priori peut s’avérer totalement inopérant. Certains choix en ce sens peuvent s’imposer au traducteur qui les opère alors en toute conscience. L’ouvrage en question est le Livre du chevalier Zifar, un roman de chevalerie anonyme datant du début du XIVe siècle, traduit du castillan médiéval par Jean-Marie Barberà. Il s’agit d’un passage du prologue où le traducteur justifie ses choix de traduction.
« Choisir un texte devant servir de socle à une traduction pose de réels problèmes, car aucune des versions connues n’est exempte de défauts. […] D’autre part, la nature des différences entre les versions […] montre une volonté de correction pour rendre le texte clair lorsqu’il ne l’est pas. Il ne s’agit guère d’une pratique arbitraire, mais d’un exercice auquel convie l’auteur même du Zifar dans son premier prologue […] : ‘Mais cette œuvre pourra être corrigée par ceux qui voudront l’amender, et certes, ceux qui désireront et sauront l’améliorer doivent le faire, ne serait-ce que parce que […] ce qui est corrigé avec subtilité mérite d’être davantage loué que le premier qui l’a trouvé. Et celui qui commence l’ouvrage doit ressentir également beaucoup de plaisir dans le fait que tous ceux qui voudront et pourront amender son travail le fassent, car celui-ci est d’autant plus loué qu’il est réformé. […]’ Ce ne saurait donc être une atteinte au texte que de l’amender, mais au contraire un respect supérieur […]. Cette pratique n’est pas propre au Livre du chevalier Zifar, mais correspond bien aux arts poétiques du Moyen Âge. ‘La correction, la réécriture, est habituelle dans les textes en langue vernaculaire parce que l’auteur […] offre [une œuvre], dans l’attente de sa diffusion et de sa transmission, ce qui implique inévitablement son amélioration…’ (José Manuel Lucía Megías). D’une certaine façon, traduire relève aussi de cet exercice d’amendement […]. Le respect mécanique de la lettre serait la pire des trahisons, car elle aboutirait trop souvent à des non-sens, or c’est justement le sens qui importe. C’est lui que l’on traduit, et non les mots qui l’expriment. Lorsqu’une obscurité apparaît, […] il reste [au traducteur] le cotexte, le contexte et son bon sens. Il rejoint ainsi la chaîne des réviseurs d’un texte qui, comme le dit l’auteur dans le premier prologue, ‘est d’autant plus loué qu’il est réformé’. C’est la voie que, nous semble-t-il, nous devions emprunter […].
Voilà une belle démonstration qui permet de comprendre, par le biais d’arguments convaincants, la nécessité, pour le cas présent, d’une traduction qui s’attache visiblement plus à l’esprit qu’à la lettre. La théorie, au lieu de constituer un cadre strict de prescriptions dans lequel chacun aurait à choisir son « camp », devrait viser – et c’est dans ce sens là qu’elle intéresse, il me semble, le traducteur – l’analyse de phénomènes non généralisables dans l’absolu à partir d’éléments précis, clairement identifiés. Les choix de traduction, inévitablement fluctuants d’un texte à l’autre, dépendront ainsi de toute une série de contraintes à définir en amont. La prise en compte d’un éventail de données préalables permettra d’orienter le traducteur dans ses choix. Il s’agira de tenir compte, notamment, du contexte historique (politique, social, culturel, moral…) de création mais aussi de traduction de l’œuvre originale (on peut mesurer dans le cas exposé précédemment que leur degré d’éloignement est déterminant de la conduite à tenir) ; du type de lecteurs auxquels on s’adresse (grand public, spécialistes…) ; du type de traduction (première traduction, retraduction après vieillissement de la première, énième retraduction à des époques rapprochées…) ; du degré de proximité entre la langue-source et la langue-cible (lexique, syntaxe, schémas de pensée…). On le voit, le traducteur a donc tout intérêt à se présenter le plus neutre possible devant un texte à traduire, sans préjugés, sans idées préconçues, sans calque à appliquer ou théorie à suivre absolument. Il doit, par conséquent, s’adapter à chaque fois à la nouveauté, à la singularité que représente le texte à traduire en se servant de tous les outils dont il pourra disposer : des instruments fixes (son expérience, sa rigueur, sa méthode, son bon sens…) et des recours temporaires (tel dictionnaire spécialisé, telle recherche de références culturelles…). En somme, il n’en finit jamais de se former… exercice ô combien formateur !
Libellés :
Exercices,
Lectures,
promo Aline Schulman
Un poème de José Martí
Yo soy un hombre sincero
De donde crece la palma,
Y antes de morirme quiero
Echar mis versos del alma.
Yo vengo de todas partes,
Y hacia todas partes voy :
Arte soy entre las artes,
En los montes, monte soy.
Yo sé los nombres extraños
De las yerbas y las flores,
Y de mortales engaños,
Y de sublimes dolores.
Yo he visto en la noche oscura
Llover sobre mi cabeza
Los rayos de lumbre pura
De la divina belleza.
Alas nacer vi en los hombros
De las mujeres hermosas:
Y salir de los escombros
Volando las mariposas.
He visto vivir a un hombre
Con el puñal al costado,
Sin decir jamás el nombre
De aquella que lo ha matado.
Rápida, como un reflejo,
Dos veces vi el alma, dos:
Cuando murió el pobre viejo,
Cuando ella me dijo adiós.
Temblé una vez, —en la reja,
A la entrada de la viña—
Cuando la bárbara abeja
Picó en la frente a mi niña.
Gocé una vez, de tal suerte
Que gocé cual nunca: —cuando
La sentencia de mi muerte
Leyó el alcaide llorando.
Oigo un suspiro, a través
De las tierras y la mar,
Y no es un suspiro, —es
Que mi hijo va a despertar.
Si dicen que del joyero
Tome la joya mejor,
Tomo a un amigo sincero
Y pongo a un lado el amor.
Yo he visto al águila herida
Volar al azul sereno,
Y morir en su guarida
La víbora del veneno.
Yo sé bien que cuando el mundo
Cede, lívido, al descanso,
Sobre el silencio profundo
Murmura el arroyo manso.
Yo he puesto la mano osada,
De horror y júbilo yerta,
Sobre la estrella apagada
Que cayó frente a mi puerta.
Oculto en mi pecho bravo
La pena que me lo hiere:
El hijo de un pueblo esclavo
Vive por él, calla y muere.
Todo es hermoso y constante,
Todo es música y razón,
Y todo, como el diamante,
Antes que luz es carbón.
Yo sé que al necio se entierra
Con gran lujo y con gran llanto,—
Y que no hay fruta en la tierra
Como la del camposanto.
Callo, y entiendo, y me quito
La pompa del rimador:
Cuelgo de un árbol marchito
Mi muceta de doctor.
De donde crece la palma,
Y antes de morirme quiero
Echar mis versos del alma.
Yo vengo de todas partes,
Y hacia todas partes voy :
Arte soy entre las artes,
En los montes, monte soy.
Yo sé los nombres extraños
De las yerbas y las flores,
Y de mortales engaños,
Y de sublimes dolores.
Yo he visto en la noche oscura
Llover sobre mi cabeza
Los rayos de lumbre pura
De la divina belleza.
Alas nacer vi en los hombros
De las mujeres hermosas:
Y salir de los escombros
Volando las mariposas.
He visto vivir a un hombre
Con el puñal al costado,
Sin decir jamás el nombre
De aquella que lo ha matado.
Rápida, como un reflejo,
Dos veces vi el alma, dos:
Cuando murió el pobre viejo,
Cuando ella me dijo adiós.
Temblé una vez, —en la reja,
A la entrada de la viña—
Cuando la bárbara abeja
Picó en la frente a mi niña.
Gocé una vez, de tal suerte
Que gocé cual nunca: —cuando
La sentencia de mi muerte
Leyó el alcaide llorando.
Oigo un suspiro, a través
De las tierras y la mar,
Y no es un suspiro, —es
Que mi hijo va a despertar.
Si dicen que del joyero
Tome la joya mejor,
Tomo a un amigo sincero
Y pongo a un lado el amor.
Yo he visto al águila herida
Volar al azul sereno,
Y morir en su guarida
La víbora del veneno.
Yo sé bien que cuando el mundo
Cede, lívido, al descanso,
Sobre el silencio profundo
Murmura el arroyo manso.
Yo he puesto la mano osada,
De horror y júbilo yerta,
Sobre la estrella apagada
Que cayó frente a mi puerta.
Oculto en mi pecho bravo
La pena que me lo hiere:
El hijo de un pueblo esclavo
Vive por él, calla y muere.
Todo es hermoso y constante,
Todo es música y razón,
Y todo, como el diamante,
Antes que luz es carbón.
Yo sé que al necio se entierra
Con gran lujo y con gran llanto,—
Y que no hay fruta en la tierra
Como la del camposanto.
Callo, y entiendo, y me quito
La pompa del rimador:
Cuelgo de un árbol marchito
Mi muceta de doctor.
« La traduction est une histoire d'amour », par Jacques Poulin
mercredi 21 juillet 2010
« Dans ma tour d'ivoire », par Julie Sanchez
En photo : Tour d'ivoire..., par Simply me64
Dans ma tour d'ivoire, je suis seule.
Les murs épais de mon refuge m'isolent des bruits alentours. Des cris, des reproches, des moqueries.
Ici, je me dis que je suis bien, que le monde est à ma portée et que tout est possible.
Parfois, un jeune homme vient me rendre visite.
Il me conforte dans cette idée et me permet de croire en mes rêves.
Dans ma tour d'ivoire, je surplombe le monde.
Je vois la guerre, la pauvreté, la cruauté. Mais rien ne m'atteint.
Je me laisse aller à mes pensées.
Et le jeune homme revient.
Dans ma tour d'ivoire, j'aperçois mon avenir.
Pas forcément rose : je ne suis ni riche, ni belle.
Mais le jeune homme est là, à mes côtés.
Et les reproches ont laissé place à la fierté.
Dans ma tour d'y voir...
Dans ma tour d'ivoire, je suis seule.
Les murs épais de mon refuge m'isolent des bruits alentours. Des cris, des reproches, des moqueries.
Ici, je me dis que je suis bien, que le monde est à ma portée et que tout est possible.
Parfois, un jeune homme vient me rendre visite.
Il me conforte dans cette idée et me permet de croire en mes rêves.
Dans ma tour d'ivoire, je surplombe le monde.
Je vois la guerre, la pauvreté, la cruauté. Mais rien ne m'atteint.
Je me laisse aller à mes pensées.
Et le jeune homme revient.
Dans ma tour d'ivoire, j'aperçois mon avenir.
Pas forcément rose : je ne suis ni riche, ni belle.
Mais le jeune homme est là, à mes côtés.
Et les reproches ont laissé place à la fierté.
Dans ma tour d'y voir...
mardi 20 juillet 2010
« Mon stage aux éditions Monsieur Toussaint Louverture », par Laëtitia Sworzil
En photo : Emballé, c'est pesé..., par Fil the bodyguard
Des nouvelles de mon stage... ou comment la fréquentation assidue des livres rend poète
Préparer des commandes, voilà un exercice un peu fastidieux me direz-vous. Eh bien, n’en soyez pas si sûr ! Cette tâche, qui est souvent l’apanage du stagiaire débutant, peut receler bien des surprises, voire se révéler riche d’enseignements. En voici la preuve :
Tout d’abord, avec votre bon de commande à la main, vous allez réveiller Messieurs Livres sur leurs étagères pour leur annoncer la bonne nouvelle : un libraire curieux a émis le souhait de les connaître. Ils s’apprêtent donc à partir en voyage afin de le rejoindre : cap sur une destination inconnue !
Ensuite, après avoir sélectionné les heureux chanceux, il est temps de passer à l’habillage. Car pas question que Messieurs Livres s’en aillent à moitié nus, sans avoir revêtu tous leurs atours ! À celui-ci, donc, on ceindra son bandeau ; à celui-là, on apposera ses étiquettes ; à tel autre, on glissera son marque page ou son autocollant personnalisé. Et comme ils sont particulièrement coquets, certains nécessiteront parfois plusieurs accessoires à la fois, de quoi se mélanger un peu les pinceaux au début !
Puis, avant de les quitter définitivement en leur souhaitant bonne chance dans leur nouvelle vie remplie — on l’espère — de lecteurs attentionnés et passionnés, on ne peut en général pas résister à la tentation de les ouvrir une dernière fois, histoire d’apprécier encore le grain de leur papier, la toile de leur couverture, les courbes de leurs motifs en surimpression... Eh oui, c’est que, chez Monsieur Toussaint Louverture, les livres sont aussi de très beaux objets. On n’en finit donc jamais de les toucher, de les sentir, ce qui, vous en conviendrez, constitue un sérieux atout : en effet, quoi de mieux pour un livre que d’en appeler sensuellement aux mains de son lecteur ? En tous cas, c’est à cette occasion que j’ai appris tout un tas d’informations intéressantes à leur sujet puisque, en plus d’être beaux, Messieurs Livres sont aussi d’incorrigibles bavards ce qui, pour moi, ne pouvait pas mieux tomber ! J’ai donc pu, entre autres, exercé mon œil à distinguer différentes polices. Tenez, par exemple, sauriez-vous reconnaître le Tribute (Emigre) du Hercules (Stormtype) ? J’ai pu aussi me familiariser au contact de différentes toiles, comme le Skyvertex Ubonga (« qui malgré son nom étrange est du plus bel effet ») ou l’Orsay Rubellite (« d’un rouge ferrari »), ainsi qu’à celui de différents grains de papier, comme l’Alizé or 70 grammes d’une main de 1,95 (« la main est aussi appelée l’indice de bouffant qui est le rapport entre l’épaisseur du papier et son grammage : on peut assimiler ça à la densité du papier »), ou le Print Speed ivoire 90 grammes d’une main de 2 et d’un Bendsten de 200 ml/min dont j’ai découvert qu’« il s’agit de la rugosité du papier mesurée par le passage de l’air sur lui ; plus le courant d’air est faible, plus la surface du papier est lisse, remarquable, n’est-ce pas ? ».
Bon, il est temps de les refermer, sinon on y passerait des heures... Allez, un dernier coup d’œil quand même sur la quatrième de couverture de celui-ci où on lit, sous l’affichage du prix, la mention suivante : « À ce prix-là, nous aurions bien voulu vous offrir l’amour, mais l’imprimeur n’en avait plus. » Et drôles avec ça... !
Enfin, passons à la dernière étape. Vous vous en doutez, il s’agit maintenant de bien conditionner le tout afin que le paquet arrive à bon port. Attention, en effet, aux péripéties qui le guettent en cours de route ! Les pires seront les chocs du transport. Donc, Messieurs Livres, pas de quartier : à vos froufrous ! Là, finie la poésie, place aux gestes efficaces, au bons sens et à l’attirail de l’emballeur professionnel : papier kraft, papier bulle, enveloppe doublée, rainurée, à soufflet, carton à monter, scotch marron ou transparent, ciseaux, cutter, agrafeuse... Et, que vous ayez acquis l’entraînement au moment de Noël pour vos cadeaux ou à l’occasion de vos déménagements, peu importe ! L’essentiel est de mener à bien (et en un tournemain) l’opération. Dernière touche : coller le bon du transporteur préalablement complété de toutes les données nécessaires. Emballé c’est pesé ! Au suivant !
Préparer des commandes, voilà un exercice un peu fastidieux me direz-vous. Eh bien, n’en soyez pas si sûr ! Cette tâche, qui est souvent l’apanage du stagiaire débutant, peut receler bien des surprises, voire se révéler riche d’enseignements. En voici la preuve :
Tout d’abord, avec votre bon de commande à la main, vous allez réveiller Messieurs Livres sur leurs étagères pour leur annoncer la bonne nouvelle : un libraire curieux a émis le souhait de les connaître. Ils s’apprêtent donc à partir en voyage afin de le rejoindre : cap sur une destination inconnue !
Ensuite, après avoir sélectionné les heureux chanceux, il est temps de passer à l’habillage. Car pas question que Messieurs Livres s’en aillent à moitié nus, sans avoir revêtu tous leurs atours ! À celui-ci, donc, on ceindra son bandeau ; à celui-là, on apposera ses étiquettes ; à tel autre, on glissera son marque page ou son autocollant personnalisé. Et comme ils sont particulièrement coquets, certains nécessiteront parfois plusieurs accessoires à la fois, de quoi se mélanger un peu les pinceaux au début !
Puis, avant de les quitter définitivement en leur souhaitant bonne chance dans leur nouvelle vie remplie — on l’espère — de lecteurs attentionnés et passionnés, on ne peut en général pas résister à la tentation de les ouvrir une dernière fois, histoire d’apprécier encore le grain de leur papier, la toile de leur couverture, les courbes de leurs motifs en surimpression... Eh oui, c’est que, chez Monsieur Toussaint Louverture, les livres sont aussi de très beaux objets. On n’en finit donc jamais de les toucher, de les sentir, ce qui, vous en conviendrez, constitue un sérieux atout : en effet, quoi de mieux pour un livre que d’en appeler sensuellement aux mains de son lecteur ? En tous cas, c’est à cette occasion que j’ai appris tout un tas d’informations intéressantes à leur sujet puisque, en plus d’être beaux, Messieurs Livres sont aussi d’incorrigibles bavards ce qui, pour moi, ne pouvait pas mieux tomber ! J’ai donc pu, entre autres, exercé mon œil à distinguer différentes polices. Tenez, par exemple, sauriez-vous reconnaître le Tribute (Emigre) du Hercules (Stormtype) ? J’ai pu aussi me familiariser au contact de différentes toiles, comme le Skyvertex Ubonga (« qui malgré son nom étrange est du plus bel effet ») ou l’Orsay Rubellite (« d’un rouge ferrari »), ainsi qu’à celui de différents grains de papier, comme l’Alizé or 70 grammes d’une main de 1,95 (« la main est aussi appelée l’indice de bouffant qui est le rapport entre l’épaisseur du papier et son grammage : on peut assimiler ça à la densité du papier »), ou le Print Speed ivoire 90 grammes d’une main de 2 et d’un Bendsten de 200 ml/min dont j’ai découvert qu’« il s’agit de la rugosité du papier mesurée par le passage de l’air sur lui ; plus le courant d’air est faible, plus la surface du papier est lisse, remarquable, n’est-ce pas ? ».
Bon, il est temps de les refermer, sinon on y passerait des heures... Allez, un dernier coup d’œil quand même sur la quatrième de couverture de celui-ci où on lit, sous l’affichage du prix, la mention suivante : « À ce prix-là, nous aurions bien voulu vous offrir l’amour, mais l’imprimeur n’en avait plus. » Et drôles avec ça... !
Enfin, passons à la dernière étape. Vous vous en doutez, il s’agit maintenant de bien conditionner le tout afin que le paquet arrive à bon port. Attention, en effet, aux péripéties qui le guettent en cours de route ! Les pires seront les chocs du transport. Donc, Messieurs Livres, pas de quartier : à vos froufrous ! Là, finie la poésie, place aux gestes efficaces, au bons sens et à l’attirail de l’emballeur professionnel : papier kraft, papier bulle, enveloppe doublée, rainurée, à soufflet, carton à monter, scotch marron ou transparent, ciseaux, cutter, agrafeuse... Et, que vous ayez acquis l’entraînement au moment de Noël pour vos cadeaux ou à l’occasion de vos déménagements, peu importe ! L’essentiel est de mener à bien (et en un tournemain) l’opération. Dernière touche : coller le bon du transporteur préalablement complété de toutes les données nécessaires. Emballé c’est pesé ! Au suivant !
lundi 19 juillet 2010
dimanche 18 juillet 2010
Quelques dictionnaires des synonymes en plus
Vous en trouverez déjà plusieurs dans la rubrique "Sources", mais en voici quelques autres…
http://www.les-dictionnaires.com/synonymes.html
http://www.les-dictionnaires.com/synonymes.html
samedi 17 juillet 2010
À noter : la réunion de rentrée
La réunion ou grand-messe de rentrée – qui réunit les apprentis et les équipes enseignantes des deux parcours – aura lieu le lundi 27 septembre, à 14h00. Le numéro de la salle vous sera communiqué ultérieurement.
« Mon stage à 001 Traduction », par Julie
Comme Caroline me l’a demandé, voici un petit compte-rendu du stage que j’ai effectué dans l’entreprise 001 Traduction cette année.
J’étais en M1 et je lisais régulièrement ce blog.
Un jour, je suis tombée sur une annonce pour des stages. Je me suis dit « Pourquoi pas moi ? » et qu’une telle expérience pourrait être bénéfique. Elle me donnerait par exemple une autre vision de la traduction et me ferait réfléchir sur la voie que je désire emprunter, si je suis sûre de mon choix…
Ma candidature ayant été retenue, je commence le stage le 7 avril. Ce stage durera deux mois environ, jusqu’au 4 juin.
Je travaille chez moi, sur mon ordinateur personnel. Je n’ai jamais rencontré ma responsable ni mes collègues. Nous avons toujours communiqué par mail.
Cette situation me plaît, même si elle est un peu déroutante au début. Je me sens perdue, livrée à moi-même. On ne met pas d’outils à ma disposition et je me débrouille pour rendre un travail satisfaisant.
Mes travaux sont relus et les corrections me sont renvoyées.
Durant ces deux mois, le rythme de travail était assez aléatoire. On pouvait me donner des choses à faire durant deux semaines puis après, aucune nouvelle pendant une semaine.
Je leur envoyais des mails, inquiète, et le travail arrivait en suivant (je me souviens en avoir envoyé durant mes révisions, pour être sûre qu’ils ne m’oubliaient pas et m’en être mordu les doigts par la suite…).
J’ai pu effectuer différents types de travaux. Des traductions de documents administratifs ou commerciaux (non, je n’ai pas fait de traduction littéraire) comme des certificats de travail ou bien des diplômes.
J’ai aussi traduit la boîte d’emballage d’un objet permettant de calculer la distance parcourue par une balle de golf.
Les textes étaient soit en français, soit en espagnol.
J’ai retranscrit sur Word un extrait de naissance manuscrit (le traducteur devant s’en charger avait la flemme de le faire).
On m’a aussi demandé de relire un texte traduit de l’anglais au français. Vu mon niveau en anglais (pas aussi bon qu’en espagnol), les résultats ne furent pas très concluants (mais j’avais prévenu avant de le faire !!).
Le dernier travail que j’ai fait était le plus long et le plus fastidieux. Non, non, il ne s’agissait pas de traduire… Mais de mener une enquête !
Ma mission : joindre la majorité des universités d’Espagne et d’Amérique Latine pour poser tout un tas de questions sur la façon dont un étudiant étranger venant dans ces universités devait faire traduire ses diplômes (je ne vais pas détailler mais en gros, c’était ça…).
Ensuite, je devais réaliser un dossier par pays et tout renvoyer à l’entreprise. Cela m’a un peu gênée de faire croire que j’allais m’inscrire dans les universités à la rentrée, car certaines personnes se sont vraiment mises à ma disposition pour trouver le plus d’infos possible.
Mais bon, je n’avais pas vraiment le choix !
Malgré quelques petits moments désagréables, ce stage m’a appris à gérer mon temps et à respecter les délais (même s’il faut se coucher à 3h du matin parce qu’on bloque sur un terme et que le texte est à rendre pour 8h).
Il fallait être disponible à tout moment car on pouvait me demander de rendre un texte pour l’heure qui suivait ou bien pour le surlendemain.
J’ai aussi appris à me débrouiller seule sans forcément connaître des outils utiles pour faire mes recherches.
Grâce à cette expérience, j’ai pu voir ce qu’était le télétravail et en quoi consistait la traduction technique de textes non littéraires.
J’ai trouvé ce genre de traduction moins passionnant. Mais ce fut quand même intéressant et parfois plus compliqué… On ne peut pas remplacer un mot par un autre par exemple (dans une fiche de paie, on ne trouve pas de synonymes aux termes utilisés !!).
Étant en stage, je n’ai pas forcément fait le travail le plus intéressant au niveau de l’entreprise… Mais je me suis rendu compte que chaque tâche était différente.
Cela permet au traducteur free-lance de se diversifier et de changer de vocabulaire à chaque fois.
Au départ, j’ai aussi trouvé que ce métier pouvait apporter une grande liberté. On est chez soi, on travaille seul, sans personne qui nous tourne autour. Mais cette liberté n’est malheureusement qu’apparente. Personnellement, je me sentais toujours obligée de laisser ma boîte mail ouverte « au cas où », d’y aller quinze fois par jour, même tard le soir pour ne pas oublier de faire un travail qui serait urgent pour un client…
Étant en pleines révisions à cette période, je travaillais en plus en dehors des cours. J’ai loupé deux fois un mail « très urgent » mais heureusement, ma responsable ne m’en a pas tenu rigueur…
Pour conclure, je dirai donc que malgré les apparences, travailler chez soi ne signifie pas forcément être libre car on a des délais à respecter (parfois très courts) et on peut être sollicité à tout moment. Et bien sûr, le maître mot reste l’organisation !!
J’étais en M1 et je lisais régulièrement ce blog.
Un jour, je suis tombée sur une annonce pour des stages. Je me suis dit « Pourquoi pas moi ? » et qu’une telle expérience pourrait être bénéfique. Elle me donnerait par exemple une autre vision de la traduction et me ferait réfléchir sur la voie que je désire emprunter, si je suis sûre de mon choix…
Ma candidature ayant été retenue, je commence le stage le 7 avril. Ce stage durera deux mois environ, jusqu’au 4 juin.
Je travaille chez moi, sur mon ordinateur personnel. Je n’ai jamais rencontré ma responsable ni mes collègues. Nous avons toujours communiqué par mail.
Cette situation me plaît, même si elle est un peu déroutante au début. Je me sens perdue, livrée à moi-même. On ne met pas d’outils à ma disposition et je me débrouille pour rendre un travail satisfaisant.
Mes travaux sont relus et les corrections me sont renvoyées.
Durant ces deux mois, le rythme de travail était assez aléatoire. On pouvait me donner des choses à faire durant deux semaines puis après, aucune nouvelle pendant une semaine.
Je leur envoyais des mails, inquiète, et le travail arrivait en suivant (je me souviens en avoir envoyé durant mes révisions, pour être sûre qu’ils ne m’oubliaient pas et m’en être mordu les doigts par la suite…).
J’ai pu effectuer différents types de travaux. Des traductions de documents administratifs ou commerciaux (non, je n’ai pas fait de traduction littéraire) comme des certificats de travail ou bien des diplômes.
J’ai aussi traduit la boîte d’emballage d’un objet permettant de calculer la distance parcourue par une balle de golf.
Les textes étaient soit en français, soit en espagnol.
J’ai retranscrit sur Word un extrait de naissance manuscrit (le traducteur devant s’en charger avait la flemme de le faire).
On m’a aussi demandé de relire un texte traduit de l’anglais au français. Vu mon niveau en anglais (pas aussi bon qu’en espagnol), les résultats ne furent pas très concluants (mais j’avais prévenu avant de le faire !!).
Le dernier travail que j’ai fait était le plus long et le plus fastidieux. Non, non, il ne s’agissait pas de traduire… Mais de mener une enquête !
Ma mission : joindre la majorité des universités d’Espagne et d’Amérique Latine pour poser tout un tas de questions sur la façon dont un étudiant étranger venant dans ces universités devait faire traduire ses diplômes (je ne vais pas détailler mais en gros, c’était ça…).
Ensuite, je devais réaliser un dossier par pays et tout renvoyer à l’entreprise. Cela m’a un peu gênée de faire croire que j’allais m’inscrire dans les universités à la rentrée, car certaines personnes se sont vraiment mises à ma disposition pour trouver le plus d’infos possible.
Mais bon, je n’avais pas vraiment le choix !
Malgré quelques petits moments désagréables, ce stage m’a appris à gérer mon temps et à respecter les délais (même s’il faut se coucher à 3h du matin parce qu’on bloque sur un terme et que le texte est à rendre pour 8h).
Il fallait être disponible à tout moment car on pouvait me demander de rendre un texte pour l’heure qui suivait ou bien pour le surlendemain.
J’ai aussi appris à me débrouiller seule sans forcément connaître des outils utiles pour faire mes recherches.
Grâce à cette expérience, j’ai pu voir ce qu’était le télétravail et en quoi consistait la traduction technique de textes non littéraires.
J’ai trouvé ce genre de traduction moins passionnant. Mais ce fut quand même intéressant et parfois plus compliqué… On ne peut pas remplacer un mot par un autre par exemple (dans une fiche de paie, on ne trouve pas de synonymes aux termes utilisés !!).
Étant en stage, je n’ai pas forcément fait le travail le plus intéressant au niveau de l’entreprise… Mais je me suis rendu compte que chaque tâche était différente.
Cela permet au traducteur free-lance de se diversifier et de changer de vocabulaire à chaque fois.
Au départ, j’ai aussi trouvé que ce métier pouvait apporter une grande liberté. On est chez soi, on travaille seul, sans personne qui nous tourne autour. Mais cette liberté n’est malheureusement qu’apparente. Personnellement, je me sentais toujours obligée de laisser ma boîte mail ouverte « au cas où », d’y aller quinze fois par jour, même tard le soir pour ne pas oublier de faire un travail qui serait urgent pour un client…
Étant en pleines révisions à cette période, je travaillais en plus en dehors des cours. J’ai loupé deux fois un mail « très urgent » mais heureusement, ma responsable ne m’en a pas tenu rigueur…
Pour conclure, je dirai donc que malgré les apparences, travailler chez soi ne signifie pas forcément être libre car on a des délais à respecter (parfois très courts) et on peut être sollicité à tout moment. Et bien sûr, le maître mot reste l’organisation !!
Rubrique récapitulative à l'attention des étoudis…
Deux ou trois détails… essentiels
Pour vos exercices d'écriture et vos traductions, voici quelques points à ne pas oublier :
1) pour les dialogues, utilisez les tirets longs : non pas -, non pas –, mais —
2) introduisez-les avec «» et non ""
3) pensez aux espaces devant et après les ; les : les ? les ! et les «»
4) n'oubliez pas les majuscules en début de phrase
5) n'oubliez pas les points en fin de phrase
6) Accentuez les majuscules : À, É, etc.
7) relisez-vous pour éviter au maximum les fautes d'orthographe – nous en faisons malheureusement tous…, je vous l'accorde, mais ça n'est pas une raison pour se laisser aller. Il faut avoir la patience de procéder aux vérifications nécessaires (dictionnaire, conjugueur, grammaire, etc.). Outre que cela servira votre travail, vous apprendrez les règles de base…
Vous qui, dans quelques mois, aurez à rendre une traduction longue et, espérons-le, à proposer vos services à des éditeurs, vous ne pouvez pas vous permettre de négliger cet aspect-là, la présentation et la forme ; non seulement ça ne fait pas très professionnel, mais ça rend la lecture désagréable. C'est cela aussi respecter votre auteur et votre texte.
1) pour les dialogues, utilisez les tirets longs : non pas -, non pas –, mais —
2) introduisez-les avec «» et non ""
3) pensez aux espaces devant et après les ; les : les ? les ! et les «»
4) n'oubliez pas les majuscules en début de phrase
5) n'oubliez pas les points en fin de phrase
6) Accentuez les majuscules : À, É, etc.
7) relisez-vous pour éviter au maximum les fautes d'orthographe – nous en faisons malheureusement tous…, je vous l'accorde, mais ça n'est pas une raison pour se laisser aller. Il faut avoir la patience de procéder aux vérifications nécessaires (dictionnaire, conjugueur, grammaire, etc.). Outre que cela servira votre travail, vous apprendrez les règles de base…
Vous qui, dans quelques mois, aurez à rendre une traduction longue et, espérons-le, à proposer vos services à des éditeurs, vous ne pouvez pas vous permettre de négliger cet aspect-là, la présentation et la forme ; non seulement ça ne fait pas très professionnel, mais ça rend la lecture désagréable. C'est cela aussi respecter votre auteur et votre texte.
Description d'une cerise, par Alexis Poraszka
En photo : soit pas vache, par francois et fier de l'Être
Eh bien bravo, me direz-vous ! Voilà qui n'augure rien de bon pour la suite. Premier exercice d'écriture et je le rends en retard.
Il fallait bien s'y attendre, moi qui suis si souvent la tête dans les nuages. Me voilà donc à essayer de rattrapper mon retard en parlant d'une cerise... Les cerises me ramène quelques souvenirs. Comme cette fois où, vers 6 ou 7 ans, j'accompagnais mon grand-père cueillir les cerises dans le champs face à la ferme. Il faisait si chaud.
Je regardais grand-père au dessus de l'échelle et me contentais simplement de descendre le panier rempli de ces délicieux fruits rouges, de le vider, de le lui redonner et de porter à ma bouche et à l'insu de papi ces merveilles au goût si parfumé, dorées par le soleil et bercées par le chant des grillons. Mais le rêve était de courte durée...
- Papi, y'a les vaches qui viennent.
- T'inquète pô, les vôch tsé ben qu'ça a peur des hômes.
Il avait beau tenter de me rassurer dans son patois, rien n'y faisait, les vaches s'approchaient, et vite. Le bruit des cloches devenait de plus en plus fort et l'image des ces belles bêtes blanches et marrons devenait de plus en plus nette. J'en oubliais de manger les quelques fruits que je tenais dans la paume de la main. Un bref regard à gauche, puis à droite, la pâture était grande et moi, je me trouvais au milieu, au pied de l'échelle. J'avais trois options : je filais vite fait avant qu'elle ne m'atteigne en abandonnant la récolte et papi perché sur son échelle, je montais sur l'échelle pour trouver exil dans les branches de l'arbre, ou j'arrêtais de respirer, de bouger, de vivre, de penser pour me confondre, tel un caméléon, avec le tronc de l'arbre.
Je tranchai pour la troisième option qui me paraissait, de loin, la plus courageuse. Je suis donc resté au pied de l'échelle en cherchant à me fondre dans le paysage, avec mon short bleu et mon t-shirt jaune ! Cette fois l'ennemi était là ! Il s'approchait, reculait, se regardait, un coup de langue dans la narine, un coup de queue pour chasser les mouches et, en silence, fixait d'un air plutôt ahuri ce petit bonhomme ridicule qui ne devenait rouge à force de ne plus respirer.
La plus téméraire s'approchait de moi, humait mes cheveux fraîchement lavé au p'tit dop à l'abricot, me sentait. Ben voyons, à trop s'approcher, la voilà qui me fait de la buée sur les lunettes et papi qui pose sur ma tête le panier de cerises tout juste cueillies.
- Tin hé, ti l'prend l'panier, de Dieu !
Sans bouger le reste du corps, je levai le bras, saisi le panier et le serrai contre moi. Je fixais la vache dans les yeux, puis celle d'à côté puis les autres... Soudain, en voilà une autre qui s'approche de moi, renifle mon panier et tente d'en gober une.
Ma vieille, ça, n'y compte pas, tu crois quand même pas me la faire à moi ! Oust !!! Effrayé par la simple idée de devoir concéder à ces vaches mon précieux trésor, je me suis senti une âme de guerrier, de chevalier. Je levai les bras au ciel et me mis à courir tout en criant. Mon grand père en lâcha de surprise le panier qu'il tenait, les vaches finirent par fuir. J'étais content.
– Bah mai qu'est c'qui t'orriv, pti fou, c'est ti po un frolon qui t'o piqué hé ?
– Heu, oui, je crois, dis-je en rougissant.
Après cela, nous prîmes la récolte et sortîmes de la pâture. De l'autre côté du grillage, je me retournai pour regarder une dernière fois mon ennemi vaincu, mon papi mit son bras sur mon épaule et mami dit d'une voix joyeuse :
– Eh ben, on va faire un bon gâteau ce soir !
Le soir, je passai mon doigt dans le saladier de pâte à clafouti et le portai à ma bouche. Finalement, pour rien au monde je n'aurais voulu manquer ce doux moment gourmand, un soir d'été.
Il fallait bien s'y attendre, moi qui suis si souvent la tête dans les nuages. Me voilà donc à essayer de rattrapper mon retard en parlant d'une cerise... Les cerises me ramène quelques souvenirs. Comme cette fois où, vers 6 ou 7 ans, j'accompagnais mon grand-père cueillir les cerises dans le champs face à la ferme. Il faisait si chaud.
Je regardais grand-père au dessus de l'échelle et me contentais simplement de descendre le panier rempli de ces délicieux fruits rouges, de le vider, de le lui redonner et de porter à ma bouche et à l'insu de papi ces merveilles au goût si parfumé, dorées par le soleil et bercées par le chant des grillons. Mais le rêve était de courte durée...
- Papi, y'a les vaches qui viennent.
- T'inquète pô, les vôch tsé ben qu'ça a peur des hômes.
Il avait beau tenter de me rassurer dans son patois, rien n'y faisait, les vaches s'approchaient, et vite. Le bruit des cloches devenait de plus en plus fort et l'image des ces belles bêtes blanches et marrons devenait de plus en plus nette. J'en oubliais de manger les quelques fruits que je tenais dans la paume de la main. Un bref regard à gauche, puis à droite, la pâture était grande et moi, je me trouvais au milieu, au pied de l'échelle. J'avais trois options : je filais vite fait avant qu'elle ne m'atteigne en abandonnant la récolte et papi perché sur son échelle, je montais sur l'échelle pour trouver exil dans les branches de l'arbre, ou j'arrêtais de respirer, de bouger, de vivre, de penser pour me confondre, tel un caméléon, avec le tronc de l'arbre.
Je tranchai pour la troisième option qui me paraissait, de loin, la plus courageuse. Je suis donc resté au pied de l'échelle en cherchant à me fondre dans le paysage, avec mon short bleu et mon t-shirt jaune ! Cette fois l'ennemi était là ! Il s'approchait, reculait, se regardait, un coup de langue dans la narine, un coup de queue pour chasser les mouches et, en silence, fixait d'un air plutôt ahuri ce petit bonhomme ridicule qui ne devenait rouge à force de ne plus respirer.
La plus téméraire s'approchait de moi, humait mes cheveux fraîchement lavé au p'tit dop à l'abricot, me sentait. Ben voyons, à trop s'approcher, la voilà qui me fait de la buée sur les lunettes et papi qui pose sur ma tête le panier de cerises tout juste cueillies.
- Tin hé, ti l'prend l'panier, de Dieu !
Sans bouger le reste du corps, je levai le bras, saisi le panier et le serrai contre moi. Je fixais la vache dans les yeux, puis celle d'à côté puis les autres... Soudain, en voilà une autre qui s'approche de moi, renifle mon panier et tente d'en gober une.
Ma vieille, ça, n'y compte pas, tu crois quand même pas me la faire à moi ! Oust !!! Effrayé par la simple idée de devoir concéder à ces vaches mon précieux trésor, je me suis senti une âme de guerrier, de chevalier. Je levai les bras au ciel et me mis à courir tout en criant. Mon grand père en lâcha de surprise le panier qu'il tenait, les vaches finirent par fuir. J'étais content.
– Bah mai qu'est c'qui t'orriv, pti fou, c'est ti po un frolon qui t'o piqué hé ?
– Heu, oui, je crois, dis-je en rougissant.
Après cela, nous prîmes la récolte et sortîmes de la pâture. De l'autre côté du grillage, je me retournai pour regarder une dernière fois mon ennemi vaincu, mon papi mit son bras sur mon épaule et mami dit d'une voix joyeuse :
– Eh ben, on va faire un bon gâteau ce soir !
Le soir, je passai mon doigt dans le saladier de pâte à clafouti et le portai à ma bouche. Finalement, pour rien au monde je n'aurais voulu manquer ce doux moment gourmand, un soir d'été.
Références culturelles, 522 : Alicia Peñalba
En photo : Le Grand Double by Alicia Penalba, par Pete Roberts (rhayader_wanderer)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alicia_Penalba
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alicia_Penalba
Description d'une cerise, par Vanessa Canavesi
En photo : CIMG2300, par demorlaixversnimes
Madame,
C'est avec joie que je lis votre lettre, vous qui savez si bien parler des choses simples de la vie, et qui êtes si prompte à éveiller ma curiosité. Nous nous sommes toujours entendus de manière exagérée sur les choses de l'art, et de l'esthétique, et c'est avec émotion cependant que je me rends compte aujourd'hui de notre profond désaccord en matière de gastronomie.
Certes, la passion que vous portez pour les fruits de la saison est respectable, mais votre description des petits fruits rouges, notamment de la cerise qui est celui que j'apprécie le moins, me semble démesurée.
Il est vrai qu'à la vue d'une allée ordonnée de cerisiers en fleurs, semblable à celle du petit bois où nous allâmes ensemble un après-midi, nous nous transportons dans l'instant en un lieu exotique et apaisant ; la fleur printanière aux parfums d'orient qui orne l'arbre est fine, et gracieuse. Je ne réfute pas l'harmonie et la douceur qui se dégage d'un tel paysage, puisqu'en imagination ce tableau me ravit déjà l'esprit. Le fruit en lui-même est des plus étincelants, sensuel à la vue comme au toucher, et les gens de goût ne cessent de vanter ses couleurs attrayantes, ses formes parfaites ; je suis de votre avis, on ne peut nier les qualités exquises et divines de sa morphologie.
Plus sa chair est ferme, et pourpre, plus l'envie s'accroît, comme vous dites, d'y planter les dents afin qu'elle explose délicatement sous le palais.
Mais voilà, je n'y trouve rien de bon que l'apparence, et y goûter est pour moi une tâche bien difficile. Sa saveur me laisse une impression aussi vide de sens qu'une phrase dont les mots auraient été chacun empruntés à une langue différente. Il est des beautés naturelles qui échappent à mes sensations, et celle-là même dont vous me parlez me contrarie. Madame, je ne comprends pas cet attachement, cette passion, j'irai jusqu'à dire, cette avidité que vous nourrissez pour ces fruits acidulés. Je ne parle pas ce langage, et je le regrette amèrement, mais, je vous en prie, ne m'en tenez pas rigueur, et poursuivons nos discussions amicales sur un autre sujet.
C'est avec joie que je lis votre lettre, vous qui savez si bien parler des choses simples de la vie, et qui êtes si prompte à éveiller ma curiosité. Nous nous sommes toujours entendus de manière exagérée sur les choses de l'art, et de l'esthétique, et c'est avec émotion cependant que je me rends compte aujourd'hui de notre profond désaccord en matière de gastronomie.
Certes, la passion que vous portez pour les fruits de la saison est respectable, mais votre description des petits fruits rouges, notamment de la cerise qui est celui que j'apprécie le moins, me semble démesurée.
Il est vrai qu'à la vue d'une allée ordonnée de cerisiers en fleurs, semblable à celle du petit bois où nous allâmes ensemble un après-midi, nous nous transportons dans l'instant en un lieu exotique et apaisant ; la fleur printanière aux parfums d'orient qui orne l'arbre est fine, et gracieuse. Je ne réfute pas l'harmonie et la douceur qui se dégage d'un tel paysage, puisqu'en imagination ce tableau me ravit déjà l'esprit. Le fruit en lui-même est des plus étincelants, sensuel à la vue comme au toucher, et les gens de goût ne cessent de vanter ses couleurs attrayantes, ses formes parfaites ; je suis de votre avis, on ne peut nier les qualités exquises et divines de sa morphologie.
Plus sa chair est ferme, et pourpre, plus l'envie s'accroît, comme vous dites, d'y planter les dents afin qu'elle explose délicatement sous le palais.
Mais voilà, je n'y trouve rien de bon que l'apparence, et y goûter est pour moi une tâche bien difficile. Sa saveur me laisse une impression aussi vide de sens qu'une phrase dont les mots auraient été chacun empruntés à une langue différente. Il est des beautés naturelles qui échappent à mes sensations, et celle-là même dont vous me parlez me contrarie. Madame, je ne comprends pas cet attachement, cette passion, j'irai jusqu'à dire, cette avidité que vous nourrissez pour ces fruits acidulés. Je ne parle pas ce langage, et je le regrette amèrement, mais, je vous en prie, ne m'en tenez pas rigueur, et poursuivons nos discussions amicales sur un autre sujet.
vendredi 16 juillet 2010
Petite précision concernant les illustrations
L'une d'entre vous me demande qui choisit les illustrations pour les exercices d'écriture. Généralement, c'est moi (je trouve amusant de vous surprendre en « interprétant » votre histoire à ma manière ; avec Jacqueline, de la promo Anne Dacier, c'était même devenu un jeu…), mais il va de soi que vous pouvez en proposer vous aussi. Je n'ai pas le monopole et je comprendrais que vous ayez une idée précise en tête. Il vous suffit soit de me l'envoyer en format jpg, soit de me donner l'adresse du site et le code de l'image pour la retrouver facilement. Il y a cependant une restriction essentielle et sur laquelle je ne transigerai pas : très soucieuse du respect de la propriété intellectuelle, je vous demanderais de systématiquement m'indiquer le nom de l'auteur de la photo ou du dessin, etc.
Description d'une cerise, par Auréba Sadouni
En photo : Mon Cheri, par x3.wolfgang
Elle ne ressemble plus à grand-chose. Sa chair est fripée comme celle d’un raisin sec. Sa peau légèrement cristallisée et à peu près lisse semble imperméable à ce fort liquide dans lequel elle baigne depuis de nombreux mois, si ce ne sont des années.
Ça, je le sais car j’ai eu la curiosité de savoir quelle tête elle a. Étant très frileuse, il faut l’effeuiller comme un paquet cadeau. D’abord, deux couches de papier qui s’enlèvent minutieusement avec le bout des doigts. Ensuite, sa coquille marron se brise avec un bon coup d’incisives. À peine libérée de son sauna aux murs en chocolat, elle dégouline de liqueur, une liqueur empreinte de sa sueur rougeâtre.
Elle ne se laisse pas facilement dévorer des yeux. Telle un caméléon, elle absorbe l’obscurité dans laquelle elle baigne pour ne pas qu’on la distingue.
Cette cerise n’a plus de noyau, car désormais, le noyau, c’est elle. Elle fait corps avec son enrobage sucré avant de faire corps avec le gourmand friand de chocolats Mon Chéri.
Ça, je le sais car j’ai eu la curiosité de savoir quelle tête elle a. Étant très frileuse, il faut l’effeuiller comme un paquet cadeau. D’abord, deux couches de papier qui s’enlèvent minutieusement avec le bout des doigts. Ensuite, sa coquille marron se brise avec un bon coup d’incisives. À peine libérée de son sauna aux murs en chocolat, elle dégouline de liqueur, une liqueur empreinte de sa sueur rougeâtre.
Elle ne se laisse pas facilement dévorer des yeux. Telle un caméléon, elle absorbe l’obscurité dans laquelle elle baigne pour ne pas qu’on la distingue.
Cette cerise n’a plus de noyau, car désormais, le noyau, c’est elle. Elle fait corps avec son enrobage sucré avant de faire corps avec le gourmand friand de chocolats Mon Chéri.
À propos de la poisse, par Julie Sanchez
En photo : Pas de bol...!, par 005 MARCO
Pour le mot en lui-même, on peut dire :
desdicha, desventura, desgracia, infortunio, mala suerte, mala sombra, mala pata, mala leche, mal hoyo, mal fario, mala estrella, mala racha, negra, rollo, cenizo.
On trouve aussi vaina en République Dominicaine.
J'ai aussi trouvé rarra sur un forum. Ce mot viendrait d'un village de Grenade. Il est peut-être dérivé de racha...
Il y a aussi mala folla. La personne qui l'a citée sur le forum disait que c'était une expression locale mais on ne sait pas d'où...
Et en ce qui concerne l'expression "avoir la poisse"...
Ser gafe, gafar.
Ser un cenizo.
Tener la suerte torcida, mala suerte, etc...
Tener mala cueva (Chili et autres pays d'Amérique Latine).
Estar meado de perro (Chili).
Bailar con la fea/ coja (Chili).
Estar salado (différents pays de l'Amérique Latine).
Ser un Mufasa (Chili).
Ser (ou estar) piña (Pérou).
Tener un chino atrás (Cuba).
"Si pone un circo le crecen los enanos".
Estar negado.
desdicha, desventura, desgracia, infortunio, mala suerte, mala sombra, mala pata, mala leche, mal hoyo, mal fario, mala estrella, mala racha, negra, rollo, cenizo.
On trouve aussi vaina en République Dominicaine.
J'ai aussi trouvé rarra sur un forum. Ce mot viendrait d'un village de Grenade. Il est peut-être dérivé de racha...
Il y a aussi mala folla. La personne qui l'a citée sur le forum disait que c'était une expression locale mais on ne sait pas d'où...
Et en ce qui concerne l'expression "avoir la poisse"...
Ser gafe, gafar.
Ser un cenizo.
Tener la suerte torcida, mala suerte, etc...
Tener mala cueva (Chili et autres pays d'Amérique Latine).
Estar meado de perro (Chili).
Bailar con la fea/ coja (Chili).
Estar salado (différents pays de l'Amérique Latine).
Ser un Mufasa (Chili).
Ser (ou estar) piña (Pérou).
Tener un chino atrás (Cuba).
"Si pone un circo le crecen los enanos".
Estar negado.
Un outil précieux repéré par Julie : Diccionario de modismos chilenos
Une adresse à stocker dans vos bases de données !
http://www.mainframe.cl/diccionario/diccionario.php?letra=A
http://www.mainframe.cl/diccionario/diccionario.php?letra=A
Message pour la promo Aline Schulman
- Laëtitia Sw., Coralie et Chloé connaîtront à partir du 21 juillet la date des soutenances (elles auront lieu toutes les trois le même jour).
- Émeline, Laëtitia So. et Amélie soutiendront le 7 septembre (les horaires et la salle seront fixés ultérieurement).
Pour tout le monde, le 15 août est le dernier délai pour l'envoi des travaux.
- Émeline, Laëtitia So. et Amélie soutiendront le 7 septembre (les horaires et la salle seront fixés ultérieurement).
Pour tout le monde, le 15 août est le dernier délai pour l'envoi des travaux.
Description d'une cerise, par Julie Sanchez
En photo : "Psyko'la'poisse", par Shanoir
Bonjour !
Moi, c’est Cerise. Plus précisément, je suis une guigne.
Vu mon nom, me direz-vous, mon destin était tout tracé. Mais avant que vous ne commenciez ce délicieux clafoutis, laissez-moi vous raconter mon histoire.
Je suis née un beau matin de mai tout en haut d’un merisier.
Plus les jours passaient et plus je prenais une couleur rouge vif. Je me souviens comme vous veniez me contempler chaque jour…
Vous veniez aussi pour me protéger des pies à l’aide de divers stratagèmes et je vous en remercie.
Grâce à vous, de verte, j’ai pu devenir pourpre sombre. De mate, je suis devenue brillante.
Ma peau lisse vous faisait rêver.
Mes formes vous faisaient pâlir de jalousie.
Car il faut le dire, je suis ronde, ferme, charnue. Tout en moi éveille les sens.
Et, cerise sur le gâteau, en plus de ma couleur et de mon allure sans pareille, je me tiens droite, fière au bout de ma queue.
Mon odeur vous laissait sans voix. En effet, je sens à la fois l’été, la douceur et l’herbe fraîche.
Mais je sens aussi le sucre et le plaisir. Ainsi, je vous transporte dans un monde de saveurs et de jouissances.
Un matin cependant, j’ai réalisé ce que signifiait l’expression « avoir la cerise ».
Ma vie sur le merisier, à surplomber le jardin fleuri et à me laisser paresser au soleil était terminée.
Vous êtes venu me cueillir, les yeux plein d’envie. Vous m’avez posée sur vos oreilles et m’avez portée jusque dans votre logis.
Vous m’avez déposée dans un saladier. Je me retrouvais entassée sur mes amies. Paniquées, nous ne comprenions pas la raison de ces mauvais traitements…
Ensuite, vous nous avez équeutées (Aïe !) et disposées au fond d’un plat dans une matière pâle et visqueuse…
Ma cousine me dit qu’il s’agit de pâte et que vous préparez un clafoutis.
Je commence à comprendre quelle sera notre issue et ne peux m’empêcher de m’exclamer : « Pourquoi moi ? Quelle guigne !!… ».
Moi, c’est Cerise. Plus précisément, je suis une guigne.
Vu mon nom, me direz-vous, mon destin était tout tracé. Mais avant que vous ne commenciez ce délicieux clafoutis, laissez-moi vous raconter mon histoire.
Je suis née un beau matin de mai tout en haut d’un merisier.
Plus les jours passaient et plus je prenais une couleur rouge vif. Je me souviens comme vous veniez me contempler chaque jour…
Vous veniez aussi pour me protéger des pies à l’aide de divers stratagèmes et je vous en remercie.
Grâce à vous, de verte, j’ai pu devenir pourpre sombre. De mate, je suis devenue brillante.
Ma peau lisse vous faisait rêver.
Mes formes vous faisaient pâlir de jalousie.
Car il faut le dire, je suis ronde, ferme, charnue. Tout en moi éveille les sens.
Et, cerise sur le gâteau, en plus de ma couleur et de mon allure sans pareille, je me tiens droite, fière au bout de ma queue.
Mon odeur vous laissait sans voix. En effet, je sens à la fois l’été, la douceur et l’herbe fraîche.
Mais je sens aussi le sucre et le plaisir. Ainsi, je vous transporte dans un monde de saveurs et de jouissances.
Un matin cependant, j’ai réalisé ce que signifiait l’expression « avoir la cerise ».
Ma vie sur le merisier, à surplomber le jardin fleuri et à me laisser paresser au soleil était terminée.
Vous êtes venu me cueillir, les yeux plein d’envie. Vous m’avez posée sur vos oreilles et m’avez portée jusque dans votre logis.
Vous m’avez déposée dans un saladier. Je me retrouvais entassée sur mes amies. Paniquées, nous ne comprenions pas la raison de ces mauvais traitements…
Ensuite, vous nous avez équeutées (Aïe !) et disposées au fond d’un plat dans une matière pâle et visqueuse…
Ma cousine me dit qu’il s’agit de pâte et que vous préparez un clafoutis.
Je commence à comprendre quelle sera notre issue et ne peux m’empêcher de m’exclamer : « Pourquoi moi ? Quelle guigne !!… ».
Description d'une cerise, par Stéphanie Maze
En photo : Cereza, par Fucking Kitty
Et allez, j'ai encore grossi.
Elles m'avaient pourtant prévenue.
– Fais gaffe, tous les ans, à la même période, on subit toutes la même chose.
Et moi, j'ai pas voulu y croire, je me suis dit, elles se font peut-être avoir mais pas moi! Je réussirai à passer entre les mailles du filet ! Je ferai attention, moi ! C'est ça, suffit de prendre soin de soi et on y échappe. Comment j'ai pu être si naïve ? Maintenant, me voilà flanquée de cette grosseur immonde ! Si encore le poids avait été réparti mais non, évidemment tout se concentre au même endroit, comme si on voulait que je sois déséquilibrée, que je tombe ! Et cette couleur n'en parlons pas ! Pas du tout assorti à mon teint verdoyant, l'espèce de globe cramoisi, répugnant... Dire qu'avant je pouvais compter sur la présence d'une petite fleur blanchâtre gracile, légère, qui savait me mettre en valeur. Maintenant, je tire vers le bas, je m'affaisse. C'est qu'elle pèse cette excroissance boursouflée !
Et puis, les passants n'ont d'yeux que pour elle. Mystère insoluble pour moi, quelle personne de bon sens pourrait préférer un gros truc rouge à une petite tige verte filiforme ? Je savais que ça vous surprendrait vous aussi ! Et bien, croyez-moi, ils s'arrêtent tous au pied de l'arbre et ils se mettent à l'escalader ou à sautiller comme des fous pour atteindre cette protubérance ! Des vrais sauvages ! Et vas-y que je t'attrape ! Et vas-y que je te gobe ! Je les ai vues défiler mes copines, une par une qu'elles ont disparu, toutes arrachées par des mains sans vergogne ! Je crois que le pire dans tout ça, c'est l'absence de considération pour nous. Pourtant c'est sur nous qu'elles poussent, grâce à nous qu'elles arrivent à maturité et qu'elles deviennent juteuses, grâce à nous qu'ils les savourent avec délectation. Et nous, dans tout ça soit on nous laisse dépérir sur l'arbre, soit on nous...
Aïe !
Elles m'avaient pourtant prévenue.
– Fais gaffe, tous les ans, à la même période, on subit toutes la même chose.
Et moi, j'ai pas voulu y croire, je me suis dit, elles se font peut-être avoir mais pas moi! Je réussirai à passer entre les mailles du filet ! Je ferai attention, moi ! C'est ça, suffit de prendre soin de soi et on y échappe. Comment j'ai pu être si naïve ? Maintenant, me voilà flanquée de cette grosseur immonde ! Si encore le poids avait été réparti mais non, évidemment tout se concentre au même endroit, comme si on voulait que je sois déséquilibrée, que je tombe ! Et cette couleur n'en parlons pas ! Pas du tout assorti à mon teint verdoyant, l'espèce de globe cramoisi, répugnant... Dire qu'avant je pouvais compter sur la présence d'une petite fleur blanchâtre gracile, légère, qui savait me mettre en valeur. Maintenant, je tire vers le bas, je m'affaisse. C'est qu'elle pèse cette excroissance boursouflée !
Et puis, les passants n'ont d'yeux que pour elle. Mystère insoluble pour moi, quelle personne de bon sens pourrait préférer un gros truc rouge à une petite tige verte filiforme ? Je savais que ça vous surprendrait vous aussi ! Et bien, croyez-moi, ils s'arrêtent tous au pied de l'arbre et ils se mettent à l'escalader ou à sautiller comme des fous pour atteindre cette protubérance ! Des vrais sauvages ! Et vas-y que je t'attrape ! Et vas-y que je te gobe ! Je les ai vues défiler mes copines, une par une qu'elles ont disparu, toutes arrachées par des mains sans vergogne ! Je crois que le pire dans tout ça, c'est l'absence de considération pour nous. Pourtant c'est sur nous qu'elles poussent, grâce à nous qu'elles arrivent à maturité et qu'elles deviennent juteuses, grâce à nous qu'ils les savourent avec délectation. Et nous, dans tout ça soit on nous laisse dépérir sur l'arbre, soit on nous...
Aïe !
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