… sont les mêmes que celles de tout être-humain ? Pas tout à fait.
Ce week-end, je tentais (en vain) de fuir la chaleur parisienne, calfeutrée dans mon appartement, entourée de dictionnaires et plongée dans le deuxième jet de ma traduction longue. Ravie de pouvoir passer plus que trois heures de suite sur mon texte, j’avançais relativement bien, résolvant avec satisfaction la plupart des difficultés de mon premier jet, parfois minimes, certes, mais bien réelles. Qui d’autre qu’un traducteur serait content de comprendre pourquoi, dans un texte, l’auteur a mis un point plutôt qu’un point-virgule à la fin d’une phrase, et surtout de trouver la solution pour rendre l’intention de ce choix ? Je vous le demande…
Mais la suite est encore plus édifiante. Au détour d’une page, je suis tombée sur un écueil bien plus important, qui m’avait déjà pourchassée presque nuit et jour au moment de mon premier jet (pour les nouvelles recrues, je précise que ma traduction longue est un récit autobiographique d’une femme qui acquiert un moulin à olives à Utande, près de Guadalajara, au beau milieu de la campagne de Castille. Le texte se déroule presque exclusivement dans ce village reculé de la civilisation. Le moulin ne possède ni eau courante, ni électricité et l’adaptation est difficile. Outre la narration de sa vie, la narratrice introduit également dans son récit des explications sur la vie agricole et les pratiques dans le moulin, ainsi que des épisodes de l'histoire espagnole dans lesquels le moulin a joué un rôle). À l’époque, j’avais passé des heures à étudier en détail des sites concernant ou les moissons, ou la fabrication de l’huile d’olives, afin de comprendre la VO et trouver le vocabulaire correspondant en français. Seulement, quelques mots m’avaient échappés ; ils ne se trouvaient dans aucun dictionnaire (du moins pas avec un sens qui correspondait à la situation) et m’avaient donné du fil à retordre. Or cette fois-ci, je ne pouvais plus laisser le mot en espagnol en me disant « Je le trouverai plus tard ». J’ai donc recommencé à fouiller et ma persévérance a fini par payer. J’avais un problème avec le verbe « Motear ». Dans le bilingue Larousse, la traduction est « moucheter, tacheter, marqueter », rien à voir donc avec mon contexte de tri d’olives. Dans la Real, ce n’est pas plus intéressant : « Salpicar de motas una tela, para darle variedad y hermosura ». C’est sur le site d’un oléiculteur que j’ai finalement trouvé la solution ; il expliquait le fonctionnement d’un appareil à venter (afin de retirer les feuilles des oliviers récoltées avec les olives à l’aide d’un souffle d’air). Je voulais connaître précisément la définition de ce terme, et le dictionnaire m’a donné un de ses synonymes : « vanner ». Le voilà mon verbe ! Il m’a fallu un long cheminement pour y arriver mais finalement, quel bonheur de pouvoir l’inscrire dans ma phrase, et de remplir enfin cet espace laissé vacant.
Autre problème, autre issue. Un de mes personnages offre à un enfant « un bargueño de plástico » pour que son père puisse lui donner son bain. Or en espagnol, « un bargueño » est un cabinet (meuble orné richement, dont la façade comporte des tiroirs) : je ne comprenais pas comment un tel objet pouvait être en plastique, ni le rapport avec la baignade. C’est en cherchant une nouvelle fois le mot dans le dictionnaire que mes yeux sont tombés sur le mot « barreño », qui signifie bassine. Tout à coup, cela devient beaucoup plus clair. J’en ai déduit qu’il y avait une erreur dans le texte original ; loin d’être un stratagème pour gagner du temps, je pense vraiment qu’il s’agit d’une (grosse) coquille, car c’est plus logique ainsi.
Pour conclure ce post, deux choses :
- Le traducteur est une personne à part, qui apprécie de passer ses week-ends penchée sur un texte et peut exulter en découvrant le mot qu’il cherchait depuis des jours voire des semaines.
- Le traducteur se doit d’être curieux et persévérant, et ne doit jamais se laisser tenter par la solution de facilité.
Je précise que sitôt ma découverte faite, j’en ai informé Caroline, pour partager avec elle ce plaisir de traducteur. Ni une, ni deux, elle m’a demandé d’en faire un post. Avis aux nouveaux apprentis : méfiez-vous de chaque mot prononcé, de chaque question innocemment posée… les oreilles Lepagiennes ne sont jamais bien loin !
Ce week-end, je tentais (en vain) de fuir la chaleur parisienne, calfeutrée dans mon appartement, entourée de dictionnaires et plongée dans le deuxième jet de ma traduction longue. Ravie de pouvoir passer plus que trois heures de suite sur mon texte, j’avançais relativement bien, résolvant avec satisfaction la plupart des difficultés de mon premier jet, parfois minimes, certes, mais bien réelles. Qui d’autre qu’un traducteur serait content de comprendre pourquoi, dans un texte, l’auteur a mis un point plutôt qu’un point-virgule à la fin d’une phrase, et surtout de trouver la solution pour rendre l’intention de ce choix ? Je vous le demande…
Mais la suite est encore plus édifiante. Au détour d’une page, je suis tombée sur un écueil bien plus important, qui m’avait déjà pourchassée presque nuit et jour au moment de mon premier jet (pour les nouvelles recrues, je précise que ma traduction longue est un récit autobiographique d’une femme qui acquiert un moulin à olives à Utande, près de Guadalajara, au beau milieu de la campagne de Castille. Le texte se déroule presque exclusivement dans ce village reculé de la civilisation. Le moulin ne possède ni eau courante, ni électricité et l’adaptation est difficile. Outre la narration de sa vie, la narratrice introduit également dans son récit des explications sur la vie agricole et les pratiques dans le moulin, ainsi que des épisodes de l'histoire espagnole dans lesquels le moulin a joué un rôle). À l’époque, j’avais passé des heures à étudier en détail des sites concernant ou les moissons, ou la fabrication de l’huile d’olives, afin de comprendre la VO et trouver le vocabulaire correspondant en français. Seulement, quelques mots m’avaient échappés ; ils ne se trouvaient dans aucun dictionnaire (du moins pas avec un sens qui correspondait à la situation) et m’avaient donné du fil à retordre. Or cette fois-ci, je ne pouvais plus laisser le mot en espagnol en me disant « Je le trouverai plus tard ». J’ai donc recommencé à fouiller et ma persévérance a fini par payer. J’avais un problème avec le verbe « Motear ». Dans le bilingue Larousse, la traduction est « moucheter, tacheter, marqueter », rien à voir donc avec mon contexte de tri d’olives. Dans la Real, ce n’est pas plus intéressant : « Salpicar de motas una tela, para darle variedad y hermosura ». C’est sur le site d’un oléiculteur que j’ai finalement trouvé la solution ; il expliquait le fonctionnement d’un appareil à venter (afin de retirer les feuilles des oliviers récoltées avec les olives à l’aide d’un souffle d’air). Je voulais connaître précisément la définition de ce terme, et le dictionnaire m’a donné un de ses synonymes : « vanner ». Le voilà mon verbe ! Il m’a fallu un long cheminement pour y arriver mais finalement, quel bonheur de pouvoir l’inscrire dans ma phrase, et de remplir enfin cet espace laissé vacant.
Autre problème, autre issue. Un de mes personnages offre à un enfant « un bargueño de plástico » pour que son père puisse lui donner son bain. Or en espagnol, « un bargueño » est un cabinet (meuble orné richement, dont la façade comporte des tiroirs) : je ne comprenais pas comment un tel objet pouvait être en plastique, ni le rapport avec la baignade. C’est en cherchant une nouvelle fois le mot dans le dictionnaire que mes yeux sont tombés sur le mot « barreño », qui signifie bassine. Tout à coup, cela devient beaucoup plus clair. J’en ai déduit qu’il y avait une erreur dans le texte original ; loin d’être un stratagème pour gagner du temps, je pense vraiment qu’il s’agit d’une (grosse) coquille, car c’est plus logique ainsi.
Pour conclure ce post, deux choses :
- Le traducteur est une personne à part, qui apprécie de passer ses week-ends penchée sur un texte et peut exulter en découvrant le mot qu’il cherchait depuis des jours voire des semaines.
- Le traducteur se doit d’être curieux et persévérant, et ne doit jamais se laisser tenter par la solution de facilité.
Je précise que sitôt ma découverte faite, j’en ai informé Caroline, pour partager avec elle ce plaisir de traducteur. Ni une, ni deux, elle m’a demandé d’en faire un post. Avis aux nouveaux apprentis : méfiez-vous de chaque mot prononcé, de chaque question innocemment posée… les oreilles Lepagiennes ne sont jamais bien loin !
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