De
lo que voy a contar yo fuí testigo: de la traición de la enana, del
asesinato de Segundo, de la llegada de la Estrella. Sucedió todo en
una época remota de mi infancia que ahora ya no sé si rememoro o
invento: porque por entonces para mí aún no se había despegado el
cielo de la tierra y todo era posible. Acababa de crearse el
universo, como se encargó de explicarme doña Bárbara: «Cuando yo
nací», me dijo, «empezó el mundo». Como yo era pequeña y ella
ya muy vieja, aquello me pareció muchísimo tiempo.
Por buscarle a
mi relato algún principio, diré que mi vida comenzó en un viaje de
tren, la vida que recuerdo y reconozco, y que de lo anterior tan sólo
guardo un puñado de imágenes inconexas y turbias, como difuminadas
por el polvo del camino, o quizá oscurecidas por el último túnel
que atravesó la locomotora antes de llegar a la parada final. De
modo que para mi memoria nací de la negrura de aquel túnel, hija
del fragor y del traqueteo, parida por las entrañas de la tierra a
una fría tarde de abril y a una estación enorme y desolada. Y en
esa estación entrábamos, resoplando y chirriando, mientras las vías
muertas se multiplicaban a ambos lados del vagón y se retorcían y
brincaban, se acercaban a las ventanillas y se volvían a alejar de
un brusco respingo, como las tensas gomas de ese juego de niñas al
que probablemente había jugado alguna vez en aquel tiempo antiguo
del que ya no me acordaba ni me quería acordar.
Rosa
Montero, Bella y oscura
***
Florian nous
propose sa traduction :
J'ai été
témoin de ce que je m'apprête à raconter: la trahison de la naine,
l'assassinat de Segundo, l'arrivée d'Estrella. Tout cela a eu lieu à
l'époque lointaine de mon enfance et je ne sais si, aujoud'hui,
je m'en remémore ou si j'invente: Car en ce temps-là, pour moi, le
ciel et la terre ne faisaient toujours qu'un, et tout était
possible. L'unvivers venait de se créer, selon les explications que
s'était chargée de me donner doña Bárbara: "C'est quand je
suis née- m'avait-elle dit- que le monde a commencé." Comme
j'étais toute jeune et elle déja très vielle, cela m'avait paru
extrement ancien. Pour trouver une introduction à mon récit, je
dirai que ma vie a débuté lors d'un voyage en train, la vie de mes
souvenirs et que je reconnais, et où tout ce qui précède n'est que
succession d'images décousues et troubles, comme estompées par la
poussière du chemin, ou peut-être obscurcies par le dernier tunel
que la locomotive a traversé avant d'atteindre sa destination
finale. De sorte que pour ma mémoire, je suis née de la noirceur de
ce tunel, fille du grondement et des secousses, enfantée par les
entrailles de la terre lors d'une froide journée d'avril et dans une
gare immense et désolée. Et alors que notre train entrait en cette
même gare en sifflant et en grinçant, les voies mortes se
multipliaient des deux côtés du wagon, elles se déformaient et
bondissaient, elles s'approchaient des fênetres et s'en éloignaient
d'un sursaut brutal, tels les élastiques tendus de ce jeu de jeunes
filles auquel j'avais probablement joué durant cette époque reculée
dont je ne me souvenais plus et dont je ne voulais, d'ailleurs, par
me souvenir.
***
Danièle nous
propose sa traduction :
Ce que je vais
vous raconter, j’en fus le témoin : de la trahison de la naine, de
l’assassinat du Second et de l’arrivée de l’Etoile. Tout
survint à une époque lointaine de mon enfance si bien que
maintenant je ne sais pas si c’est un souvenir ou une invention car
pour moi alors, le ciel ne s’était pas encore détaché de la
terre et tout était possible. L’univers finissait de se créer
comme Doña Bárbara se chargeait de me l’expliquer : “ Quand je
suis née, le monde commençait”. Comme j’étais petite et elle
déjà très vieille, ceci me paraissait remonter très loin.
Pour chercher
un commencement à mon récit, je dirai que ma vie, celle dont je me
souviens et reconnais, débuta par un voyage en train et que de tout
ce qui s’est passé avant, je garde une poignée d’images
troubles et sans liens, comme estompées par la poussière du chemin
ou peut-être obscurcies par le dernier tunnel traversé par la
locomotive avant d’arriver au terminus. De sorte que pour ma
mémoire, je suis née de la noirceur de ce train, fille du fracas et
du cahot, sortie des entrailles de la terre dans une gare immense et
désolée par une froide après-midi d’avril. Et nous entrions dans
cette gare en soufflant et en grinçant tandis que les voies
désaffectées se multipliaient des deux côtés du wagon, se
tordaient et tressautaient, s’approchaient des fenêtres et
recommençaient à s’en éloigner d’un brusque bond comme les
élastiques tendues de ce jeu de fillettes auquel probablement
j’avais quelquefois joué en ces temps anciens dont je ne me
souvenais plus ni ne voulais me souvenir.
***
Sonita nous propose sa traduction :
Ce
que je vais vous raconter j’en ai été témoin : de la trahison de
la naine, du meurtre de Segundo, de l’arrivée de Estrella. Tout
cela arriva pendant une lointaine époque de mon enfance et je ne
sais plus si je m’en souviens ou si j’invente parce que pour moi
à ce moment-là le ciel et la terre ne faisaient toujours qu’un et
tout était possible. L’univers venait de se créer, comme me
l’avait expliqué doña Bárbara : « À ma naissance »
– me dit-elle – « le monde a commencé ». Comme
j’étais petite et qu’elle était très vieille cela me sembla
une éternité. Afin d’en chercher un quelconque début à mon
histoire, je dirai que ma vie a commencé avec un voyage un train. La
vie dont je me souviens et que je reconnais. De ce qui s’est passé
avant je n’en garde qu’une poignée d’images décousues et
floues, comme si elles s’étaient estompées avec la poussière du
chemin, ou peut-être avaient été noircies par ce même tunnel que
la locomotive traversa avant d’arriver au terminus. De telle sorte
que pour ma mémoire je suis née de la noirceur de ce tunnel, fille
du fracas et des secousses, venue au monde par les entrailles de la
terre en une froide après-midi d’avril, arrivant dans une énorme
station désolée. Et ce fut dans cette station que nous entrâmes,
en nous ébrouant et en grinçant, tandis que les voies mortes se
multipliaient des deux côtés du wagon en se tordant et en faisant
des petits sauts, pour s’approcher des vitres et s’en éloignaient
à nouveau d’un violent sursaut comme les élastiques tendus de ce
jeu de filles auquel j’avais joué une ou deux fois en ce temps
ancien.
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