samedi 2 janvier 2010

Exercice de version, 43

Mi nombre es Alejandro Ferri. Ecos marciales hay en él, pero ni los metales de la gloria ni la gran sombra del macedonio –la frase es del autor de Los mármoles, cuya amistad me honró– se parecen al modesto hombre gris que hilvana estas líneas, en el piso alto de un hotel de la calle Santiago del Estero, en un Sur que ya no es el Sur. En cualquier momento habré cumplido setenta y tantos años; sigo dictando clases de inglés a pocos alumnos. Por indecisión o por negligencia o por otras razones, no me casé, y ahora estoy solo. No me duele la soledad; bastante esfuerzo es tolerarse a uno mismo y a sus manías. Noto que estoy envejeciendo; un síntoma inequívoco es el hecho de que no me interesan o sorprenden las novedades, acaso porque advierto que nada esencialmente nuevo hay en ellas y que no pasan de ser tímidas variaciones. Cuando era joven, me atraían los atardeceres, los arrabales y la desdicha; ahora, las mañanas del centro y la serenidad. Ya no juego a ser Hamlet. Me he afiliado al partido conservador y a un club de ajedrez, que suelo frecuentar como espectador, a veces distraído. El curioso puede exhumar, en algún oscuro anaquel de la Biblioteca Nacional de la calle México, un ejemplar de mi Breve examen del idioma analítico de John Wilkins, obra que exigiría otra edición, siquiera para corregir o atenuar sus muchos errores. El nuevo director de la Biblioteca, me dicen, es un literato que se ha consagrado al estudio de las lenguas antiguas, como si las actuales no fueran suficientemente rudimentarias, y a la exaltación demagógica de un imaginario Buenos Aires de cuchilleros. Nunca he querido conocerlo. Yo arribé a esta ciudad en 1899 y una sola vez el azar me enfrentó con un cuchillero o con un sujeto que tenía fama de tal. Más adelante, si se presenta la ocasión, contaré el episodio.

Jorge Luis Borges, « El congreso »

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Marie G. nous propose sa traduction :

Mon nom est Alejandro Ferri. Des échos guerriers résonnent en lui mais ni les métaux de la gloire ni la grande ombre du macédonien – la phrase est de l'auteur des Marmoles, dont l'amitié m'honore- ne ressemblent au modeste homme gris qui improvise ces lignes, dans une chambre à l'étage d'un hôtel de la rue Santiago del Estero, dans un Sud qui n'est plus le Sud. Dans peu de temps, j'aurai fêté soixante-dix ans et des brouettes ; je continue de donner des cours d'anglais à quelques élèves. Par indécision ou par négligence ou pour d'autres raisons, je ne me suis pas marié, et maintenant je suis seul. Je ne souffre de la solitude; se supporter soi-même avec ses manies nécessitent déjà assez d'efforts. Je remarque que je suis en train de vieillir; le fait que les nouveautés ne m'intéressent pas ni ne me surprennent en est un symptôme manifeste, peut-être parce que je constate qu' elles n'ont rien d'essentiellement nouveau et qu'elles passent pour n'être que de timides variations. Quand j'étais jeune, j'étais attiré par les couchers de soleil, les faubourgs et le malheur; à présent, je le suis par les matins et le calme. Je ne joue plus à être Hamlet. Je me suis inscrit au parti conservateur et dans un club d'échecs, auquel je me rends souvent en tant que spectateur, parfois distrait. Le curieux peut exhumer, sur une certaine étagère sombre de la Bibliothèque Nationale de la rue México, un exemplaire de mon Bref examen de la langue analytique de John Wilkins, ouvrage qui exigerait une autre édition, rien que pour corriger ou atténuer ses nombreuses erreurs. Le nouveau directeur de la Bibliothèque, on me dit, est un homme de lettres qui s'est consacré à l'étude des langues anciennes, comme si les langues actuelles n'étaient pas suffisamment rudimentaires, et à l'exaltation démagogique d'un Buenos Aires imaginaire des bandits aux couteaux. Je n'ai jamais désiré le connaître. Je suis arrivé dans cette ville en 1899, et une fois seulement, le hasard me confronta avec un bandit au couteau ou avec un individu qui en avait la réputation. Plus tard, si j'en ai l'occasion, je raconterai cet épisode.

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