dimanche 16 mai 2010

Votre version de la semaine

En photo : rosa_montero, par valmon

Soy mujer y escribo. Soy plebeya y sé leer. Nací sierva y soy libre. He visto en mi vida cosas maravillosas. He hecho en mi vida cosas maravillosas. Durante algún tiempo, el mundo fue un milagro. Luego regresó la oscu­ridad. La pluma tiembla entre mis dedos cada vez que el ariete embiste contra la puerta. Un sólido portón de me­tal y madera que no tardará en hacerse trizas. Pesados y sudados hombres de hierro se amontonan en la entrada. Vienen a por nosotras. Las Buenas Mujeres rezan. Yo es­cribo. Es mi mayor victoria, mi conquista, el don del que me siento más orgullosa; y aunque las palabras están sien­do devoradas por el gran silencio, hoy constituyen mi única arma. La tinta retiembla en el tintero con los gol­pes, también ella asustada. Su superficie se riza como la de un pequeño lago tenebroso. Pero luego se aquieta extra­ñamente. Levanto la cabeza esperando un envite que no llega. El ariete ha parado. Las Perfectas también han dete­nido el zumbido de sus oraciones. ¿Acaso han logrado ac­ceder al castillo los cruzados? Me creía preparada para este momento pero no lo estoy: la sangre se me esconde en las venas más hondas. Palidezco, toda yo entumecida por los fríos del miedo. Pero no, no han entrado: hubiéramos oí­do el estruendo de la puerta al desgajarse, el derrumbe de los sacos de arena con que la reforzamos, los pasos presu­rosos de los depredadores al subir la escalera. Las Buenas Mujeres escuchan. Yo también. Tintinean los hombres de hierro bajo las troneras de nuestra fortaleza. Se retiran. Sí, se están retirando. Al sol le falta muy poco para ocultarse y deben de preferir celebrar su victoria a la luz del día. No necesitan apresurarse: nosotras no podemos escapar y no existe nadie que pueda ayudarnos. Dios nos ha concedido una noche más. Una larga noche. Tengo todas las velas de la despensa a mi disposición, puesto que ya no las va­mos a necesitar. Enciendo una, enciendo tres, enciendo cinco. El cuarto se ilumina con hermosos resplandores de palacio. ¡Y pensar que nos hemos pasado todo el invierno a oscuras para no gastarlas! Las Buenas Mujeres vuelven a bisbisear sus Padrenuestros. Yo mojo la pluma en la tinta quieta. Me tiembla tanto la mano que desencadeno una marejada.

Rosa Montero, Historia del rey transparente

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Laëtitia nous propose sa traduction :

Je suis une femme et j’écris. Je suis plébéienne et je sais lire. Je suis née serve, à présent je suis libre. Dans ma vie j’ai vu des choses merveilleuses. Dans ma vie j’ai fait des choses merveilleuses. Pendant un certain temps, le monde a été un miracle. Puis l’obscurité est revenue. La plume tremble entre mes doigts chaque fois que le bélier charge la porte. Une grande porte solide en métal et en bois qui ne tardera pas à éclater en morceaux. Des hommes de fer, lourds et suants, s’accumulent dans l’entrée. Ils viennent pour nous. Les Femmes Pieuses prient. Moi j’écris. C’est ma plus grande victoire, ma conquête, le don dont je me sens le plus fière ; et bien que les mots soient dévorés par le grand silence, aujourd’hui ils constituent ma seule arme. L’encre trémule dans l’encrier avec les coups, elle aussi a peur. Sa surface se moutonne comme celle d’un petit lac ténébreux. Mais ensuite elle se calme étrangement. Je relève la tête en attendant une secousse qui ne vient pas. Le bélier s’est arrêté. Les Parfaites ont elles aussi interrompu le bourdonnement de leurs oraisons. Peut-être les croisés sont-ils parvenus à accéder au château ? Je me croyais préparée pour ce moment mais je ne le suis pas : mon sang se cache dans mes veines les plus profondes. Je palis, toute engourdie que je suis par les froids de la peur. Mais non, ils ne sont pas entrés : nous aurions entendu le vacarme de la porte qu’on arrache, l’écroulement des sacs de sable avec lesquels nous la renforçons, les pas empressés des déprédateurs qui montent l’escalier. Les Femmes Pieuses écoutent. Moi aussi. Les hommes de fer tintent sous les meurtrières de notre forteresse. Ils se retirent. Oui, ils sont bien en train de se retirer. Il reste peu de temps avant que le soleil ne se cache et ils doivent préférer célébrer leur victoire à la lumière du jour. Ils n’ont pas besoin de se hâter : nous ne pouvons pas nous échapper et il n’existe personne qui puisse nous aider. Dieu nous a accordé une nuit de plus. Une longue nuit. J’ai toutes les bougies du cellier à ma disposition, puisque nous n’allons plus en avoir besoin. J’en allume une, j’en allume trois, j’en allume cinq. La pièce s’illumine avec de beaux éclats de palais. Et dire que nous avons passé tout l’hiver dans le noir pour ne pas les gaspiller ! Les Femmes Pieuses murmurent à nouveau leurs Notre Père. Moi, je mouille ma plume dans l’encre apaisée. Ma main tremble tellement que je déchaîne une houle.

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Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Je suis une femme et j’écris. Je suis plébéienne et je sais lire. Je suis née serve et je suis libre. J’ai vu dans ma vie des choses merveilleuses. J’ai fait dans ma vie des choses merveilleuses. Pendant un temps, le monde fut un miracle. Puis l’obscurité est revenue. Ma plume tremble entre mes doigts chaque fois que le bélier cogne contre la porte. Une grande porte solide de métal et de bois qui ne va pas tarder à voler en éclats. Des hommes de fer, lourds et suants, s’entassent à l’entrée. Ils viennent nous chercher. Les Bonnes Femmes prient. Moi, j’écris. C’est ma plus grande victoire, ma conquête, le don dont je me sens la plus fière ; et bien que les mots soient dévorés par le grand silence, ils constituent aujourd’hui ma seule arme. Sous les coups, l’encre tremble à nouveau dans l’encrier, effrayée elle aussi. Sa surface se plisse comme celle d’un petit lac ténébreux. Mais ensuite, elle se calme étrangement. Je lève la tête dans l’attente d’une poussée qui n’arrive pas. Les charges du bélier ont cessé. Les Parfaites aussi ont suspendu le bourdonnement de leurs prières. Les croisés ont-ils peut-être réussi à accéder au château ? Je croyais que j’étais préparée à ce moment mais je ne le suis pas : mon sang se tapit au plus profond de mes veines. Je pâlis, toute engourdie par le froid de la peur. Mais non, ils ne sont pas entrés : nous aurions entendu le fracas de la porte arrachée, la chute des sacs de sable avec lesquels nous la renforçons, les pas précipités des déprédateurs montant l’escalier. Les Bonnes Femmes écoutent. Moi aussi. Les hommes de fer tintent sous les créneaux de notre forteresse. Ils se retirent. Oui, ils sont en train de se retirer. Le soleil va très bientôt se cacher et ils doivent préférer célébrer leur victoire à la lumière du jour. Ils n’ont pas besoin de se hâter : nous ne pouvons pas nous échapper et il n’y a personne qui puisse nous aider. Dieu nous a accordé une nuit de plus. Une longue nuit. J’ai toutes les chandelles de la remise à ma disposition, puisque nous n’allons plus en avoir besoin. J’en allume une, j’en allume trois, j’en allume cinq. La pièce s’illumine avec de beaux reflets dignes d’un palais. Et dire que nous avons passé tout l’hiver dans l’obscurité pour ne pas les consumer ! Les Bonnes Femmes recommencent à murmurer leur Notre-père. Moi, je trempe ma plume dans l’encre calme. J’ai la main qui tremble tellement que je provoque une succession de vagues.

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Sonita nous propose sa traduction :

Je suis une femme et j’écris. Je suis une plébéienne et je lis. J’ai vu au cours de ma vie des choses merveilleuses. J’ai fait des choses merveilleuses dans ma vie. Pendant quelque temps le monde a été un miracle. Puis il est retourné à l’obscurité. Le stylo plume tremble entre mes doigts à chaque fois que le bélier charge la porte. Une solide grande porte faite de métal et de bois qui ne tardera pas à tomber en ruines. Des hommes en fer lourds et sués s’accumulent à l’entrée. Ils viennent nous chercher. Les Femmes Pieuses prient. Moi, j’écris. C’est ma plus grande victoire, ma conquête, le don dont je suis le plus fière ; et bien que les mots soient en train de se faire dévorer par le silence, ils sont aujourd’hui ma seule et unique arme. L’encre se met à nouveau à trembler avec les coups, lui aussi effrayé. Sa superficie ondule comme celle d’un lac ténébreux. Mais peu après elle se tranquillise bizarrement. Je lève la tête en attendant une invitation qui ne vient pas. Le bélier s’est arrêté. Les Parfaites ont elles aussi cessé le bourdonnement des leurs prières. Est-ce que les croisés sont parvenus à entrer dans le château ? Je croyais que j’étais prête quand ce moment arriverai, mais je ne le suis pas : mon sang se cache dans les veines les plus profondes. Je pâlis, tout mon corps engourdi par les froids de la peur. Mais non, ils ne sont pas entrés : on aurait entendu le vacarme de la porte au moment d’être arrachée, l’écroulement des sacs de sable avec lesquels nous l’avons renforcée, les pas rapides des prédateurs en train de monter les escaliers. Les Femmes Pieuses écoutent. Moi aussi. Les hommes en fer tintent sous les embrasures de notre forteresse. Ils se retirent. Oui, ils sont en train de se retirer. Le soleil ne va pas tarder à se cacher, et ils doivent préférer célébrer leur victoire à la lumière du jour. Ils n’ont pas besoin de se dépêcher : nous ne pouvons pas nous enfuir et il n’y a personne qui puisse nous aider. Dieu a accordé une nuit de plus. Une longue nuit. J’ai toutes les bougies du garde-manger à ma disposition, puisqu’on ne va plus en avoir besoin. J’en allume une, deux, trois, cinq. La chambre s’illumine avec de beaux éclats de palais. Et penser que nous avons passé tout l’hiver dans le noir pour ne pas les consommer ! Les Femmes Pieuses recommencent à murmurer leurs Notre Père. Moi, je trempe le stylo plume dans l’encre tranquille. Ma main tremble tellement que je déchaîne une houle.

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