dimanche 9 mai 2010

Votre version de la semaine

Volvió a la isla el viernes 16 de agosto en el transbordador de las dos de la tarde. Llevaba una camisa de cuadros escoceses, pantalones de vaquero, zapatos sencillos de tacón bajo y sin medias, una sombrilla de raso y, como único equipaje, un maletín de playa. En la fila de taxis del muelle fue directo a un modelo antiguo carcomido por el salitre. El chofer la recibió con un saludo de antiguo conocido y la llevó dando tumbos a través del pueblo indigente, con casas de bahareque y techos de palma, y calles de arenas blancas frente a un mar ardiente. Tuvo que hacer cabriolas para sortear los cerdos impávidos y a los niños desnudos, que lo burlaban con pases de toreros. Al final del pueblo se enfiló por una avenida de palmeras reales, donde estaban las playas y los hoteles de turismo, entre el mar abierto y una laguna interior poblada de garzas azules. Por fin se detuvo en el hotel más viejo y desmerecido.
El conserje la esperaba con las llaves de la única habitación del segundo piso que daba a la laguna. Subió las escaleras con cuatro zancadas y entró en el cuarto pobre con un fuerte olor de insecticida y casi ocupado por completo con la enorme cama matrimonial. Sacó del maletín un neceser de cabritilla y un libro intenso que puso en la mesa de noche con una página marcada por el cortapapeles de marfil. Sacó una camisola de dormir de seda rosada y la puso debajo de la almohada. Sacó una pañoleta de seda con estampados de pájaros ecuatoriales, una camisa blanca de manga corta y unos zapatos de tenis muy usados, y los llevó al baño con el neceser.
Antes de arreglarse se quitó la camisa escocesa, el anillo de casada y el reloj de hombre que usaba en el brazo derecho, y se hizo abluciones rápidas en la cara para lavarse el polvo del viaje y espantar el sueño de la siesta. Cuando acabó de secarse sopesó en el espejo sus senos redondos y altivos a pesar de sus dos partos, y ya en las vísperas de la tercera edad. Se estiró las mejillas hacia atrás con los cantos de las manos para verse como había sido de joven, y vio su propia máscara con los ojos chinos, la nariz aplastada, los labios intensos. Pasó por alto las primeras arrugas del cuello, que no tenían remedio, y se mostró los dientes perfectos y bien cepillados después del almuerzo en el transbordador. Se frotó con el pomo del desodorante las axilas recién afeitadas y se puso la camisa de algodón fresco con las iniciales A.M.B. bordadas a mano en el bolsillo. Se desenredó con el cepillo el cabello indio, largo hasta los hombros, y se hizo la cola de caballo con la pañoleta de pájaros. Para terminar, se suavizó los labios con el lápiz labial de vaselina simple, se humedeció los índices en la lengua para alisarse las cejas lineales, se dio un toque de su perfume amargo detrás de cada oreja y se enfrentó por fin al espejo con su rostro de madre otoñal. La piel, sin un rastro de cosméticos, se defendía con su color original, y los ojos de topacio no tenían edad en los oscuros párpados portugueses. Se trituró a fondo, se juzgó sin piedad y se encontró casi tan bien como se sentía. Sólo cuando se puso el anillo y el reloj se dio cuenta de su retraso: faltaban seis para las cinco. Pero se concedió un minuto de nostalgia para contemplar las garzas que planeaban inmóviles en el vapor ardiente de la laguna. Los nubarrones negros del lado del mar le aconsejaron la prudencia de llevar la sombrilla.

Gabriel García Márquez, En agosto nos vemos

***

Laëtitia Sw. nous propose sa traduction :

Elle retourna dans l’île le vendredi 16 août à bord du ferry de quatorze heures. Elle portait une chemise à carreaux écossais, un jean, des chaussures simples à talon bas, sans chaussettes, une ombrelle en satin, et elle avait pour tout bagage un sac de plage. Dans la file de taxis le long du quai, elle choisit directement un modèle ancien rongé par le salpêtre. Le chauffeur la salua comme si elle était une vieille connaissance et la conduisit, dans son véhicule cahotant, à travers le village indigent, composé de maisons aux murs en roseaux et en terre et aux toits de palme, et de rues au sable blanc face à une mer ardente. Il dut faire des embardées pour esquiver les cochons impavides et les enfants nus, qui le bravaient avec des passes de toreros. Au bout du village, il s’engagea dans une avenue de palmiers royaux, où se trouvaient les plages et les hôtels de tourisme, entre la mer ouverte et une lagune intérieure peuplée de hérons bleus. Enfin, il s’arrêta devant l’hôtel le plus vieux et le plus médiocre.
Le portier l’attendait avec les clefs de l’unique chambre du second étage qui donnait sur la lagune. Elle monta les escaliers en quatre enjambées et entra dans la modeste chambre à la forte odeur d’insecticide et presque totalement occupée par l’énorme lit deux places. Elle sortit de son sac un nécessaire de toilette en chevreau et un livre intense qu’elle posa sur la table de nuit et dont elle avait marqué une page avec son coupe-papier en ivoire. Elle sortit une chemise de nuit en soie rose qu’elle mit sous le traversin. Elle sortit un fichu en soie imprimé d’oiseaux équatoriaux, une chemise blanche à manches courtes et des baskets très usées, puis elle porta le tout à la salle de bains avec son nécessaire.
Avant de se préparer, elle ôta sa chemise écossaise, son alliance et la montre d’homme qu’elle portait au bras droit, puis elle fit quelques ablutions rapides pour nettoyer son visage de la poussière du voyage et dissiper le sommeil de la sieste. Après s’être séchée, elle soupesa, devant la glace, ses seins ronds et altiers malgré ses deux grossesses et bien qu’elle fût à la veille du troisième âge. Elle s’étira les joues en arrière avec le dos des mains pour se voir telle qu’elle avait été dans sa jeunesse, et elle considéra son propre masque aux yeux bridés, au nez camus, aux lèvres intenses. Elle passa outre les premières rides de son cou, pour lesquelles il n’y avait rien à faire, et elle découvrit ses dents parfaites et bien brossées après le déjeuner sur le ferry. Elle frotta avec le roller du déodorant ses aisselles récemment rasées et elle enfila sa chemise en coton frais, aux initiales A.M.B. brodées à la main sur la poche. Elle démêla avec sa brosse ses cheveux d’indienne, longs jusqu’aux épaules, et elle se fit une queue de cheval avec le fichu aux oiseaux. Pour finir, elle adoucit ses lèvres avec un simple baume de vaseline, elle humecta ses index sur sa langue pour se lisser les sourcils bien droit, elle se vaporisa une touche de son parfum amer derrière chaque oreille et elle affronta enfin le miroir, arborant son visage de mère automnale. Sa peau, sans une once de maquillage, se défendait avec sa couleur originelle, et ses yeux de topaze n’avaient pas d’âge sous ses obscures paupières portugaises. Elle s’examina minutieusement, se jugea sans pitié et se trouva aussi bien qu’elle se sentait, ou presque. Ce n’est qu’en mettant son alliance et sa montre qu’elle se rendit compte de son retard : il ne restait plus que six minutes avant dix-sept heures. Cependant, elle s’octroya une minute de nostalgie pour contempler les hérons qui planaient, immobiles, dans la vapeur ardente de la lagune. Les gros nuages noirs du côté de la mer l’incitèrent à la prudence et elle emporta son ombrelle.

***

Laëtitia nous propose sa traduction :

Elle revint dans l’île le vendredi 16 août par le ferry de deux heures de l’après-midi. Elle portait une chemise à carreaux écossais, un jean, des chaussures simples à talons plats et sans chaussettes, son parapluie en satin et, comme seul bagage, une petite valise de plage. Dans la file de taxis du quai, elle se dirigea droit vers un modèle ancien rongé par le salpêtre. Le chauffeur la reçut avec un salut de vieille connaissance et l’amena en avançant à grand peine à travers le village indigent, ses maisons en torchis et leurs toits en branche de palmier, et ses rues de sable blanc face à une mer ardente. Il dut faire des cabrioles pour éviter les porcs impassibles et les enfants nus qui se moquaient de lui en faisant des passes de torero. Au bout du village il enfila une avenue de palmiers royaux, où se trouvaient les plages et les hôtels de tourisme, entre la mer ouverte et une lagune intérieure peuplée de hérons bleus. Enfin il s’arrêta devant l’hôtel le plus vieux et défraîchi.
Le concierge l’attendait avec les clés de la seule chambre du deuxième étage qui donnait sur la lagune. Elle gravit les escaliers en quatre enjambées et entra dans la pièce misérable baignée dans une forte odeur d’insecticide et presque entièrement occupée par l’énorme lit deux places. Elle sortit de la petite valise un nécessaire de toilette en chevreau et un livre intense qu’elle posa sur la table de chevet avec une page marquée par le coupe-papier en marbre. Elle sortit la chemise de nuit de soie rose et la mit sous l’oreiller. Elle sortit un fichu de soie avec des imprimés d’oiseaux équatoriaux, une chemise blanche à manches courtes et des chaussures de tennis très usées, et elle les apporta à la salle de bain avec le nécessaire.
Avant de faire sa toilette, elle enleva sa chemise écossaise, son alliance et sa montre d’homme qu’elle portait au bras droit, et se fit des ablutions rapides sur le visage pour se débarrasser de la poussière du voyage et chasser le sommeil de la sieste. Quand elle eut terminé de se sécher, elle soupesa devant le miroir ses seins ronds et altiers malgré ses deux accouchements, et étant déjà à l’aube du troisième âge. Elle s’étira les joues vers l’arrière avec le tranchant des mains pour se voir comme elle avait été jeune, et elle vit son propre masque avec ses yeux bridés, son nez aplati, ses lèvres intenses. Elle passa outre les premières rides du cou, contre lesquelles elle ne pouvait rien, et se montra les dents parfaites et bien brossées après le déjeuner dans le ferry. Elle se frotta les aisselles rasées de frais avec le pommeau du déodorant et mit la chemise en coton léger avec les initiales A.M.B. brodées à la main dans la poche. Elle démêla avec la brosse ses cheveux indiens, longs jusqu’aux épaules, et elle se fit une queue de cheval avec le fichu aux oiseaux. Pour finir, elle s’enduisit les lèvres avec le bâton de vaseline simple, elle s’humidifia les index sur la langue pour lisser ses sourcils alignés, elle s’aspergea de son parfum amer derrière chaque oreille et elle affronta enfin le miroir avec son visage de mère automnale. Sa peau, sans une trace de cosmétiques, se défendait avec sa couleur originale, et ses yeux de topaze n’avaient pas d’âge dans ses sombres paupières portugaises. Elle se tritura à fond, se jugea sans pitié et se trouva presque aussi bien qu’elle se sentait. Ce ne fut que lorsqu’elle mit son alliance et sa montre qu’elle se rendit compte de son retard : il était cinq heures moins six. Mais elle s’accorda une minute de nostalgie pour contempler les hérons qui planaient immobiles dans la vapeur ardente de la lagune. Les gros nuages du côté de la mer lui conseillèrent la prudence d’emporter le parapluie.

***

Sonita nous propose sa traduction :

Elle retourna dans l’île le vendredi 16 août sur le ferry de quatorze heures. Elle portait une chemise à carreaux écossaise, un jean, des chaussures simples, sans talons et pas de chaussettes, une ombrelle en soie, et, comme unique bagage, un sac. Dans la file de taxis sur le quai, elle alla directement vers un modèle ancien rongé par le salpêtre. Le conducteur la salua comme si elle était une vieille connaissance et l’emmena cahin caha à travers le village indigent, avec des maisons en barahequei aux toits de palme, et des rues de sable blanc en face d’une mer ardente. Il a dû faire des cabrioles pour éviter les cochons impavides et les enfants à poil, qui se moquaient de lui avec des passes de torero. En arrivant au bout du village il prit la direction d’une avenue avec des palmiers royaux où se trouvaient les plages et les hôtels de tourisme, situés entre la mer ouverte et une lagune intérieure peuplée de hérons bleus. Enfin, il s’arrêta devant l’hôtel le plus vieux et de moins mérite.
Le concierge l’attendait avec les clés de la seule chambre qui avait une vue sur la lagune.
Elle monta les escaliers en quatre enjambées et entra dans la chambre pauvre qui sentait très fort l’insecticide et qui était presque complètement occupée par l’énorme lit matrimonial. Elle sortit du sac le nécessaire pour la toilette et un livre intense qu’elle mit sur la table de nuit avec une page marquée par le coupe-papier en ivoire. Elle sortit une nuisette en soie rosée et la mit sous l’oreiller. Elle sortit un fichu en soie imprimé d’oiseaux équatoriaux, une chemise blanche à manches courtes et des baskets très usées, et les apporta dans la salle de bains avec le nécessaire pour la toilette. Avant de se préparer, elle enleva la chemise écossaise, l’alliance de mariage et la montre d’homme qu’elle portait au poignet droit et elle se passa rapidement de l’eau sur le visage pour enlever la poussière du voyage et chasser le sommeil. Quand elle finit de se sécher elle soupesa dans le miroir ses seins ronds et altiers malgré ses deux grossesses, et à la veille du troisième âge. Elle tira ses pommettes en arrière avec le coin des mains pour avoir le même visage qu’elle avait eu étant plus jeune, et elle vit son propre masque avec les yeux bridés, le nez aplati et les lèvres intenses. Elle passa sous silence les rides du cou, qui n’avaient plus de solution, et montra sa dentition parfaite et bien brossée après le déjeuner sur le ferry. Elle se frotta avec le pommeau du déodorisant les aisselles fraîchement rasées et enfila la chemise en coton frais avec les initiales A.M.B. brodées sur la poche. Elle démêla les cheveux indiens avec la brosse, qu’elle avait longs jusqu’aux épaules, et se fit une queue de cheval avec le fichu aux oiseaux. Pour terminer, elle adoucit ses lèvres avec le crayon labial de vaseline simple, humecta les index avec la langue pour se lisser les sourcils linéaires, mit un soupçon de son parfum amer derrière chaque lobe de l’oreille et confronta enfin son visage de mère automnale au miroir. La peau sans aucune trace de cosmétiques se défendait avec sa couleur originale, et les yeux de topaze n’avaient pas d’âge sous les sombres paupières portugaises. Elle se broya à fond, se jugea sans pitié et se trouva presque aussi bien qu’elle se sentait. Ce n’est que quand elle se mit la bague et la montre qu’elle se rendit compte de son retard : dans six minutes il serait cinq heures. Cependant, elle s’autorisa une minute de nostalgie pour contempler les hérons qui planaient immobiles dans la vapeur ardente de la lagune. Les gros nuages noirs du côté de la mer lui conseillèrent la prudence d’emporter son ombrelle.

Aucun commentaire: