lundi 13 janvier 2014

Exercice d'écriture 10 – par Sarah

« À l’orée du bois »

Dans la commune de Belchen, le petit Jakob jouait dans la cour de la ferme de ses parents avec son ami Peter. En rentrant de l’école, sa mère leur avait préparé un chocolat chaud, puis ils étaient partis à la recherche de branches assez épaisses pour y sculpter des épées et devenir de vaillants chevaliers. Les adultes expliquaient aux enfants qu’à quelques kilomètres au nord du village se trouvait la Zauberwald, "la forêt enchantée", et que celle-ci était gardée par un vieillard sanguinaire, habitant une cabane à l’orée du bois. D’aucuns racontaient qu’il jetait un sort aux visiteurs, d’autres qu’il les tuait de ses propres mains. Quoi qu’il en soit, ceux qui s’y étaient aventurés n’en étaient jamais revenus. Les enfants de Belchen faisaient d’horribles cauchemars, où l’ancien apparaissait comme un être hybride, mi-homme, mi-monstre, qui torturait ses victimes dans une cave jusqu’à ce qu’elles agonisent, ou les transformait en grenouille, fourmis ou escargot, les privant à jamais de leurs proches. Jakob et Peter, eux, n’étaient pas de ceux qui se laissent impressionner. En tant que chevaliers, ils se devaient de partir combattre un mal qui mettait en péril le bien être des habitants du village. En possession de leurs épées et de boucliers découpés dans le bois d’une vieille armoire que le père de Peter avait remisé à la cave, ils partiraient au crépuscule affronter le gardien de cette forêt mystérieuse, une fois que tout le monde au village dormirait.
Le soir venu, nos deux aventuriers se mirent en chemin, prenant bien garde à ne réveiller personne, de peur qu’on les empêche d’accomplir leur mission. Trouver la forêt était un jeu d’enfants car il leur suffisait de suivre les écriteaux portant les inscriptions "Danger" et "Forêt hantée". Ils marchèrent environ une demi-heure avant d’apercevoir une lumière à l’horizon, celle d’une maison égarée, au milieu de nulle part. Aucun doute possible, il s’agissait bien de delle dont on leur avait tant parlé. Ils marchèrent donc en direction de la lumière et au bout d’un quart d’heure, ils étaient arrivés à destination. Ils se cachèrent derrière un fourré pour observer ce qu’il se passait derrière les vitres du cabanon. Celles-ci étaient malheureusement embuées et ne laissaient discerner qu’une silhouette à l’intérieur. Ils devaient donc s’avancer un peu plus pour tenter d’en apprendre plus sur cet étrange personnage que tout le monde au village redoutait. Ils s’approchèrent sans faire de bruit mais se rendirent compte trop tard de l’erreur qu’ils avaient commise : sur le pas de la porte, un chien gardait la maison de son maître. Il se mit subitement à aboyer contre Jakob et Peter, qui restèrent paralysés par la peur, ne sachant que faire. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le vieux, alerté par le bruit, sortit voir ce qu’il se passait car cela faisait des années qu’on ne lui rendait pas visite. Les deux enfants, d’abord terrifiés, se calmèrent rapidement lorsqu’ils le virent apparaître sur le seuil, car il ne correspondait en rien à la description que leurs parents leur en avait fait.
Il n’avait pas une barbe et des cheveux longs de plusieurs années, n’était pas vêtu de peaux de bêtes, comme ce qu’on leur avait laissé imaginer. C’était un petit homme à l’allure bienveillante. Lorsqu’il aperçut ses visiteurs, il sourit et déclara : « Deux petits nouveaux de Belchen ! Il y avait bien longtemps que personne n’était venu me voir… Entrez, n’ayez pas peur, je ne vais pas vous manger ! J’ai d’ailleurs un peu de ragoût, vous devez être affamés ! » Jakob et Peter, d’abord interloqués, le suivirent à l’intérieur. À la vue du ragoût, il n’était plus du tout question de se méfier de leur hôte. Ils se mirent à table sans dire mot, dévorèrent le contenu de leur assiette sans laisser la moindre miette, et ce n’est qu’après avoir fini leur assiette qu’ils se décidèrent à parler. Jakob se risqua à demander :
— Comment se fait-il qu’on raconte tant de choses sur vous au village ?
— L’ignorance, mon garçon –répondit l’homme. Les gens qui parlent de moi ainsi ne me connaissent pas. De temps à autre, des curieux comme vous viennent me voir, croyant trouver une bête maléfique, certains sont même déçus quand ils comprennent que je ne suis pas celui qu’ils cherchaient.
— Mais pourquoi dit-on que les gens qui partent en direction de la forêt ne reviennent jamais ? questionna Peter, à son tour.
— Certainement parce que personne n’a jamais vu quelqu’un en partir ! Les légendes naissent du néant, mes enfants. Je suis un homme âgé maintenant, et j’ai toujours vécu ici. Avant moi, il y avait mon père qui m’a élevé seul car ma mère est morte quand j’étais petit. Les gens ont certainement trouvé suspect qu’un homme vive avec son enfant à l’écart du village, c’est pour ça qu’ils se sont mis à raconter des histoires sur nous. J’ai bien peur de vous décevoir avec cette version des faits, mais c’est malheureusement la triste vérité.

Jakob et Peter poursuivirent leur conversation avec le vieil homme jusqu’à une heure avancée de la nuit, puis ce dernier les persuada de ne repartir que le lendemain matin à l’aube. Ils passèrent donc la nuit à l’orée de cette forêt enchantée, sans que rien de surnaturel ne vienne troubler leur sommeil. Le lendemain, au lever du soleil, les deux amis promirent au vieil homme de revenir lui tenir compagnie, et prirent le chemin du retour pour être chez eux avant que personne ne s’aperçoive de leur absence. En rangeant son épée et son bouclier sous son lit, Jakob eut un petit regret : celui de ne pas avoir combattu le gardien sanguinaire de la forêt magique. Mais le monde est plein de lieux hantés et d’êtres maléfiques, alors il se dit en lui-même que les occasions ne manqueraient pas et qu’elles sauraient se présenter bien assez tôt.

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