jeudi 26 novembre 2009

Exercice de version, 9

Bastará decir que soy Juan Pablo Castel, el pintor que mató a María Iribarne; supongo que el proceso está en el recuerdo de todos y que no se necesitan mayores explicaciones sobre mi persona.
Aunque ni el diablo sabe qué es lo que ha de recordar la gente, ni por qué. En realidad, siempre he pensado que no hay memoria colectiva, lo que quizá sea una forma de defensa de la especie humana. La frase "todo tiempo pasado fue mejor" no indica que antes sucedieran menos cosas malas, sino que —felizmente— la gente las echa en el olvido. Desde luego, semejante frase no tiene validez universal; yo, por ejemplo, me caracterizo por recordar preferentemente los hechos malos y, así, casi podría decir que "todo tiempo pasado fue peor", si no fuera porque el presente me parece tan horrible como el pasado; recuerdo tantas calamidades, tantos rostros cínicos y crueles, tantas malas acciones, que la memoria es para mí como la temerosa luz que alumbra un sórdido museo de la vergüenza. ¡Cuántas veces he quedado aplastado durante horas, en un rincón oscuro del taller, después de leer una noticia en la sección policial!. Pero la verdad es que no siempre lo más vergonzoso de la raza humana aparece allí; hasta cierto punto, los criminales son gente más limpia, más inofensiva; esta afirmación no la hago porque yo mismo haya matado a un ser humano: es una honesta y profunda convicción. ¿Un individuo es pernicioso?. Pues se lo liquida y se acabó. Eso es lo que yo llamo una buena acción. Piensen cuánto peor es para la sociedad que ese individuo siga destilando su veneno y que en vez de eliminarlo se quiera contrarrestar su acción recurriendo a anónimos, maledicencia y otras bajezas semejantes. En lo que a mí se refiere, debo confesar que ahora lamento no haber aprovechado mejor el tiempo de mi libertad, liquidando a seis o siete tipos que conozco.
Que el mundo es horrible, es una verdad que no necesita demostración. Bastaría un hecho para probarlo, en todo caso: en un campo de concentración un ex pianista se quejó de hambre y entonces lo obligaron a comerse una rata, pero viva.
No es de eso, sin embargo, de lo que quiero hablar ahora; ya diré más adelante, si hay ocasión, algo más sobre este asunto de la rata.

Ernesto Sábato, El túnel

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La traduction que je vous propose :

Il suffira de dire que je m'appelle Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué María Iribarne ; j'imagine que le procès est encore dans toutes les têtes et que vous n'avez pas besoin de plus de précisions sur mon compte. Bien que le diable lui-même ignore ce dont les gens vont se souvenir ou non, ni pour quelles raisons. En réalité, j'ai toujours pensé qu'il n'y a pas de mémoire collective ; ce qui est d'ailleurs peut-être une façon pour l'espèce humaine de se protéger elle-même. La phrase « avant, c'était mieux » ne signifie pas qu'auparavant, il se passait effectivement des choses moins mauvaises, mais que – et heureusement –, ces choses mauvaises, les gens les ont laissées dans l'oubli. Il va de soi qu'une telle phrase n'a pas valeur universelle ; moi, par exemple, j'ai ceci de particulier que ce sont justement elles dont je me rappelle en priorité, à tel point qu'inversement, je pourrais dire « avant, c'était pire », si le présent ne me paraissait pas aussi horrible que le passé ; je me souviens de tant de désastres, de tant de visages cyniques et cruels, de tant de noires actions, que la mémoire est pour moi comme la lumière ténébreuse qui éclaire un sordide musée de la honte. Combien de fois suis-je resté accablé pendant des heures, dans un coin sombre de mon atelier, après avoir lu un fait divers dans la rubrique policière. Et pourtant, la réalité est que ça n'est pas toujours le plus infamant de l'humanité que l'on y trouve ; dans une certaine mesure, les criminels sont des gens plus propres, plus inoffensifs – affirmation que je ne fais pas parce que j'ai moi-même tué un être humain. Non, il s'agit d'une conviction à la fois honnête et profonde. Un individu est pernicieux ? Qu'à cela ne tienne, on le liquide et c'est réglé ! Voilà ce que moi, j'appelle une bonne action. Réfléchissez un peu : n'est-il pas bien pire pour la société que cet individu continue d'instiller son venin et que, au lieu de l'éliminer, on s'en tienne à essayer de contrecarrer son action par le biais de lettres anonymes, de la médisance ou qui sait encore de quelles autres bassesses de ce genre ? Pour ce qui me concerne, je dois avouer qu'aujourd'hui, je regrette de ne pas avoir davantage mis à profit le temps où j'étais libre, notamment en liquidant six ou sept types de ma connaissance. Le monde est horrible ? Allons donc, il s'agit là d'une vérité qu'il n'est pas nécessaire de démontrer. Rien qu'un exemple suffirait pour le prouver : dans un camp de concentration, un ancien pianiste qui avait eu le malheur de se plaindre de la faim se vit contraint de manger un rat, un rat vivant. Et cependant, ce n'est pas de cela dont je veux parler maintenant ; si l'occasion se présente, je dirai encore un mot ou deux sur cette histoire de rat, plus tard.


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Auréba nous propose sa traduction :

Ce doit être suffisant de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué María Iribarne; je suppose que le procès est dans la mémoire de tous et que de plus amples explications sur ma personne ne sont pas nécessaires.
Même si le diable lui-même ne sait pas de quoi doivent se souvenir les gens, ni pourquoi. En réalité, j’ai toujours pensé qu’il n’y a pas de mémoire collective, ce qui constitue peut-être une forme de défense de l’espèce humaine. La phrase «Tout temps passé fut meilleur» n’indique pas qu’avant moins de mauvaises choses se soient passées, sinon que, _ heureusement_ les gens les jettent aux oubliettes. Évidemment, une telle phrase n’a pas de validité universelle; moi, par exemple, je me caractérise par le fait que je me souvienne de préférence des mauvais faits et, ainsi, je pourrais presque dire que «tout temps passé fut pire», si ce n’était que le présent me semble aussi horrible que le passé; je me souviens de tant de calamités, de tant de visages cyniques et cruels, de tant de mauvaises actions, que la mémoire est pour moi comme la lumière craintive qui éclaire un sordide musée de la honte. Combien de fois suis-je resté, décontenancé, dans un coin sombre de l’atelier, après avoir lu une nouvelle dans la chronique policière. Mais la vérité c’est que ce qu’il y a de plus honteux chez la race humaine n’y apparait pas toujours, jusqu’à un certain point, les criminels sont des gens plus propres, plus inoffensifs; cette affirmation, je ne la fais pas pour avoir moi même tué un être humain; c’est une honnête et profonde conviction. Un individu est pernicieux? Eh bien on le liquide et c´est terminé. Ça c’est ce que moi j’appelle une bonne action. Pensez donc combien il est pire pour la société que cet individu continue à distiller son poison et qu´au lieu de l’éliminer l’on veuille faire obstacle à son action en ayant recours à des anonymes, médisance et autres bassesses semblables. En ce qui me concerne, je dois avouer que maintenant je regrette de n’avoir pas mieux profité du temps de ma liberté, en liquidant six ou sept types que je connais.
Que le monde est horrible, c’est une vérité qui ne mérite pas de démonstration. Il suffirait d’un fait pour le prouver, en tout cas: dans un camp de concentration un ancien pianiste s’est plaint d’avoir faim et alors on l’a obligé à manger un rat tout entier, mais vivant.
Ce n’est pas de ça, par contre, dont je veux vous parler maintenant; je vous dirai plus loin, si l’occasion se présente, autre chose sur cette affaire du rat.

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Sonita nous propose sa traduction :

Il suffira de dire que je suis Juan Pablo Castel, le peintre qui a tué María Iribarne ; je suppose que le procès est dans la mémoire de chacun et qu’il n’y a nul besoin de plus d’explications sur qui je suis.
Bien que ni le diable sache ce dont les gens se souviennent, ni pourquoi. En réalité, j’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas de mémoire collective, ce qui est peut-être une forme de défense de l’espèce humaine. La phrase « le passé a été meilleur » ne signifie pas qu’avant il y eut moins de choses mauvaises qui sont arrivées, mais plutôt – et heureusement – que les gens les laissent tomber dans l’oubli. Par conséquent, une telle phrase n’a pas de validité universelle ; moi, par exemple, je me définis de préférence comme une personne qui se souvient des faits mauvais, et, ainsi, je pourrais presque dire que « le passé a été pire », si ce n’était que le présent me semble aussi horrible que le passé, je me souviens de tant de calamités, de visages cyniques et cruels, de tant de mauvaises actions, que la mémoire est pour moi comme une lumière effrayante qui allume un musée de la honte sordide. Combien de fois suis-je resté abasourdi pendant des heures, dans un coin de l’atelier, après avoir lu un fait divers dans la rubrique policière ! Mais la vérité est que le plus honteux de la race humaine n’apparaît pas toujours dans cette rubrique ; jusqu’à un certain point, les criminels ce sont des gens plus propres, plus inoffensifs ; je n’affirme pas cela parce que j’ai moi-même tué un être humain : c’est une honnête et profonde conviction. Un individu est pernicieux ? Et bien on le liquide et c’en est fini. Ça c’est ce que j’appelle une bonne action. Pensez à quel point c’est pire pour la société que cet individu continue de distiller son venin et qu’au lieu de l’éliminer on veuille contrecarrer ses actions en ayant recours à des anonymes, à la médisance et autres bassesses semblables. En ce qui me concerne, je regrette de ne pas avoir mieux profité de mon temps de liberté, en liquidant six ou sept gars que je connais. Que le monde est horrible, c’est une vérité qui n’a pas besoin de démonstration. Il suffirait d’un fait pour le prouver, en tout état de cause : dans un camp de concentration un ex-pianiste se plaignit d’avoir faim et on l’obligea à manger un rat, mais vivant. Il ne s’agit pas de cela, cependant, dont je veux parler maintenant, j’en dirai un peu plus tard, si l’occasion se présente, d’avantage sur ce rat.

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