Pour ceux et celles qui prennent le navire tradabordien en marche, je rappelle que j'avais demandé aux apprenties et leurs amis « volontaires » d'écrire quelques lignes pour décrire une pomme, histoire « d'assouplir leur plume »…, selon la formule en vogue sur notre blog.
Voici le résultat de leur travail :
La pomme d'Émeline :
Elle n’était pas brillante et commençait à ternir. Il aurait suffit de la frotter un peu pour qu’elle retrouve un semblant d’aspect lisse malgré les quelques rides qui commençaient à se former. Même si elle était colorée de vert et de rouge, des tâches brunes s’étaient invitées. On aurait pu la croire croquante et juteuse, que sa chair exploserait en un millier de petites gouttes sucrées sur le palais, mais en la regardant de plus près, on voyait bien qu’elle serait âpre et granuleuse, laissant sûrement un goût acidulé après avoir voulu en déguster un tout petit quartier. Finalement, il suffisait d’en arracher la queue, d‘en extraire le trognon, d’y fourrer un pruneau, de la saupoudrer d’un peu de sucre et de la glisser dans le four. On pouvait allégrement l’observer en train de s’avachir, sa peau se friper, sa chair se ramollir alors que le sucre pétillait sur sa peau qui resterait juste ferme. La bonne odeur qui se dégageait de ces ruptures physico-chimiques annonçait un bon goût, doux et sucré, qui fondrait sur la langue, mêlé au cœur à la saveur de la prune.
La pomme d'Amélie :
Une forme singulière, ni tout à fait ronde, ni tout à fait ovale. Une couleur tout aussi particulière, oscillant entre teintes rouges, orange et jaunes, lumière d’automne dans la corbeille. Une odeur fruitée, témoin de longs mois passés à mûrir dans l’immense verger. Sur le dessus, un trou étroit– vestige laissé par un ver affamé – a échappé à l’œil vigilant du cueilleur, probablement éreinté par sa dure journée de labeur. Quelques petites taches brunes de-ci de-là révèlent une manutention peu soigneuse par manque de temps ou d’attention. Des marques en arc de cercle, difficilement visibles, traces d’ongles de certains clients peu respectueux qui pressent les fruits avant de décider de les reposer. Une peau rendue brillante par la main de mon grand-père qui la nettoie amoureusement. Une chair blanche et juteuse où l’on devine le dessin de mes dents, qui viennent de croquer dedans.
Une pomme, rien qu’une pomme.
La pomme de Sonita :
Elle était là. Un peu à l’écart, certainement intimidée par la situation.
Majestueuse, toute de rouge vêtue, elle attire tous les regards. Certains se voient d’abord la dévêtir pour ensuite se délecter de son exquise saveur. Moi, en revanche, c’est dans sa robe que je rêve de la faire mienne. Son toucher infiniment délicat et sa rondeur appétissante en font une merveille pour les sens.
Un instant, elle retourne dans le passé. Du temps où elle se balançait doucement de l’arbre qui l’avait vue venir au monde, qui l’avait vue frissonner quand le vent soufflait du nord. Elle avait grandi et mûri à l’abri de ses feuilles caressantes et de ses rames qui lui avaient offert la protection d’une mère. Elle était devenue de plus en plus belle au fil des levers de soleil et, un jour, le temps vint de partir vers l’occident.
Elle était là. Elle attendait sa destinée, sa raison d’être.
Son rouge éclatant, légèrement parsemé de minuscules points blancs, seulement visibles en y regardant de très près, était sa fierté et faisait saliver plus d’un.
Quand je l’ai choisie, ou peut-être que c’est elle qui m’a choisi, j’ai su qu’elle enivrerait mes papilles de son goût sucré si longtemps privées de ce délicieux nectar fuji1.
1- Variété de pomme originaire du Japon.
Voici le résultat de leur travail :
La pomme d'Émeline :
Elle n’était pas brillante et commençait à ternir. Il aurait suffit de la frotter un peu pour qu’elle retrouve un semblant d’aspect lisse malgré les quelques rides qui commençaient à se former. Même si elle était colorée de vert et de rouge, des tâches brunes s’étaient invitées. On aurait pu la croire croquante et juteuse, que sa chair exploserait en un millier de petites gouttes sucrées sur le palais, mais en la regardant de plus près, on voyait bien qu’elle serait âpre et granuleuse, laissant sûrement un goût acidulé après avoir voulu en déguster un tout petit quartier. Finalement, il suffisait d’en arracher la queue, d‘en extraire le trognon, d’y fourrer un pruneau, de la saupoudrer d’un peu de sucre et de la glisser dans le four. On pouvait allégrement l’observer en train de s’avachir, sa peau se friper, sa chair se ramollir alors que le sucre pétillait sur sa peau qui resterait juste ferme. La bonne odeur qui se dégageait de ces ruptures physico-chimiques annonçait un bon goût, doux et sucré, qui fondrait sur la langue, mêlé au cœur à la saveur de la prune.
La pomme d'Amélie :
Une forme singulière, ni tout à fait ronde, ni tout à fait ovale. Une couleur tout aussi particulière, oscillant entre teintes rouges, orange et jaunes, lumière d’automne dans la corbeille. Une odeur fruitée, témoin de longs mois passés à mûrir dans l’immense verger. Sur le dessus, un trou étroit– vestige laissé par un ver affamé – a échappé à l’œil vigilant du cueilleur, probablement éreinté par sa dure journée de labeur. Quelques petites taches brunes de-ci de-là révèlent une manutention peu soigneuse par manque de temps ou d’attention. Des marques en arc de cercle, difficilement visibles, traces d’ongles de certains clients peu respectueux qui pressent les fruits avant de décider de les reposer. Une peau rendue brillante par la main de mon grand-père qui la nettoie amoureusement. Une chair blanche et juteuse où l’on devine le dessin de mes dents, qui viennent de croquer dedans.
Une pomme, rien qu’une pomme.
La pomme de Sonita :
Elle était là. Un peu à l’écart, certainement intimidée par la situation.
Majestueuse, toute de rouge vêtue, elle attire tous les regards. Certains se voient d’abord la dévêtir pour ensuite se délecter de son exquise saveur. Moi, en revanche, c’est dans sa robe que je rêve de la faire mienne. Son toucher infiniment délicat et sa rondeur appétissante en font une merveille pour les sens.
Un instant, elle retourne dans le passé. Du temps où elle se balançait doucement de l’arbre qui l’avait vue venir au monde, qui l’avait vue frissonner quand le vent soufflait du nord. Elle avait grandi et mûri à l’abri de ses feuilles caressantes et de ses rames qui lui avaient offert la protection d’une mère. Elle était devenue de plus en plus belle au fil des levers de soleil et, un jour, le temps vint de partir vers l’occident.
Elle était là. Elle attendait sa destinée, sa raison d’être.
Son rouge éclatant, légèrement parsemé de minuscules points blancs, seulement visibles en y regardant de très près, était sa fierté et faisait saliver plus d’un.
Quand je l’ai choisie, ou peut-être que c’est elle qui m’a choisi, j’ai su qu’elle enivrerait mes papilles de son goût sucré si longtemps privées de ce délicieux nectar fuji1.
1- Variété de pomme originaire du Japon.
***
La pomme de Laëtitia So :
Je ne voulais pas de celle lisse, brillante et rouge qu’on aurait crue peinte à la main ou tout droit sortie du chaudron de la belle-mère de Blanche Neige. Celle dont les vers n’auraient pas voulu. Celle aseptisée, bien calibrée qui aurait passé tous les filtres avec succès. Celle programmée pour le supermarché.
Je voulais celle qui avait vécu, celle qui avait côtoyé la terre, la vraie. Celle qui avait des yeux et qui avait vu. Celle aux formes irrégulières a priori destinée aux cochons. Et peu m’importaient sa couleur, sa variété, je voulais celle qui n’avait pas de nom.
Je n’aurais pas besoin de la laver, je la frotterais brièvement sur ma manche pour la faire reluire et je la croquerais à pleine dent. Sa peau me nourrirait de souvenirs d’enfance secrètement logés dans mes papilles. Sa chair me désaltérerait, délivrant à chaque bouchée son jus sucré à peine acidulé. Rien ne me conviendrait mieux, elle me suffirait.
Je ne voulais pas de celle lisse, brillante et rouge qu’on aurait crue peinte à la main ou tout droit sortie du chaudron de la belle-mère de Blanche Neige. Celle dont les vers n’auraient pas voulu. Celle aseptisée, bien calibrée qui aurait passé tous les filtres avec succès. Celle programmée pour le supermarché.
Je voulais celle qui avait vécu, celle qui avait côtoyé la terre, la vraie. Celle qui avait des yeux et qui avait vu. Celle aux formes irrégulières a priori destinée aux cochons. Et peu m’importaient sa couleur, sa variété, je voulais celle qui n’avait pas de nom.
Je n’aurais pas besoin de la laver, je la frotterais brièvement sur ma manche pour la faire reluire et je la croquerais à pleine dent. Sa peau me nourrirait de souvenirs d’enfance secrètement logés dans mes papilles. Sa chair me désaltérerait, délivrant à chaque bouchée son jus sucré à peine acidulé. Rien ne me conviendrait mieux, elle me suffirait.
***
La pomme de Chloé :
Elle était là, devant moi, presque provocante avec sa robe rouge qui mettait en valeur ses courbes parfaites. Je m’approche, je ne peux résister à la tentation. Je n’ai qu’une envie, goûter à cette chair si appétissante. Je cède, je cueille ce fruit défendu. Que sa peau est douce sous mes doigts ! Enivré par son parfum délicat qui me rappelle le printemps, j’y dépose mes lèvres. D’abord je suis surpris par sa résistance, elle est bien ferme. Mais en insistant un peu, elle se laisse faire et dévoile une tendresse infinie. Des notes sucrées et même un peu acidulées ravissent mon palais. Emporté par cette passion gourmande, je la croque encore et encore. Une fois mon désir rassasié, je laisse derrière moi un trognon dans toute sa nudité.
Elle était là, devant moi, presque provocante avec sa robe rouge qui mettait en valeur ses courbes parfaites. Je m’approche, je ne peux résister à la tentation. Je n’ai qu’une envie, goûter à cette chair si appétissante. Je cède, je cueille ce fruit défendu. Que sa peau est douce sous mes doigts ! Enivré par son parfum délicat qui me rappelle le printemps, j’y dépose mes lèvres. D’abord je suis surpris par sa résistance, elle est bien ferme. Mais en insistant un peu, elle se laisse faire et dévoile une tendresse infinie. Des notes sucrées et même un peu acidulées ravissent mon palais. Emporté par cette passion gourmande, je la croque encore et encore. Une fois mon désir rassasié, je laisse derrière moi un trognon dans toute sa nudité.
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La pomme de Laëtitia Sw :
Pink Lady avait rencontré Golden Boy lors des travaux de débroussaillage de la partie sud du verger qui avaient occupé nombre des membres des familles Pomme pendant le mois de septembre. Elle avait tout de suite été charmée par sa silhouette un peu allongée, sa peau dorée parsemée de tâches de rousseur et son parfum frais et léger, subtilement sucré. Pink Lady pensait pouvoir faire plus ample connaissance avec lui à l’occasion du prochain gala organisé en l’honneur des jeunes filles du verger qui verrait l’élection de la Miss Pomme de l’année. Elle avait beaucoup d’atouts pour gagner. C’est pourquoi elle s’était présentée sans une once d’hésitation. Oui mais voilà, c’était sans compter la beauté ravageuse de doña Royal Gala qui se pavanait à longueur de journée dans le verger. Cette doña Royal Gala était nouvelle. Elle était arrivée depuis un mois à peine et, d’après ce qu’on disait, elle venait de très loin. Tous les garçons du verger la trouvaient à croquer. Et c’est vrai qu’avec sa peau veloutée, d’un rouge piquant, gorgée du soleil de contrées méridionales, dont la flamboyance était rehaussée par de fines veines jaune vif, elle faisait sensation parmi la gent masculine. Et puis, il y avait aussi son parfum ensorceleur... dont il semblait qu’après l’avoir respiré, d’aucuns ne pouvaient plus l’oublier. En outre, comme si ce n’était déjà pas assez, Mââdame ourlait ses yeux d’un grand trait noir et ses lèvres d’un brillant carmin. Aaah, et cette sale habitude qu’elle avait de sautiller partout en parlant fort, faisant résonner les accents envoûtants d’un ailleurs mystérieux. Quelle indécence ! Et non contente de se peinturlurer et de minauder de la sorte, fallait-il encore qu’elle revête d’extravagants accessoires. C’est qu’elle portait en toute occasion des gants de soie blanche sur lesquels elle trouvait chic de glisser une montre et une bague en or. Ri-di-cu-le ! Depuis quand les pommes avaient-elles besoin de ces vils attributs humains ? Pink Lady en était là de ses réflexions quand sa grand-mère, Granny Smith, l’appela pour le dîner. Elle était énervée, un peu déstabilisée certes, mais elle entendait bien ne pas se laisser faire. Elle irait au bal parée de ses plus beaux atours et surtout, elle saurait bien démontrer l’étendue de ses qualités. Elle ne se contenterait pas de faire valoir son enveloppe charnelle, elle ! Et peut-être qu’elle deviendrait Miss Pomme et que Golden Boy lui proposerait d’être son cavalier d’honneur... Bon, trêve de rêveries ! Il était temps de rejoindre sa grand-mère et sa sœur Reinette pour le repas du soir. Les préparatifs attendraient bien encore un peu. Et quoi qu’il en soit, elle ne se laisserait pas intimider par cette pimbêche des vergers !
Pink Lady avait rencontré Golden Boy lors des travaux de débroussaillage de la partie sud du verger qui avaient occupé nombre des membres des familles Pomme pendant le mois de septembre. Elle avait tout de suite été charmée par sa silhouette un peu allongée, sa peau dorée parsemée de tâches de rousseur et son parfum frais et léger, subtilement sucré. Pink Lady pensait pouvoir faire plus ample connaissance avec lui à l’occasion du prochain gala organisé en l’honneur des jeunes filles du verger qui verrait l’élection de la Miss Pomme de l’année. Elle avait beaucoup d’atouts pour gagner. C’est pourquoi elle s’était présentée sans une once d’hésitation. Oui mais voilà, c’était sans compter la beauté ravageuse de doña Royal Gala qui se pavanait à longueur de journée dans le verger. Cette doña Royal Gala était nouvelle. Elle était arrivée depuis un mois à peine et, d’après ce qu’on disait, elle venait de très loin. Tous les garçons du verger la trouvaient à croquer. Et c’est vrai qu’avec sa peau veloutée, d’un rouge piquant, gorgée du soleil de contrées méridionales, dont la flamboyance était rehaussée par de fines veines jaune vif, elle faisait sensation parmi la gent masculine. Et puis, il y avait aussi son parfum ensorceleur... dont il semblait qu’après l’avoir respiré, d’aucuns ne pouvaient plus l’oublier. En outre, comme si ce n’était déjà pas assez, Mââdame ourlait ses yeux d’un grand trait noir et ses lèvres d’un brillant carmin. Aaah, et cette sale habitude qu’elle avait de sautiller partout en parlant fort, faisant résonner les accents envoûtants d’un ailleurs mystérieux. Quelle indécence ! Et non contente de se peinturlurer et de minauder de la sorte, fallait-il encore qu’elle revête d’extravagants accessoires. C’est qu’elle portait en toute occasion des gants de soie blanche sur lesquels elle trouvait chic de glisser une montre et une bague en or. Ri-di-cu-le ! Depuis quand les pommes avaient-elles besoin de ces vils attributs humains ? Pink Lady en était là de ses réflexions quand sa grand-mère, Granny Smith, l’appela pour le dîner. Elle était énervée, un peu déstabilisée certes, mais elle entendait bien ne pas se laisser faire. Elle irait au bal parée de ses plus beaux atours et surtout, elle saurait bien démontrer l’étendue de ses qualités. Elle ne se contenterait pas de faire valoir son enveloppe charnelle, elle ! Et peut-être qu’elle deviendrait Miss Pomme et que Golden Boy lui proposerait d’être son cavalier d’honneur... Bon, trêve de rêveries ! Il était temps de rejoindre sa grand-mère et sa sœur Reinette pour le repas du soir. Les préparatifs attendraient bien encore un peu. Et quoi qu’il en soit, elle ne se laisserait pas intimider par cette pimbêche des vergers !
4 commentaires:
J'aime vraiment vos textes à toutes les trois… Vous vous êtes bien débrouillées et j'ai pris beaucoup de plaisir à vous lire ; le problème étant que, du coup, je risque effectivement de continuer à vous donner des travaux d'écriture très régulièrement, rien que pour satisfaire ma curiosité de savoir comment vous aurez pris le sujet et ce que vous en aurez fait. Car quand j'ai l'idée, je n'ai rien de précis en tête et je suis donc étonnée de voir dans quelle direction vous partez… C'est très plaisant.
la pomme d'Emile??
Émeline, désolée… Je venais de lire un texte avec un Émile…
je t'en prie, pas de soucis, c'était mon surnom au lycée...
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