En photo : logo des éditions « Nous »
Vous vous définissez comme un « activiste disparate ». Peut-on établir une hiérarchie dans vos activités, et si oui, à quelle place se situe l’édition ?
Question difficile : la réponse se modifierait au fil des ans. L'activité éditoriale est de plus en plus décisive, la photographie également. J'ai un goût immodéré de la lecture publique et je travaille à un grand livre de poésie. La peinture est passée un peu au second plan mais il n'y a pas de réelle hiérarchie. Le pari est conjonctif.
Quand et comment est né le nom de la maison d’édition : « Nous » ?
En 1998, je crois; face à un collage où était inscrit ce mot : Nous. Une espèce d'évidence : voilà le nom idéal pour une maison d'édition.
Quand fut édité le premier livre des éditions Nous et quel fut-il ?
Un recueil de Gerard Manley Hopkins, immense poète, en 1999.
Avec le recul, que pensez-vous de cette première édition aujourd’hui ?
Très heureux d'avoir commencé par Hopkins. Avec le recul je vois des approximations concernant la mise en page.
Quels sont votre meilleur et votre pire souvenir d’éditeur ?
Pas vraiment de meilleur souvenir : de nombreuses petites joies et, au fil des ans, le constat heureux d'une amplification, d'une consistance. Le pire souvenir : l'incendie du dépôt des Belles-Lettres. Ces millions de livres en cendre dont les nôtres.
Quelles sont les qualités d’un bon éditeur, d’une bonne maison d’édition ?
Le bon éditeur est celui qui n'édite que les livres qu'il a vraiment envie d'éditer. Une bonne maison d'édition c'est un bon catalogue.
Comment dénicher le « bon livre » ou juger que tel livre est « bon » pour faire le pari de l’éditer ?
Pour dénicher le « bon livre » : s'adresser à de bons auteurs. Et en éditant de bons auteurs, après quelques années, on en vient à recevoir de bons manuscrits
Comment définissez-vous l’édition aujourd’hui ?
Je n'ai pas de définition de l'édition. Les brigands occupent la place, envahissent les librairies. Mais il y a de vrais éditeurs : Eric Hazan, Michel Surya, Paul Otchakovsky-Laurens, Gérard Bobillier, quelques autres.
La traduction a-t-elle selon vous un rôle particulier dans le monde de l’édition et du livre ?
La traduction joue un rôle décisif, irremplaçable. Il n'y a qu'elle à pouvoir empêcher les nombrilismes; elle est accès au monde.
Pensez-vous que l’industrie du livre est en crise et que le goût de la lecture se perd ? Êtes-vous d’accord avec une vision pessimiste qui tend à dire que les gens lisent de moins en moins car ils sont influencés par de nombreuses autres activités qui n’existaient pas au siècle dernier ?
Aucune véritable activité ne menace la lecture. Télé, tchat, msn, sms, Facebook & co : la technologie à toute heure, le communicationnel obligé, ne sont qu'une organisation de la perte du temps. La lecture est une activité essentiellement solitaire et silencieuse, c'est une activité asociale et supposée improductive : productrice d'autonomie. En cela la lecture est injure à l'époque et ennemie de toute technocratie.
Le délégué général du Marché de la Poésie qui s’est tenu entre le 18 et le 21 juin à Paris, Vincent Gimeno-Pons, dit vouloir « défendre l’économie d’un livre différent, en situation de crise dans l’économie du Livre ». Que pensez-vous de cette parole militante qui sous-entend que plus que le livre en lui-même, ce qui est en crise c’est le livre différent ? Et qu’est ce livre « différent » qu’il faut défendre ?
Le livre "différent" c'est le livre tout court, distingué de ses ersatz (dont le paradigme est le roman de journaliste). Il y aura eu livre si la chaîne affirmative auteur-éditeur-libraire-lecteur s'atteste. Et cette attestation est disjointe de toute numération-décoration (ventes, prix, presse...). Il y aura eu livre si un 'nous' disparate le déclare.
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