1) Qu'est-ce qui vous a amené à la traduction ?
J’aimerais répondre « bon qu’à ça », mais je n’en suis même pas sûr. Sans doute mon goût de la lecture, de la littérature. L’étonnement que certains textes soient laissés de côté, alors que je les trouvais bien meilleurs que beaucoup d’autres qui étaient traduits. Un vague désir d’intervenir et de modifier un peu le paysage littéraire. On en revient assez vite, c’est vrai. D’autres éléments ont joué, par exemple que l’espagnol soit ma langue maternelle. Je parle de réconciliation.
2) Quelle a été votre première traduction ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
La plus ancienne traduction dont je me souvienne est celle que j’ai faite, il y a presque une quarantaine d’années, des premières pages d’un roman de Scorza, Redobles por Rancas. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue, sans doute heureusement disparue. De manière générale, je ne relis pas les traductions une fois publiées. Si je suis amené à relire par hasard un texte que j’ai traduit, je peux ne pas le reconnaître, ou bien ressentir une sensation de malaise, d’étrangeté, que je ne désire pas éprouver.
3) Quel type de littérature traduisez-vous le plus ?
Je traduis surtout des nouvelles et des romans, un peu de poésie.
4) Choisissez-vous les textes que vous traduisez ?
Le plus souvent c’est le cas, et cela tient d’une part au fait que ma survie économique ne dépend pas de mon rythme de traduction et d’autre part que je ne souhaite pas traduire des textes que je n’estime pas. J’ai traduit certains livres que j’ai aimé lire ; bien sûr, seulement certains, parce que je ne crois pas que tout ce que j’ai aimé (et moins encore tout ce qui s’écrit) devrait être traduit – ne me demandez pas comment je le détermine. Enfin, je défends les livres qui résisteront j’espère à l’épreuve de la traduction.
5) Entretenez-vous de bons rapports avec les éditeurs ?
Jusqu’à présent, mes rapports ont été plutôt bons. Il en est des éditeurs comme des traducteurs et des auteurs, certains sont des êtres que l’on est heureux d’avoir rencontré, et des autres je ne dirai presque rien : qu’on peut apprécier l’œuvre des auteurs, le catalogue des éditeurs (leur biographie, en quelque sorte), et tenir en piètre estime les personnes. Les catalogues des éditeurs sont parfois plus grands que les éditeurs eux-mêmes.
6) Vous arrive-t-il d'avoir des échanges avec l'auteur du livre que vous traduisez ?
Oui, en gardant présent à l’esprit que je suis le traducteur, et que je sais certaines choses que l’auteur ne sait pas, sur la langue française, sur la littérature française, par exemple. Difficile de discuter avec un auteur qui se prend pour un traducteur. (L’inverse est aussi vrai.)
7) Quel est votre meilleur souvenir en tant que traducteur ? Quel livre avez-vous préféré traduire ?
Mon meilleur souvenir : après avoir cherché longtemps à faire traduire un auteur, finalement, avoir trouvé le bon éditeur. Je n’ai pas de livre préféré, la sorte d’affection qui peut me lier à tel ou tel ouvrage est d’un ordre que je dirais « privé ».
8) Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ?
Avant toute chose, il convient de dire qu’il faut éviter, dans la mesure du possible, de lire dans la perspective de traduire. Les textes qui m’intéressent n’ont pas été écrits dans le but d’être traduits. S’ils sont traduits, c’est de surcroît. Bien sûr, des textes sont écrits pour être traduits, ou plutôt pour s’insérer dans la circulation des marchandises de l’industrie culturelle et cette insertion passe par la traduction. La question de savoir dans quelle langue sont écrits ces ouvrages est intéressante. De fait, ils ont l’air souvent d’avoir été traduits dans leur langue originale.
Bien sûr, traduire pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, un texte, c’est le côtoyer plus que la plupart des lecteurs ne le fera jamais. On entre dans le corps du texte, dans son organisation interne – et qu’on le veuille ou non, on devient sensible à certains aspects qui auparavant étaient présents mais restaient en retrait pendant la lecture.
D’une autre manière, je suis devenu un lecteur différent lorsque, au cours d’une traduction, je me suis mis à lire des auteurs mentionnés dans le texte, que je ne connaissais pas ou dont je ne savais pas grand-chose. Cet infléchissement est un enrichissement. Je pourrais donc dire aussi bien que lire a fait de moi un traducteur différent, puisque le traducteur est fait de ses lectures.
9) Avez-vous des conseils à donner aux futurs traducteurs ?
Lisez de la littérature, lisez vos contrats, écrivez, soyez humbles. Aspirez à être remplacés.
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