Je remercie vivement Hélène Prouteau d’avoir gentiment répondu à mes questions.
1 – Comment êtes-vous venue à la traduction ?
Pour des raisons de santé. Je ne pouvais pas bouger de chez moi.
2 – Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
J’ai d’abord travaillé cinq ans pour Harlequin. Cela m’a appris à aller vite, à peaufiner la gamme des clichés, à adapter un texte mal écrit. Quant au premier roman « sérieux », à mon avis il manquait de relecture. Pour un traducteur, une relecture ne prend pas longtemps et la traduction est tout de suite bien meilleure. Le correcteur qui débarque dans un texte sans l’avoir lu est plus mal placé et gâchera éventuellement la traduction.
3 – Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de traducteur ?
Il me semble qu’il n’a pas beaucoup changé pour le moment, mais le métier d’éditeur est en train d’évoluer à toute vitesse : les intermédiaires se multiplient, les gens de la chaîne du livre sont de plus en plus isolés, donc manipulables, et le concept de « produit » est devenu prédominant (voir le rôle des agents). Cependant, il y a plein de petits éditeurs qui font un excellent travail pour lequel ils ne sont pratiquement pas rémunérés. Je ne sais pas très bien comment tout cela va évoluer.
4 – Exercez-vous ce métier à plein temps ?
Oui.
5 – Quels sont les principaux outils que vous utilisez lorsque vous traduisez un texte ?
Le Robert, le Littré et Internet.
6 – Lorsque vous rencontrez une difficulté et que vous êtes bloqué, comment procédez-vous ?
S’il s’agit, dans un texte littéraire, d’un problème que je n’arrive pas à résoudre ou d’une logique peut-être boiteuse dans l’intrigue, je ne m’arrête pas tout en gardant le problème en tête avant d’y revenir plus tard. Si, dans un texte technique (par exemple sur les finances), je m’aperçois que je ne comprends pas grand chose à ce que ça raconte, je m’agite, je téléphone, je cherche de la documentation et éventuellement je dérape (Enfin, plus maintenant, c’est trop fatigant, je m’en tiens aux sujets que je suis sûre de maîtriser. Mais dommage qu’on n’ait pas de formation permanente qui nous permettre de nous spécialiser quand on en ressent le besoin).
7 – J’ai vu que vous traduisez diverses sortes de littérature : littérature générale, documents, économie, romans policiers, médecine, audiovisuel : quelles sont leurs différences essentielles en tant que traducteur ?
Les différences sont des différences de style. Par exemple avec un texte plus technique, je n’hésite pas à répéter, je fais passer la précision et la clarté avant tout et peu importe que je m’éloigne du texte ou que je le rallonge. Pour un texte littéraire bien écrit, il faut chercher à rendre le rythme et la phrase de l’auteur, mais pour un « produit courant », j’essaye que ça ressemble un peu moins à un scénario (en anglais, tout est scénarisé) et je supprime les répétitions et les redondances de façon à ce que le lecteur fournisse le moins d’effort possible. Pour un article de presse, je fais court (pas beaucoup plus long que la langue d’origine), sinon le journal est souvent obligé de couper.
8 – Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
En général, bons avec les directeurs de collection et pas terribles avec les éditeurs.
9 – Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs sur lesquels vous travaillez ?
J’ai fort peu de rapports avec eux (je traduis rarement des auteurs « de qualité » qui nécessiteraient une correspondance). Cependant, un des auteurs que j’ai traduits est devenu une amie (l’exception qui confirme la règle). D’autre part, pour ceux qui traduisent les « produits » anglophones, il est souvent mal vu, dans la chaîne de travail qui s’est mise en place, de bavarder avec ses voisins (à gauche, l’auteur, à droite, le correcteur, des personnes que l’on rencontre rarement physiquement. Apparemment, le regard perturbe le commerce).
10 – Quel est votre meilleur souvenir de traducteur ? Et le moins bon ?
Le meilleur : un auteur qui a volé à mon secours. Le moins bon : une menace de procès pour un livre traduit à trois dans l’urgence et qui n’avait été relu par aucun spécialiste contrairement à la promesse qui nous avait été faite.
11 – Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Un passeur, en aucun cas un auteur. Pour moi, le traducteur est une éponge, un interprète, et l’auteur un obsessionnel, un fonceur qui ne prête attention qu’à ses sujets de prédilection.
12 – Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Le cas échéant, quel lecteur ?
Oui. Un lecteur plus difficile et qui repère tout de suite les combines.
13 – Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) apprenti(e) traducteur(trice)?
Essayer de se mettre à la place de l’auteur, du directeur de collection, de l’éditeur, essayer de comprendre les objectifs de chacun, ne pas céder à la parano, ne contester que les points importants et pour le reste, laisser filer... Surtout ne pas se battre « pour le principe » mais rester pragmatique. Ce qui est plus difficile à dire qu’à faire.
1 – Comment êtes-vous venue à la traduction ?
Pour des raisons de santé. Je ne pouvais pas bouger de chez moi.
2 – Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
J’ai d’abord travaillé cinq ans pour Harlequin. Cela m’a appris à aller vite, à peaufiner la gamme des clichés, à adapter un texte mal écrit. Quant au premier roman « sérieux », à mon avis il manquait de relecture. Pour un traducteur, une relecture ne prend pas longtemps et la traduction est tout de suite bien meilleure. Le correcteur qui débarque dans un texte sans l’avoir lu est plus mal placé et gâchera éventuellement la traduction.
3 – Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de traducteur ?
Il me semble qu’il n’a pas beaucoup changé pour le moment, mais le métier d’éditeur est en train d’évoluer à toute vitesse : les intermédiaires se multiplient, les gens de la chaîne du livre sont de plus en plus isolés, donc manipulables, et le concept de « produit » est devenu prédominant (voir le rôle des agents). Cependant, il y a plein de petits éditeurs qui font un excellent travail pour lequel ils ne sont pratiquement pas rémunérés. Je ne sais pas très bien comment tout cela va évoluer.
4 – Exercez-vous ce métier à plein temps ?
Oui.
5 – Quels sont les principaux outils que vous utilisez lorsque vous traduisez un texte ?
Le Robert, le Littré et Internet.
6 – Lorsque vous rencontrez une difficulté et que vous êtes bloqué, comment procédez-vous ?
S’il s’agit, dans un texte littéraire, d’un problème que je n’arrive pas à résoudre ou d’une logique peut-être boiteuse dans l’intrigue, je ne m’arrête pas tout en gardant le problème en tête avant d’y revenir plus tard. Si, dans un texte technique (par exemple sur les finances), je m’aperçois que je ne comprends pas grand chose à ce que ça raconte, je m’agite, je téléphone, je cherche de la documentation et éventuellement je dérape (Enfin, plus maintenant, c’est trop fatigant, je m’en tiens aux sujets que je suis sûre de maîtriser. Mais dommage qu’on n’ait pas de formation permanente qui nous permettre de nous spécialiser quand on en ressent le besoin).
7 – J’ai vu que vous traduisez diverses sortes de littérature : littérature générale, documents, économie, romans policiers, médecine, audiovisuel : quelles sont leurs différences essentielles en tant que traducteur ?
Les différences sont des différences de style. Par exemple avec un texte plus technique, je n’hésite pas à répéter, je fais passer la précision et la clarté avant tout et peu importe que je m’éloigne du texte ou que je le rallonge. Pour un texte littéraire bien écrit, il faut chercher à rendre le rythme et la phrase de l’auteur, mais pour un « produit courant », j’essaye que ça ressemble un peu moins à un scénario (en anglais, tout est scénarisé) et je supprime les répétitions et les redondances de façon à ce que le lecteur fournisse le moins d’effort possible. Pour un article de presse, je fais court (pas beaucoup plus long que la langue d’origine), sinon le journal est souvent obligé de couper.
8 – Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
En général, bons avec les directeurs de collection et pas terribles avec les éditeurs.
9 – Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs sur lesquels vous travaillez ?
J’ai fort peu de rapports avec eux (je traduis rarement des auteurs « de qualité » qui nécessiteraient une correspondance). Cependant, un des auteurs que j’ai traduits est devenu une amie (l’exception qui confirme la règle). D’autre part, pour ceux qui traduisent les « produits » anglophones, il est souvent mal vu, dans la chaîne de travail qui s’est mise en place, de bavarder avec ses voisins (à gauche, l’auteur, à droite, le correcteur, des personnes que l’on rencontre rarement physiquement. Apparemment, le regard perturbe le commerce).
10 – Quel est votre meilleur souvenir de traducteur ? Et le moins bon ?
Le meilleur : un auteur qui a volé à mon secours. Le moins bon : une menace de procès pour un livre traduit à trois dans l’urgence et qui n’avait été relu par aucun spécialiste contrairement à la promesse qui nous avait été faite.
11 – Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Un passeur, en aucun cas un auteur. Pour moi, le traducteur est une éponge, un interprète, et l’auteur un obsessionnel, un fonceur qui ne prête attention qu’à ses sujets de prédilection.
12 – Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Le cas échéant, quel lecteur ?
Oui. Un lecteur plus difficile et qui repère tout de suite les combines.
13 – Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un(e) apprenti(e) traducteur(trice)?
Essayer de se mettre à la place de l’auteur, du directeur de collection, de l’éditeur, essayer de comprendre les objectifs de chacun, ne pas céder à la parano, ne contester que les points importants et pour le reste, laisser filer... Surtout ne pas se battre « pour le principe » mais rester pragmatique. Ce qui est plus difficile à dire qu’à faire.
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