Sujet : Orée du bois
« L’écureuil »
Premier janvier, premier jour d’une nouvelle année qui s’annonce fort bien. Ce matin, je me lève et en ouvrant les rideaux, je vois les premières lueurs du jour qui se dessinent sur les hauts-plateaux, un spectacle fantastique. Nous sommes dans un milieu qui peut, aux premiers abords, sembler hostile pour l’homme car la montagne est le lieu de tous les dangers, inaccessible, elle est associée au domaine des Dieux et donne naissance à de nombreux mythes. On pense bien sûr aux montagnes sacrées des Anciens Mayas, mais aussi au Mont Olympe en Grèce où réside Zeus ou le Mont Kailash en Inde, demeure de Shiva. Là, où je me trouve, dans les Alpes du Nord, l’association entre la montagne et le divin est aussi présente par les croix présentes sur les sommets ainsi que par les édifices religieux qui peuvent jalonner les sentiers.
En ouvrant la fenêtre pour y boire mon chocolat chaud, je me laisse aller à mes rêveries en pensant au temps qui passe, aux changements des mentalités, à comment l’homme a appris à dompter un espace qui lui était si inhospitalier : avalanches, éboulements, froid, raideur des pentes,… Aujourd’hui encore, la montagne garde un certain mystère, la nuit, mise à part quelques dameuses le long des pistes de ski, peu sont ceux qui osent s’y aventurer. Je pense aux bergers qui s’occupaient de leurs troupeaux mais aussi aux chasseurs, aux chercheurs de pierres précieuses prêts à tout pour affronter la montagne. Évidemment, il y a aussi ces aventuriers qui marquent les mémoires par leurs prouesses physiques exceptionnelles : Jacques Balmat (chasseur de chamois, cristallier et guide) qui en compagnie du Docteur Paccard a réussi en 1786 la première ascension du Mont Blanc (4810 mètres) ou encore Edmund Hillary et Tensing Norgay, les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest en 1953 (8848 mètres).
Le Mont Blanc,… je ne peux m’empêcher de penser aux descriptions d’Horace-Bénédict de Saussure dans Voyage dans les Alpes : le Mont Pétaret, le Mont Rouge, … Ce que j’aime tout particulièrement, c’est le côté sauvage, indomptable. Mon chocolat fini, je décide d’aller arpenter la montagne, au calme, avant que le village s’éveille. Au chaud, emmitouflée dans mon gros manteau noir, un bonnet en laine d’alpaga sur les oreilles, une écharpe et une bonne paire de moufles, me voilà partie. Je pars guidée par l’émotion de ce beau paysage enneigé en ce premier jour de l’an. Je décide de suivre un joli petit sentier à l’orée du bois.
Je me trouve actuellement à 1800 mètres d’altitude, c’est-à-dire à l’étage alpin d’après les spécialistes, je suis à l’étage dit de « haute-montagne ». Plus haut, c’est l’étage dit « nival », des neiges éternelles (3000 mètres pour la France). Je suis entourée de pins d’une hauteur impressionnante et j’espère croiser des animaux sauvages qui auraient eu la même idée que moi. J’aimerais voir un écureuil mais hélas, ce n’est pas l’endroit adéquat. Par chance, je rencontre sur mon chemin des petites marmottes, toute une famille. Elles ont des petits corps avec des oreilles toutes rondes, leurs membres sont plutôt courts mais elles possèdent une queue d’une longueur impressionnante. Me voilà repartie dans mes songes, … Je repense à une discussion que j’ai eue dans un télésiège quelques jours auparavant avec un ami jurassien. Nous parlions d’écureuils d’où sans doute, mon envie d’en croiser un ce matin-là ! Pour les indigènes, la force de l’écureuil est essentielle et symbolise le mouvement chez l’homme. Rêver d’un écureuil, c’est se préparer à un grand changement. On dit aussi de lui qu’il sait mesurer son énergie pour la réutiliser ultérieurement et que c’est un sage car il sait réserver son jugement pour l’avenir. Pour mon ami, d’après ce que j’ai retenu de notre conversation, l’écureuil est avant tout, un animal qui a du panache, une certaine classe si l’on peut dire, en particulier car il sait se tenir droit et possède une queue touffue, queue qui est plus que digne d’intérêt car c’est elle qui lui donne toute sa splendeur. En plus de la partie purement physique, mon ami ne manque pas de me rappeler le côté « obstiné » de cet animal, qui sait faire des réserves pour l’hiver. J’esquisse un léger sourire car mentalement, une image frappante me vint en tête : celle de l’écureuil plus que maladroit dans l’Âge de Glace (oui, toutes mes références ne sont pas toujours dignes des plus grands auteurs mais je pense qu’au moins, tout le monde en a une image très claire). Un peu plus sérieusement, je pense aussi à l’écureuil de la Caisse d’Épargne, symbole même de l’épargne ! La finalité, est qu’en fait, mon ami, célibataire est actuellement à la recherche d’une compagne de vie et d’après lui, la symbolique de l’écureuil serait ce qui se rapprocherait le plus de ses envies !
Après cette transgression, j’en reviens finalement à mes marmottes. Elles sont adorables et à la différence des écureuils ont une queue tout à fait différente. Ce qui me séduit chez cet animal, c’est qu’elle constitue des réserves de graisses pour l’hiver (elles peuvent peser jusqu’à 8 kilos pour seulement une cinquantaine de centimètres !). Je décide de m’approcher pour en caresser une, elles paraissent si gentilles, de vraies petites peluches.
Mais voilà, je suis en altitude, le relief est marqué et le versant plutôt abrupt, ni une ni deux, je me retrouve les fesses dans la neige, et je prends conscience que malgré tous les efforts des hommes pour contrôler la nature, l’ordonner, il y aura toujours des évènements dont la maîtrise restera parfaitement impossible car « la montagne nous offre le décor … Et, c’est à nous d’inventer l’histoire qui va avec ! » (Citation de Nicolas Helmbacher).
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