mardi 17 mars 2009

10 questions à Cecilia González Scavino

Le questionnaire de Jacqueline

Comment êtes-vous venue à la traduction ?

C'était en 1987. J'étais étudiante de Lettres à l'Université de Buenos Aires. Deux de mes camarades voulaient monter deux pièces de théâtre de COPI, Eva Peron et Les vieilles travestis. Je me suis occupée de la traduction, car l'original était en français. Pour mener à bien ce travail, j'ai eu à préparer un véritable glossaire de termes vulgaires ! J'ai beaucoup appris ; ça me changeait de mes cours à l'Alliance Française, qui m'avaient plutôt appris à apprécier le style de Gide et de Giono.

Votre première traduction : qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
J'aurais très peur de la relire, même si, à l'époque, je m'étais beaucoup investie dans le projet. Je ne sais pas, d'ailleurs, si j'en ai gardé une copie (j'ai gardé mes amis, en revanche ; ça ne devait pas être si mauvais que ça donc). On montait des projets sans un sou et sans aucune garantie de les voir aboutir. Il fallait être un peu irresponsable, je suppose.

Comment voyez-vous aujourd’hui la profession de traducteur ?
Je n'ai pas assez d'éléments pour vous répondre. Même si je traduis encore, ce n'est pas ou plus mon métier.

Quels sont les critères d’embauche pour le master 2 ?
Idem

Votre meilleur souvenir de traductrice ? Et le moins agréable ?
Mon meilleur souvenir : sans aucun doute, avoir réussi à finir la traduction de La vérité en peinture de Jacques Derrida, un travail absolument monstrueux, que nous avons attaqué à deux, Dardo Scavino et moi-même. Le style de Derrida, son utilisation constante de jeux de mots, son attention à la matière du langage ont fait de cette expérience un souvenir à part, très, très riche.
Mon souvenir le moins agréable : on m'avait engagée pour traduire Le plaisir et le mal. Philosophie de la drogue de la philosophe et psychanalyste Giulia Sissa. Je me suis retrouvée à Bordeaux devant un texte comportant de très nombreuses citations de Platon, de Freud, de Saint Augustin, entre autres, alors que je n'avais pas accès à leurs équivalents en espagnol. Pas question de traduire moi-même, bien sûr. Je suis partie en Espagne, mais le travail de recherche des citations sans avoir les références d'édition ni de numéro de page a été épuisant.

Pensez-vous que votre nom sur un livre, en tant que traductrice, c’est un moyen de passer à la postérité ?
Absolument pas. C'est l'auteur que j'ai constamment en tête, la responsabilité de prendre la parole en son nom, avec le risque que cela suppose de porter préjudice à son œuvre par une mauvaise traduction.

Qu’est-ce, pour vous, que la postérité ?
C'est le lecteur. Je ne vois rien au delà du lecteur contemporain, peut-être parce que j'ai presque toujours traduit des essais ou des ouvrages académiques et non pas de la littérature.

Quelle image ou quelle leçon aimeriez-vous que vos apprentis gardent de vous ?
J'aimerais qu'ils gardent l'image de quelqu'un qui s'interroge beaucoup, qui n'a pas des réponses toutes faites. J'aimerais transmettre un certain goût de la difficulté.

Quelle est la place de la littérature dans votre vie ?
Je lis tous les jours, ne serait-ce qu'une page d'un texte littéraire. Mais je reviens souvent aux mêmes lectures, très anciennes, surtout pour ce qui est de la poésie. La découverte de la nouveauté me vient généralement par le biais des autres ou par les exigences de mon métier.

Qu’est-ce pour vous, que cet entretien ?
Une façon de parler de ce dont on ne parle presque jamais devant ses étudiants, soit par pudeur, soit parce qu'on est toujours trop pressés...

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