samedi 9 janvier 2010

Exercice de version, 50

- A propósito de noches lluviosas, como ésta, debo decirte que me entristecen por una razón más de las que hay para que nublen el espíritu de los otros.
(Declamó esto hace pocas noches, mi amigo Julián, nombre tras el cual me permito esconder la personalidad de uno de nuestros más distinguidos generales).
- ¿Cuál es esa razón? -le pregunté.
- Vas a saberla -me respondió-. Es una historia que pertenece al tesoro de recuerdos de mi juventud; a ese archivo que nunca registramos sin emoción y sin pesar. No te encojas de hombros; por desgraciada que pueda haber sido tu juventud, las memorias que ella debe haberte dejado son gratas hoy para ti, lo aseguro. En la primavera de la vida, hasta las espinas florecen y hasta las penas tienen un sabor de felicidad. Ese es el tiempo en que baila delante del carro de la vida un cortejo de risueños fantasmas : el Amor con su dulce premio, la Fortuna con su corona de oro; la Gloria con su aureola de estrellas; la Verdad con su brillo de sol, como dice el poeta Schiller. Entonces, hasta los días negros tienen un rayo de luz; es la esperanza, amigo; la esperanza, que no suele alumbramos cuando llegamos a la edad madura sino como una estrella pronta a ocultarse en la parda nube de la vejez.
De mí sé decir que nunca evoco los recuerdos de aquellos años que se han ido, ¡ay!, tan pronto, sin experimentar un sentimiento de agradable tristeza, no de dolor ni de amargura, porque, francamente, como no puedo decir que soy desventurado del todo ahora, así como no puedo envanecerme de haber sido feliz cuando joven, no tengo derecho de hacer la exclamación de la Francesca del Dante. Siento, al recordar las historias de mi juventud, algo como el vago perfume que suele traemos la brisa al dirigir la última mirada a los jardines de que nos alejamos.

Ignacio Altamirano, Cuentos de invierno

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La traduction que je vous propose :

— À propos des nuits pluvieuses, comme celle-ci, je dois avouer qu'elles me rendent tristes pour une raison supplémentaire à toutes celles qui assombrissent l'esprit des autres gens.
(Voilà ce que proclama, il y a quelques nuits de cela, mon ami Julián, prénom derrière lequel je me permets de cacher l'identité de l'un de nos distingués généraux).
— Et cette raison, quelle est-elle donc ? – lui demandai-je.
— Je m'en vais te la dire – me répondit-il. Il s'agit d'une histoire appartenant au trésor des souvenirs de la jeunesse ; dans ces archives que nous n'ouvrons jamais sans émotion ni regret. Ne hausse pas les épaules, allons ; aussi malheureuse qu'ait pu être ta jeunesse, les vestiges qu'elle a certainement laissés dans ta mémoire n'en demeurent pas moins agréables pour la personne que tu es aujourd'hui, je t'assure. Au printemps de la vie, tout fleurit, tout, jusqu'aux épines, et nos peines elles-mêmes ont une saveur de félicité. C'est le temps où un cortège de fantômes joyeux danse devant le char de la vie : l'Amour, et son lot délicieux, la Fortune, et sa couronne d'or ; la Gloire, et son auréole d'étoiles ; la Vérité, et son flamboyant éclat de soleil, pour reprendre les termes de Schiller, le poète. Pendant cette époque-là, il y a un rayon de lumière y compris les jours noirs ; c'est l'espoir, mon ami ; l'espoir qui, la maturité venant, ne ne nous éclaire généralement plus guère, si ce n'est comme une étoile bien trop prompte à s'éclipser dans le nuage gris de la vieillesse.
Me concernant, je puis affirmer que je n'évoque jamais les souvenirs de ces années-là, si vite disparues, oh oui !, sans éprouver un sentiment de plaisante tristesse, pas de la douleur, pas de l'amertume, et ce parce que, franchement, je ne saurais dire que je suis le moins du monde malheureux aujourd'hui, pas plus me féliciter d'avoir été heureux étant jeune ; pas d'exclamation à la Francesca Dante dans ma bouche, non. Quand j'évoque les histoires de ma jeunesse, j'éprouve quelque chose d'assez semblable au vague parfum qu'apporte habituellement la brise quand on dirige un dernier regard vers les jardins dont nous nous éloignons.

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Émeline nous propose sa traduction :

—Au sujet des nuits pluvieuses, comme celle-ci, je dois te dire qu’elles m’attristent pour une raison de plus que celles qui assombrissent l’esprit des autres.
(Mon ami Julián –prénom derrière lequel je me permets de cacher l’identité de l’un de nos plus distingués généraux− déclama cela il y a quelques nuits).
—Quelle est cette raison ? –lui demandai-je.
—Tu vas le savoir –me répondit-il. C’est une histoire qui appartient au trésor de souvenirs de ma jeunesse, à ces archives que nous ne fouillons jamais sans émotion ni nostalgie. Ne hausse pas les épaules ; pour aussi malheureuse qu’ait pu être ta jeunesse, les mémoires qu’elle a dû te laisser sont aujourd’hui réconfortantes pour toi, je te l’assure. Au printemps de la vie, même les épines fleurissent et même les peines ont un goût de bonheur. Ce temps est celui où danse devant le char de la vie un cortège de joyeuses chimères : l’Amour et son doux lot, la Fortune et sa couronne d’or, la Gloire et son auréole d’étoiles, la Vérité et son éclat de soleil, comme dit le poète Schiller. C’est pourquoi, même les jours noirs ont leur rayon de lumière ; c’est l’espoir, mon ami ; l’espoir qui n’a pas pour habitude de nous éclairer lorsque nous atteignons l’âge adulte, mais qui demeure comme une étoile prête à se réfugier dans le sombre nuage de la vieillesse.
Personnellement, je dois avouer que je n’évoque jamais les souvenirs de ces lointaines années qui s’en sont allées, hélas trop vite, sans ressentir une sensation d’agréable tristesse, sans douleur ni amertume aucune, car, pour être sincère, étant donné que je ne peux pas dire aujourd’hui que je suis réellement malheureux, tout comme je ne peux pas me vanter d’avoir été heureux quand j’étais jeune, je n’ai donc pas le droit d’imiter l’exclamation de la Francesca de Dante. Je sens, en me remémorant les histoires de ma jeunesse, quelque chose comme le vague parfum que la brise nous apporte quand nous jetons un dernier coup d’œil aux jardins desquels nous nous éloignons.

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Pascaline nous propose sa traduction :

À propos de nuits pluvieuses, comme celle-ci, je dois te dire qu’elles me rendent triste pour une raison qui se rajoute à celles qui déjà assombrissent l’esprit des autres.
(Mon ami Julián - prénom derrière lequel je me permets de cacher l’identité de l’un de nos plus illustres généraux – déclara cela il y a quelques nuits).
- Quelle est cette raison ? – lui demandai-je.
- Je vais te la dire – me répondit-il. C’est une histoire qui appartient au trésor des souvenirs de ma jeunesse ; à cet archive que nous n’enregistrons jamais sans émotion ni chagrin. Ne hausse pas les épaules ; aussi malheureuse que l’a pu être ta jeunesse, ce qu’elle doit avoir gravé dans ta mémoire est agréable pour toi aujourd’hui, je t’assure. Au printemps de la vie, même les épines fleurissent et les peines ont un goût de bonheur. C’est le temps pendant lequel un cortège de chimères souriantes danse devant le char de la vie : l’Amour avec son doux lot, la Chance avec son diadème doré ; la Gloire avec son auréole d’étoiles ; la Vérité avec l’éclat du soleil, comme dit le poète Schiller. Ainsi, les jours tristes vont jusqu’à se parer d’un rayon de lumière ; c’est l’espoir, l’ami ; l’espoir, qui cesse peu à peu de nous éclairer quand nous arrivons à l’âge mûr, si ce n’est telle une étoile prête à se cacher dans le sombre nuage de la vieillesse.
En ce qui me concerne, je dois avouer que je n’évoque jamais les souvenirs de ces années qui s’en sont allées, malheureusement si tôt, sans ressentir un sentiment d’agréable tristesse, ni de douleur ou d’amertume, parce que, pour être franc, étant donné que je ne peux pas dire que je suis à plaindre aujourd’hui, tout comme je ne peux me vanter d’avoir été heureux quand j’étais jeune, je n’ai pas le droit de me réclamer de la Francesca de Dante. Je ressens, en évoquant les histoires de ma jeunesse, quelque chose semblable au vague parfum que la brise a l’habitude de nous apporter lorsqu’elle jette le dernier regard sur les jardins desquels nous nous éloignons.

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