Le sujet était : Graffiti
Des lignes, droites, courbes, sécantes, dans tous les sens, agressent, s’immiscent dans les yeux, dans le crâne et martèlent, la rébellion, la colère et la crainte, la déception face à ce monde conforme à rien, ces couleurs qui hurlent, qui crachent, qui accusent, condamnent et interpellent, exister un peu, au milieu du bitume, gris, triste, qui fait mal, emprisonne les rêves, annihile les ambitions, inhibe les sentiments, sur le mur, enfin, la rédemption, à portée de bombes, du balai, des mains, des bras, des jambes qui s’affairent, qui s’agitent, en mouvements cadencés au service du génie, il naît, puissant, indissoluble, inaltérable, là.
Coralie :
À cette heure, la rue est déserte. Condition idéale pour Yanis. Il jette un œil autour de lui pour s’assurer que la voie est libre. Personne. Ce mur, il l’a repéré depuis longtemps, il sait déjà ce qu’il va en faire. Le mur idéal, parfaitement bien placé, lisse, spacieux, un peu défraîchi… Il n’a donc aucune raison de se sentir coupable, il ne détériore rien, il embellit. Dans son sac à dos, ses bombes : du bleu, du vert, du noir, du rouge, de l’argenté. Avec ces couleurs, c’est sûr, il va réaliser sa plus belle œuvre. De toutes façons, il n’a pas le choix, il s’est déjà trop vanté de ses prouesses pour échouer. Toute la bande doit arriver d’une minute à l’autre. Il faut tous les convaincre, surtout Tony, l’excellent, le génial Tony. S’il y arrive, il intègrera non seulement la bande mais il sortira de l’ombre : il ne sera plus un graffeur clandestin, il pourra enfin être reconnu. Vivre de son art, son rêve. Face à sa toile, bombe noire en main, un premier trait, un contour, puis un autre et encore un autre… La silhouette de quelques immeubles se dessine. Du gris pour les peindre. Du bleu pour l’horizon. Du vert pour le parc. Et du rouge, du rouge pour la violence qui réside dans ces tours. Non, il ne veut pas de beau… Il faut que ça parle, que ça choque, que ça fasse réfléchir. On ne peut pas, on ne doit pas rester passif, sans émotion, devant un graffiti. Lui, ce qu’il veut c’est que les petits bourgeois de ce quartier se rendent compte de la réalité qui est la sienne. Tout près d’ici, dans un autre monde.
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Laëtitia :
Des lignes, droites, courbes, sécantes, dans tous les sens, agressent, s’immiscent dans les yeux, dans le crâne et martèlent, la rébellion, la colère et la crainte, la déception face à ce monde conforme à rien, ces couleurs qui hurlent, qui crachent, qui accusent, condamnent et interpellent, exister un peu, au milieu du bitume, gris, triste, qui fait mal, emprisonne les rêves, annihile les ambitions, inhibe les sentiments, sur le mur, enfin, la rédemption, à portée de bombes, du balai, des mains, des bras, des jambes qui s’affairent, qui s’agitent, en mouvements cadencés au service du génie, il naît, puissant, indissoluble, inaltérable, là.
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À cette heure, la rue est déserte. Condition idéale pour Yanis. Il jette un œil autour de lui pour s’assurer que la voie est libre. Personne. Ce mur, il l’a repéré depuis longtemps, il sait déjà ce qu’il va en faire. Le mur idéal, parfaitement bien placé, lisse, spacieux, un peu défraîchi… Il n’a donc aucune raison de se sentir coupable, il ne détériore rien, il embellit. Dans son sac à dos, ses bombes : du bleu, du vert, du noir, du rouge, de l’argenté. Avec ces couleurs, c’est sûr, il va réaliser sa plus belle œuvre. De toutes façons, il n’a pas le choix, il s’est déjà trop vanté de ses prouesses pour échouer. Toute la bande doit arriver d’une minute à l’autre. Il faut tous les convaincre, surtout Tony, l’excellent, le génial Tony. S’il y arrive, il intègrera non seulement la bande mais il sortira de l’ombre : il ne sera plus un graffeur clandestin, il pourra enfin être reconnu. Vivre de son art, son rêve. Face à sa toile, bombe noire en main, un premier trait, un contour, puis un autre et encore un autre… La silhouette de quelques immeubles se dessine. Du gris pour les peindre. Du bleu pour l’horizon. Du vert pour le parc. Et du rouge, du rouge pour la violence qui réside dans ces tours. Non, il ne veut pas de beau… Il faut que ça parle, que ça choque, que ça fasse réfléchir. On ne peut pas, on ne doit pas rester passif, sans émotion, devant un graffiti. Lui, ce qu’il veut c’est que les petits bourgeois de ce quartier se rendent compte de la réalité qui est la sienne. Tout près d’ici, dans un autre monde.
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Grisaille. Les murs, les trottoirs, l’asphalte. Une enceinte, autour, un homme marche, l’autre tapi dans l’ombre, se cache. Plus personne. Il sort de l’ombre : sweat rouge, pantalon noir, large, baskets à trois bandes. Un sac plein à l’épaule. Il s’arrête. Devant lui le mur, triste, froid, uniforme. Coup d’œil à droite, à gauche. D’un geste prompt, il ouvre le sac. En sort trois bombes, les pose à terre, un masque blanc, le met sur son visage. Rouge, bleu, jaune. Il saisit la première, la dirige vers le mur, dessine un arc-de-cercle. La repose. Au tour du bleu. Trois taches çà et là. La rouge à nouveau. Le motif prend forme. Un instant, il s’immobilise, aux aguets. Coup d’œil à droite, à gauche. Toujours rien. Il reprend son ballet chorégraphique, alternant les couleurs, esquissant quatre lettres, sa signature sans doute. Du haut de ma fenêtre, je devine la passion qui l’anime. Ses gestes sont nerveux, précis, réfléchis. Soudain, il s’accroupit, jette les bombes dans son sac, pêle-mêle, retire le masque, reprend ses affaires et s’enfuit en courant. Au loin, je le vois sauter par-dessus un muret, lestement. Puis plus rien. Seule une sirène de police vient troubler le silence. Elle lui aura fait peur. Demain, à la même heure, il reviendra poursuivre son œuvre. Son unique moyen d’expression.
Amélie :
Grisaille. Les murs, les trottoirs, l’asphalte. Une enceinte, autour, un homme marche, l’autre tapi dans l’ombre, se cache. Plus personne. Il sort de l’ombre : sweat rouge, pantalon noir, large, baskets à trois bandes. Un sac plein à l’épaule. Il s’arrête. Devant lui le mur, triste, froid, uniforme. Coup d’œil à droite, à gauche. D’un geste prompt, il ouvre le sac. En sort trois bombes, les pose à terre, un masque blanc, le met sur son visage. Rouge, bleu, jaune. Il saisit la première, la dirige vers le mur, dessine un arc-de-cercle. La repose. Au tour du bleu. Trois taches çà et là. La rouge à nouveau. Le motif prend forme. Un instant, il s’immobilise, aux aguets. Coup d’œil à droite, à gauche. Toujours rien. Il reprend son ballet chorégraphique, alternant les couleurs, esquissant quatre lettres, sa signature sans doute. Du haut de ma fenêtre, je devine la passion qui l’anime. Ses gestes sont nerveux, précis, réfléchis. Soudain, il s’accroupit, jette les bombes dans son sac, pêle-mêle, retire le masque, reprend ses affaires et s’enfuit en courant. Au loin, je le vois sauter par-dessus un muret, lestement. Puis plus rien. Seule une sirène de police vient troubler le silence. Elle lui aura fait peur. Demain, à la même heure, il reviendra poursuivre son œuvre. Son unique moyen d’expression.
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