Les dix commandements du traducteur littéraire
Je vous propose de découvrir à la suite les dix grands principes qui doivent (ou devraient) fonder le travail du traducteur littéraire et le guider dans une démarche réflexive sur son métier. Ceux-ci, exposés sous la forme de maximes (que nous pourrons entendre solennellement résonner !), sont le fruit (condensé) des interventions de Jean-Marie Saint-Lu qui vient régulièrement éclairer de ses lumières nos ateliers tutorés. D’ailleurs, profitons de l’occasion qui nous est donnée ici pour le remercier de ses précieux conseils et riches enseignements que nous retirons, séance après séance, lors de nos rendez-vous mensuels, du partage de son expérience.
1. Sans relâche tu liras.
Notons bien ce premier précepte : il n’y a pas de bon traducteur qui ne soit d’abord un grand lecteur ! Le maître mot est donc de lire, lire et lire encore ! Peaufiner sans cesse sa culture littéraire est le premier gage d’un travail de traduction qui se développera qualitativement au fil des années. Donc, tous à nos bouquins !
2. Constamment tu douteras.
Là encore, affirmons haut et fort le principe suivant : il s’impose de bannir de notre pratique tous les raccourcis, réflexes conditionnés, habitudes, tics, tentations diverses et variées de facilité que nous avons pu un jour contracter. Auquel cas, nous allons au devant de gros ennuis ! : répéter cette énième faute d’orthographe ou de grammaire que, décidément, on n’intégrera jamais, aller trop vite et passer à côté d’une nuance qui finalement se révèle capitale, renoncer à une vérification et verser dans le faux sens ou le contresens. Bref, vous l’aurez compris, le secret réside dans le doute systématique ! Vérifions donc à l’envi tout ce qui nous chiffonne ! Même de loin, imperceptiblement... Souvent, on est surpris (et soulagé) de constater notre erreur : « Ouf, heureusement que j’ai cherché, c’est incroyable tout de même, j’étais tellement sûr(e) de moi ! » Une des clefs pour résoudre le plus rapidement nos doutes (c’est-à-dire pour gagner du temps tout en restant efficace) est de se constituer une solide bibliothèque d’ouvrages et/ou de ressources électroniques pertinentes, recensant les difficultés de la langue française. Il y a de quoi faire !
3. Par une explication de texte, ta traduction obligatoirement tu commenceras.
Exercice pas évident au premier abord, voire vraiment difficile, en tous cas, souvent plus qu’il n’y paraît. Et pourtant, c’est à cette seule condition que le traducteur pourra prétendre posséder sur le bout des doigts son texte, s’y déplacer aisément, s’y repérer à coup sûr, suivre sans faille le fil de la narration. Cette consigne implique une lecture raisonnée et perfectionniste du texte, ce qui suppose pas mal d’entraînement, une grande capacité d’organisation, un esprit synthétique réfléchissant à plein régime et une bonne dose de persévérance ! Introduisons une petite requête au passage : nous en réclamons davantage dans nos cursus universitaires !
4. La musique du texte tu entendras.
Eh oui... chaque texte a une musique particulière que le traducteur doit entendre. C’est pourquoi, le travail du traducteur n’est pas tant de traduire une histoire mais une façon de raconter une histoire. Il faudra toujours veiller scrupuleusement à respecter cette identité du texte pour ne jamais trahir le style d’un auteur. Qui a dit que la traduction était à la longue un exercice monotone ? Loin de nous cette idée ! Pas de traduction uniforme s’il vous plaît !
5. Dans le travers de la réécriture, tu ne tomberas pas.
Ce point est en lien direct avec le précédent : on passe à côté de la musique du texte et du coup, on propose (même inconsciemment) la nôtre ! Un des grands risques auxquels peut s’exposer le traducteur est celui d’un texte final où on finirait par lire sa langue et non plus celle de l’auteur. En effet, quand le traducteur nourrit un goût très prononcé pour la langue française, il peut être tenté de vampiriser le texte de l’auteur. Le résultat : il pourra reformuler à sa manière ce qu’exprime l’auteur, voire, dans les cas extrêmes, écrire au détour d’une phrase ce que lui-même veut dire !
6. Jamais la langue étrangère tu ne franciseras.
Attention à ne pas franciser ce qui n’est pas français : la tentation de réécrire les textes pour faire de la belle langue est grande ! Pas question de lisser le texte par amour du beau ! Prenons-en de la graine ! Pour éviter de tomber dans cet écueil, il est fortement conseillé de garder la plus grande proximité possible avec la langue de départ tout en ne perdant jamais de vue la limite à ne pas franchir : un français incorrect.
7. Sans te décourager, les problèmes de compréhension tu éclairciras.
Il est parfois angoissant de constater que la signification de tel passage n’est pas claire. Néanmoins, il faut dédramatiser et savoir que l’on peut toujours résoudre les questions sur le sens dans le texte espagnol (dictionnaires spécialisés, connaissances hispanophones, mise au point avec l’auteur). En revanche, on ne rappellera jamais assez que le traducteur est toujours seul devant le français...
8. Les spécificités de la culture originale tu respecteras.
En aucun cas, il ne faut gommer les spécificités de la réalité qui nous est donnée à voir, à sentir, à entendre, à goûter, à toucher... Par exemple, les odeurs d’un plat, d’une fleur, etc... sont parfois délicates à transcrire car elle naissent souvent d’une réalité particulière, différente de la nôtre. La difficulté peut donc résider ici dans ce que le traducteur ne dispose pas forcément dans sa propre langue du vocabulaire adéquat pour rendre tel ou tel élément de cette réalité. L’écrivain, lui, possède une langue adaptée à sa réalité, celle qu’il décrit. D’ailleurs, elle change avec les pays, elle évolue en fonction des époques, elle se charge de nuances en fonction des milieux, des modes, des personnages... Tout l’enjeu pour le traducteur sera de traduire ces références culturelles. Plusieurs options se présentent : traduire littéralement, maintenir le terme en version originale en l’expliquant par une note de bas de page ou dans un glossaire, adapter, substituer, expliciter par une périphrase... À lui de décider au cas par cas de la solution à retenir. Un petit plus indispensable : se constituer des répertoires, bases de données, etc. de plus en plus exhaustifs au fil des années et éventuellement des spécialisations.
9. Avec tes lecteurs, le plaisir du texte tu partageras.
L’objectif du traducteur est aussi (et surtout !) de faire partager au lecteur français le plaisir qu’il a eu à lire le texte original. Même si, à la fin, il est fort probable que notre cher traducteur soit abreuvé de son texte, la fraîcheur du début doit toujours transparaître !
10. Sans relâche, tu te reliras.
En écho à la première règle : pas de bonne traduction, non seulement sans maintes lectures, mais aussi sans maintes relectures ! Et, qu’elles soient ciblées ou globales – à chacun ses stratégies mises en place au fur et à mesure des besoins –, celles-ci devront toujours faire l’objet de la plus grande attention. Comme nous l’avons dit en d’autres lieux, ce sont les « couches successives » qui garantissent une traduction réussie. Et pour terminer, n’oublions jamais qu’il n’existe pas de traduction parfaite car il n’y a pas de calque possible entre deux langues, deux cultures... Une note d’humilité à méditer !
Je vous propose de découvrir à la suite les dix grands principes qui doivent (ou devraient) fonder le travail du traducteur littéraire et le guider dans une démarche réflexive sur son métier. Ceux-ci, exposés sous la forme de maximes (que nous pourrons entendre solennellement résonner !), sont le fruit (condensé) des interventions de Jean-Marie Saint-Lu qui vient régulièrement éclairer de ses lumières nos ateliers tutorés. D’ailleurs, profitons de l’occasion qui nous est donnée ici pour le remercier de ses précieux conseils et riches enseignements que nous retirons, séance après séance, lors de nos rendez-vous mensuels, du partage de son expérience.
1. Sans relâche tu liras.
Notons bien ce premier précepte : il n’y a pas de bon traducteur qui ne soit d’abord un grand lecteur ! Le maître mot est donc de lire, lire et lire encore ! Peaufiner sans cesse sa culture littéraire est le premier gage d’un travail de traduction qui se développera qualitativement au fil des années. Donc, tous à nos bouquins !
2. Constamment tu douteras.
Là encore, affirmons haut et fort le principe suivant : il s’impose de bannir de notre pratique tous les raccourcis, réflexes conditionnés, habitudes, tics, tentations diverses et variées de facilité que nous avons pu un jour contracter. Auquel cas, nous allons au devant de gros ennuis ! : répéter cette énième faute d’orthographe ou de grammaire que, décidément, on n’intégrera jamais, aller trop vite et passer à côté d’une nuance qui finalement se révèle capitale, renoncer à une vérification et verser dans le faux sens ou le contresens. Bref, vous l’aurez compris, le secret réside dans le doute systématique ! Vérifions donc à l’envi tout ce qui nous chiffonne ! Même de loin, imperceptiblement... Souvent, on est surpris (et soulagé) de constater notre erreur : « Ouf, heureusement que j’ai cherché, c’est incroyable tout de même, j’étais tellement sûr(e) de moi ! » Une des clefs pour résoudre le plus rapidement nos doutes (c’est-à-dire pour gagner du temps tout en restant efficace) est de se constituer une solide bibliothèque d’ouvrages et/ou de ressources électroniques pertinentes, recensant les difficultés de la langue française. Il y a de quoi faire !
3. Par une explication de texte, ta traduction obligatoirement tu commenceras.
Exercice pas évident au premier abord, voire vraiment difficile, en tous cas, souvent plus qu’il n’y paraît. Et pourtant, c’est à cette seule condition que le traducteur pourra prétendre posséder sur le bout des doigts son texte, s’y déplacer aisément, s’y repérer à coup sûr, suivre sans faille le fil de la narration. Cette consigne implique une lecture raisonnée et perfectionniste du texte, ce qui suppose pas mal d’entraînement, une grande capacité d’organisation, un esprit synthétique réfléchissant à plein régime et une bonne dose de persévérance ! Introduisons une petite requête au passage : nous en réclamons davantage dans nos cursus universitaires !
4. La musique du texte tu entendras.
Eh oui... chaque texte a une musique particulière que le traducteur doit entendre. C’est pourquoi, le travail du traducteur n’est pas tant de traduire une histoire mais une façon de raconter une histoire. Il faudra toujours veiller scrupuleusement à respecter cette identité du texte pour ne jamais trahir le style d’un auteur. Qui a dit que la traduction était à la longue un exercice monotone ? Loin de nous cette idée ! Pas de traduction uniforme s’il vous plaît !
5. Dans le travers de la réécriture, tu ne tomberas pas.
Ce point est en lien direct avec le précédent : on passe à côté de la musique du texte et du coup, on propose (même inconsciemment) la nôtre ! Un des grands risques auxquels peut s’exposer le traducteur est celui d’un texte final où on finirait par lire sa langue et non plus celle de l’auteur. En effet, quand le traducteur nourrit un goût très prononcé pour la langue française, il peut être tenté de vampiriser le texte de l’auteur. Le résultat : il pourra reformuler à sa manière ce qu’exprime l’auteur, voire, dans les cas extrêmes, écrire au détour d’une phrase ce que lui-même veut dire !
6. Jamais la langue étrangère tu ne franciseras.
Attention à ne pas franciser ce qui n’est pas français : la tentation de réécrire les textes pour faire de la belle langue est grande ! Pas question de lisser le texte par amour du beau ! Prenons-en de la graine ! Pour éviter de tomber dans cet écueil, il est fortement conseillé de garder la plus grande proximité possible avec la langue de départ tout en ne perdant jamais de vue la limite à ne pas franchir : un français incorrect.
7. Sans te décourager, les problèmes de compréhension tu éclairciras.
Il est parfois angoissant de constater que la signification de tel passage n’est pas claire. Néanmoins, il faut dédramatiser et savoir que l’on peut toujours résoudre les questions sur le sens dans le texte espagnol (dictionnaires spécialisés, connaissances hispanophones, mise au point avec l’auteur). En revanche, on ne rappellera jamais assez que le traducteur est toujours seul devant le français...
8. Les spécificités de la culture originale tu respecteras.
En aucun cas, il ne faut gommer les spécificités de la réalité qui nous est donnée à voir, à sentir, à entendre, à goûter, à toucher... Par exemple, les odeurs d’un plat, d’une fleur, etc... sont parfois délicates à transcrire car elle naissent souvent d’une réalité particulière, différente de la nôtre. La difficulté peut donc résider ici dans ce que le traducteur ne dispose pas forcément dans sa propre langue du vocabulaire adéquat pour rendre tel ou tel élément de cette réalité. L’écrivain, lui, possède une langue adaptée à sa réalité, celle qu’il décrit. D’ailleurs, elle change avec les pays, elle évolue en fonction des époques, elle se charge de nuances en fonction des milieux, des modes, des personnages... Tout l’enjeu pour le traducteur sera de traduire ces références culturelles. Plusieurs options se présentent : traduire littéralement, maintenir le terme en version originale en l’expliquant par une note de bas de page ou dans un glossaire, adapter, substituer, expliciter par une périphrase... À lui de décider au cas par cas de la solution à retenir. Un petit plus indispensable : se constituer des répertoires, bases de données, etc. de plus en plus exhaustifs au fil des années et éventuellement des spécialisations.
9. Avec tes lecteurs, le plaisir du texte tu partageras.
L’objectif du traducteur est aussi (et surtout !) de faire partager au lecteur français le plaisir qu’il a eu à lire le texte original. Même si, à la fin, il est fort probable que notre cher traducteur soit abreuvé de son texte, la fraîcheur du début doit toujours transparaître !
10. Sans relâche, tu te reliras.
En écho à la première règle : pas de bonne traduction, non seulement sans maintes lectures, mais aussi sans maintes relectures ! Et, qu’elles soient ciblées ou globales – à chacun ses stratégies mises en place au fur et à mesure des besoins –, celles-ci devront toujours faire l’objet de la plus grande attention. Comme nous l’avons dit en d’autres lieux, ce sont les « couches successives » qui garantissent une traduction réussie. Et pour terminer, n’oublions jamais qu’il n’existe pas de traduction parfaite car il n’y a pas de calque possible entre deux langues, deux cultures... Une note d’humilité à méditer !
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