mercredi 2 mars 2011

Entretien avec une correctrice anonyme, réalisé par Perrine Huet

Je tiens à remercier C.L. qui a gentiment accepté de répondre à mes questions, mais préfère conserver l’anonymat pour diverses raisons.

1) Comment êtes-vous devenue correctrice ? Avez-vous suivi une formation particulière ?
Je n'ai pas suivi de formation particulière pour devenir correctrice. En revanche, j'ai fait des études ayant trait à la littérature (Master II de lettres modernes) et à l'édition (Master II des métiers du texte et de l'édition). Par la suite, j'ai fait deux stages en littérature (française et étrangère) dans des maisons d'édition généralistes, puis ai travaillé durant un an et demi en tant qu'assistante d'édition dans une maison publiant des méthodes de langues. Je me suis donc en quelque sorte formée sur le tas.

2) Pour quelle(s) maison(s) d’édition travaillez-vous?
Des maisons d'édition généralistes installées à Paris.

3) Quel genre de littérature corrigez-vous ? Y en a-t-il un que vous affectionnez tout particulièrement ? Pourquoi ?
Je corrige de la littérature française et étrangère, fictionnelle ou non. À mon sens, il est enrichissant de travailler à tour de rôle sur différentes formes de littérature, d'une part pour prévenir toute forme de lassitude, d'autre part parce que chaque « genre » ayant ses contraintes et ses particularités, le passage de l'un à l'autre permet de conserver une certaine souplesse d'esprit, de se remettre sans cesse en question, de ne pas s'enfermer dans un moule en appliquant des recettes.

4) Corrigez-vous davantage de traductions ou davantage d’œuvres directement écrite en français ? L’organisation de votre travail est-il différent selon ces deux types de textes ?
Actuellement, je corrige davantage d'œuvres directement écrites en français. Il est certain que le travail est différent selon que l'on corrige une traduction ou de la littérature française. Dans le premier cas, outre les questions de typographie, d'orthographe, de vocabulaire, de syntaxe, etc., inhérentes à toute forme d'écrit, il convient également de prendre en considération le texte original, de s'y référer en cas de doute, de s'assurer que son esprit, sa voix, ont été conservés, recréés en français et, le cas échéant, d'être à même de déceler un faux-sens, voire un contre-sens, ou encore une traduction littérale qui ne fait pas sens en français.

5) Quelles sont les différentes étapes de correction d’un ouvrage ?
Je pense que les différentes étapes de correction d'un ouvrages peuvent varier suivant les maisons (nombre de correcteurs, etc.). La plupart du temps, cependant, un texte dactylographié est d'abord envoyé en préparation (« prépa ») à un correcteur, avant d'être mis en pages. Un second correcteur intervient à ce stade sur ce que l'on appelle les « premières » (épreuves). Et ceci sans parler évidemment du travail qui est fait en parallèle par l'éditeur.

6) Comment qualifieriez-vous vos relations avec les auteurs et traducteurs que vous corrigez ?
En général, un correcteur n'a que peu de relations avec les auteurs et traducteurs, si ce n'est par jeu d'épreuves interposé (l'éditeur jouant l'intermédiaire entre eux). Et, la plupart du temps, l'éditeur fait un retour au correcteur une fois qu'il a soumis ses interventions à l'auteur ou au traducteur. Cependant, un rendez-vous de travail entre l'auteur/traducteur, le correcteur et l'éditeur peut être organisé si ce dernier l'estime souhaitable.

7) Entretenez-vous de bons rapports avec les éditeurs ?
Oui, très bons. Mais relativement peu fréquents. Étant donné que je suis en free-lance, ils me contactent pour me proposer un ouvrage, nous nous accordons sur la date de la remise et faisons un point sur les particularités du texte. Par la suite, lorsque je travaille sur les épreuves, il peut m'arriver de les contacter concernant tel ou tel point, tel ou tel parti pris d'écriture dont je souhaite discuter avec eux. Puis, lorsque je rapporte le texte dans les bureaux, nous faisons ensemble un bilan global des interventions et évoquons éventuellement certains points épineux.

8) Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de correcteur ? Quelles sont les différences majeures, selon vous, avec le métier d’écrivain ?
Le métier de correcteur permet selon moi d'entretenir des liens étroits avec la littérature au présent. Il est assez fascinant d'assister à la gestation d'un livre et d'y participer, d'une certaine manière.
Je crois par ailleurs que le métier de correcteur n'a rien de comparable avec celui d'écrivain (même si, dans les deux cas, il me semble indispensable d'avoir une sensibilité à l'écriture). Le second est l'auteur d'un texte, son créateur, alors que le premier intervient en aval. Il est un œil extérieur, distancié, qui peut contribuer à gommer d'éventuelles imperfections d'un texte achevé avant sa publication, tout en veillant à respecter son esprit, à ne pas le dénaturer en le lisant, par exemple.

9) Que pensez-vous des correcteurs orthographiques ou grammaticaux disponibles en ligne ?
Je pense qu'ils ne sont pas à négliger au sens où ils permettent d'emblée d'évacuer un certain nombre de coquilles grossières. Cependant, il me semble qu'ils doivent intervenir en amont du correcteur « humain » car aucun logiciel, aussi perfectionné soit-il, ne peut vraisemblablement remplacer un œil vivant et doué d'un jugement critique, d'une sensibilité au texte inaccessible à tout programme informatique.

10) Votre profession a-t-elle fait de vous une lectrice différente ?
Sans nul doute. Comme dans tout métier, l'on est victime d'une sorte de « déformation professionnelle ». En l'occurrence, on ne lit plus guère un texte de manière cursive, mais analytique. Mais cela ne s'applique bien sûr pas qu'aux correcteurs.

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