« La douleur »
On ne sait pas pourquoi, mais on sent que ça nous chatouille. Sous le pied, derrière la tête, il y a quelque chose. On gratte, rien à faire. On sort de chez soi, on marche dans la rue, il y a quelque chose, c’est sûr. Dans le ventre, entre les côtes, on le sent. On frotte, toujours rien. Cela fourmille quelque part dans le corps. D’où ça vient et par où ça passe, impossible et inutile de le savoir. Mais tout de même, il y a quelque chose. Il faut comprendre. Cela écrase la poitrine, hérisse les poils. De la nuque au bassin, chaque vertèbre semble piquer ; les muscles, tout autour, se contractent. Cela tourne à l’intérieur, cela resserre les boyaux, comprime le muscle cardiaque. Cela nous fait tituber, cela étouffe nos poumons. On tousse, on tangue, on frissonne. Il faut trouver la cause. Il y en a cent, mille, et plus. On cherche, on s’étourdit. Cela nous prend maintenant à la gorge, pèse sur nos épaules, nous paralyse. On gémit, rien. On ne peut plus comprendre. On hurle, en vain. On tombe, on se tortille, nos jambes se nouent. Nos bras se croisent et s’agrippent à nos hanches. Notre menton cherche le creux de notre gorge, au plus près. Nos yeux se plissent. On roule, on ne sait plus où on est.
La douleur ! La douleur ! Les douleurs ! Ce sont elles, elles qui nous assaillent, toutes en une, et qui nous tiennent là, à leur merci, vulnérables, assiégés. Il faut les repousser toutes, les cracher, les extirper de notre corps et les jeter loin. On explose, on les éjecte. C’est un feu d’artifice, une bombe de souffrances. Elles volent en éclats, se dispersent et se dissolvent. On se sent vides, exténués. On a vaincu. La douleur, les douleurs se sont évaporées. Nous pouvons dormir sereins, exorcisés : la douleur n’est plus.
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