www.delphinerivet.com
1- Comment êtes-vous venue à la traduction ?
Arrivée en maîtrise de lettres modernes, je me suis rendue compte que ce qui me plaisait le plus, c’était les versions, latines, anglaises, allemandes, ce plaisir de manipuler la langue, et de rechercher le mot juste pour rendre l’original en français. Je me suis donc inscrite au master (à l’époque maîtrise et DESS) de Charles V à l’université Paris VII et à l’issue de deux stages, au Masque puis chez Grasset, j’ai obtenu mes premières traductions.
2- Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Je viens de feuilleter ma première traduction publiée, qui n’est pas si mal, mais sans doute trop près du texte. Il s’agit d’un polar, sympathique mais pas spécialement bien écrit, et j’aurais sans doute dû m’accorder plus de libertés sur le style. Cela vient du fait que lors de ma formation, nous travaillions surtout sur des textes très littéraires, qui nous portaient, et auxquels nous pouvions faire confiance, pour lesquels nous avions aussi un grand respect. Quand il s’agit de romans écrits dans un style plus relâché, mieux vaut réécrire légèrement, resserrer le texte, si c’est ce que souhaite l’éditeur bien sûr.
3- Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de traductrice ?
J’aime ce métier et je ne pourrais plus en exercer un autre. Il me permet d’être plongée dans les bouquins tout le temps et c’est ce que j’aime. J’apprécie aussi la solitude, le fait de ne pas être interrompue par mille petites tâches, coups de téléphone etc… comme il peut y avoir dans un « vrai bureau ».
A chaque nouvelle traduction, c’est une nouvelle aventure qui commence, un nouvel univers, un nouveau style. Mais c’est un métier assez mal rémunéré et très précaire. Vous n’êtes pas à l’abri de vous retrouver un mois, deux mois, plus, sans travail, sans aucune indemnité. C’est le prix de la liberté que ce métier offre par ailleurs.
4- Vous traduisez davantage de roman que de théâtre ou de poésie, quelle différence faites vous entre les genres en tant que traductrice ?
Je n’ai jamais traduit de théâtre ou de poésie donc il m’est difficile de vous répondre. Je ne me risquerais pas à traduire de la poésie, certains le font magnifiquement, parce qu’ils sont à mon sens, poètes aux aussi. En revanche, moi qui prends beaucoup de plaisir à traduire les dialogues, je crois que j’aimerais beaucoup m’essayer à la traduction de théâtre. C’est un travail différent, pour lequel on peut avoir la chance de collaborer avec le metteur en scène et les comédiens.
5- Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs pour lesquels vous travaillez ?
C’est très variable. Parfois, absolument aucun, pas même quelques mails au cours de la traduction, et c’est très frustrant. J’ai appris à mes dépens qu’il est très important de savoir à quoi l’éditeur s’attend quand il vous confie un texte, quitte à lui faire lire un extrait au début afin de se mettre d’accord sur certaines choses.
Chez Belfond, par exemple, il y a une personne qui est « responsable des traductions », avec qui j’ai pu véritablement travailler sur un texte, qui nécessitait une réécriture. Je lui avais rendu cent pages, qu’elle a lues et que nous avons ensuite parcourues ensemble. C’était agréable d’avoir pour une fois un regard extérieur et très bénéfique pour la suite de la traduction.
6- Quels rapports, éventuels, entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Je n’ai pas encore eu l’occasion de contacter des auteurs. Les éditeurs n’y tiennent pas particulièrement, en général. Il faut dire que j’ai traduit surtout des romans « grand public » pour lesquels je n’avais aucune question particulière à poser.
Toutefois quand j’ai traduit des lettres inédites de Mère Teresa (en collaboration avec Cécile Deniard, publiée chez Lethielleux), nous avons eu énormément de contacts avec les religieuses responsables du Mother Teresa Center au Mexique, qui sont les ayants droits, gardiennes en quelque sorte de sa spiritualité et ce fut un travail de fourmi, très nouveau pour moi et passionnant. (Cette expérience est racontée dans le Translittérature n° 35-été 2008)
7- Quel est votre meilleur souvenir de traductrice ? Quel est le moins bon ?
Mon meilleur souvenir : l’expérience que je viens d’évoquer : il était très émouvant de traduire des lettres très intimes d’une personne aussi passionnante et complexe qui a compté dans l’histoire de l’humanité.
Le moins bon : mes deux premières traductions pour le Masque, qui, suite à un changement de directrice de collection, n’ont jamais été publiées. J’en profite pour mettre en garde les traducteurs débutants : ne jamais signer un contrat qui prévoit une partie de la rémunération à publication de l’ouvrage car vous n’avez absolument aucune garantie qu’il sera publié.
8- Quel livre auriez-vous aimé ou aimeriez-vous traduire ?
Des romans qui vous emportent dans l’univers de l’auteur, tout en racontant une histoire bien construite, comme savent si bien le faire les anglo-saxons : Pat Conroy, Michael Cunningham, Jonathan Coe, Kate Atkinson, Alison Lurie, David Lodge, bref, les auteurs que j’aime lire.
La littérature jeunesse m’attire également, parce que c’est dans ce domaine que j’ai de fabuleux souvenirs de lecture.
Sinon dans le domaine des autobiographies, j’aurais adoré traduire The Glass Castle de Jeannette Walls, publié chez Robert Laffont.
Et j’ai toujours dans mes tiroirs ma traduction de DESS, Can’t Quit you, Baby, de l’américaine Ellen Douglas, un très beau roman sur l’amitié entre une Noire et une Blanche dans le Mississippi des années soixante, par lequel plusieurs éditeurs se sont montrés intéressés, sans que cela aboutisse.
9- Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
L’un n’exclut pas l’autre. (D’ailleurs, juridiquement, un traducteur est un auteur !) La métaphore du passeur qui a fait couler beaucoup d’encre est très belle et très juste selon moi puisqu’il s’agit bien d’amener un lecteur vers un texte qu’il ne pourrait sans cela déchiffrer, mais cela n’exclut pas la dimension d’auteur ; un auteur second, qui se cache dans l’ombre du premier et qui tente de rester le plus discret possible, mais qui laisse inévitablement son empreinte sur le texte.
10- Traduire a-t-il fait de vous une lectrice différente ? Le cas échéant, quelle lectrice ?
Je suis naturellement attirée par la littérature anglo-saxonne donc pour éviter d’adopter un style trop calqué sur l’anglais, je suis obligée de lire des auteurs français. Il n’est pas rare que je relève un mot dans un texte français, pour le ranger dans une boîte dans ma petite tête parce qu’il irait très bien dans ma traduction.
Il m’arrive aussi de lire des livres du même domaine que ce que je traduis, pour m’imprégner du vocabulaire. En fait, tout ce que je lis peut nourrir mon travail de traductrice, ce qui me permet de lire Elle sans culpabilité, en me disant que ce sera très utile pour des romans de « chick-lit », Fred Vargas, pour l’atmosphère des polars, etc…
Le site de Delphine Rivet : http://www.delphinerivet.com/
Arrivée en maîtrise de lettres modernes, je me suis rendue compte que ce qui me plaisait le plus, c’était les versions, latines, anglaises, allemandes, ce plaisir de manipuler la langue, et de rechercher le mot juste pour rendre l’original en français. Je me suis donc inscrite au master (à l’époque maîtrise et DESS) de Charles V à l’université Paris VII et à l’issue de deux stages, au Masque puis chez Grasset, j’ai obtenu mes premières traductions.
2- Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Je viens de feuilleter ma première traduction publiée, qui n’est pas si mal, mais sans doute trop près du texte. Il s’agit d’un polar, sympathique mais pas spécialement bien écrit, et j’aurais sans doute dû m’accorder plus de libertés sur le style. Cela vient du fait que lors de ma formation, nous travaillions surtout sur des textes très littéraires, qui nous portaient, et auxquels nous pouvions faire confiance, pour lesquels nous avions aussi un grand respect. Quand il s’agit de romans écrits dans un style plus relâché, mieux vaut réécrire légèrement, resserrer le texte, si c’est ce que souhaite l’éditeur bien sûr.
3- Comment voyez-vous aujourd’hui le métier de traductrice ?
J’aime ce métier et je ne pourrais plus en exercer un autre. Il me permet d’être plongée dans les bouquins tout le temps et c’est ce que j’aime. J’apprécie aussi la solitude, le fait de ne pas être interrompue par mille petites tâches, coups de téléphone etc… comme il peut y avoir dans un « vrai bureau ».
A chaque nouvelle traduction, c’est une nouvelle aventure qui commence, un nouvel univers, un nouveau style. Mais c’est un métier assez mal rémunéré et très précaire. Vous n’êtes pas à l’abri de vous retrouver un mois, deux mois, plus, sans travail, sans aucune indemnité. C’est le prix de la liberté que ce métier offre par ailleurs.
4- Vous traduisez davantage de roman que de théâtre ou de poésie, quelle différence faites vous entre les genres en tant que traductrice ?
Je n’ai jamais traduit de théâtre ou de poésie donc il m’est difficile de vous répondre. Je ne me risquerais pas à traduire de la poésie, certains le font magnifiquement, parce qu’ils sont à mon sens, poètes aux aussi. En revanche, moi qui prends beaucoup de plaisir à traduire les dialogues, je crois que j’aimerais beaucoup m’essayer à la traduction de théâtre. C’est un travail différent, pour lequel on peut avoir la chance de collaborer avec le metteur en scène et les comédiens.
5- Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs pour lesquels vous travaillez ?
C’est très variable. Parfois, absolument aucun, pas même quelques mails au cours de la traduction, et c’est très frustrant. J’ai appris à mes dépens qu’il est très important de savoir à quoi l’éditeur s’attend quand il vous confie un texte, quitte à lui faire lire un extrait au début afin de se mettre d’accord sur certaines choses.
Chez Belfond, par exemple, il y a une personne qui est « responsable des traductions », avec qui j’ai pu véritablement travailler sur un texte, qui nécessitait une réécriture. Je lui avais rendu cent pages, qu’elle a lues et que nous avons ensuite parcourues ensemble. C’était agréable d’avoir pour une fois un regard extérieur et très bénéfique pour la suite de la traduction.
6- Quels rapports, éventuels, entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Je n’ai pas encore eu l’occasion de contacter des auteurs. Les éditeurs n’y tiennent pas particulièrement, en général. Il faut dire que j’ai traduit surtout des romans « grand public » pour lesquels je n’avais aucune question particulière à poser.
Toutefois quand j’ai traduit des lettres inédites de Mère Teresa (en collaboration avec Cécile Deniard, publiée chez Lethielleux), nous avons eu énormément de contacts avec les religieuses responsables du Mother Teresa Center au Mexique, qui sont les ayants droits, gardiennes en quelque sorte de sa spiritualité et ce fut un travail de fourmi, très nouveau pour moi et passionnant. (Cette expérience est racontée dans le Translittérature n° 35-été 2008)
7- Quel est votre meilleur souvenir de traductrice ? Quel est le moins bon ?
Mon meilleur souvenir : l’expérience que je viens d’évoquer : il était très émouvant de traduire des lettres très intimes d’une personne aussi passionnante et complexe qui a compté dans l’histoire de l’humanité.
Le moins bon : mes deux premières traductions pour le Masque, qui, suite à un changement de directrice de collection, n’ont jamais été publiées. J’en profite pour mettre en garde les traducteurs débutants : ne jamais signer un contrat qui prévoit une partie de la rémunération à publication de l’ouvrage car vous n’avez absolument aucune garantie qu’il sera publié.
8- Quel livre auriez-vous aimé ou aimeriez-vous traduire ?
Des romans qui vous emportent dans l’univers de l’auteur, tout en racontant une histoire bien construite, comme savent si bien le faire les anglo-saxons : Pat Conroy, Michael Cunningham, Jonathan Coe, Kate Atkinson, Alison Lurie, David Lodge, bref, les auteurs que j’aime lire.
La littérature jeunesse m’attire également, parce que c’est dans ce domaine que j’ai de fabuleux souvenirs de lecture.
Sinon dans le domaine des autobiographies, j’aurais adoré traduire The Glass Castle de Jeannette Walls, publié chez Robert Laffont.
Et j’ai toujours dans mes tiroirs ma traduction de DESS, Can’t Quit you, Baby, de l’américaine Ellen Douglas, un très beau roman sur l’amitié entre une Noire et une Blanche dans le Mississippi des années soixante, par lequel plusieurs éditeurs se sont montrés intéressés, sans que cela aboutisse.
9- Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
L’un n’exclut pas l’autre. (D’ailleurs, juridiquement, un traducteur est un auteur !) La métaphore du passeur qui a fait couler beaucoup d’encre est très belle et très juste selon moi puisqu’il s’agit bien d’amener un lecteur vers un texte qu’il ne pourrait sans cela déchiffrer, mais cela n’exclut pas la dimension d’auteur ; un auteur second, qui se cache dans l’ombre du premier et qui tente de rester le plus discret possible, mais qui laisse inévitablement son empreinte sur le texte.
10- Traduire a-t-il fait de vous une lectrice différente ? Le cas échéant, quelle lectrice ?
Je suis naturellement attirée par la littérature anglo-saxonne donc pour éviter d’adopter un style trop calqué sur l’anglais, je suis obligée de lire des auteurs français. Il n’est pas rare que je relève un mot dans un texte français, pour le ranger dans une boîte dans ma petite tête parce qu’il irait très bien dans ma traduction.
Il m’arrive aussi de lire des livres du même domaine que ce que je traduis, pour m’imprégner du vocabulaire. En fait, tout ce que je lis peut nourrir mon travail de traductrice, ce qui me permet de lire Elle sans culpabilité, en me disant que ce sera très utile pour des romans de « chick-lit », Fred Vargas, pour l’atmosphère des polars, etc…
Le site de Delphine Rivet : http://www.delphinerivet.com/
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