Un matin que Madeleine Blanchet, la jeune meunière du Cormouer, s’en allait au bout de son pré
pour laver à la fontaine, elle trouva un petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet, ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car il n’y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là, et on n’y rencontre que des gens de l’endroit.
– Qui es-tu, mon enfant ? dit-elle au petit garçon, qui la regardait d’un air de confiance, mais qui ne parut pas comprendre sa question. Comment t’appelles-tu ? reprit Madeleine Blanchet en le faisant asseoir à côté d’elle et en s’agenouillant pour laver.
– François, répondit l’enfant.
– François qui ?
– Qui ? dit l’enfant d’un air simple.
– À qui es-tu fils ?
– Je ne sais pas, allez !
– Tu ne sais pas le nom de ton père !
– Je n’en ai pas.
– Il est donc mort ?
– Je ne sais pas.
– Et ta mère ?
– Elle est par là, dit l’enfant en montrant une maisonnette fort pauvre qui était à deux portées de fusil du moulin et dont on voyait le chaume à traversa les saules.
– Ah ! je sais, reprit Madeleine, c’est la femme qui est venue demeurer ici, qui est emménagée d’hier soir ?
– Oui, répondit l’enfant.
– Et vous demeuriez à Mers !
– Je ne sais pas.
– Tu es un garçon peu savant. Sais-tu le nom de ta mère, au moins ?
– Oui, c’est la Zabelle.
– Isabelle qui ? tu ne lui connais pas d’autre nom ?
– Ma foi non, allez !
– Ce que tu sais ne te fatiguera pas la cervelle, dit Madeleine en souriant et en commençant à battre son linge.
– Comment dites-vous ? reprit le petit François.
Madeleine le regarda encore ; c’était un bel enfant, il avait des yeux magnifiques. C’est dommage, pensa-t-elle, qu’il ait l’air si niais.
– Quel âge as-tu ? reprit-elle. Peut-être que tu ne le sais pas non plus.
La vérité est qu’il n’en savait pas plus long là-dessus que sur le reste. Il fit ce qu’il put pour répondre, honteux peut-être de ce que la meunière lui reprochait d’être si borné, et il accoucha de cette belle repartie : – Deux ans !
– Oui-da ! reprit Madeleine en tordant son linge sans le regarder davantage, tu es un véritable oison, et on n’a guère pris soin de t’instruire, mon pauvre petit. Tu as au moins six ans pour la taille, mais tu n’as pas deux ans pour le raisonnement.
– Peut-être bien ! répliqua François. – Puis, faisant un autre effort sur lui-même, comme pour secouer l’engourdissement de sa pauvre âme, il dit : – Vous demandiez comment je m’appelle ? On m’appelle François le Champi.
pour laver à la fontaine, elle trouva un petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet, ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car il n’y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là, et on n’y rencontre que des gens de l’endroit.
– Qui es-tu, mon enfant ? dit-elle au petit garçon, qui la regardait d’un air de confiance, mais qui ne parut pas comprendre sa question. Comment t’appelles-tu ? reprit Madeleine Blanchet en le faisant asseoir à côté d’elle et en s’agenouillant pour laver.
– François, répondit l’enfant.
– François qui ?
– Qui ? dit l’enfant d’un air simple.
– À qui es-tu fils ?
– Je ne sais pas, allez !
– Tu ne sais pas le nom de ton père !
– Je n’en ai pas.
– Il est donc mort ?
– Je ne sais pas.
– Et ta mère ?
– Elle est par là, dit l’enfant en montrant une maisonnette fort pauvre qui était à deux portées de fusil du moulin et dont on voyait le chaume à traversa les saules.
– Ah ! je sais, reprit Madeleine, c’est la femme qui est venue demeurer ici, qui est emménagée d’hier soir ?
– Oui, répondit l’enfant.
– Et vous demeuriez à Mers !
– Je ne sais pas.
– Tu es un garçon peu savant. Sais-tu le nom de ta mère, au moins ?
– Oui, c’est la Zabelle.
– Isabelle qui ? tu ne lui connais pas d’autre nom ?
– Ma foi non, allez !
– Ce que tu sais ne te fatiguera pas la cervelle, dit Madeleine en souriant et en commençant à battre son linge.
– Comment dites-vous ? reprit le petit François.
Madeleine le regarda encore ; c’était un bel enfant, il avait des yeux magnifiques. C’est dommage, pensa-t-elle, qu’il ait l’air si niais.
– Quel âge as-tu ? reprit-elle. Peut-être que tu ne le sais pas non plus.
La vérité est qu’il n’en savait pas plus long là-dessus que sur le reste. Il fit ce qu’il put pour répondre, honteux peut-être de ce que la meunière lui reprochait d’être si borné, et il accoucha de cette belle repartie : – Deux ans !
– Oui-da ! reprit Madeleine en tordant son linge sans le regarder davantage, tu es un véritable oison, et on n’a guère pris soin de t’instruire, mon pauvre petit. Tu as au moins six ans pour la taille, mais tu n’as pas deux ans pour le raisonnement.
– Peut-être bien ! répliqua François. – Puis, faisant un autre effort sur lui-même, comme pour secouer l’engourdissement de sa pauvre âme, il dit : – Vous demandiez comment je m’appelle ? On m’appelle François le Champi.
George Sand, François le Champi, 1850
***
Laure G. nous propose sa traduction :
Una mañana en la que Magdalena Blanchet, la joven molinera del Cormouer, se dirigía para lavar hacia el lavadero, en la otra punta del prado, se topó con un muchacho sentado delante de su tablilla, el cual estaba jugueteando con la paja que sirve de almohadilla a las rodillas de las lavanderas. A Magdalena Blanchet, que había divisado a aquel niño, le sorprendió no conocerlo, pues en esa carretera no hay mucho tránsito y no se encuentran más que lugareños.
-¿Quién eres, hijo? Le dijo ella al niño, que la estaba mirando con expresión confiada, pero se le antojó que él no se enteraba de la pregunta. ¿Que cómo te llamas? Insistió Magdalena Blanchet mientras le hacía sentarse junto a ella y se agachaba para lavar.
-Paco, contestó el niño.
-¿Qué Paco?
-¿Qué? dijo el niño algo atontado.
-¿De quién eres hijo?
-¡Yo qué sé, mujer!
-¿Que no te sabes el nombre de tu padre?
-No tengo.
-¿Es que está muerto?
-No lo sé.
-¿ Y tu madre?
-Está por ahí, dijo el niño mostrando la pobretona casita que estaba a unos tiros de piedra del molino y cuyo bálago se veía por entre los sauces.
-Por cierto, ya veo, prosiguió Magdalena, es la mujer que ha venido a instalarse aquí, que se mudó anoche?
-Sí, contestó el niño.
-¡Y vivíais en Mers!
-No lo sé.
-Eres un muchacho poco enterado. ¿Conoces el nombre de tu madre, por lo menos?
-Sí, es la Isa.
-¿Qué Isabela? No le conoces otro nombre?
-¡Qué va, no!
-Por lo que sabes, no te vas a devanar los sesos, dijo sonriendo y empezando a batir la ropa.
-¿Cómo dice usted? reanudó el Paquito.
Magdalena lo miró otra vez; era un bonito niño, tenía unos ojos magníficos. Qué pena, pensó ella, que parezca tan bobo.
-¿Cuántos años tienes? continuó ella. Acaso tampoco lo sabes.
Lo cierto es que no sabía más sobre esto que sobre lo demás. Hizo todo lo posible por responder, avergonzado sin duda por la necedad que le venía reprochando la molinera, y terminó soltando esta aguda réplica: ¡dos años!
-Hombre, continuó Magdalena, torciendo la ropa sin dirigirle otra mirada, eres un ansarón de verdad, se han preocupado muy poco por tu instrucción, pobrecito. Por lo que es de la altura, habrás cumplido los seis años, pero por lo del tino, no tendrás ni dos años.
-¡Tal vez sea cierto! replicó Paco. Luego, violentándose, como para sacudir el embotamiento de su pobre alma, dijo: -¿Preguntaba usted por mi nombre? Me llaman Paco el campi.
Una mañana en la que Magdalena Blanchet, la joven molinera del Cormouer, se dirigía para lavar hacia el lavadero, en la otra punta del prado, se topó con un muchacho sentado delante de su tablilla, el cual estaba jugueteando con la paja que sirve de almohadilla a las rodillas de las lavanderas. A Magdalena Blanchet, que había divisado a aquel niño, le sorprendió no conocerlo, pues en esa carretera no hay mucho tránsito y no se encuentran más que lugareños.
-¿Quién eres, hijo? Le dijo ella al niño, que la estaba mirando con expresión confiada, pero se le antojó que él no se enteraba de la pregunta. ¿Que cómo te llamas? Insistió Magdalena Blanchet mientras le hacía sentarse junto a ella y se agachaba para lavar.
-Paco, contestó el niño.
-¿Qué Paco?
-¿Qué? dijo el niño algo atontado.
-¿De quién eres hijo?
-¡Yo qué sé, mujer!
-¿Que no te sabes el nombre de tu padre?
-No tengo.
-¿Es que está muerto?
-No lo sé.
-¿ Y tu madre?
-Está por ahí, dijo el niño mostrando la pobretona casita que estaba a unos tiros de piedra del molino y cuyo bálago se veía por entre los sauces.
-Por cierto, ya veo, prosiguió Magdalena, es la mujer que ha venido a instalarse aquí, que se mudó anoche?
-Sí, contestó el niño.
-¡Y vivíais en Mers!
-No lo sé.
-Eres un muchacho poco enterado. ¿Conoces el nombre de tu madre, por lo menos?
-Sí, es la Isa.
-¿Qué Isabela? No le conoces otro nombre?
-¡Qué va, no!
-Por lo que sabes, no te vas a devanar los sesos, dijo sonriendo y empezando a batir la ropa.
-¿Cómo dice usted? reanudó el Paquito.
Magdalena lo miró otra vez; era un bonito niño, tenía unos ojos magníficos. Qué pena, pensó ella, que parezca tan bobo.
-¿Cuántos años tienes? continuó ella. Acaso tampoco lo sabes.
Lo cierto es que no sabía más sobre esto que sobre lo demás. Hizo todo lo posible por responder, avergonzado sin duda por la necedad que le venía reprochando la molinera, y terminó soltando esta aguda réplica: ¡dos años!
-Hombre, continuó Magdalena, torciendo la ropa sin dirigirle otra mirada, eres un ansarón de verdad, se han preocupado muy poco por tu instrucción, pobrecito. Por lo que es de la altura, habrás cumplido los seis años, pero por lo del tino, no tendrás ni dos años.
-¡Tal vez sea cierto! replicó Paco. Luego, violentándose, como para sacudir el embotamiento de su pobre alma, dijo: -¿Preguntaba usted por mi nombre? Me llaman Paco el campi.
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