vendredi 3 septembre 2010

Exercice d'écriture : « Animaux dangereux », par Stéphanie Maze

En photo : Petit Lapin, par Brian McCarty

J'avais appris pendant des mois ces fameux panneaux. Rond = interdiction. Carré = indication. Triangle = danger. Chacun avait une signification différente. J'avais l'impression qu'ils se déclinaient à l'infini, parce qu'accompagnait de son panonceau, le panneau ne veut plus tout à fait dire la même chose. Le code m'irritait, nombre de ces signalisations me semblaient inutiles, et surtout en reverrais-je la plupart ? L'accès interdit aux voitures à bras ou encore aux véhicules à traction animale... Mais il fallait les apprendre, un point c'est tout. Du par cœur bête et méchant. J'avais été ravie de sortir du système scolaire pour m'épargner ce calvaire mais je me voyais obligée de m'y remettre à nouveau. Je savais bien que c'était de ma faute, que j'aurais dû m'y mettre plus tôt, à 16 ou 18 ans, mais je ne me sentais pas prête. Finalement, je m'en suis plutôt bien sortie, haut la main même, j'avais réussi un sans faute le jour de l'examen. Peu importe. Pour en revenir à ces panneaux – un vrai traumatisme – ce qui me surprenait le plus, c'était l'absurdité de certains : traversée d'une aire de danger aérien. Vous pouvez me dire, il changera quoi ce panneau le jour où un avion me tombera dessus ? Ah oui, il aura au moins eu le mérite de me prévenir, la belle affaire ! Je vois de loin l'article dans la rubrique des faits divers, vous savez cette rubrique dont sont férus tous les gens à la vie morne ou les mauvais auteurs de polar : « Une mort bien méritée ! Pourtant avertie par le panneau, la conductrice s'engage sur une aire de danger aérien, l'avion s'écrase sur son véhicule. Elle paye son comportement effronté ! » Oui, il faudrait quand même tirer une morale, que je serve d'exemple à ne pas suivre aux plus jeunes. Heureusement, je n'en suis pas encore là. Mon histoire, elle, n'est pas dramatique mais ô combien pathétique... Elle concerne évidemment ces maudits panneaux, eux ou leur absence. Je ne sais pas si vous identifiez ces panneaux triangulaires qui sont ornés d'une biche, ils indiquent une possible traversée d'animaux sauvages. Dans le même genre, il y en a d'autres avec une vache ou un mouton dessus, ceux-là, c'est pour les animaux domestiques ! Je suis sûre que vous aussi, il vous arrive régulièrement de vous balader avec votre mouton ! De temps en temps, quand je roulais, je me prenais à imaginer des panneaux avec un poisson rouge ou une tortue, c'est vrai, c'est tout aussi domestique... Je me demandais pourquoi ils ne mettaient pas de panneaux avec des lapins, parce que c'est quand même eux qu'on voit le plus souvent sur la route. Nettement plus que leurs satanées vaches, je n'en ai jamais croisé d'ailleurs. Le fait est qu'un soir, j'ai pris le volant, je rentrais d'une journée de boulot, un peu grisante. Alors j'ai mis le volume à fond, les Kinks dans les oreilles, rien de tel pour me remettre de bonne humeur. Comme d'habitude j'avais fait des heures sup', il devait donc être aux alentours de 20h, la nuit s'apprêtait à tomber, je me dirigeais vers la maison. Et d'un coup, j'aperçois une silhouette arrêtée au milieu de la route, pas un lapin, non, ceux-là, pas de pitié, je les écrase sans vergogne. Parfois même, j'ajuste ma trajectoire pour être sûre de ne pas les louper. Je n'arrivais pas à discerner ce que c'était, ça semblait assez grand, moins qu'un cerf, mais bien plus qu'un chat. Je m'approchai rapidement, et c'est là que j' ai vu sa queue en éventail... un paon, mais qu'est-ce qu'il foutait là ? Prise de panique, j'ai fait une embardée, atterri dans le fossé. Résultat des courses, le paon est reparti sain et sauf, il me regardait d'un air malicieux tout en se pavanant et moi dans l'histoire ? J'ai gagné une minerve, une jambe dans le plâtre et une voiture à la casse.
Et il était où le panneau censé me prévenir, hein, il était où ? Jamais là quand on en a besoin d'eux !

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