par inkyfingerz
J'ai attrapé mon sifflet, celui que Tante Béa m'a offert pour mon anniversaire, et j'ai sonné la retraite. Moi, j'aurais pu me battre encore plus longtemps, mais quand j'ai vu le nez en sang de Michel, l'œil tout violet de Pierre et surtout quand j'ai entendu les cris de Juliette, là, j'ai soufflé à fond dans le machin. Vu la tournure que ça prenait, j'avais pas trop le choix, il fallait limiter les dégâts. Alors, on a pris nos jambes à not' cou et on a fui, comme des chiffes molles, comme des fillettes, comme toujours. Encore une fois, les gars de la Guillotière nous avaient foutu une belle raclée.
On a couru comme des malades pendant dix minutes, et on s'est retrouvé dans la rue de Narvik, à l'endroit qui nous servait de quartier général. Enfin, quartier général, c'était un bien grand mot ! Le truc c'est que des ouvriers avaient commencé à détruire une vieille baraque pour en refaire une autre par dessus et comme ils avaient pas été payés, ils avaient pris leurs clics et leurs clacs et ils s'étaient tous barrés. À ce moment là, la guerre entre Mermoz et la Guillotière commençait tout juste et comme on avait pas de base stratégique, on s'est installé dans les murs de la bicoque.
On avait récupéré l'ancien salon de la baraque et c'est là qu'on stockait tout le matériel de guerre. Juliette avait piqué un plan de la ville qu'on avait accroché sur le mur du fond, Pierre avait ramené ses soldats de plomb qui nous servaient pour, comme il disait, « configurer des stratégies et mettre au point des attaques efficaces », et moi, j'avais piqué à ma mère une boîte de « Petit Lu Nantais » dans laquelle on stockait nos armes : nos lance-pierres. On en avait tous un, mais bon, les nôtres, ils étaient quand même un peu ridicules à côté de celui de Michel. Lui, le sien, il l'avait acheté sans le dire à ses parents avec l'argent de poche que lui donnait sa marraine. Du coup, c'était pas de la camelote son truc. Il avait un super manche en fer, un élastique ultra costaud et renforcé sur les côtés, et même un petit morceau de cuir pour mettre les pierres, pour pas qu'elles partent n'importe où quand tu les lances.
On était assis là dans notre quartier général à faire la tronche, Michel, lui, il était en train de s'enfoncer son gros mouchoir dans le nez pour essayer d'arrêter le sang qui coulait, quand d'un seul coup, Juliette, elle s'est levée et elle a dit :
« Les gars, not' problème, c'est ça. Not' QG, il est carrément nul. Il manque la moitié du toit alors quand il pleut tout est trempé, je sais pas si vous avez remarqué, mais notre plan de la ville, il sert plus à rien, on arrive même plus à lire ce qui est écrit dessus. Et puis, franchement, il est pas sûr du tout, n'importe qui peut y entrer : les gars de la Guillotière s'ils veulent, les flics, ou pire encore, nos parents. Et je sais pas si vous avez remarqué mais le canapé, là, il commence sérieusement à sentir la pisse de chat. Ce qu'il nous faut c'est un nouveau QG! Alors déjà qu'on est un de moins qu'eux, mais en plus on a un camp de base pourri ! ».
« On est un de moins, mais eux ils ont la petite de la mercerie, et celle-là, elle compte un peu pour du beurre parce qu'elle sert pas à grand chose quand même.
– Ouais, mais à côté de ça, ils ont le fils du boucher, et lui, il compte au moins pour deux. De toute façon, le problème c'est pas ça. Le problème c'est notre QG. Alors à partir de maintenant, l'objectif c'est « déménagement ». Dès qu'on se promène, quand on va sortir le chien, quand on va chercher le pain, ou quoi que ce soit, on regarde bien autour de nous, et on cherche un nouveau toit. OK, les gars ? Bon moi, je vous laisse, il faut que j'y aille, ma mère m'attend à cinq heures pétantes, et si ch'ui en retard, vous connaissez ma mère, je vais m'en prendre une ! Allez, rendez-vous mercredi prochain à deux heures ».
Je suis arrivé à deux heures pile poil le mercredi suivant et il y avait déjà Juliette qui attendait. On a discuté un peu de l'école en attendant l'arrivée des autres, enfin, on a surtout parlé de M. Barnoux, le prof de maths qui nous donnait tout le temps plein de devoirs et qui passait son temps à nous gueuler dessus. Michel est arrivé cinq minutes après avec des bonbecs. Sa marraine était passé chez lui la veille, et vu que Michel était trop son chouchou, elle lui ramenait toujours un tas de truc. Et puis lui, vu qu'on était ses meilleurs copains, il partageait toujours avec nous quand c'était des bonbons. On était en train de s'empiffrer comme des goinfres quand on a vu Pierre arriver. Il était tout rouge et il respirait comme un bœuf.
« Les gars, je crois que j'ai trouvé, venez vite. C'est à dix minutes de là, dans la rue Berchet, vous allez voir. Allez, magnez-vous quoi ! ».
On l'a suivi, lui il courrait à toute berzingue, et nous, on avait un peu du mal à le talonner avec tous les caramels qu'on avait dans la bouche et qui nous empêchaient de respirer. Mais bon, dix minutes après, tout comme il avait dit, on est arrivé dans la rue Berchet.
« Je suis passé par là l'autre jour et… ».
– Et qu'est ce que tu foutais dans ce coin-là ? ».
– J' venais de m' taper un zéro en dictée, alors comme vous pouvez imaginer, j'étais pas trop pressé de rentrer à la maison. J'ai marché sans faire gaffe où j'allais et ch'ui arrivé devant la palissade. J'étais trop petit pour voir ce qu'il y avait derrière, alors je cherche pendant dix minutes un moyen d'escalader et là, je tombe sur ça, regardez ».
Il a poussé deux planches qui étaient devant nous, elles ont basculé, et ça a ouvert un passage. Il est rentré dedans, nous on l'a suivi, et là, on en a pas cru nos yeux. Devant nous, y'avait un p'tit terrain vague, pas très grand, juste ce qu'il fallait et surtout, sur un des côté du terrain, une superbe caravane rouge et blanche.
« Elle à l'air d'être là depuis un bon bout de temps, mais elle tient encore la route. À l'intérieur, c'est un peu crade mais avec un bon coup de ménage... Et puis c'est quand même du grand luxe une caravane. Y'a deux pièces, chambre et salon, et même que dans le salon, on peut déplier les canapés et en faire un autre lit. Y'a un miroir dans la chambre pour nous laver quand on arrive avec la tronche pleine de sang. En plus, à deux mètres de la caravane, y'a un robinet qui marche, le grand confort quoi! Et surtout, autant vous dire que ces cons de la Guillotière, là, ils sont pas près de nous trouver. Alors si vous êtes d'accord, les copains, je vous présente not' nouveau QG».
Autant vous dire qu'on a dit oui tout de suite. Avec un truc comme ça, le monde allait changer et les gars de la Guillotière, ils allaient morfler.
On a couru comme des malades pendant dix minutes, et on s'est retrouvé dans la rue de Narvik, à l'endroit qui nous servait de quartier général. Enfin, quartier général, c'était un bien grand mot ! Le truc c'est que des ouvriers avaient commencé à détruire une vieille baraque pour en refaire une autre par dessus et comme ils avaient pas été payés, ils avaient pris leurs clics et leurs clacs et ils s'étaient tous barrés. À ce moment là, la guerre entre Mermoz et la Guillotière commençait tout juste et comme on avait pas de base stratégique, on s'est installé dans les murs de la bicoque.
On avait récupéré l'ancien salon de la baraque et c'est là qu'on stockait tout le matériel de guerre. Juliette avait piqué un plan de la ville qu'on avait accroché sur le mur du fond, Pierre avait ramené ses soldats de plomb qui nous servaient pour, comme il disait, « configurer des stratégies et mettre au point des attaques efficaces », et moi, j'avais piqué à ma mère une boîte de « Petit Lu Nantais » dans laquelle on stockait nos armes : nos lance-pierres. On en avait tous un, mais bon, les nôtres, ils étaient quand même un peu ridicules à côté de celui de Michel. Lui, le sien, il l'avait acheté sans le dire à ses parents avec l'argent de poche que lui donnait sa marraine. Du coup, c'était pas de la camelote son truc. Il avait un super manche en fer, un élastique ultra costaud et renforcé sur les côtés, et même un petit morceau de cuir pour mettre les pierres, pour pas qu'elles partent n'importe où quand tu les lances.
On était assis là dans notre quartier général à faire la tronche, Michel, lui, il était en train de s'enfoncer son gros mouchoir dans le nez pour essayer d'arrêter le sang qui coulait, quand d'un seul coup, Juliette, elle s'est levée et elle a dit :
« Les gars, not' problème, c'est ça. Not' QG, il est carrément nul. Il manque la moitié du toit alors quand il pleut tout est trempé, je sais pas si vous avez remarqué, mais notre plan de la ville, il sert plus à rien, on arrive même plus à lire ce qui est écrit dessus. Et puis, franchement, il est pas sûr du tout, n'importe qui peut y entrer : les gars de la Guillotière s'ils veulent, les flics, ou pire encore, nos parents. Et je sais pas si vous avez remarqué mais le canapé, là, il commence sérieusement à sentir la pisse de chat. Ce qu'il nous faut c'est un nouveau QG! Alors déjà qu'on est un de moins qu'eux, mais en plus on a un camp de base pourri ! ».
« On est un de moins, mais eux ils ont la petite de la mercerie, et celle-là, elle compte un peu pour du beurre parce qu'elle sert pas à grand chose quand même.
– Ouais, mais à côté de ça, ils ont le fils du boucher, et lui, il compte au moins pour deux. De toute façon, le problème c'est pas ça. Le problème c'est notre QG. Alors à partir de maintenant, l'objectif c'est « déménagement ». Dès qu'on se promène, quand on va sortir le chien, quand on va chercher le pain, ou quoi que ce soit, on regarde bien autour de nous, et on cherche un nouveau toit. OK, les gars ? Bon moi, je vous laisse, il faut que j'y aille, ma mère m'attend à cinq heures pétantes, et si ch'ui en retard, vous connaissez ma mère, je vais m'en prendre une ! Allez, rendez-vous mercredi prochain à deux heures ».
Je suis arrivé à deux heures pile poil le mercredi suivant et il y avait déjà Juliette qui attendait. On a discuté un peu de l'école en attendant l'arrivée des autres, enfin, on a surtout parlé de M. Barnoux, le prof de maths qui nous donnait tout le temps plein de devoirs et qui passait son temps à nous gueuler dessus. Michel est arrivé cinq minutes après avec des bonbecs. Sa marraine était passé chez lui la veille, et vu que Michel était trop son chouchou, elle lui ramenait toujours un tas de truc. Et puis lui, vu qu'on était ses meilleurs copains, il partageait toujours avec nous quand c'était des bonbons. On était en train de s'empiffrer comme des goinfres quand on a vu Pierre arriver. Il était tout rouge et il respirait comme un bœuf.
« Les gars, je crois que j'ai trouvé, venez vite. C'est à dix minutes de là, dans la rue Berchet, vous allez voir. Allez, magnez-vous quoi ! ».
On l'a suivi, lui il courrait à toute berzingue, et nous, on avait un peu du mal à le talonner avec tous les caramels qu'on avait dans la bouche et qui nous empêchaient de respirer. Mais bon, dix minutes après, tout comme il avait dit, on est arrivé dans la rue Berchet.
« Je suis passé par là l'autre jour et… ».
– Et qu'est ce que tu foutais dans ce coin-là ? ».
– J' venais de m' taper un zéro en dictée, alors comme vous pouvez imaginer, j'étais pas trop pressé de rentrer à la maison. J'ai marché sans faire gaffe où j'allais et ch'ui arrivé devant la palissade. J'étais trop petit pour voir ce qu'il y avait derrière, alors je cherche pendant dix minutes un moyen d'escalader et là, je tombe sur ça, regardez ».
Il a poussé deux planches qui étaient devant nous, elles ont basculé, et ça a ouvert un passage. Il est rentré dedans, nous on l'a suivi, et là, on en a pas cru nos yeux. Devant nous, y'avait un p'tit terrain vague, pas très grand, juste ce qu'il fallait et surtout, sur un des côté du terrain, une superbe caravane rouge et blanche.
« Elle à l'air d'être là depuis un bon bout de temps, mais elle tient encore la route. À l'intérieur, c'est un peu crade mais avec un bon coup de ménage... Et puis c'est quand même du grand luxe une caravane. Y'a deux pièces, chambre et salon, et même que dans le salon, on peut déplier les canapés et en faire un autre lit. Y'a un miroir dans la chambre pour nous laver quand on arrive avec la tronche pleine de sang. En plus, à deux mètres de la caravane, y'a un robinet qui marche, le grand confort quoi! Et surtout, autant vous dire que ces cons de la Guillotière, là, ils sont pas près de nous trouver. Alors si vous êtes d'accord, les copains, je vous présente not' nouveau QG».
Autant vous dire qu'on a dit oui tout de suite. Avec un truc comme ça, le monde allait changer et les gars de la Guillotière, ils allaient morfler.
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