vendredi 10 septembre 2010

Exercice d'écriture : « Maison d'hiver », par Vanessa Canavesi

En photo : 2- Cauchemar
par Olidol

Amy s'est réveillée en criant, apeurée, tremblante ; je me suis levée, les volets claquaient, on avait bêtement oublié de les attacher. L'orage grondait dehors et avait bousculé la petite dans son sommeil. C'était notre première nuit dans la maison, notre première nuit seules toutes les deux, dans le salon, sur des matelas posés à la hâte à même le sol. Aussitôt les vitres refermées, Amy s'est apaisée de nouveau, j'ai remonté le couvre-lit jauni sur ses épaules et je me suis glissée rapidement entre mes couvertures, déjà tétanisée par le froid. Pas de chauffage avant trois ou quatre jours, autant dire une éternité en cette fin d'hiver alpin. On n'avait pas eu d'autre choix que d'arriver ici aujourd'hui, il fallait que je me mette au travail, et puis la petite voulait à tout prix voir la neige, quitte à subir les pires gelées. La foudre éclairait la pièce seulement par intermittence ; j'ai allumé une petite lampe posée à côté de moi, et j'ai observé longuement les vieilles poutres sombres du toit qui était très bas. J'ai scruté leurs rainures et leurs nœuds, chaque ride, une à une, et j'ai fini par me sentir minuscule. Elles avaient du en voir passer, des hivers rigoureux, des tempêtes et des familles pleines d'enfants qui braillent, mais elles tenaient toujours tout le poids de la bâtisse sur leur dos, fortes, fidèles. Si la maison avait une histoire, je me suis mise à penser, elle devait aussi avoir une âme, et elle pourrait me livrer son ressenti, ce serait une sorte d'échange entre nous ; puisque j'avais la plume et les mots, elle, le vécu et l'histoire, dès demain je pourrai me remettre à écrire. Gagnée par la fatigue d'une trop longue journée de bouleversements, je me suis enfin endormie.
Au matin, le soleil entrait haché par les fentes des volets, puissant, nous criant de sortir prendre l'air, d'oublier l'orage de la veille qui n'était déjà plus qu'un cauchemar. La surprise est arrivée quand j'ai ouvert la porte d'entrée : la neige avait entièrement recouvert le jardin, la voiture au loin avait disparu sous une cape immaculée ; les oiseaux piaillaient et on n'aurait pas pu être plus heureuses qu'ici, à cet instant-là. Il a fallu déblayer le passage et l'escalier d'accès à la maison, Amy était aux anges, et moi, je pensais toujours à mon travail qui attendait, à ma page blanche, couleur neige ; je comptais sur la maison pour m'aider, elle me l'avait presque promis cette nuit pendant l'orage, ma maison d'hiver allait déterrer pour moi ses secrets enfouis sous des saisons et des saisons de vie.

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