Compte rendu : Jacqueline
Cette deuxième séance très fructueuse s’est déroulée comme la précédente ,d’une façon détendue et agréable. Partageons cette expérience si vous le voulez bien.
Nous avons donc retrouvé le héros d’Armada sin remedio, Escobar, et sa femme Fina, par « un jour de soleil alangui plein de l, celui d’un jour qui promet la pluie ».
Voici le texte original qui a ouvert nos travaux :
« Quieto en la cama vio el lento ensombrecerse1 del día, las agrias nubes grises crecer sobre los cerros, el trazado plomizo2 de las primeras gotas de lluvia, pesadas como piedras. Tal vez hubiera sido preferible estar muerto. No soportar el mismo día una vez y otra vez, el mismo sol, la misma lluvia, el tedio hasta los mismos bordes : la vida que va pasando y va volviendo en redondo3. Y si se acaba la vida, faltan las reencarnaciones. El previsible despertar de Fina, el juego de naranja, el desayuno.
Cada día pasaban menos cosas, y cosas más iguales, como si sólo suciederan recuerdos. Al despertarse cada día tenía siempre4 la boca llena de un sabor5 áspero de hierro, la garganta atascada como un caño oxidado de sulfatos. ¿Se oxidan los sulfatos ? ¿Se sulfatan los óxidos6 ? Pasaba días enteros durmiendo, soñando vagos sueños, sueños de sorda angustia, persecuciones7 lentas y repetidas por patios de cemento encharcados de lluvia. Fina lo despertaba, le daba de comer, lo dejaba dormir, lo olvidaba en su sueño8 : a veces insistía en darle vitaminas, como si fuera eso. Había dejado de sentir, de esperar, de hacer planes, de pensar cosas complicadas, con incógnitas. A veces todavía –pero era por inercia- se le seguía viniendo a la cabeza algún poema : un poema bobísimo, como la bobería misma de componer un poema. La forma debe reflejar el contenido9 ; Sí, pero para qué10. Sí, pero ah… Como si su organismo por costumbre fuera poniendo huevos sin querer : un breve esfuerzo, un hipo, y una cosa redonda queda ahí11 abandonada –asonante, consonante,12 infecunda. A los treinta y un años Rimbaud estaba muerto, por lo menos. Se sentía resecado, reblandecido, enfriado13, moribundo, y rodeado de cosas terriblemente muertas. Y así, días. Semanas. Algo en él le decía que aquello iba a durar toda la vida. Y nada le decia cuánto iba a durar la vida.
-Mi amor, oye :-dijo Escobar sin moverse. Y recitó :
Desde antes de nacer
(parece que fue ayer)
estoy muerto.14
Fina lo miro con irritación ».
Pour vous laisser le temps de traduire si vous en avez envie, je vais commencer par rappeler les conseils et remarques supplémentaires formulés par Jean-Marie Saint-Lu :
• Il faut se raconter ce qu’on lit, imaginer par exemple qu’on répond à quelqu’un qui s’intéresse à notre travail et nous demande de raconter l’histoire en détails ; cela permet de se poser les bonnes questions, et les poser, c’est déjà les résoudre en partie.
• Faire une explication de textes avant de traduire, car il y a l’idée de départ et ensuite tout fait cohérence ; ici l’idée de départ est évidemment la vacuité de la vie du héros.
• pour ce qui est des poèmes, essayer de répéter la rime, mais ne pas en être esclave.
• parler, c’est éliminer parmi tous les possibles qu’offre la langue et traduire c’est faire sans cesse des choix. Il faut simplement voir ce qu’on perd et ce qu’on gagne dans les choix.
• se souvenir que les langues ne sont pas des calques ; ainsi on ne rend pas la structure « estar + gérondif » génétiquement espagnole, par un « en train de » totalement inutile en français ; on perd donc forcément quelques nuances en traduisant.
A présent, explicitons les notes :
1) privilégier s’assombrir à « qui s’assombrissait » ; d’une manière générale, faire la chasse aux « qui » et aux « que ».
2) trace de plomb et non pas trace plombée, suivant la sructure habituelle de l’espagnol, d’autant plus que « plombé » en français est connoté « couleur ».
3) tourne en rond (« revient en boucle » n’est pas retenu, ce n’est pas exactement le sens).
4) inutile de traduire « siempre » qui constitue ici un pléonasme avec « cada día ».
5) sabor sera rendu ici par goût et non pas par saveur ; en effet « áspero » souligne le côté négatif que ne rend pas saveur associé généralement à quelque chose d’agréable.
6) Ces deux interrogations sont évidemment de pures questions rhétoriques et le tour inversé se justifie ici.
7) Attention aux faux amis : il s’agit ici de poursuites et non pas de persécutions, vérifier systématiquement sa première idée s’il y a incohérence.
8) Sommeil et rêve sont les deux acceptions de « sueño », contrairement au français ; ici, il s’agit bien du sommeil.
9) Il ne peut s’agir ici que du fond , associé à la forme. Ce qui permet à Jean-Marie Saint-Lu de nous rappeler la formule de Victor Hugo : « La forme, c’est le fond qui monte à la surface ».
10) « Dans quel but est » incorrect en français et n’est donc pas retenu ; à quoi bon rendra parfaitement la définition vitale du personnage du roman.
11) Penser à utiliser des mots comme voilà, très commodes.
12) Assonante et dissonante, traduction littérale, ne « parle » absolument pas au lecteur ; féminine, masculine, ou rime plate, rime riche renverra immédiatement à la poésie.
13) Refroidi n’est pas souhaitable : il renvoie davantage à quelque chose de concret ; transi rendra l’idée voulue par l’auteur.
14) L’incohérence temporelle est la même en espagnol et en français ; respecter la césure finale et respecter l’esprit de la rime sont les seules consignes.
Cela pourrait donner la traduction suivante :
« Immobile dans son lit, il vit le jour s’assombrir lentement, les aigres nuages gris grossir au-dessus des montagnes, la trace de plomb des premières gouttes de pluie, lourdes comme des pierres. Il aurait peut-être mieux valu être mort. Ne pas supporter chaque jour une fois encore, le même soleil, la même pluie, l’ennui jusqu’à la dernière limite : la vie qui passe et qui tourne en rond. Et si la vie s’achève, ce sont les réincarnations qui manquent. Réveil prévisible de Fina, jus d’orange, petit déjeuner.
Chaque jour, il se passait de moins en moins de choses et des choses de plus en plus semblables, comme s’il ne se passait que des souvenirs. Chaque jour au réveil, il avait la bouche pleine d’un goût âpre de fer, la gorge obstruée comme un tuyau oxydé par les sulfates. Les sulfates s’oxydent-ils ? Les oxydes se sulfatent-ils ? Il passait des jours entiers à dormir, en rêvant de vagues rêves, des rêves de sourde angoisse, des poursuites lentes et répétées dans des cours de ciment inondées de pluie. Fina le réveillait, lui donnait à manger, le laissait dormir, l’oubliait dans son sommeil : parfois elle insistait pour qu’il prenne des vitamines, comme si c’était cela dont il s’agissait ; Il avait cessé de ressentir, d’espérer, de faire des projets, de penser à des choses compliquées, avec des inconnues. Parfois encore – mais c’était par inertie- un poème lui revenait en mémoire : un poème très stupide, comme est stupide le fait même de faire un poème ; la forme doit refléter le fond. Oui, mais à quoi bon. Oui, mais ah… Comme si son organisme par habitude lui pondait des œufs comme par inadvertance : un bref effort, un hoquet, et voilà une chose ronde, abandonnée, féminine, masculine, inutile. A trente et un ans, Rimbaud était mort, lui au moins. Il se sentait desséché, ramolli, transi, moribond et entouré de choses terriblement mortes. Et ainsi, pendant des jours, des semaines. Quelque chose en lui, lui disait que cela allait durer toute la vie. Et personne ne lui disait combien de temps allait durer la vie.
-Mon amour, écoute : - Escobar sans bouger. Et il récita :
Bien avant mon enfance
Depuis avant ma naissance
Je suis
Mort.
Fina le regarda, irritée ».
Nous avons poursuivi notre travail par la traduction des cinq pages suivantes, sans aucunement voir le temps passer. Notre prochaine rencontre est fixée au vendredi 6 février 2009 de 14h à 17h.
Nous avons donc retrouvé le héros d’Armada sin remedio, Escobar, et sa femme Fina, par « un jour de soleil alangui plein de l, celui d’un jour qui promet la pluie ».
Voici le texte original qui a ouvert nos travaux :
« Quieto en la cama vio el lento ensombrecerse1 del día, las agrias nubes grises crecer sobre los cerros, el trazado plomizo2 de las primeras gotas de lluvia, pesadas como piedras. Tal vez hubiera sido preferible estar muerto. No soportar el mismo día una vez y otra vez, el mismo sol, la misma lluvia, el tedio hasta los mismos bordes : la vida que va pasando y va volviendo en redondo3. Y si se acaba la vida, faltan las reencarnaciones. El previsible despertar de Fina, el juego de naranja, el desayuno.
Cada día pasaban menos cosas, y cosas más iguales, como si sólo suciederan recuerdos. Al despertarse cada día tenía siempre4 la boca llena de un sabor5 áspero de hierro, la garganta atascada como un caño oxidado de sulfatos. ¿Se oxidan los sulfatos ? ¿Se sulfatan los óxidos6 ? Pasaba días enteros durmiendo, soñando vagos sueños, sueños de sorda angustia, persecuciones7 lentas y repetidas por patios de cemento encharcados de lluvia. Fina lo despertaba, le daba de comer, lo dejaba dormir, lo olvidaba en su sueño8 : a veces insistía en darle vitaminas, como si fuera eso. Había dejado de sentir, de esperar, de hacer planes, de pensar cosas complicadas, con incógnitas. A veces todavía –pero era por inercia- se le seguía viniendo a la cabeza algún poema : un poema bobísimo, como la bobería misma de componer un poema. La forma debe reflejar el contenido9 ; Sí, pero para qué10. Sí, pero ah… Como si su organismo por costumbre fuera poniendo huevos sin querer : un breve esfuerzo, un hipo, y una cosa redonda queda ahí11 abandonada –asonante, consonante,12 infecunda. A los treinta y un años Rimbaud estaba muerto, por lo menos. Se sentía resecado, reblandecido, enfriado13, moribundo, y rodeado de cosas terriblemente muertas. Y así, días. Semanas. Algo en él le decía que aquello iba a durar toda la vida. Y nada le decia cuánto iba a durar la vida.
-Mi amor, oye :-dijo Escobar sin moverse. Y recitó :
Desde antes de nacer
(parece que fue ayer)
estoy muerto.14
Fina lo miro con irritación ».
Pour vous laisser le temps de traduire si vous en avez envie, je vais commencer par rappeler les conseils et remarques supplémentaires formulés par Jean-Marie Saint-Lu :
• Il faut se raconter ce qu’on lit, imaginer par exemple qu’on répond à quelqu’un qui s’intéresse à notre travail et nous demande de raconter l’histoire en détails ; cela permet de se poser les bonnes questions, et les poser, c’est déjà les résoudre en partie.
• Faire une explication de textes avant de traduire, car il y a l’idée de départ et ensuite tout fait cohérence ; ici l’idée de départ est évidemment la vacuité de la vie du héros.
• pour ce qui est des poèmes, essayer de répéter la rime, mais ne pas en être esclave.
• parler, c’est éliminer parmi tous les possibles qu’offre la langue et traduire c’est faire sans cesse des choix. Il faut simplement voir ce qu’on perd et ce qu’on gagne dans les choix.
• se souvenir que les langues ne sont pas des calques ; ainsi on ne rend pas la structure « estar + gérondif » génétiquement espagnole, par un « en train de » totalement inutile en français ; on perd donc forcément quelques nuances en traduisant.
A présent, explicitons les notes :
1) privilégier s’assombrir à « qui s’assombrissait » ; d’une manière générale, faire la chasse aux « qui » et aux « que ».
2) trace de plomb et non pas trace plombée, suivant la sructure habituelle de l’espagnol, d’autant plus que « plombé » en français est connoté « couleur ».
3) tourne en rond (« revient en boucle » n’est pas retenu, ce n’est pas exactement le sens).
4) inutile de traduire « siempre » qui constitue ici un pléonasme avec « cada día ».
5) sabor sera rendu ici par goût et non pas par saveur ; en effet « áspero » souligne le côté négatif que ne rend pas saveur associé généralement à quelque chose d’agréable.
6) Ces deux interrogations sont évidemment de pures questions rhétoriques et le tour inversé se justifie ici.
7) Attention aux faux amis : il s’agit ici de poursuites et non pas de persécutions, vérifier systématiquement sa première idée s’il y a incohérence.
8) Sommeil et rêve sont les deux acceptions de « sueño », contrairement au français ; ici, il s’agit bien du sommeil.
9) Il ne peut s’agir ici que du fond , associé à la forme. Ce qui permet à Jean-Marie Saint-Lu de nous rappeler la formule de Victor Hugo : « La forme, c’est le fond qui monte à la surface ».
10) « Dans quel but est » incorrect en français et n’est donc pas retenu ; à quoi bon rendra parfaitement la définition vitale du personnage du roman.
11) Penser à utiliser des mots comme voilà, très commodes.
12) Assonante et dissonante, traduction littérale, ne « parle » absolument pas au lecteur ; féminine, masculine, ou rime plate, rime riche renverra immédiatement à la poésie.
13) Refroidi n’est pas souhaitable : il renvoie davantage à quelque chose de concret ; transi rendra l’idée voulue par l’auteur.
14) L’incohérence temporelle est la même en espagnol et en français ; respecter la césure finale et respecter l’esprit de la rime sont les seules consignes.
Cela pourrait donner la traduction suivante :
« Immobile dans son lit, il vit le jour s’assombrir lentement, les aigres nuages gris grossir au-dessus des montagnes, la trace de plomb des premières gouttes de pluie, lourdes comme des pierres. Il aurait peut-être mieux valu être mort. Ne pas supporter chaque jour une fois encore, le même soleil, la même pluie, l’ennui jusqu’à la dernière limite : la vie qui passe et qui tourne en rond. Et si la vie s’achève, ce sont les réincarnations qui manquent. Réveil prévisible de Fina, jus d’orange, petit déjeuner.
Chaque jour, il se passait de moins en moins de choses et des choses de plus en plus semblables, comme s’il ne se passait que des souvenirs. Chaque jour au réveil, il avait la bouche pleine d’un goût âpre de fer, la gorge obstruée comme un tuyau oxydé par les sulfates. Les sulfates s’oxydent-ils ? Les oxydes se sulfatent-ils ? Il passait des jours entiers à dormir, en rêvant de vagues rêves, des rêves de sourde angoisse, des poursuites lentes et répétées dans des cours de ciment inondées de pluie. Fina le réveillait, lui donnait à manger, le laissait dormir, l’oubliait dans son sommeil : parfois elle insistait pour qu’il prenne des vitamines, comme si c’était cela dont il s’agissait ; Il avait cessé de ressentir, d’espérer, de faire des projets, de penser à des choses compliquées, avec des inconnues. Parfois encore – mais c’était par inertie- un poème lui revenait en mémoire : un poème très stupide, comme est stupide le fait même de faire un poème ; la forme doit refléter le fond. Oui, mais à quoi bon. Oui, mais ah… Comme si son organisme par habitude lui pondait des œufs comme par inadvertance : un bref effort, un hoquet, et voilà une chose ronde, abandonnée, féminine, masculine, inutile. A trente et un ans, Rimbaud était mort, lui au moins. Il se sentait desséché, ramolli, transi, moribond et entouré de choses terriblement mortes. Et ainsi, pendant des jours, des semaines. Quelque chose en lui, lui disait que cela allait durer toute la vie. Et personne ne lui disait combien de temps allait durer la vie.
-Mon amour, écoute : - Escobar sans bouger. Et il récita :
Bien avant mon enfance
Depuis avant ma naissance
Je suis
Mort.
Fina le regarda, irritée ».
Nous avons poursuivi notre travail par la traduction des cinq pages suivantes, sans aucunement voir le temps passer. Notre prochaine rencontre est fixée au vendredi 6 février 2009 de 14h à 17h.
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