samedi 3 janvier 2009

Devoirs de vacances (Noël), 14

En photo : My FACEBOOK top friends #9 par jorgerendonalverdi

À faire en 2h30, sans dictionnaire

Y la verdad es que casi sucedió así, soplando el viento entre tierras abandonadas, barriales y salinas, tierras de indios insumisos y españoles renegados, cuatreros azarosos y minas dejadas a la oscura inundación del infierno: la verdad es que casi se va el cadáver del gringo viejo a unirse al viento del desierto, como si la frontera que un día cruzó fuera de aire y no de tierra y abarcara todos los tiempos que ellos podían recordar detenidos allí, con un muerto desenterrado entre los brazos; la Garduña quitándole la tierra del cuerpo al gringo viejo, gimiente, apresurada; el niño sin atreverse a tocar a un muerto: los demás recordando a ciegas los largos tiempos y los vastos espacios de un lado y otro de la herida que al norte se abría como el rió mismo desde los cañones despeñados: islas en los desiertos del norte, viejas tierras de los pueblos, los navajos y los apaches, cazadores y campesinos sometidos a medias a las furias aventureras de España en América: las tierras de Chihuahua y el rió Grande venían misteriosamente a morir aquí, en este páramo donde ellos, un grupo de soldados, mantenían por unos se¬gundos la postura de la piedad, azorados ante su propio acto y la compasión hermana del acto, hasta que el coronel dijo de prisa, rompió el instante, de prisa, muchachos, hay que devolver al gringo a su tierra, son órdenes de mi general.
Y luego miró los ojos azules hundidos del muerto y se asustó porque los vio perder por un momento la lejanía que necesitamos darle a la muerte. A esos ojos les dijo porque parecían vivos aún:
-¿Nunca piensan ustedes que toda esta tierra fue nuestra? Ah, nuestro rencor y nuestra memoria van juntos.
Inocencio Mansalvo miró duro a su coronel Frutos García y se puso el sombrero tejano cubierto de tierra. Se fue hacia su caballo regando tierra desde la cabeza y luego todo se precipitó, acciones, órdenes, movimientos: una sola escena, cada vez más lejana, más apagada, hasta que ya no fue posible ver al grupo del coronel Frutos García y el niño Pedro, la carcajeante Garduña y el rendido Inocencio Mansalvo; los soldados y el cadáver del gringo viejo, envuelto en una fra¬zada y amarrado, tieso, a un trineo del desierto: una camilla de ocote y cuerdas de cuero arrastrada por dos caballos ciegos.
-Ah -sonrió el coronel-, ser un gringo en México. Eso es mejor que suicidarse. Eso decía el gringo viejo.

Carlos Fuentes, Gringo viejo

***

La traduction « officielle », Le vieux gringo, réalisée par Céline Zins pour les éditions Gallimard, 1986, p. 21-23.

Et cela faillit se passer ainsi, car le vent se mit à souffler sur les terres délaissées, les salines et les marécages, terres d’Indiens insoumis et d’Espagnols renégats, de voleurs de bétail et de mines abandonnées aux sombres inondations de l’enfer : en effet, le cadavre du vieux gringo faillit rejoindre le vent du désert, comme si la frontière qu’il avait naguère franchie était faite d’air et non de terre, charriant tous les temps dont les hommes pouvaient se souvenir, immobiles là, avec un cadavre déterré entre les bras (tandis que la Mangouste avec force gémissements, époussetait le vieux gringo à petits gestes précipités, sous les yeux du garçonnet qui n’osait pas toucher un mort) : les autres se souvenant des vastes espaces de temps et de territoires qui s’étendaient de part et d’autre de la blessure qui au nord s’ouvrait à l’image du fleuve lui-même, d’entre les cañons abrupts : îles perdues dans le désert du nord, vieilles terres des peuples navajos et apaches, chasseurs et paysans victimes des aventures et des fureurs de l’Espagne en Amérique – ceux des terres de Chihuahua et du Rio Grande qui venaient mystérieusement mourir ici, sur cette lande ingrate où le groupe de soldats qui se trouvaient là en cet instant, observèrent quelques secondes de silence, effrayés par leur acte et le sentiment de pitié que révélait cet acte, jusqu’à ce que le colonel rompît le charme, disant vite, vite, les gars, il faut rendre le gringo à son pays, ce sont les ordres de mon général.
Puis il regarda les yeux bleus du mort, enfoncés dans leurs orbites, et il eut peur car il les vit perdre un instant cette distance que nous avons besoin de maintenir vis-à-vis de la mort. À ces yeux qui avaient l’air vivants, il dit :
– Vous arrive-t-il de penser que tout ce pays a été à nous autrefois ? Ah, notre mémoire et notre rancune sont inséparables.
Inocencio Mansalvo jeta un regard dur à son colonel, puis il posa son chapeau texan couvert de terre sur sa tête. Il s’en fut vers son cheval, semant de la terre autour de lui, et soudain tout se précipita, les gestes, les ordres, les mouvements : une scène unique, de plus en plus lointaine, plus diffuse, jusqu’à ce que disparaisse de la vue le groupe du colonel Frutos García, avec l’enfant Pedro, la Mangouste et son rire et Inocencio Mansalvo, épuisé : les soldats et le cadavre du vieux gringo, enveloppé dans une couverture rigide, fixé à un traîneau du désert – une civière en pin à lanières de cuir tirée par deux chevaux aveugles.
– Ah, dit le colonel avec un sourire, être un gringo au Mexique. Ça vaut quand même mieux que de se suicider. C’est ce que disait le vieux gringo.

***

Jacqueline nous propose sa traduction :

Et la vérité, c’est que ça s’est passé presque comme ça, avec le vent qui soufflait sur les terres abandonnées, les glaisières et les marais salants, terres d’indiens insoumis et d’espagnols renégats, voleurs de monture redoutables et filons abandonnés à l’obscure inondation de l’enfer : la vérité, c’est que le cadavre du vieux gringo est près de se dissoudre dans le vent du désert, comme si la frontière qu’il avait traversée un beau jour était d’air et non pas de terre, et qu’elle embrassait toutes les époques qu’ils pouvaient se rappeler alors qu’ils étaient arrêtés là, un mort en attente de sépulture sur les bras ; la Garduña qui ôte la terre sur le corps du vieux gringo, gémissante, en hâte ; l’enfant qui n’ose pas toucher un mort : les autres qui se rappellent les yeux fermés les temps anciens et les vastes espaces d’un côté et de l’autre de la blessure qui s’ouvrait au nord comme le fleuve lui-même depuis les canyons à pic : îles dans les déserts du nord, vieilles terres des peuples, Navajos et Apaches, chasseurs et paysans à demi soumis aux furies sans scrupule de l’Espagne en Amérique : les terres de Chihuahua et le río Grande venaient mystérieusement mourir ici, dans cette étendue désertique où ils étaient là, eux, ce groupe de soldats, qui conservaient quelques secondes l’attitude de la pitié, effrayés devant l’acte qu’ils avaient commis et la compassion fraternelle liée à cet acte, jusqu’à ce que le colonel dise vite, en rompant le charme de l’instant, vite garçons, il faut rendre le gringo à sa terre, ce sont les ordres que m’a donnés le général.
Puis il regarda les yeux enfoncés du mort et prit peur parce qu’il les vit perdre pendant un moment l’absence de regard que requiert la mort. Il dit à ces yeux-là qui lui semblaient encore vivants :
- Vous n’avez jamais pensé que cette terre nous a appartenu tout entière? Ah,
notre rancœur et notre mémoire vont de pair.
Inocencio Mansalvo regarda durement le colonel Frutos García et se coiffa de son chapeau texan couvert de terre. Il se dirigea vers son cheval en semant de la terre du haut de sa tête et alors tout se précipita, actions, ordres, mouvements : une seule scène, toujours plus lointaine, plus floue, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus être possible de voir le groupe du colonel Frutos Garcia et l’enfant Pedro, la Garduña riant aux éclats et Inocencio Mansalvo épuisé ; les soldats et le cadavre du vieux gringo, enveloppé dans une couverture pelucheuse et attaché, raide à un traîneau du désert : un brancard fait en fibres de pin avec des cordes en cuir tirée par deux chevaux aveugles.
Ah –sourit le colonel-, être un gringo à Mexico. C’est encore plus fort que se suicider. C’est ce que disait le vieux gringo.

***
Brigitte nous propose sa traduction :

Et à vrai dire, tout s’était presque passé comme ça, tandis que le vent balayait des terres abandonnées, des marécages et des salines, des terres d’indiens insoumis et d’espagnols renégats, de voleurs de bétail aventureux et de mines livrées à l’obscur envahissement de l’enfer. A vrai dire, c’est que le cadavre du vieux Gringo s’en est presque allé rejoindre le vent du désert, comme si la frontière qu’il avait un jour traversée était faite d’air et non de terre, comme si elle réunissait à elle seule toutes les époques dont ils pouvaient se souvenir, arrêtés ici, avec un mort exhumé sur les bras ; la Fouine enlevant la terre du corps du vieux Gringo, sanglotant, pressé ; l’enfant n’osant pas toucher un mort, les autres se remémorant au hasard les temps lointains et les vastes espaces de part et d’autre de la plaie qui s’ouvrait au nord, comme le fleuve lui-même depuis les canyons aux crêtes usées : îles dans les déserts du nord, anciennes terres de peuples, Navajos et Apaches, chasseurs et paysans, à demi soumis à la fureur aventurière de l’Espagne aux Amériques : les terres du Chihuahua et le Rio Grande venaient mystérieusement mourir ici, sur cette terre inculte où eux, un groupe de soldats, le temps de quelques secondes, maintenaient la posture de la piété, effrayés par leur propre geste ; et la compassion fraternelle de ce geste, jusqu’à ce que le colonel leur dise vite, mettant fin à cet instant, vite, les gars, il faut rendre le Gringo à sa terre, ce sont les ordres de mon général.
Et ensuite, il regarda les yeux bleus creusés du défunt, et il prit peur car il les vit perdre un instant de cette distance qu’il nous faut prendre avec la mort. Et à ces yeux, parce qu’ils avaient l’air encore vivants, il dit :
- Vous ne pensez jamais que toute cette terre fut la nôtre ? Ah, notre rancœur et notre mémoire vont de pair.
Inocencio Mansalvo regarda avec dureté son colonel Frutos García et remit son chapeau texan couvert de terre. Il se dirigea vers son cheval, projetant de la terre du haut de sa tête comme un arrosoir et puis, tout se précipita, actions, ordres, mouvements : une seule scène, de plus en plus lointaine, de plus en plus diffuse, jusqu’à ce qu’il soit devenu impossible de voir le groupe du colonel Frutos García et l’enfant Pedro, la Fouine riant aux éclats et Inocencio Mansalvo, exténué; les soldats et le cadavre du vieux Gringo, enveloppé dans une couverture, et attaché, tout raide, sur un traîneau du désert : une civière faite de boyaux et de lanières de cuir, tirée par deux chevaux aveugles.
- Ah, sourit le colonel – Être Gringo au Mexique, c’est toujours mieux que de se suicider. Voilà ce que disait le vieux Gringo.
***

Odile nous propose sa traduction :

Et la vérité, c'est que cela s'est presque passé ainsi, le vent soufflant sur les terres abandonnées, les hameaux et les salines, terres d'Indiens insoumis et d'Espagnols renégats, de voleurs de bétail aventuriers et de mines abandonnées au noir oubli de l'enfer: la vérité c'est que le cadavre du vieux gringo va presque s'unir au vent du désert, comme si la frontière qu'il traversa un jour était faite d'air et non de terre et englobait toutes les époques dont ils pouvaient se souvenir, retenus là-bas, avec un mort déterré sur les bras; la Grande Faucheuse enlevant la terre du corps du vieux gringo, gémissante, pressée; l'enfant n'osant pas toucher un mort: les autres se souvenant aveuglément des temps immémoriaux et des vastes espaces, d'un côté et de l'autre de la blesssure qui s'ouvrait au nord, comme le fleuve lui-même depuis les cañons abrupts; des îles dans les déserts du nord, d'anciennes terres des villages, les Navajos et les Apaches, chasseurs et paysans à demi soumis aux folies aventurières de l'Espagne en Amérique: les terres de Chihuahua et le rio Grande venaient mystérieusement mourir ici, dans cet endroit désolé où, eux, un groupe de soldats, gardaient durant quelques secondes l'attitude de la piété, effrayés par leur propre acte, et de la compassion qu'il engendrait, jusqu'au moment où le colonel ordonna de faire vite, rompit l'instant, vite, garçons, il faut rendre le gringo à sa terre, ce sont les ordres de mon général.
Puis il regarda les yeux bleux, enfoncés, du mort et prit peur car il les vit perdre durant un instant la distance que nous avons besoin de donner à la mort. Et parce qu'ils lui paraissaient encore vivants, il dit:
- Vous ne pensez jamais, vous-autres, que toute cette terre nous a appartenu? Ah, notre rancoeur et notre mémoire sont indissociables.
Inocencio Mansalvo regarda durement son colonel Frutos Garcia et mit son chapeau texan couvert de terre. Il alla vers son cheval, et la terre s'envolait de son chapeau, puis tout se précipita, actions, ordres, mouvements: une seule scène, chaque fois plus lointaine, plus éteinte, jusqu'à ce qu'il ne fut plus possible de voir le groupe du colonel Frutos Garcia et le petit Pedro, la Faucheuse ricanante
et le soumis Inocencio Mansalvo; les soldats et le cadavre du vieux gringo, enveloppé dans une couverture et attaché, raidi, à un traîneau du désert: un brancard de bois de pin et de cordes de cuir traîné par deux chevaux aveugles.
- Ah -sourit le colonel- être un gringo au Mexique. Ça vaut mieux que de se suicider. C'est ce que disait le vieux gringo.

***

Alexandra nous propose sa traduction :

Et la vérité c'est que ça arriva presque soudainement, le vent soufflant sur des terres abandonnées, barricadées et salines, des terres d'indiens insoumis et d'espagnols renégats, des voleurs de bestiaux malheureux et des mines laissées en pleine obscurité de l'enfer : la vérité c'est que le cadavre du vieux gringo s'en va presque s' unissant au vent du désert, comme si la frontière qu'il traversa un jour fut composée d'air et non de terre et qu'elle rappellerait tous les moments dont ils pouvaient se souvenir établis ici, avec un mort déterré sur les bras; Garduña avait retiré la terre sur le corps du vieux gringo, en gémissant, et de manière pressée; l'enfant sans oser toucher un mort, les autres se rappelant les yeux fermés les longs instants et les vastes espaces d'un côté à l'autre de la blessure qui s'ouvrait au nord comme le fleuve même depuis les canyons abrupts : tel des îles dans les déserts du nord, des terres anciennes des villages, les mohicans et les apaches, les chasseurs et les paysans soumis à moitié aux furieuses aventures de l'Espagne en Amérique : les terres de Chihuahua et le Rió Grande venaient mystérieusement mourir ici, dans ce panorama où ils, un groupe de soldats, gardaient, quelques secondes, la posture de la piété, effrayés par leur propre acte et par la compassion fraternelle de l'acte, jusqu'à ce que le colonel dise : « Vite, il rompit l'instant, vite, les enfants, il faut ramener le gringo sur sa terre, cela sont les ordres de mon général. »
Et peu après, il regarda les yeux bleus enfoncés du mort et prit peur, car il les vit perdre un moment l'éloignement que nous devions atteindre pour la mort. A ces yeux, il leur répondit parce qu'ils semblaient encore vivants :
« Vous n'avez jamais pensé que toute cette terre fut la nôtre hein ? Ah ! Notre rancœur et notre mémoire vont de paire. »
Inocencio Mansalvo regarda durement son colonel Frutos Garcia et mit son chapeau texan recouvert de terre. Il se dirigea vers son cheval parsemant de la terre sur la tête et ensuite, tout se précipita, actions, ordres, mouvements : une seule scène, chaque fois plus lointaine, plus éteinte, jusqu'à ce qu'il fut impossible de voir le groupe du colonel Frutos Garcia et l'enfant Pedro, Garduna la joyeuse et Inocencio Mansalvo le soumis. Les soldats et le cadavre du vieux gringo, entouré d' un tissus, et attaché, raide, à un traineau du désert : un brancard en 'ocote' et en cordes de cuir tiré par deux chevaux aveugles.
« Ah, sourit le colonel, être un gringo au Mexique. C'est encore mieux que de se suicider. C'est cela que disait le vieux gringo. »

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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