jeudi 30 septembre 2010

Entretien avec Vanessa de Pizzol (traductrice), réalisé par Alexis Poraszka

Vanessa DE PIZZOL est traductrice de l'italien et grec vers le français.

1) Qu'est-ce qui vous a amené à la traduction ?
La difficulté de trouver un travail en lien avec les langues en dehors de l’enseignement en collège, lycée, université m’a naturellement orientée vers la traduction. Traduction technique et littéraire, en sachant que la première permet davantage d’en vivre que la seconde (pour ce qui me concerne tout au moins)

2) Quelle a été votre première traduction ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
Ma première traduction littéraire a été une traduction pour le théâtre (dans le cadre du surtitrage de deux pièces représentées au TNP de Lyon). Les délais étant assez courts, il y a sans doute des répliques qu’il aurait fallu retravailler : fort heureusement cette traduction n’était pas destinée aux comédiens, ce qui rend l’exercice un peu différent. Je suis loin d’être satisfaite du résultat final, mais les commentaires des personnes ayant commandé ce travail ayant été assez positifs, j’estime tout de même avoir bien fait mon travail de traductrice.

3) Qu'est-ce qui détermine le choix des livres que vous traduisez ?
Jusqu’à présent, je n’ai fait aucune démarche personnelle auprès d’un éditeur pour proposer une traduction. Les œuvres traduites (théâtre, livret d’opéra, biographie) l’ont été suite à une demande soit directe de l’éditeur soit notamment par le biais de l’Institut Culturel Italien.

4) Comment s'organise votre travail ?
Jusqu’à présent, le travail de traduction littéraire dont j’ai eu la charge a toujours été soumis à de fortes contraintes de délais. Le dernier ouvrage conséquent que j’ai traduit m’a demandé un fort engagement (des journées et nuits entières consacrées à ce travail), il a donc fallu résister à la fatigue pour atteindre les objectifs.

5) Que faites-vous quand vous rencontrez une difficulté ?
J’essaie de la résoudre soit en faisant appel à d’autres collègues expérimentés, et en exploitant tous les dictionnaires en ligne spécialisés disponibles sur internet.

6) Combien de temps mettez-vous en général pour traduire un livre ?
Pour le moment, les délais que j’ai dû respecter n’ont pas excédé trois mois, mais je dois préciser que je n’ai pas traduit d’ouvrage trop dense (pas plus de 150 pages) et comme je l’ai dit précédemment, les délais étaient dans tous les cas imposés par les commanditaires.

7) Vous arrive-t-il d'avoir des échanges avec l'auteur du livre que vous traduisez ?
J’ai eu l’occasion d’être en rapport avec un auteur par téléphone, mais pour une traduction qui n’était pas à proprement parler littéraire (livre de recettes culinaires), et également avec l’auteur d’un livret d’opéra contemporain que j’ai rencontré en personne et qui m’a ainsi guidée dans la traduction d’un texte relativement difficile incluant des extraits de poésies et beaucoup de jeux avec la langue.

8) Quel est votre meilleur souvenir en tant que traductrice ? Quel livre avez-vous préféré traduire ?
Mon meilleur souvenir jusqu’à présent reste la traduction pour le théâtre, compte tenu de la tension dramatique développée au long du texte et de l’efficacité des répliques qu’il fallait rendre dans la traduction finale.

9) Avez-vous des conseils à donner aux futurs traducteurs ?
Le travail de traducteur reste sans aucun doute un travail solitaire, mais la chance aujourd’hui est de pouvoir profiter de listes de traducteurs qui échangent leurs impressions, donnent des conseils et peuvent répondre à des problèmes insolubles à première vue. Ceci pour le volet pratique du métier, par ailleurs il est important de briser l’isolement professionnel en adhérant aux associations et syndicats qui existent, notamment pour être bien au fait des droits et des devoirs de la profession. Négocier seul son contrat avec l’éditeur, quand on ne dispose que de très peu d’informations, est difficile et les conséquences peuvent être parfois dramatiques.

10) Traduire fait-il de vous un lecteur différent ?
Je pense que la traduction est une seconde lecture « à la loupe », qui permet d’examiner de près les ressorts de la fiction et surtout le travail sur la langue qui déclenche le plaisir de la lecture. Peut-être que la pratique de la traduction permet alors d’être un lecteur plus attentif, et plus sensible à tout le travail d’auteur qui est derrière une œuvre.

Entretien avec Valérie Gay-Aksoy (traductrice)

Merci à Alexis pour le lien !

http://ma-tvideo.france3.fr/video/iLyROoafIxaB.html

Petit compte-rendu du premier petit atelier de traduction collective

Je rassure les anciennes (qui se posaient des questions sur la nouvelle promo : « Alors, ils sont comment ? »), tout s'est passé comme il fallait s'y attendre et como Dios manda : photos individuelles – zut, je me rends compte que j'ai oublié Perrine, arrivée un peu en retard… mais ce sera pour la prochaine fois, et re-zut, je vois que Vanessa est floue… sans doute l'allusion à Niezsche ;-) –, quelques lignes de traduction fort difficiles et gros goûter. Les talents et les appétits sont encore timides, mais il y a du potentiel ; pour preuve, Olivier avait pensé aux Dragibus, n'a pas négligé l'apologie des noirs et la moue dégoûtée à l'égard des jaunes… et il y a eu de bonnes idées pour faire un sort à l'affreux Rabelais, bas du panier dans la famille des perroquets.
Voici les photos de nos nouveaux amis : Julie, Vanessa, Olivier, Auréba, Stéphanie et Alexis.


À propos de l'entretien à réaliser auprès d'une ancienne apprentie traductrice

Il doit concerner la traduction longue, pour l'essentiel… même si rien ne vous empêche d'étendre le champ de vos questions. Le but est de profiter de leur expérience avant de vous lancer. Demandez-moi les mails des unes et des autres, le moment venu.

N'oubliez pas…

… de regarder régulièrement la liste des travaux à faire – j'ajoute régulièrement de nouvelles choses, évidemment. On vous a dit que ce serait une année intense. Vous y êtes !

Références culturelles, 597 : Venustiano Carranza

http://fr.wikipedia.org/wiki/Venustiano_Carranza

À propos de cet après-midi

En théorie, tous les TD de l'UFR Langues et Civilisations sont annulés jusqu'à la semaine prochaine (à cause des problèmes d'organisation de la rentrée). Il va de soi que nous, nous commençons dès maintenant… Pas de temps à perdre pour les futurs traducteurs ! Donc, rendez-vous comme convenu à 15h30 devant la salle H 118.

Exercice de version de la semaine pour la promo 2010-2011

Entre le 1e et le 8 octobre, vous ferez tous les exercices de version proposés aux étudiants de CAPES… Ils sont courts, généralement peu compliqués mais vous obligent à varier vos manières de procéder. À l'entraînement, chers petits ! Et organisez-vous pour pouvoir les rendre chaque soir ou le lendemain matin, au plus tard…

Une promotion orpheline ?

À présent que nous sommes au complet et que l'aventure commence, je vous rappelle que vous n'avez toujours pas de nom ; il y aura eu la promo Anne Dacier, la promo Aline Schulman… et vous n'êtes, pour l'heure, rien d'autre que la promo 2010-2011. Est-ce qu'il ne serait pas temps de prendre le taureau par les cornes et de procéder au baptême ? Si vous vous en souvenez, Vanessa vous avait fait une proposition : Alain Guy, n'est-ce pas ? Au cas où cela serait passé inaperçu, je lui propose de vous expliquer de nouveau les raisons de son choix – judicieux – mais qui peut parfaitement ne pas vous convaincre.
Vanessa nous vous écoutons, via les commentaires, comme d'habitude.

Entretien avec Céline Leroy (traductrice), réalisé par Stéphanie Maze

Comment êtes-vous venu à la traduction ?
De manière extrêmement banale. C’était ma matière de prédilection à l’université, celle qui m’amusait le plus.

Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Les exemplaires justificatifs qui me restent (ceux que je n’ai pas réussi à refourguer à des âmes charitables) sont cachés tout au fond d’un meuble de rangement. Je n’ai pas ouvert le livre depuis sa parution, mais je crois que je serais horrifiée.

Comment voyez-vous le métier de traducteur aujourd’hui ?
Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question puisque je n’exerce ce métier à plein temps que depuis cinq ou six ans, mais il me semble qu’il s’est beaucoup professionnalisé, ce qui est sans doute une bonne chose. Autant pour les traducteurs que pour les éditeurs.

Quel type de littérature traduisez-vous le plus (roman, poésie, théâtre…) ? Y voyez-vous d’importantes différences en tant que traducteur ?
Je traduis surtout des romans, mais j’ai tâté de la poésie, de la bande dessinée et pendant deux ou trois ans, j’ai consacré un grand nombre de mes heures de veille à me demander comment traduire toutes sortes de noms d’oiseaux (littéralement, j’entends) pour des documentaires plus ou moins animaliers destinés au petit écran.
Dans les documentaires, la traduction s’apparente surtout à de l’adaptation et nécessite quelques recherches lexicales. Il y a un message à faire passer, une histoire à raconter, le tout doit être clair, convaincant et pourquoi pas, intéressant (si ce n’est captivant). On est dans l’efficacité plus que dans le style. Et bien sûr, traduire un script demande moins d’endurance que pour un roman.

Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
J’ai la chance de n’avoir affaire qu’à des gens très professionnels, qu’ils soient éditeurs/éditrices, assistantes, relecteurs(rices) ou correcteurs(rices). J’évite de travailler avec les rares personnes pour qui le dialogue sur un texte est à sens unique.

Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Il peut arriver que les rapports soient houleux. Il y a ceux qui pensent maîtriser le français, ceux qui ne comprennent pas qu’on puisse avoir besoin de leur poser une question… C’est la vie, comme disent les anglophones en français dans le texte.

Quel est votre meilleur souvenir en tant que traducteur ?
La traduction des textes de Leonard Michaels.

Y a-t-il un auteur en particulier que vous aimeriez traduire ou que vous auriez aimé traduire ?
Dans le domaine anglo-saxon, j’aurais adoré aborder Faulkner et Brautigan en tant que traductrice. Et si j’étais polyglotte : Vladimir Tasic, Ricardo Piglia, Odon von Horvath, Fernando Pessoa, Etgar Keret, Akira Yoshimura…

Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
Les deux quand le travail est bien fait.

Traduire a-t-il fait de vous un lecteur différent ? Et si oui, quel lecteur ?
Oui, bien sûr, le regard est aiguisé, les textes sont plus « transparents ».
Aujourd’hui, je n’essaye plus d’aller jusqu’au bout d’un livre mal traduit. Pourquoi se faire du mal ?
D’un autre côté, je ne me prive pas de piquer des idées dans les textes bien rendus.

Question « subsidiaire ». Quel conseil pourriez-vous donner à un apprenti traducteur ou une apprentie traductrice ?
Au bout de six ans, je me sens encore très souvent « apprentie ». On en reparle dans vingt ans ?

Version de CAPES, 9

El bisonte

Tiempo acumulado. Un montículo de polvo impalpable y milenario; un reloj de arena, una morrena viviente: esto es el bisonte en nuestros días.
Antes de ponerse en fuga y dejarnos el campo, los animales embistieron por última vez, desplegando la manada de bisontes como un ariete horizontal. Pues evolucionaron en masas compactas, parecían modificaciones de la corteza terrestre con ese aire individual de pequeñas montañas; o una tempestad al ras del suelo por su aspecto de nubarrones.
Sin dejarse arrebatar por esa ola de cuernos, de pezuñas y de belfos, el hombre emboscado arrojó flecha tras flecha y cayeron uno por uno los bisontes. Un día se vieron pocos y se refugiaron en el último redil cuaternario.
Con ellos se firmó el pacto de paz que fundó nuestro imperio. Los recios toros vencidos nos entregaron el orden de los bovinos con todas sus reservas de carne y leche. Y nosotros les pusimos el yugo además.
De esta victoria a todos nos ha quedado un galardón: el último residuo de nuestra fuerza corporal, es lo que tenemos de bisonte asimilado.
Por eso, en señal de respetuoso homenaje, el primitivo que somos todos hizo con la imagen del bisonte su mejor dibujo de Altamira.

Juan José Arreola, Bestiario

***

Léa nous propose sa traduction :

Le bison
Du temps accumulé. Un monticule de poussière impalpable et millénaire ; un sablier, une moraine vivante : cela représente le bison de nos jours.
Avant de fuir et de nous laisser le champ libre, les animaux chargèrent une dernière fois, déployant la horde de bisons telle une armée à l’horizon.
Ainsi ils évoluèrent en masses compactes, tout cela semblait modifier la croute terrestre avec cet air unique de petites montagnes ; ou une tempête au ras du sol par son aspect de gros nuages.
Sans se laisser captiver par cette vague de cornes, de sabots et de lippus, l’homme pris au piège tira flèche après flèche et les bisons tombèrent un à un.
Un jour, ils se virent peu nombreux et trouvèrent refuge dans l’ultime enclos quaternaire.
Avec eux fut signé le pacte de paix qui fonda notre empire.
Les robustes taureaux vaincus nous remirent l’ordre des bovins avec toutes leurs réserves de viande et de lait.
Et ainsi, nous eûmes le joug sur ces derniers.
De cette victoire, il nous est resté à tous une récompense : l’ultime résidu de notre force corporelle, voila ce que nous avons assimilé du bison.
C’est pourquoi, en signe de respectueux hommage, Altamira fit son meilleur dessin avec l’image du bison représentant le caractère primitif que nous avons tous.

***

Sonita nous propose sa traduction :

Le bison
Temps accumulé. Un monticule de poussière impalpable et millénaire ; un sablier, une moraine vivante : c’est cela le bison de nos jours.
Avant de prendre la fuite et de nous laisser le champ libre, les animaux chargèrent une dernière fois, déployant le troupeau de bisons comme bélier horizontal. En effet, ils évoluèrent en masses compactes, on aurait dit des modifications de l’écorce terrestre avec cette ressemblance particulière avec des petites montagnes ; ou une tempête au ras du sol car on aurait dit de gros nuages.
Sans se laisser impressionner par cette vague de cornes, de sabots et de babines, l’homme pris au piège lança flèches après flèches et les bisons tombèrent un à un. Un jour, ils se rendirent compte qu’ils étaient bien peu et se réfugièrent dans le dernier enclos quaternaire.
C’est avec eux que l’on signa le pacte de paix qui fonda notre empire. Les robustes taureaux vaincus nous remirent l’ordre des bovins avec toutes leurs réserves de viande et de lait. Et nous les mîmes sous le joug, en plus.
De cette victoire nous avons tous gardé un prix : le dernier résidu de notre force corporelle, nous l’avons prise au bison.
C’est pour cela, en signe d’un hommage respectueux, le primitif que nous sommes tous, fit avec l’image du bison son plus beau dessin d’Altamira.

***

Mélissa nous propose sa traduction :

Le bison

L’eau a coulé sous les ponts. Un monticule de poussière impalpable et millénaire ; un sablier, une moraine vivante : actuellement, ça, c’est le bison.
Avant de s’enfuir et de nous laisser le champ libre, les animaux chargèrent une dernière fois, en éclatant le troupeau de bisons comme un bélier fonçant à l’horizontal. Ils évoluèrent donc en masses compactes, ils semblaient être des modifications de l’écorce terrestre avec cet air individuel de petites montagnes ; ou une tempête au niveau du sol par son aspect de gros nuages.
Sans se laisser emporter par cette vague de cornes, de sabots et de babines, l’homme embusqué lança flèche après flèche et les bisons tombèrent un à un. Un jour, ils étaient peu nombreux et ils se réfugièrent dans le dernier enclos quaternaire.
Avec eux, on signa le traité de paix fondé par notre empire. Les robustes taureaux vaincus nous livrèrent l’ordre des bovins avec toutes leurs réserves de viande et de lait. Et nous, en plus, nous leur avons mis le joug.
De cette victoire, il nous est resté à tous un prix ; le dernier résidu de notre force physique, c’est ce que nous avons appris du bison.
C’est pourquoi, en guise d’hommage respectueux, l’être primitif que nous sommes tous fit son meilleur dessin d’Altamira avec l’image du bison.

***

Loïc nous propose sa traduction :

Le Bison

Que de temps accumulé ! Un monticule de poussière impalpable et millénaire ; un sablier, une moraine vivante : le voilà le bison moderne !
Avant qu’ils ne se mettent à se dérober et à nous laisser le champ libre, les animaux nous foncèrent dessus pour la dernière fois, déployant la bande de bisons comme un bélier horizontal. Puisqu’ils évoluèrent en masses compactes, ils semblaient être des modifications de la croûte terrestre avec cette similitude que l’on attribue aux petites montagnes ; ou une tempête au ras du sol ressemblant à un gros nuage noir.
Ne se laissant pas ravir par cette vague de cornes, de sabots et de babines, l’homme pris au piège tira flèche après flèche et les bisons s’écroulèrent l’un après l’autre. Un jour, réduits en effectif, ils se réfugièrent dans l’ultime enclos quaternaire.
C’est avec eux que l’on signa le traité de paix qui fonda notre empire. Les vigoureux taureaux vaincus nous transmirent l’ordre des bovins avec toutes leurs réserves de viande et de lait. Et nous évidemment, on leur a imposé le joug!
De cette victoire, il nous reste à chacun une récompense: le dernier résidu de notre force corporelle, voilà la seule chose que nous partageons avec le bison.
C’est pourquoi, en signe d’hommage respectueux, l’être primitif que nous avons tous enfoui en nous, fit de l’image du bison le meilleur dessin d’Altamira.

***

Aurélie nous propose sa traduction :

Le bison

Tout ce temps accumulé! Un monticule de poussière impalpable et millénaire; un sablier, une moraine vivante: voilà c'est ça le bison de nos jours.
Avant de s'enfuir et de nous laisser le champ libre, les animaux chargèrent une dernière fois, déployant la horde de bisons comme un bélier horizontal.Ils évoluèrent donc en masses compactes, et semblaient être l'incarnation de la croûte terrestre avec cette ressemblance singulière aux petites montagnes; ou une tempête au ras du sol par leur aspect de gros nuages.
Ne se laissant pas envoûter par cette vague de cornes, de sabots et de babines, l'homme embusqué tira flèche après flèche et les bisons tombèrent les uns après les autres. Un jour, se voyant peu nombreux, ils se réfugièrent dans l'ultime enclos quaternaire.
C'est avec eux que l'on signa le traité de paix qui fonda notre empire. Les robustes taureaux vaincus nous transmirent l'ordre des bovins avec toutes leurs réserves de viande et de lait. Et nous, en plus, nous leur imposèrent le joug.
De cette victoire, il nous est resté à tous une récompense: le dernier résidu de notre force corporelle, voilà ce que nous avons pris du bison.
C'est pourquoi, en guise d'hommage respectueux, l'être primitif qui sommeille en nous tous, fit de l'image du bison le meilleur dessin de l'Altamira.

***

Leslie nous propose sa traduction :

Le bison.

Du temps qui s'est écoulé. Un monticule de poussière impalpable et millénaire ; une horloge de sable, une moraine vivante : voilà ce qu'est le bison de nos jours.
Avant de prendre la fuite et de nous laisser le champ libre, les animaux chargèrent une dernière fois, déployant le troupeau de bisons comme un bélier horizontal. Étant donné qu'ils évoluèrent en des masses compactes, l'on croyait à des modifications de la croûte terrestre avec cet air individuel de petites montagnes, ou encore à une tempête au ras du sol de par leur aspect de gros nuages.
Ne se laissant pas impressionner par cette vague de cornes, de sabots et de babines, l'homme embusqué décocha une flèche après l'autre et les bisons tombèrent un à un. Un jour, se trouvant si peu nombreux, ils se refugièrent dans le dernier enclos quaternaire.
Le traité de paix qui fonda notre empire fut signé avec eux. Les robustes taureaux vaincus nous remirent l'ordre des bovins ainsi que toutes leurs réserves de viande et de lait. Et, en plus de cela, nous leur imposâmes notre joug.
Nous avons tous conservé un trophé de cette victoire : l'ultime résidu de notre force physique, c'est ce que nous avons assimilé du bison.
Pour cela, en signe d'hommage respecteux, les primitifs que nous sommes utilisèrent l'image du bison pour faire leur meilleur dessin d'Altamira.

mercredi 29 septembre 2010

Un article sur la traduction

Merci à Odile pour la référence :

http://www.telerama.fr/livre/traduire-c-est-parfois-refaire-un-texte-avec-le-sentiment-de-ne-plus-savoir-ecrire,41251.php

Message de deux anciennes à l'attention des petits nouveaux

En photo : ogre, my ogre
par emiliabright

Une année en M2 pro ou le poids des mots, par Amélie et Cloé

Alors qu’il reste une quinzaine de jours avant la rentrée, nous tenons à donner quelques indications aux sept nouvelles proies de la H118, pour qu’ils puissent se faire une idée de la sauce à laquelle ils vont être mangés.
Vous vous êtes sûrement déjà rendu compte que pour satisfaire l’ogre Lepagien, il fallait travailler chaque jour un peu plus car il n’est jamais rassasié. Ce que vous ignorez, en revanche, c’est qu’il n’y a pas que votre cerveau qui va être soumis à rude épreuve. En effet, la traduction d’un paragraphe de dix lignes demandera à votre estomac d’ingurgiter sept Dragibus® – veillez à ne pas manger tous les noirs : si ce sont les meilleurs, ce sont aussi les préférés de l’ogre – et une part de cake au chocolat – ou autre selon les jours. Pénurie de sachets Haribo® à la cafétéria ? Pas de panique, Caroline trouvera toujours un fond de boîte de Quality Street dans son bureau (essentiellement en période de Noël) ou, ce jour-là, une âme charitable aura pensé à apporter quelque chose de comestible. Toujours est-il que si l’emploi du temps n’a pas changé, nous vous conseillons plusieurs choses :
le mercredi, pratiquez une activité sportive ou jeûnez, pour vous préparer au lendemain.
le jeudi soir, reposez-vous (car les ateliers de traduction demandent beaucoup de concentration et une participation active) mais surtout, mangez léger.
Nous n’avons pas suivi ces conseils et voyez le résultat : nous avons de plus en plus de mal à persuader la balance – et nous-mêmes – que les (quelques) kilos en plus depuis cette année viennent sans aucun doute des connaissances que nous avons absorbées.
Une dernière chose : méfiez-vous aussi des réunions improvisées entre apprentis, celles où on grignote autant qu’on travaille, vous voyez ce dont je parle ? Ce n’est qu’un piège de plus sur la route de l’apprenti traducteur bordelais, croyez-en notre expérience !
Mis à part ce petit inconvénient, l’année que vous vous apprêtez à vivre est merveilleuse, prenez tout ce que l’on vous donne et profitez-en, elle passe bien plus vite qu’elle n’en a l’air…

Entretien avec Claude Bleton (traducteur), réalisé par Olivier Marchand

Directeur du Collège International des Traducteurs Littéraires d'Arles, Claude Bleton a, depuis quarante ans, traduit les grands noms de la littérature espagnole et sud-américaine, comme Leopoldo Alas, dit Clarín, Alvaro Cunqueiro,José Manuel Fajardo,Antonio Muñoz Molina Fernando Savater, Juan José Saer, Gonzalo Torrente Ballester ou encore Manuel Vázquez Montalbán... Il publie son premier roman, à 62 ans, en 2004, chez Anne-Marie Métailié : «Les nègres du traducteur».

Comment en êtes-vous arrivé à devenir traducteur ? Quel parcours avez-vous suivi pour en arriver là ?
Bah, c'est-à-dire que j'ai fait des études supérieures, passé le CAPES, enseignant, mais bon, ça m'a toujours plu de, de traduire, dès que j'étais étudiant je traduisais tout ce que j'avais au programme. Enfin, c'était, c'est un goût perso quoi, très fort. Et puis donc, j'ai enseigné ensuite pendant 20 ans, et puis au bout de 20 ans, je me suis dis « c'est bon, j'ai fait ça, j'veux pas arriver jusqu'à la retraite sans avoir connu la vie active ». Donc, j'arrête l'enseignement et j'ai basculé dans la traduction, après avoir fait un mi-temps d'enseignant pour tâter le terrain.

Le passage a été assez facile ou c'est quelque chose qui a demandé beaucoup d'efforts ?
Non, non, c'était plus facile d'être traducteur que d'être enseignant. (rires)

Une autre question : quelle a été la première œuvre que vous avez traduite, et que pensez-vous de votre traduction aujourd'hui ?
Ah oui. Alors là, j'suis hyper bien placé pour vous répondre parce qu'il arrive une drôle d'histoire. Mon, mon premier, ma première traduction s'appelle El lugar de un hombre de Sender, qu'a été publié en 85 chez Actes Sud. Et il se trouve qu'il y a une maison d'éditions actuellement qui a décidé de reprendre en charge toute l'œuvre de Sender, et donc de republier cette traduction, entre autre. Donc, je me suis dit «mais c'est une catastrophe», donc j'ai commencé à la relire, et puis contrairement à d'autre traduction que j'ai jamais voulu relire, j'ai trouvé que c'était pas mal, que ça tenait à peu près le coup. J'peux pas vous dire que je la hais.

Vous y avez apporté quelques modifications néanmoins ?
Non, pas grand-chose.

Pas grand-chose. Vous auriez pas fait mieux maintenant ?
J'aurais sûrement fait autrement. Euh, forcément quoi. 25 ans de traduction, ça laisse pas indemne. Mais j'ai trouvé que ça tenait le coup.

D'accord. Et c'est quoi justement votre meilleur souvenir par rapport à une œuvre ou à une rencontre en tant que traducteur ?
Ah, mon meilleur souvenir, c'est Torrente Ballester. Sans aucun doute. D'abord, parce que j'étais absolument fasciné par son œuvre, ensuite par le bonhomme, qu'était un bon bonhomme quand je l'ai connu dans les années 80, fin des années 80, début des années 90. Et vraiment, ça a été un belle rencontre.

Et justement par rapport à ça, quels rapports vous entretenez avec les auteurs que vous traduisez ?
Aussi étroits que possible. C'est à dire que je les, je les, sauf si ils veulent pas, euh, c' qu'est arrivé une ou deux fois dans mon existence, où l'auteur était terrorisé par le traducteur et il voulait pas en entendre parler. Mais enfin, c'était des gens qui, en général, était terrorisé par tout, donc...
Il n'y avait rien de personnel...
Sinon, non, on a des relations qui sont vraiment très, très chouettes, très bien. Il m'est arrivé quelquefois d'avoir des petites, des petites difficultés avec certains auteurs, ce dont je leur sais gré parce que ça m'a aidé à mieux définir ce qu'était le champ de compétences de l'auteur et celui du traducteur, et d'arriver à créer une limite entre les deux pour que le langage soit possible.

D'accord. Et enfin, voilà j'ai vu que vous étiez écrivain vous aussi, vos œuvres ont-elles été traduites ?
Oui, alors le, «Les nègres du traducteurs» ont été traduit en espagnol, et en italien.

Est ce que vous avez eu des rapports avec ces traducteurs là en tant qu'écrivain ?
Oui oui, oui oui, c'était très rigolo. Ils me posaient des questions, peu de questions, c'était des traducteurs hyper chevronnés, ils s'étaient mis à 5 pour traduire les pauvres 150 pages. Histoire de s'amuser quoi ! C'était une espèce de clin d'œil au traducteur étranger. C'était, non, c'était très bien. C'était des gens hyper compétents.

Encore une question sur les rapports qu'entretient le traducteur. Avec les éditeurs, comment ça se passe en général de votre côté ?
Très bien. Très bien. Oh, y'a des brebis galeuses chez les traducteurs comme chez les éditeurs. Mais elles sont plutôt rares, et moi, j'ai d'excellentes relations avec les éditeurs. J'suis ravi. Et ceux avec qui j'suis pas ravi, j'travaille plus avec eux.

Aussi facilement que ça. Euh, une question, est ce que le fait de traduire ça a fait de vous un lecteur différent ? Est ce que ça a changé votre perception dans l'appréhension d'un texte ? J'imagine que oui, mais comment est ce que ça a pu modifié votre lecture ?
Euh... En réalité, ça a, j'aurai tendance à dire, c'est peut-être exagéré, mais j'aurai tendance à dire que ça a rien à voir. Euh, quand on lit un texte en tant que lecteur, on a un rapport de plaisir et on vagabonde sur les lignes qu'on, qu'on lit. Avec gourmandise, plaisir, puis quand ça plaît pas, bah, on saute le paragraphe, on saute la phrase, on saute la page éventuellement, et on continue. Or le traducteur lui, étant, étant dans un rapport professionnel avec le texte ne peut rien sauter donc... On peut pas dire que le premier rapport du traducteur avec le texte soit un rapport de plaisir. C'est vraiment un rapport professionnel, plein de soucis au sens de, de l'attention qu'on doit porter à ce texte. Je trouve que ces deux lectures ne sont pas les mêmes.
Il faut prendre ça comme un travail et pas comme quelque chose de passionné, de passionnant et …
L'un n'empêche pas l'autre, mais c'est avant tout un travail. Donc on peut pas lire de la même façon que quand on lit pour le loisir.

D'accord. Et est ce que la traduction a fait de vous un écrivain différent ? Est ce que le fait d'avoir eu des rapports avec des auteurs étrangers, des textes étrangers, ça a modifié votre façon d'écrire ?
Ah oui ça, le, certains auteurs que j'ai traduits m'ont beaucoup appris parce que dans la mesure où on a une lecture microscopique de leur texte, on, on voit comment c'est fabriqué, on voit comment c'est foutu et on est, on est dans la loupe. Donc là, on voit très bien la fabrique de l'écriture. Et ça, évidemment ça, ça apprend.

Et j'aurai une dernière petite question avant de vous laisser. Un petit conseil que vous pourriez donner à quelqu'un qui est en apprentissage de la traduction, qui a l'énergie du débutant mais l'inexpérience aussi ?
Un conseil. Bah, j'ai un seul conseil à donner à un traducteur quel qu'il soit c'est : méfiez-vous du texte original. Parce que c'est, c'est une prison, et il faut sortir de cette prison. Puisqu'on doit créer de toute pièce un, un autre texte qui n'a rien de commun avec le texte original, puisque c'est même pas les mêmes mots, c'est pas la même langue, c'est pas le même univers linguistique, ni, ni culturel, ni économique, ni etc quoi. Donc, méfiance avec le texte original.

Donc contrairement à ceux qui pensent qu'il faut vivre dans le texte et pour le texte, il vaut mieux, selon vous, s'en échapper un peu et s'en éloigner un peu ?
Ah non, non, j'suis plus radical que ça, il faut en sortir.
Complètement !
Carrément ! Parce que quand, quand on dit que, que le traducteur est un passeur, ça me fait rire. Le traducteur, il passe quoi ? D'un côté, d'un côté de la rivière, y'a un texte en espagnol et de l'autre côté, y'a un texte en français. Ça a plus rien à voir. Il a rien passé. En tout cas, c'est pas ça qu'il a passé. Il a passé autre chose. «Il a passé quoi?» dit l'enquêteur. Bah il a passé le, l'impact que ce texte a eu sur lui en tant que lecteur d'espagnol, et qu'il a donc essayé de restituer arrivé de l'autre côté, dans une autre langue, dans une autre matière.
Et faire en sorte que l'impact soit le même sur les futurs lecteurs...
Alors voilà, on, j'pense que c'est plus ou moins ça qu'on essaye de, de faire passer.

Pas faire passer de mots, mais faire passer une émotion de lecture ?

Oui, oui oui, de faire passer c'qui, c'qui a généré l'écriture. Souvent les auteurs ils disent « moi ce que j'écris c'est entre les mots » (rires) alors du coup, ce qui nous disent c'est autre chose. C'est des tricheurs les auteurs !

Une petite vidéo… de la part de Barbara

Références culturelles, 596 : Benito Juárez

http://www.abc-latina.com/personnalites/benito_juarez.htm

Entretien avec Serge Mestre (traducteur), réalisé par Vanessa Canavesi

J'avais rencontré Serge Mestre en mai à Grenoble lors de la présentation de son dernier roman publié, La Lumière et l'Oubli (éd. Denoël), récit poignant sur l'exil républicain espagnol et la quête de vérité.
Serge Mestre est écrivain et traducteur de l'espagnol, il a traduit de nombreux auteurs hispanophones dont Manuel Rivas, Mayra Montero, Fernando Savater, Jorge Semprún, Alejandro Rossi, etc. Il a très gentiment accepté de se confronter au difficile questionnaire sur son propre métier.
Je tiens à remercier Monsieur Mestre de m'avoir accordé un peu de son précieux temps dans cet entretien par mail, et d'avoir livré ses réponses en toute sincérité. Merci encore !


Comment êtes-vous venu à la traduction ?
C’est une longue histoire. Après la publication de mon premier roman, en 1980, aux Éditions Flammarion, j’ai eu l’occasion de traduire le roman d’un ami, Emilio Sanchez-Ortiz, qui venait d’être accepté dans la collection Barroco (toujours chez Flammarion) dirigée par Gérard de Cortanze. Plus tard, en 1985, j’ai été engagé par Severo Sarduy, aux Éditions du Seuil pour rédiger des notes de lectures sur les livres en langue espagnole et j’ai alors eu l’occasion de faire encore quelques traductions. Puis Severo Sarduy est entré aux Éditions Gallimard comme directeur de collection. En 1996, après la mort de Severo Sarduy, Gustavo Guerrero, qui avait repris la collection de celui-ci, m’a demandé de le rejoindre comme conseiller littéraire : c’est à ce moment-là que la traduction a pris pour moi une tournure plus professionnelle.

Votre première traduction, qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
Je ne sais pas, je ne relis jamais mes traductions après les avoir rendues. J’ai cependant le souvenir d’un travail immense que je ne soupçonnais pas et que j’ai peu à peu réussi à apprivoiser.

Vous avez traduit davantage de romans que de pièces de théâtre, par exemple, voyez-vous d’importantes différences entre les deux en tant que traducteur ?
J’ai traduit plus de romans que de pièces de théâtre, tout simplement parce qu’il s’agit, je pense, de deux circuits différents. Dans les maisons d’édition, on est surtout emmené à traduire des romans. Les traductions de théâtre se font la plupart du temps à l’occasion d’une nouvelle mise en scène et il faut être présent (ce qui n’est malheureusement pas mon cas) sur le circuit du théâtre pour obtenir ce genre de traduction, qui s’avère souvent être une traduction/adaptation, en collaboration avec le metteur en scène.

Quels rapports entretenez-vous avec les éditeurs ?
Tout comme ils font appel à d’autres traducteurs, les éditeurs font quelquefois appel à moi pour traduire un roman. Nous convenons alors d’une date de remise de la traduction en fonction de ma disponibilité du moment et, après signature du contrat, le travail peut alors commencer.
En ce qui concerne les Éditions Gallimard, mon rôle de conseiller littéraire m’emmène à discuter aussi de l’éventualité d’une traduction en français d’un roman en langue espagnole. Ceci ne signifie pas que je fasse systématiquement la traduction des romans que je conseille, s’ils sont édités.

Quels rapports éventuels entretenez-vous avec les auteurs que vous traduisez ?
Si ce sont des auteurs contemporains, le courrier électronique nous permet d’être en contact permanent. Lorsque les auteurs l’acceptent, je peux alors faire des demandes d’éclaircissement auprès des auteurs : cela a modifié le travail de façon très significative.
Par ailleurs, lorsque les auteurs se rendent en France, souvent à l’occasion de la promotion de leur livre, j’ai la possibilité de les connaître et cela se solde parfois par de belles rencontres.

Vous êtes auteur également. Continuez-vous la traduction, ou préférez-vous vous consacrer désormais à l’écriture ?
Il est vrai que je suis également auteur. J’ai publié mon dernier roman en septembre 2009, La Lumière et l’oubli, aux Éditions Denoël, et j’ai eu la chance d’être retenu dans la sélection pour le prix Goncourt 2009 remporté par mon amie Marie Ndaye.
Je continue cependant à mener de front traduction et écriture, car en ce qui me concerne je trouve que l’une éclaire et enrichit l’autre de façon singulière, et réciproquement.
J’ai l’habitude de dire que la traduction est une belle école d’écriture ; et je suis bien tenté de retourner la phrase en disant que l’écriture est une belle école de traduction. En tout cas, elle permet au traducteur de toucher du doigt, de faire l’expérience pratique, de ce que contiennent les mots « passage », « passeurs » appliqués au domaine de la traduction.

Si vous traduisez en même temps, le fait d'écrire soi-même ne vous semble-t-il pas susceptible de créer des interférences avec la voix de l'auteur que le traducteur a ensuite à traduire ?
Si la traduction est une école d’écriture et vice-versa, il faut bien garder à l’esprit que l’école reste l’école : par conséquent, en aucun cas écriture et traduction ne se confondent, ne se superposent même pas.
Écrire, pour moi, c’est parfois se laisser aller à son style propre (qu’on choisit de temps en temps, qui le plus souvent nous dépasse) et parfois le contrôler. Le style d’un auteur ne se modifie pas avec la traduction, au point de coller avec celui de l’écrivain qu’il traduit, au mieux il s’enrichit, il dialogue. Parfois, il ne se passe rien.

Quel est votre meilleur souvenir, en tant que traducteur ?
Mon meilleur souvenir comme traducteur, ce sont les rencontres avec les auteurs, les dialogues qui s’instaurent entre nous. Traduire, comme je l’ai déjà dit, m’a permis de réaliser de belles rencontres que je n’aurais pas pu faire autrement et qui ont enrichi mon existence d’écrivain.

Le traducteur est-il pour vous un auteur ou un passeur ?
On peut déduire de mes réponses précédentes que c’est un passeur.

Version de CAPES, 8

Los domingos en la mañana los mistis iban a buscar a don Braulio en su casa. Le esperaban en el patio, dos, tres horas, hasta que el principal se levantaba. Junto a una pared había varios troncos viejos de eucalipto; sentados sobre esos palos se soleaban los mutis mientras don Braulio acababa de dormir. El principal no tenía hora para levantarse; a veces salía de su cuarto a las siete, otras veces a las nueve y a las diez también; por eso los mistis se iban a visitarle según su alma; unos eran más pegajosos, más sucios, y tempranito estaban ya en el patio para hacerse ver por los sirvientes de don Braulio; otros, de miedo nomás iban, para que el principal no les tomase a mal; llegaban más tarde, cuando el sol ya estaba alto; otros calculaban la hora en que don Braulio iba a salir para convidar el trago a los sanjuanes, por borrachos nomás cortejaban al principal.

José María Arguedas, « Agua »

***

Javier nous propose sa traduction :

Le dimanche matin les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l’attendaient dans le patio, deux, trois heures, jusqu’à ce que le chef se lève. Il y avait contre un mur de vieux troncs d’eucalyptus; assis sur ces bouts de bois les muets bronzaient pendant que don Braulio finissait de dormir. Le chef n’avait pas d’heure pour se lever ; parfois il sortait de sa chambre à sept heures, d’autres fois à neuf ou même dix heures ; c’est pour ça que les mistis allaient le visiter suivant son humeur ; certains étaient plus poisseux, plus sales, et très tôt se trouvaient déjà dans le patio pour se faire voir par les servants de don Braulio ; d’autres, par simple peur, y allaient pour que le chef ne les prennent pas à mal ; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut ; d’autres calculaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour offrir le verre aux saint-jean, c’est parce qu’ils n’étaient que des soulards qu’ils courtisaient le chef.

***

Aurélie nous propose sa traduction :

Les dimanches matin, les mistis allaient chercher Don Braulio chez lui. Ils l'attendaient dans la cour, deux , trois heures, jusqu'à ce que le patron se lève. Près d'un mur,il y avait plusieurs vieux troncs d'eucalyptus; assis sur ces bouts de bois les mistis se mettaient au soleil tandis que Don Braulio finissait de dormir. Le patron n'avait pas d'heure pour se lever; il sortait parfois de sa chambre à sept heures, parfois à neuf heures et même à dix heures; c'est pour cela que les mistis venaient lui rendre visite selon leur humeur; certains plus poisseux, plus sales, étaient déjà dans la cour très tôt pour se faire voir des domestiques de Don Braulio; d'autres, par peur n'y allaient plus,pour que le patron ne leur en veuille pas; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà bien haut; d'autres encore calculaient l'heure à laquelle Don Braulio allait sortir pour inviter les sanjuanes à boire un verre, ivres, ils ne pouvaient plus flatter le patron.

***

Léa nous propose sa traduction :

Chaque dimanche matin, les notables allaient chercher don Braulio dans sa demeure.
Ils l’attendaient dans la cour, deux, trois heures, jusqu’au réveil du chef.
Près d’un mur se trouvaient plusieurs vieux troncs d’eucalyptus, assis sur ces bâtons, ceux qui devaient partir s’exposaient au soleil, tandis que don Braulio dormait.
Le chef n’avait pas d’heure à laquelle se lever ; parfois, il quittait sa chambre à sept heures, d’autres fois à huit heures, voire même à dix heures.
C’est pourquoi les notables lui rendaient visite à leur gré ; certains étaient davantage collants, plus sales, et ils étaient très tôt déjà dans la cour pour se faire remarquer par les domestiques de don Braulio ; d’autres, par crainte, ne s’y rendaient plus, pour que le chef ne leur reproche pas ; ils arrivaient plus tard, lorsque le soleil était déjà haut.
D’autres calculaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour le convier à boire à la fête de sanjuanes, quant aux ivrognes, ils ne courtisaient plus le chef.

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Bruno nous propose sa traduction :

Les dimanches matins, les "mistis" allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l'attendaient dans la cour, deux, trois heures, jusqu'à ce que le chef se lève. Près d'un mur, il y avait plusieurs vieilles souches d'eucalyptus, assis sur ces dernières les "mistis" s'exposaient au soleil pendant que don Braulio finissait de dormir.Le chef n'avait pas d'heure pour se lever; quelquefois il sortait de sa chambre à sept heures, d'autres fois à neuf heures et à dix heures aussi; c'est pourquoi les "mistis" allaient lui rendre visite selon leur conscience. Certains étaient plus collants, plus malhonnêtes et très tôt ils étaient déjà dans la cour pour que les domestiques de don Braulio les voient; d'autres n'y allaient que par peur, pour que le patron ne les voit pas d'un mauvais œil; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut dans le ciel; d'autres encore calculaient l'heure à laquelle don Braulio allait sortir pour offrir un verre aux habitants de San Juan, parce que ce n'était qu'une bande d'ivrognes, ils accompagnaient le chef.

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Florian nous propose sa traduction :

Les dimanches matin, les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l'attendaient dans le patio, deux, trois heures, jusqu'à ce que le chef se lève. Près d'un mur il y avait plusieurs vieux troncs d'eucalyptus; assis sur ces bouts de bois, les mutis prenaient le soleil pendant que don Braulio finissait de dormir. Le chef n'avait pas d'heure pour se lever; parfois il sortait de sa chambre à sept heures, d'autres fois à neuf et même dix heures aussi; c'est pourquoi les mistis allaient lui rendre visite selon leur sensibilité: certains étaient tellement collants, tellement sales, qu'il se rendaient assez tôt dans le patio pour se faire voir par les domestiques de don Braulio; d'autres, qui étaient ni plus ni moins apeurés, arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut, pour que le chef ne les voie pas d'un mauvais oeil; d'autres encore, calculaient l'heure à laquelle don Braulio allait sortir pour inviter les sanjuanes à boire un coup, car une fois ivres, il n'était plus nécessaire qu'ils flattent le chef.

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Sonita nous propose sa traduction :

Les dimanches matin les nouveaux seigneurs allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l’attendaient dans la cour, deux, trois heures jusqu’à ce que le chef se levait. Il y avait près d’un mur quelques vieux troncs d’eucalyptus ; assis sur ces bouts de bois ils se chauffaient au soleil en silence tandis que don Braulio terminait de dormir. Le chef n’avait pas d’heure pour se lever ; parfois il sortait de sa chambre à sept heures, à d’autres occasions à neuf heures ou encore à dix heures ; c’est pourquoi les nouveaux seigneurs allaient lui rendre visite selon leur pressentiment ; certains étaient plus collants, plus sales et de très bonne heure étaient déjà dans la cour pour se faire voir des domestiques de don Braulio ; d’autres, par peur n’y allaient jamais, mais pour que le chef ne leur en tienne pas rigueur, ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut dans le ciel ; d’autres encore, qui courtisaient le patron uniquement parce que c’étaient des ivrognes, calculaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour offrir un verre aux habitants de San Juan.

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Mélissa nous propose sa traduction :

Les dimanches matin, les mistis allaient chercher Don Braulio chez lui. Ils l’attendaient dans le patio, deux, trois heures, jusqu’à ce que l’intéressé se lève. Près d’un mur, il y avait plusieurs vieux troncs d’eucalyptus ; assis sur ces bouts de bois, les mistis étaient au soleil alors que Don Braulio achevait sa nuit. L’intéressé n’avait pas d’heure pour se lever ; parfois il sortait de sa chambre à 7 heures, d’autres à 9 heures ou à 10 heures même ; c’est pourquoi les mistis allaient lui rendre visite selon leur instinct ; les uns étaient plus pouilleux, plus sales et ils étaient dans le patio de bonne heure pour se faire voir par les domestiques de Don Braulio ; les autres, seulement par peur, y allaient pour que l’intéressé ne le prenne pas mal ; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut ; d’autres, des ivrognes qui le courtisaient simplement, calculaient l’heure à laquelle Don Braulio allait sortir pour l’inviter à boire un coup aux fêtes de la Saint Jean.

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Jean-Baptiste nous propose sa traduction :

Les dimanches matin, les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l’attendaient dans la cour, deux, trois heures, jusqu’à ce que le chef se levait. Il y avait plusieurs vieux troncs d’eucalyptus contre un mur; assis sur ces bois, les mutis s’exposaient au soleil pendant que don Braulio finissait de dormir. Le chef n’avait pas d’heure pour se lever, il sortait parfois de sa chambre à sept heures, d’autres fois à neuf heures mais aussi à dix heures; c’est pour cela que les mistis allaient lui rendre visite selon leur état d’âme; certains étaient plus répugnants, plus sales, et ils se trouvaient déjà très tôt dans la cour pour se faire voir par les domestiques de don Braulio; d’autres, seulement par peur, y allaient, pour que le chef ne se fâche pas après eux, ils arrivaient plus tard, lorsque le soleil était déjà levé; d’autres calculaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour convier les membres de Saint-Jean à boire un verre, seulement du fait d’être ivrognes, ils accompagnaient le chef.

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Loïc nous propose sa traduction :

Les dimanches matins, les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l’attendaient dans la cour, deux, trois heures, jusqu’à ce que le chef se lève. A côté d’un mur, se trouvait plusieurs vieux troncs d’eucalyptus ; assis sur ces bouts de bois, les mutis s’exposaient au soleil pendant que don Braulio finissait de dormir. Le chef n’avait d’heure pour se lever ; parfois, il sortait de sa chambre à sept heures, d’autres fois à neuf voire même dix heures; c’est pourquoi les mistis allaient à sa rencontre et ce, selon leur envie ; certains étaient plus collants, plus sales que les autres et, très tôt, ils se trouvaient déjà dans le patio pour manifester leur présence auprès des domestiques de don Braulio ; d’autres, apeurés, y allaient afin que le chef ne leur en veuille pas ; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était à son zénith ; d’autres, veillaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour inviter les disciples de l’ordre de Saint-Jean à boire un verre : ils courtisaient le chef simplement parce qu’ils étaient saouls.

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Mélina nous propose sa traduction :

Les dimanches matins les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Ils l'attendait dans la cour, deux, trois heures, jusqu'à ce que le patron se lève; Le long d'un mur il y avait plusieurs vieux troncs d'eucalyptus; assis sur eux, les mistis prenaient le soleil pendant que don Braulio finissait de dormir. Le patron n'avait pas d'heure pour se lever; des fois il sortait de sa chambre à sept heures, d'autres fois à neuf heures et à dix heures aussi; c'est pour cela que les mistis lui rendait visite selon leur tempérament; certains étaient plus collants, plus sales, et très tôt ils étaient déjà dans la cour pour se faire voir des servants de don Braulio; d'autres, s'y rendaient de peur que le patron ne les prenne en grippe; ils arrivaient plus tard, quand le soleil était déjà haut; puis il y avait ceux qui calculaient l'heure à laquelle don Braulio allait sortir pour payer un coup aux sanjuanes, et ce n'était que parce qu'il étaient des poivrots qu'ils courtisaient le patron.

***

Clarisse nous propose sa traduction :

Les dimanches matin les mistis allaient chercher don Braulio chez lui. Il les attendait dans la cour, deux, trois heures jusqu’à ce que le chef se lève. A coté d’un mur il y avait divers vieux troncs d eucalyptus, assis sur ces bouts de bois les muets prenaient le soleil pendant que don Braulio finissait de dormir. Le chef n’avait pas d heure pour se lever, parfois il sortait de sa chambre à sept heure, d autre fois à neuf où dix heure aussi ; c’ est pour cela que les mistis lui rendaient visite selon son humeur, les uns étaient plus collants, plus sales, et très tôt ils se trouvaient déjà dans la cour afin de se faire voir pas les domestiques de don Braulio ; les autres, de peur, n’y allaient que pour que le chef ne les prenne pas en grippe, ils arrivaient plus tard, lorsque le soleil était déjà bien haut ; d’autres calculaient l’heure à laquelle don Braulio allait sortir pour inviter les gens de la Saint Jean à boire un coup, il ne courtisait le chef que parce qu’ils étaient des ivrognes.

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Leslie nous propose sa traduction :

Les dimanches matin, les mistis allaient chercher don Braulito chez lui. Ils l'attendaient dans la cour, deux, trois heures, jusqu'à ce que le chef se levât. Près d'un mur, il y avait plusieurs vieux troncs d'eucalyptus ; assis sur ces morceaux de bois, les mutis prenaient le soleil pendant que don Braulio terminait sa nuit. Le chef n'avait pas d'heure pour se lever : il sortait parfois à sept heures de sa chambre, d'autres fois à neuf, et à dix aussi ; voilà pourquoi les mistis allaient lui rendre visite comme cela les arrangeait. Certains étaient très crasseux, très sales, et ils se trouvaient dans la cour très tôt déjà pour se faire voir des serviteurs de don Braulito ; d'autres, de peur, n'y allaient plus. Pour que le chef ne le prît pas mal, ils arrivaient plus tard, lorsque le soleil était déjà à son zénith ; d'autres encore calculaient l'heure à laquelle don Braulito allait sortir pour inviter les habitants de San Juan à boire un verre, car s'ils courtisaient le chef, c'était uniquement parce que c'étaient des ivrognes.

mardi 28 septembre 2010

La chanson du mardi, choisie par Chloé

Ojos de Brujo, Ventilador R-80 ou Rumba dub style

Références culturelles, 595 : Jacinto Verdaguer

Jacinto Verdaguer
une idée d'Odile

http://es.wikipedia.org/wiki/Jacinto_Verdaguer

Version de CAPES, 7

La tormenta de nubes se ha calmado un poco, y un aguacero muy fino lo va poniendo todo de un color casi transparente y blanquísimo. De entre esa neblina de agua que casi no llega a caer, veo a mi madre que se me acerca con una garrocha entre las manos.
Los abujes me han picado en toda la espalda, pero yo no sentí cuando me picaron. Estaba tan embelesado. Mi madre pasa por encima del mayal sin cuidarse de las es­pinas, y luego alza el vuelo.
Ya está frente a mí. En mitad del sao y apuntándome con la garrocha a la garganta.
-¿Por qué no me salvaste? ¡Desgraciado! -Mamá aprie­ta más la garrocha y yo siento un cosquilleo frío, que ya me va traspasando el pellejo del cuello-. Yo soy tu madre.
En este sao se perdió una vez mi prima Eulogia. ¡La pobre Eulogia!, salió a buscar leña y no volvió más nunca a la casa. Ni con la leña ni sin ella.
-Contesta: ¿por qué no me salvaste si yo soy la mujer que te ha parido?
Algo debe de haberle pasado a la prima Eulogia que no ha regresado todavía. Todos la esperamos en el come­dor, sin decirnos ni media palabra: mirando para el suelo o para la única ventana. Pero sin decirnos nada.

Reinaldo Arenas, Celestino antes del alba

***

Aurélie nous propose sa traduction :

L'orage s'est calmé un peu, et une averse très fine rend tout d'une couleur presque transparente et très blanche. A travers ce brouillard d'eau qui ne parvient presque pas à tomber, je vois ma mère qui s'approche de moi avec une lance entre les mains. Les acariens m'ont piqué sur tout le dos, mais moi je n'ai pas senti quand ils m'ont piqué. J'étais si émerveillé. Ma mère passe par dessus le fléau sans prêter attention aux pointes, et ensuite elle s'envole. Elle est déjà face à moi. Au milieu de la savane, tout en me pointant la lance à la gorge, elle me dit: -Pourquoi tu ne m'as pas sauvé? Vaurien! -Maman sert davantage la lance et je sens un picotement froid qui me transperce déjà la peau du cou. -Je suis ta mère. Ma cousine Eulogia s'est perdue une fois dans cette savane. La pauvre Eulogia!, elle était partie chercher du bois et n'est jamais revenue à la maison. Ni avec le bois ni sans. -Réponds! Pourquoi tu ne m'as pas sauvée si je suis la femme qui t'a fait naître? Quelque chose a dû arriver à la cousine Eulogia parce qu'elle n'est toujours pas rentrée. Tout le monde l'attend dans la salle à manger, sans un mot: regardant parterre ou par l'unique fenêtre. Mais sans rien se dire.

***

Virginie nous propose sa traduction :

L'orage de nuages s'est un peu calmé, et une averse très fine rend tout d'une couleur presque transparente et très blanche. Dans ce brouillard d'eau qui n'arrive casiment pas à tomber, je vois ma mère qui s'approche de moi avec une pique entre les mains. Les insectes m'ont piqué dans tout le dos, sauf que je ne sentis rien quand elles me piquèrent. J'étais tellement émerveillé . Ma mère enjambe le fléau sans se soucier des épines et puis s'envole. Elle est maintenant face à moi. Au milieu de la petite savane et me pointant la pique à la george.
-Pourquoi tu ne m'as pas sauvée ? Malheureux ! - Maman appuie plus la pique et je sens un frissonnement de froid, qui me traverse la peau du cou-. Je suis ta mère. Dans cette petite savane se perdit ma cousine Eulogia une fois. La pauvre Eulogia ! Elle partit cherche de bois et ne revint plus jamais à la maison. Ni avec ou sans le bois.
- Répond : pourquoi tu ne m'as pas sauvée alors que je suis la femme qui t'a donné naissance ? Quelque chose a dû arriver à la cousine Eulogia qui n'est toujours pas revenue. Nous l'esperons tous dans la salle à manger, sans nous dire un mot : regardant vers le sol ou vers l'unique fenêtre. Mais sans rien nous dire.

***

Benoît nous propose sa traduction :

La tempête de nuage s'est un peu calmée, et une très fine brume unifie alors tout d'une couleur quasiment transparente et très blanche.
Au travers de cette légère bruine qui n'en finissait presque plus de tomber, j'aperçois ma mère qui s'approche de moi, un hast entre les mains.
Les tiques m'ont piqué tout le dos, mais je n'ai rien sentit à ce moment là. J'étais si envouté. Ma mère enjambe le fléau sans se préoccuper des épines et ensuite accoure dans ma direction.
La voilà face à moi. Au milieu du bosquet, et me pointant sa lance sur la gorge. Pourquoi ne m'as tu pas sauvée ? Malheureux !
Maman appuie un peu plus avec le hast et je sens un froid picotement, qui déjà me transperce la peau du cou. - Je suis ta mère.
Une fois, dans ce taillis, ma cousine Eulogia se perdit. La pauvre Eulogia ! Elle sortit chercher du bois et ne revint jamais plus chez elle. Ni avec le bois, ni sans.
— Réponds : Pourquoi ne m'as tu pas sauvée , moi, la femme qui t'as mis au monde.
Quelque chose a dut arriver à la cousine Eulogia qui n'est toujours pas rentrée.
Nous l'attendons tous dans la salle à manger, sans s'adresser le moindre mot : en regardant le sol ou par la seule fenetre. Mais sans rien se dire.

***

Sonita nous propose sa traduction :

L’orage de nuages s’était un peu calmé, et une averse très fine est en train de tout rendre d’une couleur presque transparente et très blanche. Au milieu de ce brouillard d’eau qui ne tombe presque pas, je vois ma mère qui s’approche de moi avec un croc entre les mains.
Les acarus m’avaient piqué tout le dos, mais moi, je ne sentis pas quand ils me piquèrent. J’étais si charmé. Ma mère passe sur le fléau sans faire attention aux pics, puis elle s’envole.
Elle est déjà devant moi. À la moitié de la petite savane de fourrés elle me vise à la gorge avec le croc.
– Pourquoi tu ne m’as pas sauvée ? Misérable ! – Maman serre davantage le croc et je sens un chatouillement froid, qui me transperce déjà les poils de la nuque. – Je suis ta mère.
Dans cette savane ma cousine Eulogia s’est perdue une fois. La pauvre Eulogia ! Elle sortit chercher du bois et ne revint jamais à la maison. Ni avec ni sans le bois.
– Réponds ! Pourquoi tu ne m’as pas sauvée si je suis la femme qui t’a mis au monde ?
Quelque chose a dû arriver à la cousine Eulogia car elle n’est toujours pas revenue. Nous l’attendons tous dans la salle à manger, sans mot dire : regardant parterre ou par la seule fenêtre. Mais sans rien nous dire.

***

Pauline nous propose sa traduction :

L'orage s'est un peu calmé, et une pluie très fine rend tout d'une couleur presque transparente et très blanche. A travers ce rideau d'eau qui ne parvient presque pas à tomber, je vois ma mère qui s'approche de moi avec une pique entre les mains.
Les moustiques m'ont piqué dans tout le dos, mais je n'ai pas senti quand est-ce qu'ils m'ont piqué. J'étais si émerveillé. Ma mère passe par-dessus le fléau sans s'occuper des pointes, et après elle vole vers moi.
Elle est déjà en face de moi. Au milieu du champ et me pointant la pique à la gorge.
-Pourquoi tu ne m'as pas sauvée? Malheureux!-Maman appuie plus sur la pique et je sens un chatouillement froid qui me transperce la peau du cou.-Je suis ta mère.
Dans ce champ s'est perdue une fois ma cousine Eulogia. La pauvre Eulogia!, elle est partie chercher du bois et n'est plus jamais revenue à la maison. Ni avec le bois ni sans.-Réponds: Pourquoi tu ne m'as pas sauvée si c'est moi la femme qui t'ai mis au monde? Il a dû lui arriver quelque chose à la cousine Eulogia qui n'est pas encore rentrée. Nous l'attendons tous dans la salle à manger, sans nous dire la moindre parole: en regardant le sol ou par l'unique fenêtre. Mais sans rien nous dire.

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Annabelle nous propose sa traduction :

La tempête de nuages s'est un peu calmée, et une très fine averse transforme tout d'une couleur presque transparente et très blanche. A travers cette brume d'eau qui n'arrive presque pas à tomber, je vois ma mère qui s'approche de moi avec une perche dans les mains.
Les tiques m'ont piqué tout le dos, mais je n'ai pas senti quand elles m'ont piqué. J'étais si émerveillé. Ma mère passe par dessus le fléau sans faire attention aux épines, puis elle s'envole.
Elle est déjà devant moi. Au milieu de la savane et visant ma gorge avec la perche.
- Pourquoi ne m'as tu pas sauvée? Malheureux! - Maman appuie plus fort sur la perche et je sens un chatouillement froid qui me transperce la peau du cou. - Je suis ta mère.
Dans cette savane, ma cousine Eulogia s'est perdue un jour. La pauvre Eulogia! Elle est sortie chercher du bois et n'est jamais revenue à la maison. Ni avec, ni sans le bois.
- Réponds: pourquoi ne m'as-tu pas sauvée si je suis la femme qui t'a donné le jour? Quelque chose a dû arriver à la cousine Eulogia qui n'est toujours pas rentrée. Nous l'attendons tous dans la salle à manger, sans nous dire la moindre parole: en regardant en direction du sol ou de l'unique fenêtre. Mais sans rien nous dire.

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Leslie nous propose sa traduction :

La rafale de vent qui avait poussé les nuages s'est un peu calmée, et une averse de pluie fine rend tout peu à peu d'une couleur presque transparente et très blanche. À travers ce brouillard d'eau qui ne parvient pratiquement pas à se dissiper, je vois ma mère qui s'approche de moi, un croc entre les mains.
Les acarus mont piqué dans tout le dos, mais je n'ai rien senti sur le moment.
J'étais tellement émerveillé. Ma mère passe au-dessus du fléau sans faire attention aux épines, après quoi elle prend son envol.
Ça y est, elle est face à moi, au beau milieu de la petite savane, pointant le croc sur ma gorge.
Pourquoi tu ne m'as pas sauvée? Misérable! - Maman presse un peu plus le croc et moi, je sens un châtouillement froid qui me traverse alors la peau du cou-. Moi! Ta mère!
Ma cousine Eulogia s'est perdue un jour dans cette petite savane. Pauvre Eulogia! Elle était sortie chercher du bois et n'est plus jamais revenue à la maison. Ni avec, ni sans le bois.
Elle reprend : pourquoi tu ne m'as pas sauvée? C'est quand même moi qui t'ai mis au monde!
Il a dû arriver quelque chose à Eugelia pour qu'elle ne soit pas encore rentrée. Tous nous l'attendons dans la salle à manger, sans dire mot : regardant le sol ou par la seule fenêtre. Mais sans rien nous dire.

lundi 27 septembre 2010

Appel à contributions

Je vous sollicite afin que vous me donniez des idées pour les sondages… Après plus de deux ans que j'en propose un tous les 10 ou 15 jours, je me trouve un peu démunie et me tourne donc vers vous. Sans doute vos jeunes esprits bouillonneront-ils de riches idées. Faites-moi vos propositions via les commentaires (pour ceux qui l'ignorent encore, il suffit de cliquer en bas du message).

Cours de Marta Lacomba…

Pour demain, je ne parviens pas avoir de confirmation pour la salle, mais j'avais eu un accord de principe global pour conserver notre chère H 118. Comme convenu avec certains d'entre vous à la fin de la réunion, vous retrouvez donc Marta devant…

Premier atelier de traduction collective de jeudi…

… Afin de partir du bon pied, je vous propose d'apporter avec vous, outre vos ordinateurs, un goûter – chacun vient avec ce qu'il veut, pourvu que ça se mange et que ça se boive (sans alcool).

Version de CAPES, 6

i en aquella noche silenciosa, en medio de aquella huerta oscura y solitaria, alguien, acostumbrado a leer en las fisonomías, hubiera contemplado a aquella linda joven, mirándose en las aguas negras y tranquilas del remanso, alumbrándose el rostro con la luz opaca de una linterna sorda, y gesticulando para darse aires de una gran señora, al ver aquella fisonomía pálida, con los ojos chispeantes de ambición y de codicia, con los cabellos desordenados, con la boca entreabierta, dejando ver una dentadura blanquísima y apretada, y haciendo balancear a izquierda y derecha los pendientes, cuyos fulgores la bañaban con una luz azulada, rojiza o verdosa, que se mezclaba al chisporroteo del mismo carácter que salía de la serpiente enlazada al puño izquierdo, colocado junto a la barba, de seguro que habría encontrado en esa figura singular, algo de espantosamente siniestro y repulsivo, como una aparición satánica. No era la Margarita, de Goethe, mirándose en el espejo, con natural coquetería, adornada con las joyas de un desconocido, sino una ladrona de la peor especie, dando rienda suelta a su infame codicia delante de aquel estanque de aguas turbias y negras. No era la virtud próxima a sucumbir ante la dádiva, sino la perversidad contemplándose en el cieno.

Ignacio Manuel Altamirano, El zarco

***

Loïc nous propose sa traduction :

Si au cours de cette nuit silencieuse, au beau milieu de ce jardin solitaire plongé dans l’obscurité, quelqu’un, habitué à lire sur le visage des gens, avait admiré cette beauté exquise, se reflétant dans les eaux usées et stagnantes de la nappe d’eau dormante, s’illuminant le visage avec la lumière opaque d’une lanterne sourde tout en gesticulant pour se donner des airs d’une grande dame, en voyant cette physionomie pâle, aux yeux étincelants d’ambition et de cupidité, les cheveux épars, la bouche entrouverte, exhibant des dents très blanches et serées, faisant balancer de gauche à droite ses boucles d’oreille, dont les éclats d’une lueur bleutée, rougeâtre ou verdâtre enveloppaient sa personne, et qui se mélangeait au crépitement de même nature qui émanait du serpent enroulé autour de son poing gauche, placé à côté de la barbe, aurait trouvé à coup sûr dans cette figure singulière, quelque chose de terriblement sinistre et repoussant, telle une apparition satanique. Il n’était pas question de la Marguerite de Goethe, s’observant dans le miroir, avec une coquetterie naturelle, parée de bijoux d’un inconnu, mais d’une voleuse de la pire espèce qu’il soit, donnant libre cours à son infâme cupidité devant cet étang à l’eau trouble et noire. Ce n’était la vertu qui était sur le point de céder face à un cadeau, mais la perversité même se contemplant dans la vase.

***

Véronique nous propose sa traduction :

Au cours de cette nuit silencieuse, au milieu de ca jardin obscur et solitaire, un individu, coutumier de la physionomie, aurait admiré cette belle jeune fille, se reflétant dans les eaux noires et tranquilles de l'eau dormante, s'illuminant le visage avec la lumière opaque d'une lanterne sourde, et gesticulant pour se donner des airs de grande dame, en voyant cette physionomie pâle aux yeux pétillants d'ambition et de cupidité, aux cheveux désordonnés, avec la bouche entrouverte laissant apparaître une dentition très blanche et apprêtée, faisant se balancer de gauche à droite les boucles d'oreille, dont les éclats la baignaient d'une lueur bleutée, rougeâtre ou verdâtre, qui se mêlait au crépitement de même sorte que celui qui provenait du serpent enroulé autour de son poing gauche, posé juste à côté de la barbe ; l'indéniable qu'il aurait trouvé dans cette figure singulière, quelque chose d'affreusement sinistre et repoussant, telle une apparition satanique. Il ne s'agissait pas de la Marguerite de Goethe, se regardant dans le miroir, avec une coquetterie naturelle parée des bijoux d'un inconnu mais, d'une voleuse de la pire espèce donnant libre cours à son infâme cupidité face à cet étang aux eaux troubles et noires. Ce n'était pas la vertu sur le point de succomber à un présent, mais la perversité se contemplant dans la vase.

***

Leslie nous propose sa traduction :

Si en cette nuit silencieuse, au milieu de ce grand verger obscur et abandonné, quelqu'un habitué à lire à travers la phisionomie des gens, avait contemplé cette belle jeune femme en train de se regarder dans les ondes noires et tranquilles de la nappe d'eau dormante, d'éclairer son visage à l'aide d'une lanterne sourde, de gesticuler pour se donner des airs de grande dame ; en voyant cette phisionomie -sans éclat, aux yeux pétillants d'ambition et de convoitise, aux cheveux en désordre, à la bouche entrouverte, laissant entrevoir une dentition très blanche et étroite- qui faisait balancer de gauche à droite les boucles d'oreilles dont les éclats la faisaient baigner dans une lumière azurée, rougeâtre et verdâtre, laquelle se mêlait au crépitement du même caractère qui sortait du serpent attaché à son poignet, situé juste à côté de son menton, à coup sûr, quelqu'un aurait trouvé en cette figure singulière, quelque chose d'épouvantablement sinistre et répulsif, telle une apparition satanique. Ce n'était pas la Marguerite de Goethe, en train de se regarder dans le miroir, avec une coquetterie naturelle, parée des bijoux d'un inconnu, mais une voleuse de la pire espèce, en train de donner libre cours à son infâme convoitise, face à ce bassin d'eaux troubles et noires. Ce n'était pas la vertu sur le point de succomber face au don, mais la perversité en train de se contempler dans la bourbe.

***

Aurélie nous propose sa traduction :

Si durant cette nuit silencieuse, au milieu de ce verger sombre et solitaire, quelqu'un, habitué à lire sur les visages, avait admiré cette jolie jeune femme, se mirant dans les eaux noires et tranquilles de la nappe d'eau dormante, son visage éclairé par la lumière opaque d'une lanterne sourde, et gesticulant pour se donner des airs de grande dame, en voyant cette physionomie pâle, aux yeux pétillants d'ambition et de convoitise, les cheveux emmêlés, la bouche entrouverte, laissant apparaître des dents parfaitement blanches et régulières, et faisant balancer de gauche à droite ses boucles d'oreille, dont les éclats l'enveloppaient d'une lumière bleutée, rougeâtre et verdâtre, qui s'associait au crépitement identique à celui qui émanait du serpent enroulé autour de son poignet gauche, juste à côté de son menton, aurait certainement trouvé dans cette silhouette singulière, un air affreusement sinistre et repoussant, comme une apparition satanique. Il ne s'agissait pas de la Marguerite de Goethe, qui se regardait dans le miroir, avec une coquetterie naturelle, parée des joyaux d'un inconnu, mais d'une voleuse de la pire espèce, donnant libre cours à son infâme cupidité devant cet étang aux eaux troubles et noires. Ce n'était pas la vertu prête à succomber devant ce cadeau, mais la perversité se contemplant dans la vase.

***

Sonita nous propose sa traduction :

Si lors de cette nuit silencieuse, au milieu de ce verger solitaire, quelqu’un, habitué à lire sur les visages, aurait contemplé cette belle jeune femme, qui se regardait dans les eaux noires et tranquilles de la nappe d’eau dormante, en éclairant son visage avec la lumière opaque d’une lanterne sourde, et gesticulant pour se donner des aires d’une grande dame, en voyant cette physionomie pâle, avec les yeux étincelants d’ambition et de convoitise, les cheveux désordonnés, la bouche entrouverte, qui laissait voir une dentition serrée d’une blancheur impeccable, et qui berçait de gauche à droite les boucles d’oreille, dont les lueurs l’auréolaient d’une lumière bleutée, rougeâtre et verdâtre, qui se mélangeait au crépitement identique qui émanait du serpent enroulé autour de son poignet gauche, placé à côté du menton, ce quelqu’un aurait certainement trouvé dans cette singulière figure quelque chose d’épouvantablement sinistre et repoussant, comme une apparition satanique. Il ne s’agissait pas de Margarita de Goethe qui se regardait dans le miroir, avec une coquetterie naturelle, parée de bijoux d’un inconnu, mais d’une voleuse de la pire espèce, qui donnait libre cours à son infâme cupidité devant cet étang d’eaux troubles et noires. Ce n’était pas la vertu qui était sur le point de succomber à un don, mais la perversité qui se contemplait dans la bourbe.

Références culturelles, 594 : Emiliano Zapata

http://www.abc-latina.com/personnalites/emiliano_zapata.htm

dimanche 26 septembre 2010

Réunion de demain

Elle aura lieu comme annoncé sur la convocation, c'est-à-dire non à 14h00, mais à 14h30.

Précision en rapport avec l'entretien à réaliser auprès d'un éditeur

Le lien avec l'espagnol n'est pas indispensable (même si c'est un plus non négligeable), mais il faut que la ligne éditoriale de la maison que vous choisissez de nous présenter soit clairement et directement associée à la littérature étrangère… ; le but étant, évidemment, de parler traduction et traducteurs.

Entretien avec un éditeur, par Julie Sanchez

Charles et Monique Mérigot sont éditeurs à Paris. Leur maison d’édition, La Ramonda, a été créée en 2006.
J’avais rencontré Charles Mérigot au Salon du Livre de Paris en mars 2010 et nous avions discuté sur le stand. Il m’avait conseillé un livre (que j’ai adoré et que je vous conseille : Esperando el Cierzo de Ánchel Conte) et m’avait demandé de lui dire ce que j’en pensais après ma lecture.
Nous avions donc échangé quelques mails pour parler du livre et je me suis tournée naturellement vers lui pour cet entretien…

1) Bonjour, j'aimerais d'abord que vous me présentiez la maison d'édition, son origine. Quand a-t-elle été créée, par qui, où se trouve-telle ?
Les éditions de la Ramonda ont été fondées en novembre 2006, par Charles et Monique Mérigot et un autre associé sous forme d’une SARL, avec un capital de 1500 euros. Auparavant, Charles Mérigot avait écrit un livre édité par la Ramonda en cours de constitution et vendu en régime de « couveuses d’entreprise ». Ce livre Le dit de la cymbalaire, vendu au départ en souscription, a permis de comprendre les diverses techniques de maquette, corrections, ventes et promotion d’un ouvrage. Aujourd’hui, ce livre en est à 1600 exemplaires. L’idée des fondateurs était d’éditer des textes principalement (ou au départ) dans deux domaines :
a) les récits de vie et témoignages
b) la littérature ibérique et au départ, les ouvrages d’auteurs aragonais
L’entreprise est implantée à Paris, dans le 20e arrondissement. En 2009, plusieurs personnes m’ayant demandé si elles pouvaient nous aider, nous avons procédé à une augmentation de capital, qui est maintenant de 30 000 euros et nous sommes 11 associés. Ce qui, bien sûr, nous permet de nous développer.
Nous avons décidé d’ajouter à cette activité d’édition une activité de librairie de livres en espagnol ou dans les langues d’Espagne. (Nous vendons donc les livres que nous aimons en espagnol et en français). Nous vendons des livres en aragonais aussi et demain sans doute en catalan et galicien.

2) Quelle sorte de livres vendez-vous ?
Pour le moment nous éditons les deux types de livres ci-dessus (témoignages sans lien particulier avec l’Espagne – récits traduits de l’espagnol) et nous vendons une troisième type de livres : ceux de nos amis éditeurs espagnols.

3) Comment êtes vous devenu éditeur ?
En devenant d’abord auteur d’un livre, suite à une intervention remarquée (parue dans la revue Esprit de juin 2005 et reprise dans plusieurs journaux ou revues). Ensuite l’envie de faire connaitre des textes et des auteurs que nous aimons et qui sont moins connus que d’autres du fait de l’étroitesse des manies littéraires des « prescripteurs ». En clair nous pensons que de nombreux excellents textes passent inaperçus du fait du système actuel de promotion du livre.

4) Lorsque nous avions discuté au Salon du Livre, vous m'aviez dit que les livres provenaient d'auteurs venant d'Aragon. Pourquoi cette région en particulier ?
Par passion (nous aimons la richesse culturelle de cette région que nous connaissons bien (ou que nous apprenons à connaitre). D’autre part les auteurs aragonais éloignés du « pouvoir des prescripteurs » sont de ce fait excellents, ils ont des choses à dire et les disent bien. Ils apprécient de travailler avec nous et c’est réciproque. Les éditeurs aragonais sont enchantés de même.

5) Vous voyagez souvent en Espagne pour votre travail il me semble. Quel est le lien que vous entretenez avec les auteurs ?
Les auteurs que nous publions deviennent nos amis. Nos relations sont il me semble excellentes.

6) Vous traduisez vous-même, non ? Quel est votre rapport aux traducteurs, comment travaillez-vous avec eux ?
Pour le moment, sur les trois livres traduits les deux premiers ont été traduits par une traductrice et corrigés par moi, le troisième a été traduit par la même traductrice et moi-même. Les deux suivants en cours le sont par moi-même. Enfin un autre livre a été traduit du français vers l’espagnol par un traducteur d’origine espagnole. Les relations avec les traducteurs : nous nous envoyons les textes par mail et faisons de nombreuses relectures successives. Monique Mérigot relit ensuite les traductions finales et cela entraine ensuite d’autres relectures de la part des traducteurs.

7) Vos livres sont disponibles sur internet : vous avez en quelque sorte votre propre librairie. Travaillez-vous tout de même avec d'autres libraires ? Si oui, quel est votre rapport avec eux ?

Oui, nous travaillons avec tous les libraires qui le souhaitent. (nous sommes notre propre diffuseur). Depuis 4 ans nous avons reçus des commandes d’environ 250 à 300 libraires différents dans plusieurs pays : surtout France bien sur, mais aussi Espagne, Suisse, Canada, Belgique… Mais nous cherchons surtout à monter un réseau de libraires de qualité qui s’intéressent à nos livres. Nous en avons quelques uns et ceux la vendent très bien nos livres. Le Bouquetiniste à Val d’Isère a vendu plus de 1000 ex du même roman aragonais. La librairie de Deauville en a vendu plus de 500…
Nos relations sont ce qu’en font les libraires : très chaleureuses ou amicales avec ceux qui trouvent le temps de lire les livres, elles sont commerciales avec ceux qui vendent des livres en les considérant comme des marchandises (ces libraires là sont rares). Elles sont difficiles dans certains cas : lorsque le libraire croit que les livres en vogue sont forcément les meilleurs ou sont ceux que le « public demande ». Ceux qui confondent la mode littéraire et le bon goût littéraire.

8) Combien de livres vendez-vous par an environ ?
Heureusement, le nombre augmente.
Environ 800 en 2006. Environ 1500 en 2007. Environ 2200 en 2008. Environ 4000 en 2009. Environ 5500 sans doute en 2010

9) Comment choisissez-vous ces livres ?
En les lisant !!

10) Vous m'avez dit être une petite maison d'édition "atypique". En quoi l'êtes-vous ?
Cette expression « maison d’édition atypique » m’a un peu échappé. Je crois qu’une maison d’édition qui n’est pas « atypique » n’a pas beaucoup de chances de survivre. Je crois d’ailleurs que c’est le rôle d’une maison d’édition d’être atypique. Nous le sommes parce que nous nous positionnons sur des créneaux dont on nous dit qu’ils ne « peuvent pas marcher ». Parce que par exemple, pour nous, un auteur espagnol ne vit pas forcément à Madrid ou à Barcelone. Nous essayons d’éditer de bons textes qui diffèrent des tartes-à-la-crème consensuelles dans tel ou tel cercle. Nous essayons de donner la parole à des auteurs qui parlent un peu moins d’eux et un peu plus des autres et du monde tel qu’il est. Nous croyons très fort à la parole de Michel Torga « l’universel c’est le local moins les murs » et pour cela nous refusons l’étiquette « régionaliste ».
Bref plus qu’atypique nous sommes surtout à contre-courant. Si j’osais je reprendrai assez volontiers ce mot de Molière « l’essentiel est de plaire ». Il se trouve que de plus, souvent, ce qui plait à tout un chacun est aussi ce qu’il y a de beau. (j’exclus bien sûr les goûts formatés). Des Exemples : en 4e de couverture du « givre sur les épaules » j’ai eu la « mauvaise idée » de mettre le mot «berger » (il s’agit d’un roman dont le héros est un berger aragonais). Ce seul mot fait fuir : beaucoup de libraires, de journalistes à la mode, de profs…
Mais il se trouve que nous vendons très bien ce livre, et qu’il est apprécié aussi bien de grands intellectuels que de personnes qui lisent peu. Nous l’avons traduit en français et venons de signer un contrat avec une grande maison d’édition pour qu’il le soit en italien et en anglais. Il sera édité à New-York prochainement et distribué par Penguin.

11) Quel regard portez-vous sur le monde de l'édition ?
Il n’y a pas de monde de l’édition. Quelques cinq ou six maisons d’éditions industrielles peuvent, à la rigueur, parce qu’elles industrialisent la production et la vente de livres croient qu’elles constituent « le monde de l’édition » (pour combien de temps en feront-elles partie face aux deux grands groupes mondiaux d’informatique ?). Le reste, en France est constitué d’éditeurs, des artisans, souvent passionnés, et qui cherchent les lecteurs de leurs textes. Ce sont des gens forts sympathiques, bizarres souvent. Je déplore beaucoup en revanche le manque de goût littéraire de quelques uns. J’essaie surtout de repenser aux Humanistes : auteurs, un peu éditeurs-libraires, des réformateurs ou des révolutionnaires qui se sont permis de revisiter la pensée des anciens, en ont découverts les merveilles et par là, ont à leur tour écrit des chefs-d’œuvre. À l’heure où les « machines multimédias », les logiciels… nous donnent la possibilité de « faire » un livre du texte à l’objet fini, je crois que c’est vers eux qu’il faut regarder. Cela est peut-être peu clair. Je voulais dire que puisque nous disposons aujourd’hui de merveilleuses machines qui nous permettent de presque tout faire nous-mêmes, il faut revenir à un travail à taille humaine où l'éditeur, comme à la Renaissance peut maquetter, dessiner, illustrer, composer… bref, faire un livre de A à Z (ou presque). Dans ce domaine encore plus que dans les autres, la spécialisation à outrance me permet dommageable à la qualité du livre contrairement à ce que j’entends affirmer souvent. Grâce à ces machines (les ordinateurs) on peut retrouver le « sens » du travail sur le livre puisque l’on peut en voir la fabrication entière (ou presque). Bien sur on peut améliorer l’aspect du livre-objet en utilisant des techniciens ou des spécialistes pointus, mais sans oublier que le livre c’est d’abord un texte ! Le Quichotte est un « bon livre » même sur du papier d’emballage ! Et quoiqu’on dise c’est le texte (et les illustrations bien sur) qui nous fait rêver ! Aujourd’hui aussi des auteurs écrivent de bons textes, c’est ceux-là qu’il faut faire connaître.

12) Enfin, comment voyez-vous l'évolution de votre propre maison d'édition ?
Je n’en sais rien. Je crois qu’il nous faut dégager des moyens pour poursuivre cette quête de bons textes. J’aimerais étendre notre recherche à tout le monde ibérique (au portugais aussi donc, catalan, galicien) puis au monde latin (français, occitan et italien). Mais je crois surtout qu’en allant à contre-courant (raisonnablement) nous sommes dans la bonne voie car les lecteurs nous attendent. Si je regarde le chemin parcouru en quatre ans, j’ai bon espoir dans l’avenir, mais comme je ne le connais pas, je fais ce que je crois devoir être fait. Après cela ne dépend pas de moi.

Pour plus d’infos : http://www.laramonda.com

Version de CAPES, 5

El niño miraba a su alrededor asustado. No se veía a nadie. Potreros silenciosos en el gris espeso del atardecer invernal. El murmullo lejano del mar y esa soledad del campo chileno.
Temblando de miedo, pero apurado en vista de que la noche se venía encima, Juancho echó a correr por el sendero, con el bolsón golpeándole las piernas y el poncho medio enredado. De mala gana, la Mariposa salió trotando detrás.
Y entonces, cuando iban llegando a la encina torcida, en la mitad del potrero grande, lo vieron.
Era un enorme plato metálico suspendido a dos metros del suelo, perfectamente inmóvil. No tenía puertas ni ventanas: solamente tres orificios brillantes que parecían focos, de donde salía un leve resplandor anaranjado. El campo estaba en silencio... no se oía el ruido de un motor ni se agitaba el viento alrededor de la extraña máquina.
El niño y la perra se detuvieron con los ojos desorbitados. Miraban el extraño artefacto circular detenido en el espacio, tan cerca y tan misterioso, sin comprender lo que veían.

Isabel Allende, El hombre de plata

***

La traduction que je vous propose :

L'enfant balayait les alentours du regard, apeuré. On ne voyait âme qui vive. Des prés silencieux dans le gris épais d'un crépuscule d'hiver. Le murmure lointain de la mer et la solitude si caractéristique de la campagne chilienne.
Tremblant de peur, mais fébrile à l'idée que la nuit allait tomber, Juancho se mit à courir sur le sentier, sa besace lui cognant dans les jambes et son poncho à moitié entortillé. De mauvais grâce, Mariposa le suivit au trot.
Et c'est alors qu'ils étaient sur le point d'arriver à la hauteur du chêne vert tordu, au milieu du grand champ, qu'ils la virent.
Une énorme assiette métallique suspendue à deux mètres au-dessus du sol, parfaitement immobile. Elle ne comprenait ni portes ni fenêtres, rien que trois orifices brillants ressemblant à des phares, qui diffusaient une vague lueur orange. Les champs étaient plongés dans le silence… on n'entendait pas le moindre bruit de moteur et il n'y avait pas un souffle de vent autour de l'étrange machine.
L'enfant et la chienne s'arrêtèrent, les yeux exorbités. Ils contemplaient l'étrange engin circulaire figé dans l'espace, si proche et si mystérieux, sans comprendre ce qu'ils voyaient.

***

Aurélie nous propose sa traduction :

L'enfant regardait autour de lui effrayé. Il ne voyait personne. Des enclos silencieux dans le gris épais du soir d'hiver. Le lointain murmure de la mer et cette solitude du champ chilien. Tremblant de peur, mais pressé de voir la nuit tomber, Juancho se mit à courir sur le sentier, son sac lui frappant les jambes et son poncho à moitié enroulé. Faisant preuve d'une mauvaise volonté, le Papillon suivit en trottant derrière.
C'est alors, qu'une fois arrivés au chêne vert tordu, au milieu du grand enclos, ils le virent.
C'était un énorme plateau métallique suspendu à deux mètres du sol, parfaitement immobile. Il n'avait ni portes ni fenêtres: seulement trois orifices brillants qui ressemblaient à des lampes, d'où sortait un léger flamboiement orangé. Le champ était silencieux... On n'entendait ni le bruit d'un moteur ni même le vent qui s'agitait autour de la singulière machine.
L'enfant et la chienne s'arrêtèrent en écarquillant les yeux. Ils regardaient l'étrange artéfact circulaire suspendu dans l'espace, si proche et si mystérieux, sans comprendre ce qu'ils voyaient.

***

Sonita nous propose sa traduction :

L’enfant regardait autour de lui, effrayé. On ne voyait personne. Des pâturages silencieux dans le gris épais du tomber de la nuit hivernale. Le murmure lointain de la mer et cette solitude du champ chilien.
Il tremblait de peur, mais pressé du fait que la nuit leur tombait dessus, Juancho se mit à courir à travers le sentier, avec le gros sac qui lui frappait dans les jambes et le poncho à moitié emmêlé. De mauvaise foi, la Mariposa partit en trottant derrière lui.
C’est alors que, sur le point d’arriver au chêne vert tordu, à la moitié de l’immense pâturage, ils le virent.
C’était un énorme plateau métallique suspendu à deux mètres du sol, parfaitement immobile. Il n’avait pas de portes ni de fenêtres : seulement trois orifices brillants qu’on aurait dit des lampes, d’où sortait un léger éclat orange. Le champ était plongé dans le silence… on n’entendait pas le bruit d’un moteur ni le vent s’agitait autour de l’étrange machine.
L’enfant et la chienne s’arrêtèrent en écarquillant les yeux. Ils regardaient l’étrange artefact circulaire accroché dans l’espace, si proche et si mystérieux, sans comprendre ce qu’ils voyaient.

***

Loïc nous propose sa traduction :

L’enfant regardait autour de lui, apeuré. On ne voyait personne. Des pâturages silencieux dans le gris épais d’un après-midi d’hiver. Le murmure lointain de la mer et cette solitude de la campagne chilienne.
Tremblant de peur, mais pressé car la nuit arrivait à grands pas, Juancho se mit à courir sur le chemin, sa besace lui cognant les jambes et son poncho à moitié noué. À contrecoeur, Mariposa sortit en trottant derrière lui.
Ce n’est qu’une fois arrivés à hauteur du chêne vert tordu, au beau milieu de la grande prairie, qu’ils le virent.
C’était un énorme plat métallique suspendu à deux mètres du sol, parfaitement immobile. Il n’avait ni portes ni fenêtres : seulement trois orifices brillants qui ressemblaient à des foyers d’où émanait un léger éclat orange. Le champ était noyé dans le silence… on n’entendait ni le bruit d’un moteur ni même le vent qui s’agitait autour de l’étrange machine.
L’enfant et la chienne s’arrêtèrent en écarquillant les yeux. Ils fixaient l’étrange artéfact circulaire figé dans l’espace, si proche et si mystérieux, sans comprendre ce qu’ils voyaient.

***

Leslie nous propose sa traduction :

L'enfant regardait autour de lui, apeuré. Pas l'ombre d'une âme. Des plaines silencieuses dans le gris épais du crépuscule hivernal. Le murmure lointain de la mer et cette solitude de la campagne chilienne.
Tremblant de peur, mais pressé étant donné que la nuit tombait, Juancho se mit à courir le long du sentier, son grand sac lui cognant les jambes et son poncho à moitié emmêlé. À contrecoeur, Mariposa se lança au trot derrrière lui.
Et ce fut alors qu'ils arrivaient au niveau de la malheureuse yeuse, au milieu de la grande plaine, qu'ils le virent.
C'était une énorme métope métallique suspendue à deux mètres au-dessus du sol, parfaitement immobile. Elle n'avait ni portes ni fenêtres : seulement trois orifices brillants, qui ressemblaient à des lampes, d'où sortait un léger éclat orangé. La campagne était silencieuse... on n'entendait ni le bruit d'un moteur, ni le vent ne s'agitait autour de l'étrange machine.
L'enfant et la chienne s'arrêtèrent, les yeux exorbités. Ils regardaient l'étrange engin circulaire arrêté dans l'espace, si proche et si mystérieux, sans comprendre ce qu'ils voyaient.