Rien n’avait changé. Les deux maisons à l’entrée du hameau étaient restées intactes. Sur la gauche, on pouvait discerner, à travers la brume matinale, la ferme de M. Verdel, entourée de la grande cour encore déserte à cette heure-ci. Si ma mémoire n’avait pas flanchée, le coq et les dindons pointeraient d’ici une vingtaine de minutes le bout de leur bec.
Sur la droite, la splendide demeure en colombage de M. Ravoul, vêtue de pierre en craie, qui avait toujours provoqué en moi un immense ravissement, conservait son cachet et sa prestance.
Juste avant le grand virage qui menait à notre maison, perchée au-dessus du champ du fermier, gisait la vieille grange de M. Verdel du haut, comme on avait pris l’habitude de le nommer, puisqu’il était le frère de M. Verdel du bas. On pouvait distinguer, depuis le bas de la route, le grand merisier qui trônait majestueusement au-dessus de la grange, bien qu’à cette époque de l’année il fût dénudé et recouvert d’une fine couche de neige.
Puis, en poursuivant la route sur une centaine de mètres, j’aperçus notre chère demeure, que je n’avais pas vu depuis près de dix ans. Dès le premier coup d’œil, je vis que plus rien n’était comme avant. Le portail de l’entrée, qui autrefois était bleu et tout branlant, était désormais rouge brique et flambant neuf. Et ce n’était que le début d’une longue liste de transformations et de rénovations que les actuels propriétaires avaient opérées.
Mes parents ayant refusé de nous accompagner, pour je ne sais quelle raison, nous demeurâmes, mon frère et moi, sidérés face à cette propriété méconnaissable. Puisque nous n’osions pas pénétrer à l’intérieur, de peur de déranger « M. et Mme Lelièvre », comme il était inscrit sur la boîte aux lettres, nous restâmes de l’autre côté de la clôture, découvrant surpris et déçus la nouvelle apparence qu’avait pris notre ancienne maison d’hiver. Les murs rose pâle que j’aimais tant petite étaient devenus bleu clair. Les volets bleu Majorelle, dont mon père était tombé amoureux lors d’un voyage à Marrakech, qui caractérisaient si bien notre habitation, avaient été repeints en jaune canari. L’imposant pommier japonais qu’affectionnait tout particulièrement ma mère avait été remplacé par un banal rosier. Et pour couronner le tout, la balançoire, sur laquelle je passais des heures à m’inventer des histoires de princesses et de châteaux forts, avait été démolie pour faire place à un appentis.
Mon frère, qui avait le don de relativiser même dans les situations les plus dramatiques, me dit soudain : « Hé ! Regarde là-bas, au fond du jardin ! Ils ont quand même fait quelque chose d’utile, du moins dont nous avons toujours rêvé, et que papa et maman ont toujours nié catégoriquement : une piscine ! ».
En effet, non loin du grand chêne où nous avions construit et aménagé notre cabane, je distinguai une piscine en forme de lune, recouverte d’une bâche noire.
Mon frère et moi nous nous sommes regardés, et sans même nous consulter, nous avons couru à toute allure vers cette lune noire et avons fait l’une de nos plus grosses bêtises d’enfant, dix ans plus tard : nous avons déroulé la bâche et avons sauté tout habillé dans la piscine, riant aux éclats et se remémorant les merveilleux moments passés dans cette maison.
Juste avant le grand virage qui menait à notre maison, perchée au-dessus du champ du fermier, gisait la vieille grange de M. Verdel du haut, comme on avait pris l’habitude de le nommer, puisqu’il était le frère de M. Verdel du bas. On pouvait distinguer, depuis le bas de la route, le grand merisier qui trônait majestueusement au-dessus de la grange, bien qu’à cette époque de l’année il fût dénudé et recouvert d’une fine couche de neige.
Puis, en poursuivant la route sur une centaine de mètres, j’aperçus notre chère demeure, que je n’avais pas vu depuis près de dix ans. Dès le premier coup d’œil, je vis que plus rien n’était comme avant. Le portail de l’entrée, qui autrefois était bleu et tout branlant, était désormais rouge brique et flambant neuf. Et ce n’était que le début d’une longue liste de transformations et de rénovations que les actuels propriétaires avaient opérées.
Mes parents ayant refusé de nous accompagner, pour je ne sais quelle raison, nous demeurâmes, mon frère et moi, sidérés face à cette propriété méconnaissable. Puisque nous n’osions pas pénétrer à l’intérieur, de peur de déranger « M. et Mme Lelièvre », comme il était inscrit sur la boîte aux lettres, nous restâmes de l’autre côté de la clôture, découvrant surpris et déçus la nouvelle apparence qu’avait pris notre ancienne maison d’hiver. Les murs rose pâle que j’aimais tant petite étaient devenus bleu clair. Les volets bleu Majorelle, dont mon père était tombé amoureux lors d’un voyage à Marrakech, qui caractérisaient si bien notre habitation, avaient été repeints en jaune canari. L’imposant pommier japonais qu’affectionnait tout particulièrement ma mère avait été remplacé par un banal rosier. Et pour couronner le tout, la balançoire, sur laquelle je passais des heures à m’inventer des histoires de princesses et de châteaux forts, avait été démolie pour faire place à un appentis.
Mon frère, qui avait le don de relativiser même dans les situations les plus dramatiques, me dit soudain : « Hé ! Regarde là-bas, au fond du jardin ! Ils ont quand même fait quelque chose d’utile, du moins dont nous avons toujours rêvé, et que papa et maman ont toujours nié catégoriquement : une piscine ! ».
En effet, non loin du grand chêne où nous avions construit et aménagé notre cabane, je distinguai une piscine en forme de lune, recouverte d’une bâche noire.
Mon frère et moi nous nous sommes regardés, et sans même nous consulter, nous avons couru à toute allure vers cette lune noire et avons fait l’une de nos plus grosses bêtises d’enfant, dix ans plus tard : nous avons déroulé la bâche et avons sauté tout habillé dans la piscine, riant aux éclats et se remémorant les merveilleux moments passés dans cette maison.
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