Constatant avec angoisse que nous sommes à trois petites semaines des « vacances » de Noël et partant du principe de ma grand-mère – et d’autres – que mieux vaut prévenir que guérir, j’ose formuler ce vœu fou : accepterais-tu, Caroline, non, ô Caroline, de ne pas nous donner de devoir de vacances le 25 décembre et le 1er Janvier prochains ? Naturellement, nous serions tout disposé(e)s à faire deux versions au lieu d’une, je dis bien quatre en tout, le 26 décembre et le 2 janvier, pour compenser (les filles, dans l’urgence je ne vous ai pas consultées mais si ça marche, je compte sur un gâteau). Vivons d’espoir et bon dimanche, Jacqueline.
Plateforme communautaire et participative de traduction espagnol / français ; français / espagnol – Université Paris Nanterre
dimanche 30 novembre 2008
Un petit billet du dimanche, par Jacqueline
Très court, un souhait, une prière, que dis-je, une supplique…
Une lectrice du blog nous écrit depuis de bien étranges sphères de la traduction
En photo : merci à Snapperz
Pour passer aux choses sérieuses, un peu de version en rossignol, sur le poétique site que voici :
http://www.nightingale-song.com/
P.S. : le message vocal laissé par mes soins sur le répondeur signifie, du rossignol au français : "Apprenti traducteur"
;-)
Signé : une lectrice du blog
Pour passer aux choses sérieuses, un peu de version en rossignol, sur le poétique site que voici :
http://www.nightingale-song.com/
P.S. : le message vocal laissé par mes soins sur le répondeur signifie, du rossignol au français : "Apprenti traducteur"
;-)
Signé : une lectrice du blog
Pour Brigitte et Olivier, encore…
Saviez-vous que nous avons en France la seule bibliothèque européenne consacrée exclusivement à la littérature policière ? Elle se trouve à Paris… dans le 5e arrondissement. Si vous décidez d'y faire un saut, vous y trouverez absolument tout ce que l'on peut souhaiter sur le sujet : romans, nouvelles, journaux, revues, essais, dictionnaires, etc. J'y ai passé moi-même de nombreuses heures : l'ambiance est très agréable et les bibliothécaires fort savants.
Sur ce site vous trouverez quelques informations techniques (adresse exacte, horaires d'ouverture…) :
http://www.evene.fr/culture/lieux/bilipo-bibliotheque-des-litteratures-policieres-870.php
Un petit paragraphe dans un journal
Pour nos deux apprentis traducteurs lancés dans la traduction longue d'un roman policier, je rappelle (car je crois en avoir déjà parlé) qu'il existe une association française d'amateurs du genre, 813 (Les Amis de la Littérature Policière), à laquelle vous pouvez adhérer, si cela vous dit de pénétrer un peu le milieu ; cela vous permettrait de participer à diverses activités autour de la littérature criminelle, de recevoir la revue et éventuellement d'y participer vous-mêmes en envoyant des articles sur le sujet.
Et donc, en lisant 813 ce matin, je suis tombée sur ce cours paragraphe à propos de la traduction. Il s'agit d'un extrait d'un entretien donné au journal par Alessandro Perissinato (auteur de cinq romans noirs, dont trois ont été publiés à la Série Noire de Gallimard) :
813 : […] votre activité professionnelle qui vous permet, me semble-t-il, d'être bilingue. Comment avez-vous appréhendé le fait d'être traduit en français ? Avez-vous submergé votre traducteur (Patrick Vighetti) de conseils et consignes ou au contraire l'avez-vous laissé très libre ?
Alessandro Vighetti : Je suis très loin d'être bilingue. J'aime la France, j'aime la culture française, la France est mon pays d'élection, donc, quand j'ai su pour la traduction française j'en ai été vraiment heureux. Avec mon traducteur (et ami) Patrick Vighetti on a beaucoup parlé pour résoudre les nombreux problèmes que ma « langue littéraire », qui mélange l'italien archaïque et le dialecte, posait pour la traduction, mais on a travaillé chacun de son côté. En tant qu'Italien je n'avais pas de consignes à lui donner pour ce qui concernait sa propre langue, je pouvais seulement lui expliquer le sens de ce que j'avais voulu dire. Et je lui ai demandé seulement de « trahir » le texte italien pour le rendre le plus « français » possible.
Intéressante dernière phrase, non ?
813 : […] votre activité professionnelle qui vous permet, me semble-t-il, d'être bilingue. Comment avez-vous appréhendé le fait d'être traduit en français ? Avez-vous submergé votre traducteur (Patrick Vighetti) de conseils et consignes ou au contraire l'avez-vous laissé très libre ?
Alessandro Vighetti : Je suis très loin d'être bilingue. J'aime la France, j'aime la culture française, la France est mon pays d'élection, donc, quand j'ai su pour la traduction française j'en ai été vraiment heureux. Avec mon traducteur (et ami) Patrick Vighetti on a beaucoup parlé pour résoudre les nombreux problèmes que ma « langue littéraire », qui mélange l'italien archaïque et le dialecte, posait pour la traduction, mais on a travaillé chacun de son côté. En tant qu'Italien je n'avais pas de consignes à lui donner pour ce qui concernait sa propre langue, je pouvais seulement lui expliquer le sens de ce que j'avais voulu dire. Et je lui ai demandé seulement de « trahir » le texte italien pour le rendre le plus « français » possible.
Intéressante dernière phrase, non ?
Libellés :
Entretiens avec des traducteurs,
Lectures
Olivier nous présente le texte de sa traduction longue
Derrumbe, Ricardo Menéndez Salmón Seix Barral
Une menace extraordinaire plane su Promenadia, une ville tranquille au bord de la mer. Manila attend la naissance de son second enfant alors qu’il enquête sur les raisons d’agir d’un assassin en série qui abandonne toujours une chaussure sur les lieux de ses crimes. Mais ce monstre, qui lui donne la chair de poule quand il pense au monde dans lequel ses enfants vont vivre, est aussi source d’inspiration pour des âmes plus vulnérables. Derrumbe, c’est l’histoire d’un homme brutal et tourmenté, de deux familles blessées, de trois gamins qui pensent pouvoir changer le monde et la réalité grâce à la violence, de cinq policiers accablés par la douleur, qui traquent les assassins. Mais l’objet de leur traque n’est-il pas autre ?
Conçu comme une réflexion philosophique (n’oublions pas que l’auteur est philosophe de formation) autour de l’attraction du mal sur les bourreaux, mais aussi sur les victimes, les acteurs et les spectateurs, ce roman inquiétant est en fait, sous l’apparence d’un thriller en huit-clos, un abécédaire des différentes formes que la terreur peut adopter de nos jours.
La précision des mots et l’art consommé de distiller les silences sont autant de défis linguistiques au moment de traduire ce roman au suspens haletant. Défis que je vais tenter de relever.
Une menace extraordinaire plane su Promenadia, une ville tranquille au bord de la mer. Manila attend la naissance de son second enfant alors qu’il enquête sur les raisons d’agir d’un assassin en série qui abandonne toujours une chaussure sur les lieux de ses crimes. Mais ce monstre, qui lui donne la chair de poule quand il pense au monde dans lequel ses enfants vont vivre, est aussi source d’inspiration pour des âmes plus vulnérables. Derrumbe, c’est l’histoire d’un homme brutal et tourmenté, de deux familles blessées, de trois gamins qui pensent pouvoir changer le monde et la réalité grâce à la violence, de cinq policiers accablés par la douleur, qui traquent les assassins. Mais l’objet de leur traque n’est-il pas autre ?
Conçu comme une réflexion philosophique (n’oublions pas que l’auteur est philosophe de formation) autour de l’attraction du mal sur les bourreaux, mais aussi sur les victimes, les acteurs et les spectateurs, ce roman inquiétant est en fait, sous l’apparence d’un thriller en huit-clos, un abécédaire des différentes formes que la terreur peut adopter de nos jours.
La précision des mots et l’art consommé de distiller les silences sont autant de défis linguistiques au moment de traduire ce roman au suspens haletant. Défis que je vais tenter de relever.
Libellés :
Billets des apprentis,
promo Anne Dacier,
Traductions longues
samedi 29 novembre 2008
Un petit exercice idiot
Wag Cast
Un intrus dans le panorama ? Mais non, mais non…
Le gros élément rectangulaire qui apparaît à droite sur le blog n'est autre qu'un répondeur, sur lequel nous pouvons échanger des messages vocaux audibles par tous.
Comme vous le verrez, dans le premier que j'ai laissé, en manière de test, le ton nasillard de ma voix est à mettre sur le compte d'un bon rhume.
Résultats du sondage "Shiva mascotte de Trabadorbo ?"
En photo : merci à Pouyou
Nous voilà bien avancés…
Sur 8 votants pour le sondage qu'avait demandé Jacqueline à propos de la possibilité de donner à notre petit groupe de traducteurs une mascotte, Shiva en l'occurrence, nous nous retrouvons avec 4 oui et 4 "pas de mascotte du tout". Que faire ? Peut-être devrions-nous adopter la solution proposée jeudi dernier par Nathalie lors de l'atelier de traduction collective : afin que les futures générations d'apprentis traducteurs bordelais ne subissent pas involontairement le lourd héritage référentiel des pionniers, il s'agissait simplement d'associer Shiva à cette première promotion. La cuvée 2008-2009 se placerait ainsi sous la haute protection et l'exotique inspiration d'une belle déesse. Mais ne faut-il pas, là aussi, un sondage pour être certains d'avoir l'adhésion de tous ? Et, donc, nous voilà repartis avec un sondage… Finalement, nous sommes comme ces peuples perpétuellement en quête d'eux-mêmes : qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Quelle langue parlons-nous ? Rassurez-vous je ne lance pas un sondage pour chacune de ces questions. Juste un = Shiva nom de baptême de la promotion 2008-2009 ?
Sur 8 votants pour le sondage qu'avait demandé Jacqueline à propos de la possibilité de donner à notre petit groupe de traducteurs une mascotte, Shiva en l'occurrence, nous nous retrouvons avec 4 oui et 4 "pas de mascotte du tout". Que faire ? Peut-être devrions-nous adopter la solution proposée jeudi dernier par Nathalie lors de l'atelier de traduction collective : afin que les futures générations d'apprentis traducteurs bordelais ne subissent pas involontairement le lourd héritage référentiel des pionniers, il s'agissait simplement d'associer Shiva à cette première promotion. La cuvée 2008-2009 se placerait ainsi sous la haute protection et l'exotique inspiration d'une belle déesse. Mais ne faut-il pas, là aussi, un sondage pour être certains d'avoir l'adhésion de tous ? Et, donc, nous voilà repartis avec un sondage… Finalement, nous sommes comme ces peuples perpétuellement en quête d'eux-mêmes : qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Quelle langue parlons-nous ? Rassurez-vous je ne lance pas un sondage pour chacune de ces questions. Juste un = Shiva nom de baptême de la promotion 2008-2009 ?
Laure Gentile nous présente le texte de sa traduction longue
Une métaphore bien connue identifie le roman à une toile. Le roman que j’ai choisi pour ma traduction longue est davantage un chemin, camino-trama-trayectoria-pasaje-paso.
Tout dans l’œuvre que j’ai choisie est question de « chemin » ; dans le titre même, Sitting en el lago. Caminando hacia el norte, le « cheminement » est au centre.
Laissez-moi vous expliquer le cheminement de mon idée de traduire ce roman (le chemin du roman, ce sera à vous de le découvrir en le lisant !).
Je suis une fervente lectrice de l’actualité, abonnée depuis des années à Cambio16. La quatrième de couverture, depuis quelques temps, fait la promotion du premier roman d’un de ses journalistes, Manuel Dominguez Moreno, par ailleurs sociologue et écrivain émérite. Voici la présentation qui en est faite : « Los entresijos de la negociación con ETA sirven de telón de fondo a una apasionada historia de amor y política. Sus protagonistas deberán pagar un alto precio para alcanzar su destino y conseguir la paz ». Il faut bien avouer que le titre de cette œuvre n’est pas une clef de compréhension, mais plutôt un message que l’on décrypte à la toute fin du livre ; c’est donc la simple lecture de cette présentation qui m’a donné envie de m’approprier ce livre, car elle a éveillé en moi des souvenirs et a suscité des désirs.
J’aime le Pays-Basque espagnol, région qui a abrité mes frasques d’étudiante Erasmus de DEA (pas besoin d’aller à Barcelone pour connaître l’auberge espagnole !), mes recherches littéraires tout de même très sérieuses et ma découverte de l’Espagne et des Espagnols. Egalement, l’ETA, cette ombre terroriste qui impose sa loi des armes et de l’injustice, a toujours retenu mon attention dans mon analyse de l’actualité espagnole : déjà lorsque j’étais étudiante à Vitoria, mais surtout lorsque mon travail en Classes Préparatoires m’a amenée à proposer une lecture de la vie politique espagnole à mes étudiants. Malheureusement, l’actualité change, évolue, mais ce sujet est intarissable et ne semble pas vouloir quitter la une des journaux.
Finalement, l’amour et donc le roman à intrigue amoureuse ont fini de me séduire : ce livre est une fiction amoureuse, où la réalité politique dont l’ETA est protagoniste est elle-même fictionnalisée. Une histoire d’amour comme on les aime, surprenante, à rebondissements, compliquée, alambiquée, bouleversante, enrageante.
Un audacieux message à l’auteur du roman, dont j’espérais secrètement une réponse, a dispersé mes craintes quant à sa traduction française : Manuel Dominguez Moreno m’a indiqué que le livre n’était pas traduit et m’invitait donc à m’atteler à cette tâche.
L’émotion, à partir de cet instant, n’a été que plus intense : l’agitation dans laquelle je me trouvais durant les trois semaines et demie d’attente pour que le livre arrive chez le libraire n’est rien à côté de l’effervescence qui m’envahissait durant les trois jours et demi de lecture du roman.
Dès l’introduction rédigée par Ballesteros, j’ai eu l’impression d’avoir un trésor entre les mains, le trésor d’un auteur exceptionnel, presque sorti lui-même d’une fiction : vous avez tous entendu parlé de l’auteur de Gomorra qui vit sous escorte policière depuis qu’il a écrit son roman ; Manuel Dominguez Moreno, pour les thèses et la liberté d’expression qu’il défend, est lui aussi sous perpétuelle escorte policière, étant considéré comme objectif de l’ETA par le ministère de l’Intérieur.
Le roman lui-même ensuite est un véritable supplice : chemin de croix des défenseurs de la liberté et de la démocratie, croisade de l’amour et de l’espoir…
Peut-être le terme de supplice semble-t-il fort, mais il est la réussite du roman et représente la motivation technique de mon choix : nous ne sommes pas confrontés à une histoire d’amour édulcorée, mais à un roman qui est un véritable parcours initiatique pour un traducteur apprenti comme moi. Le livre est un mélange de voix narratives, une imbrication de temps, un mélange de prose ferme et descriptive, presque journalistique, et de poésie, un magma à la frontière de l’essai, du roman historique et de la fiction. Jugez plutôt :
p.92 : «En un primer momento tuve la intención de correr a buscarla, pero mi cuerpo se quedó anclado en el calor de su fuego. Mis recuerdos la sorprendieron en la aurora abrazada a sus propios recuerdos con sus pechos firmes y sus pezones erectos. Ahora duerme mojada en su cama, desde hace tiempo nadie habita en su lehco, cuerpo que apresa a su dueño, su único dueño. Absorto miro la sombra que dibujan sus cañadas arañando hacia arriba nuestro tiemp. Después de amar más besos ; mar, cielo, monte, viento, decidle vosotros que en mi alma la espero, que mucho tiempo tengo para amarla y poco para perderla. »
Un dicton rythme le roman « es aconsejable no bañarse dos veces en la misma agua »… Le lecteur-traducteur, lui, n’en que faire : il doit et veut replonger plus de deux fois dans ce roman, pour en découvrir toutes les clefs et les finesses, pour atteindre son « nord » lui aussi.
Agitation, effervescence, et à présent frissonnement : j’ai peur de ne pas être à la hauteur…mais j’ai hâte de commencer à traduire. Cette traduction longue se présente pour moi comme un véritable défi… Le parcours du protagoniste en était déjà un, à moi de marcher dans ses pas !
Je me projette dans l’avenir avec audace, et je sais que la tâche va être ardue : j’aimerais être assez fière de ma traduction pour en proposer ma version à un éditeur qui tenterait le pari de faire découvrir ce livre à la France… qui est un protagoniste à part entière du livre, et incarne sous bien des aspects ce « norte » mis en scène dans le titre (et qui est impliquée, comme chacun le sait, dans la bataille engagée contre la bande terroriste).
L’émotion et la technicité sont les deux motivations principales qui ont guidé mon choix, et mon devoir sera de les rendre en français.
http://www.manueldominguezmoreno.net/
Laissez-moi vous expliquer le cheminement de mon idée de traduire ce roman (le chemin du roman, ce sera à vous de le découvrir en le lisant !).
Je suis une fervente lectrice de l’actualité, abonnée depuis des années à Cambio16. La quatrième de couverture, depuis quelques temps, fait la promotion du premier roman d’un de ses journalistes, Manuel Dominguez Moreno, par ailleurs sociologue et écrivain émérite. Voici la présentation qui en est faite : « Los entresijos de la negociación con ETA sirven de telón de fondo a una apasionada historia de amor y política. Sus protagonistas deberán pagar un alto precio para alcanzar su destino y conseguir la paz ». Il faut bien avouer que le titre de cette œuvre n’est pas une clef de compréhension, mais plutôt un message que l’on décrypte à la toute fin du livre ; c’est donc la simple lecture de cette présentation qui m’a donné envie de m’approprier ce livre, car elle a éveillé en moi des souvenirs et a suscité des désirs.
J’aime le Pays-Basque espagnol, région qui a abrité mes frasques d’étudiante Erasmus de DEA (pas besoin d’aller à Barcelone pour connaître l’auberge espagnole !), mes recherches littéraires tout de même très sérieuses et ma découverte de l’Espagne et des Espagnols. Egalement, l’ETA, cette ombre terroriste qui impose sa loi des armes et de l’injustice, a toujours retenu mon attention dans mon analyse de l’actualité espagnole : déjà lorsque j’étais étudiante à Vitoria, mais surtout lorsque mon travail en Classes Préparatoires m’a amenée à proposer une lecture de la vie politique espagnole à mes étudiants. Malheureusement, l’actualité change, évolue, mais ce sujet est intarissable et ne semble pas vouloir quitter la une des journaux.
Finalement, l’amour et donc le roman à intrigue amoureuse ont fini de me séduire : ce livre est une fiction amoureuse, où la réalité politique dont l’ETA est protagoniste est elle-même fictionnalisée. Une histoire d’amour comme on les aime, surprenante, à rebondissements, compliquée, alambiquée, bouleversante, enrageante.
Un audacieux message à l’auteur du roman, dont j’espérais secrètement une réponse, a dispersé mes craintes quant à sa traduction française : Manuel Dominguez Moreno m’a indiqué que le livre n’était pas traduit et m’invitait donc à m’atteler à cette tâche.
L’émotion, à partir de cet instant, n’a été que plus intense : l’agitation dans laquelle je me trouvais durant les trois semaines et demie d’attente pour que le livre arrive chez le libraire n’est rien à côté de l’effervescence qui m’envahissait durant les trois jours et demi de lecture du roman.
Dès l’introduction rédigée par Ballesteros, j’ai eu l’impression d’avoir un trésor entre les mains, le trésor d’un auteur exceptionnel, presque sorti lui-même d’une fiction : vous avez tous entendu parlé de l’auteur de Gomorra qui vit sous escorte policière depuis qu’il a écrit son roman ; Manuel Dominguez Moreno, pour les thèses et la liberté d’expression qu’il défend, est lui aussi sous perpétuelle escorte policière, étant considéré comme objectif de l’ETA par le ministère de l’Intérieur.
Le roman lui-même ensuite est un véritable supplice : chemin de croix des défenseurs de la liberté et de la démocratie, croisade de l’amour et de l’espoir…
Peut-être le terme de supplice semble-t-il fort, mais il est la réussite du roman et représente la motivation technique de mon choix : nous ne sommes pas confrontés à une histoire d’amour édulcorée, mais à un roman qui est un véritable parcours initiatique pour un traducteur apprenti comme moi. Le livre est un mélange de voix narratives, une imbrication de temps, un mélange de prose ferme et descriptive, presque journalistique, et de poésie, un magma à la frontière de l’essai, du roman historique et de la fiction. Jugez plutôt :
p.92 : «En un primer momento tuve la intención de correr a buscarla, pero mi cuerpo se quedó anclado en el calor de su fuego. Mis recuerdos la sorprendieron en la aurora abrazada a sus propios recuerdos con sus pechos firmes y sus pezones erectos. Ahora duerme mojada en su cama, desde hace tiempo nadie habita en su lehco, cuerpo que apresa a su dueño, su único dueño. Absorto miro la sombra que dibujan sus cañadas arañando hacia arriba nuestro tiemp. Después de amar más besos ; mar, cielo, monte, viento, decidle vosotros que en mi alma la espero, que mucho tiempo tengo para amarla y poco para perderla. »
Un dicton rythme le roman « es aconsejable no bañarse dos veces en la misma agua »… Le lecteur-traducteur, lui, n’en que faire : il doit et veut replonger plus de deux fois dans ce roman, pour en découvrir toutes les clefs et les finesses, pour atteindre son « nord » lui aussi.
Agitation, effervescence, et à présent frissonnement : j’ai peur de ne pas être à la hauteur…mais j’ai hâte de commencer à traduire. Cette traduction longue se présente pour moi comme un véritable défi… Le parcours du protagoniste en était déjà un, à moi de marcher dans ses pas !
Je me projette dans l’avenir avec audace, et je sais que la tâche va être ardue : j’aimerais être assez fière de ma traduction pour en proposer ma version à un éditeur qui tenterait le pari de faire découvrir ce livre à la France… qui est un protagoniste à part entière du livre, et incarne sous bien des aspects ce « norte » mis en scène dans le titre (et qui est impliquée, comme chacun le sait, dans la bataille engagée contre la bande terroriste).
L’émotion et la technicité sont les deux motivations principales qui ont guidé mon choix, et mon devoir sera de les rendre en français.
http://www.manueldominguezmoreno.net/
Libellés :
Billets des apprentis,
promo Anne Dacier,
Traductions longues
Votre thème du week-end, Daudet
En photo : merci à Isidro Manuel
Le credo de l'amour
Elle avait toujours rêvé cela, être la femme d'un poète !… Mais l'implacable destinée, au lieu de l'existence romanesque et fiévreuse qu'elle ambitionnait, lui arrangea un petit bonheur bien tranquille, en la mariant à un riche rentier d'Auteuil, aimable et doux, un peu trop âgé pour elle, et qui n'avait qu'une passion – tout à fait inoffensive et reposante –l'horticulture. Le brave homme passait son temps, le sécateur à la main, à soigner, élaguer une magnifique collection de rosiers, à chauffer la serre, arroser les corbeilles ; et ma foi ! vous conviendrez bien que pour un pauvre petit cœur affamé d'idéal il n'y avait pas là une pâture suffisante. Pourtant, pendant dix ans, sa vie se maintint droite et uniforme comme les allées finement sablées du jardin de son mari, et elle la suivit à pas comptés en écoutant, avec un ennui résigné, le bruit agaçant et sec des ciseaux toujours en mouvement, ou la pluie monotone, infinie, qui tombait des pommes d'arrosoirs sur les plantes touffues. Cet horticulteur enragé avait de sa femme le même soin méticuleux que de ses fleurs. Il mesurait le froid et le chaud de son salon encombré de bouquets, craignait pour elle la gelée d'avril ou le soleil de mars ; et, comme ces plantes en caisse que l'on sort et que l'on rentre à des périodes déterminées, la faisait vivre méthodiquement, les yeux fixés sur le baromètre et les variations de la lune.
Elle resta longtemps, prise entre quatre murs du jardin conjugal, innocente comme une clématite, mais avec des élans vers d'autres jardins moins réguliers, moins bourgeois, où les rosiers pousseraient toutes leurs branches, où les herbes folles seraient plus hautes que des arbres et chargées de fleurs fantastiques, inconnues, en liberté sous un soleil plus chaud. Ces jardins-là, on ne les trouve guère que dans les livres des poètes ; aussi lisait-elle beaucoup de vers en cachette du pépiniériste qui ne connaissait, lui, en fait de poésie, que des distiques d'almanach :
Elle resta longtemps, prise entre quatre murs du jardin conjugal, innocente comme une clématite, mais avec des élans vers d'autres jardins moins réguliers, moins bourgeois, où les rosiers pousseraient toutes leurs branches, où les herbes folles seraient plus hautes que des arbres et chargées de fleurs fantastiques, inconnues, en liberté sous un soleil plus chaud. Ces jardins-là, on ne les trouve guère que dans les livres des poètes ; aussi lisait-elle beaucoup de vers en cachette du pépiniériste qui ne connaissait, lui, en fait de poésie, que des distiques d'almanach :
Quand il pleut à la Saint-Médard, Il pleut quarante jours plus tard.
Sans joie, gloutonnement, la malheureuse dévorait les plus mauvais poèmes, pourvu qu'elle y trouvât des rimes à "amour" et à "passion" ; puis, le livre fermé, elle passait des heures à rêver, à soupirer : « Voilà le mari qu'il m'aurait fallu ! ».
Alphonse Daudet, Les Femmes d'artistes, Arles Actes Sud, 1997, p.39-40.
Brigitte nous propose sa traduction :
¡ Ser la mujer de un poeta siempre había sido su sueño dorado ! … Pero el destino implacable, en vez de la existencia novelesca y febril que ambicionaba ella, le había proporcionado una felicidad bien arreglada y tranquila, al casarla con un rico rentista de Auteuil, amable y dulce, algo mayor para ella y que tenía una única pasión – totalmente inofensiva y descansada - : la horticultura. El buen hombre se pasaba el tiempo con la podadera en las manos, cuidando, podando una magnífica colección de rosales, calentando el invernadero, regando los canastillos ; y por cierto, admitirán ustedes que para un pobre corazoncito tan ávido de ideal, no le bastaba para alimentarse.
Sin embargo, durante diez años, su vida se mantuvo firme e uniforme, como las calles de arena fina del jardín de su marido, y siguió su curso con pasos contados, escuchando, con un aburrimiento resignado, el ruido irritante y seco de las tijeras en movimiento continuo, o la lluvia monótona, infinita, que iba cayendo de las alcachofas de las regaderas en las tupidas plantas.
Este horticultor apasionado cuidaba de su mujer con el mismo esmero meticuloso con el que cuidaba de sus flores. Medía el frío y el calor de su salón, ocupado con ramos, temía por ella las heladas de abril o el sol de marzo ; y como a esas plantas en cajas que se suelen sacar y volver a abrigar en períodos determinados, la hacía vivir de manera metódica, con la mirada clavada* en el barómetro y de las lunaciones.
Se quedó mucho tiempo, encerrada entre las cuatro paredes del jardín conyugal, ingenua como una clemátide pero con unos impulsos hacia otros jardines menos regulares, menos burgueses, en los que los rosales crezcaran con todas sus ramas, donde las hierbas malas fueran más altas que los árboles y cargadas con flores fantásticas, desconocidas, en libertad bajo un sol más cálidocaliente. Tales jardines no se encuentran amenudo sino en los libros de los poetas ; por eso solía leer muchos versos a escondidas del arbolista que sólo sabía de poesía los dísticos de los almanaques :
« Agua de mayo, pan para todo el año”
Sin alegría, con glotonería, la desgraciada mujer devoraba los peores poemas, con tal que encontrara en ellos las palabras que tuvieran rimas con « amor » y « pasión » ; y una vez cerrado el libro, se pasaba horas soñando, suspirando : « ¡ Ahí está el marido que me hubiera hecho falta ! ».
* la mirada pendiente pourrait-il convenir ici dans la mesure où tout est fonction et « dans l’attente » de ce qu’’affiche le baromètre ?
¡ Ser la mujer de un poeta siempre había sido su sueño dorado ! … Pero el destino implacable, en vez de la existencia novelesca y febril que ambicionaba ella, le había proporcionado una felicidad bien arreglada y tranquila, al casarla con un rico rentista de Auteuil, amable y dulce, algo mayor para ella y que tenía una única pasión – totalmente inofensiva y descansada - : la horticultura. El buen hombre se pasaba el tiempo con la podadera en las manos, cuidando, podando una magnífica colección de rosales, calentando el invernadero, regando los canastillos ; y por cierto, admitirán ustedes que para un pobre corazoncito tan ávido de ideal, no le bastaba para alimentarse.
Sin embargo, durante diez años, su vida se mantuvo firme e uniforme, como las calles de arena fina del jardín de su marido, y siguió su curso con pasos contados, escuchando, con un aburrimiento resignado, el ruido irritante y seco de las tijeras en movimiento continuo, o la lluvia monótona, infinita, que iba cayendo de las alcachofas de las regaderas en las tupidas plantas.
Este horticultor apasionado cuidaba de su mujer con el mismo esmero meticuloso con el que cuidaba de sus flores. Medía el frío y el calor de su salón, ocupado con ramos, temía por ella las heladas de abril o el sol de marzo ; y como a esas plantas en cajas que se suelen sacar y volver a abrigar en períodos determinados, la hacía vivir de manera metódica, con la mirada clavada* en el barómetro y de las lunaciones.
Se quedó mucho tiempo, encerrada entre las cuatro paredes del jardín conyugal, ingenua como una clemátide pero con unos impulsos hacia otros jardines menos regulares, menos burgueses, en los que los rosales crezcaran con todas sus ramas, donde las hierbas malas fueran más altas que los árboles y cargadas con flores fantásticas, desconocidas, en libertad bajo un sol más cálidocaliente. Tales jardines no se encuentran amenudo sino en los libros de los poetas ; por eso solía leer muchos versos a escondidas del arbolista que sólo sabía de poesía los dísticos de los almanaques :
« Agua de mayo, pan para todo el año”
Sin alegría, con glotonería, la desgraciada mujer devoraba los peores poemas, con tal que encontrara en ellos las palabras que tuvieran rimas con « amor » y « pasión » ; y una vez cerrado el libro, se pasaba horas soñando, suspirando : « ¡ Ahí está el marido que me hubiera hecho falta ! ».
* la mirada pendiente pourrait-il convenir ici dans la mesure où tout est fonction et « dans l’attente » de ce qu’’affiche le baromètre ?
***
Odile nous propose sa traduction :
El credo del amor
¡Siempre había soñado con ello, ser la mujer de un poeta!... Pero el implacable destino, en vez de la vida novelesca y fervorosa que ella ambicionaba, le arregló una pequeña felicidad bien tranquila, al casarla con un rico rentista de Auteuil, amable y apacible, algo mayor para ella y que tenía una única pasión, - por lo demás inofensiva y descansada - la horticultura. El buen hombre se pasaba el tiempo, con la podadera en la mano, cuidando, podando une magnífica colección de rosales, calentando el invernadero, regando los macizos; ustedes bien entenderán que para una pequeñita alma ávida de ideal no había en todo aquello pastura suficiente. Sin embargo, durante diez años, su vida se mantuvo recta y uniforme, parecida a las alamedas de arena fina del jardín de su marido y así la siguió con pasos contados, escuchando con un aburrimiento resignado, el ruido irritante y breve de las tijeras siempre activas, o la lluvia monótona, incesante, que caía de las alcachofas de las regaderas sobre las túpidas plantas. Este horticulteur empedernido cuidaba meticulosamente a su mujer como lo hacía para sus plantas. Graduaba el frío y el calor de su salón, en el cual sobraban los ramos de flores, y temía para ella la helada de abril o el sol de marzo. Y como esas plantas de invernadero que se sacan afuera y se entran en determinadas temporadas, la hacía vivir metodicámente, mirando siempre al barómetro y las variaciones de la luna. Permaneció mucho tiempo prisoniera del jardín marital, inocente como una clemátide, pero con arranques hacía otros jardines no tan regulares, no tan burgueses, donde los rosales crecerían a su aire, donde las hierbas salvajes serían más altas que los árboles y cargadas de flores maravillosas, ignotas, libres bajo un sol más caliente. Aquellos jardines sólo se encuentran en los libros de poetas; Por eso, leía muchos versos, a escondidas del arboricutor, el cual en vez de poesía solo conocía dísticos de almanque :
Agua de mayo, agua para todo el año
Sin alegría, vorazmente, la desgraciada devoraba poemas de los peores, con tal que encontrase en ellos palabras que rimasen con « amor » o con « passion »; luego, ya cerrado el libro, se pasaba horas y horas soñando y suspirando : « ¡ Ahí está el marido que me hubiera correspondido! »
El credo del amor
¡Siempre había soñado con ello, ser la mujer de un poeta!... Pero el implacable destino, en vez de la vida novelesca y fervorosa que ella ambicionaba, le arregló una pequeña felicidad bien tranquila, al casarla con un rico rentista de Auteuil, amable y apacible, algo mayor para ella y que tenía una única pasión, - por lo demás inofensiva y descansada - la horticultura. El buen hombre se pasaba el tiempo, con la podadera en la mano, cuidando, podando une magnífica colección de rosales, calentando el invernadero, regando los macizos; ustedes bien entenderán que para una pequeñita alma ávida de ideal no había en todo aquello pastura suficiente. Sin embargo, durante diez años, su vida se mantuvo recta y uniforme, parecida a las alamedas de arena fina del jardín de su marido y así la siguió con pasos contados, escuchando con un aburrimiento resignado, el ruido irritante y breve de las tijeras siempre activas, o la lluvia monótona, incesante, que caía de las alcachofas de las regaderas sobre las túpidas plantas. Este horticulteur empedernido cuidaba meticulosamente a su mujer como lo hacía para sus plantas. Graduaba el frío y el calor de su salón, en el cual sobraban los ramos de flores, y temía para ella la helada de abril o el sol de marzo. Y como esas plantas de invernadero que se sacan afuera y se entran en determinadas temporadas, la hacía vivir metodicámente, mirando siempre al barómetro y las variaciones de la luna. Permaneció mucho tiempo prisoniera del jardín marital, inocente como una clemátide, pero con arranques hacía otros jardines no tan regulares, no tan burgueses, donde los rosales crecerían a su aire, donde las hierbas salvajes serían más altas que los árboles y cargadas de flores maravillosas, ignotas, libres bajo un sol más caliente. Aquellos jardines sólo se encuentran en los libros de poetas; Por eso, leía muchos versos, a escondidas del arboricutor, el cual en vez de poesía solo conocía dísticos de almanque :
Agua de mayo, agua para todo el año
Sin alegría, vorazmente, la desgraciada devoraba poemas de los peores, con tal que encontrase en ellos palabras que rimasen con « amor » o con « passion »; luego, ya cerrado el libro, se pasaba horas y horas soñando y suspirando : « ¡ Ahí está el marido que me hubiera correspondido! »
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Votre thème du week-end
vendredi 28 novembre 2008
Un rendez-vous pour janvier
Dominique Breton, Professeur dans notre département d'espagnol et spécialiste de traductologie (entre autres) me confirme qu'elle accepte bien volontiers de venir nous parler des possibilités qui s'offrent à vous d'enchaîner l'année prochaine avec un Master 2 recherche en traduction. Avis pour Jacqueline : elle trouve excellente l'idée de travailler la comparaison des différentes traductions du Quichotte. Elle nous rendra donc visite le 22 janvier à 15h30… Préparez vos questions.
Calendrier : cours d'histoire et de théorie de la traduction
Pascale Sardin vient de me communiquer les dates des cours d'histoire et de théorie de la traduction du second semestre. Toutes les séances auront lieu de 13h30 à 16h30, en salle D 101.
19 janvier
2 février
9 février
9 mars
16 mars
23 mars
30 mars
19 janvier
2 février
9 février
9 mars
16 mars
23 mars
30 mars
Un billet de Nathalie : le caméléon
En photo : merci à Anviss
Souffrez que, cette semaine, je parle un peu de moi. Pas longtemps, je vous rassure. Parce que j’aimerais vous faire part de ce que je viens de découvrir, à savoir, un travers que je me dois de corriger si je veux progresser en traduction. D’ailleurs, vos conseils et vos remarques pourraient m’être d’une grande utilité…
Quelle que soit la tonalité du texte à traduire, j’ai tendance à « lisser » toutes les phrases, atténuant, notamment, ce que je juge déplacé, vulgaire ou repoussant (cf compte-rendu sur la séance de traduction consacrée au « pôvre » petit chien écrabouillé). Je finis pas uniformiser le texte par effacement de tout ce qui fait sa spécificité et donc son identité. Irai-je jusqu’à dire que je le façonne à mon image ?
Le pire, c’est que j’en suis parfaitement consciente mais je trouve le résultat tellement plus « correct » que je m’accommode assez bien de ce dévoiement traductif. Pourtant, quelque chose me tracasse parce que ma « méthode » m’empêche de rendre, au plus près, le contenu du texte. Ma traduction est donc fausse, ou faussée. Et pour une perfectionniste comme moi, c’est insupportable !
Que faire ? On me conseille d’imiter le caméléon, en m’adaptant à chaque type de texte, objet unique que je me dois, d’un point de vue déontologique, de respecter dans son intégrité. Ça pourrait être amusant de jouer à être quelqu’un d’autre, « l’espace d’un instant » (textuel).
Let’s try !
Quelle que soit la tonalité du texte à traduire, j’ai tendance à « lisser » toutes les phrases, atténuant, notamment, ce que je juge déplacé, vulgaire ou repoussant (cf compte-rendu sur la séance de traduction consacrée au « pôvre » petit chien écrabouillé). Je finis pas uniformiser le texte par effacement de tout ce qui fait sa spécificité et donc son identité. Irai-je jusqu’à dire que je le façonne à mon image ?
Le pire, c’est que j’en suis parfaitement consciente mais je trouve le résultat tellement plus « correct » que je m’accommode assez bien de ce dévoiement traductif. Pourtant, quelque chose me tracasse parce que ma « méthode » m’empêche de rendre, au plus près, le contenu du texte. Ma traduction est donc fausse, ou faussée. Et pour une perfectionniste comme moi, c’est insupportable !
Que faire ? On me conseille d’imiter le caméléon, en m’adaptant à chaque type de texte, objet unique que je me dois, d’un point de vue déontologique, de respecter dans son intégrité. Ça pourrait être amusant de jouer à être quelqu’un d’autre, « l’espace d’un instant » (textuel).
Let’s try !
Nathalie Lavigne
Entraînement : la version de CAPES
Aujourd'hui, c'est au tour des étudiants de CAPES de plancher sur la version et le thème. Pour ceux que cela intéresse, voici la version… (je me procure le thème dès la semaine prochaine). Cette fois, la durée de l'épreuve est de 2h30 et il va de soi que le dictionnaire (même unilingue) est interdit.
À vous de jouer !El coronel destapó el tarro del café y comprobó que no había más de una cucharadita. Retiró la olla del fogón, vertió la mitad del agua en el piso de tierra, y con un cuchillo raspó el interior del tarro sobre la olla hasta cuando se desprendieron las últimas raspaduras del polvo de café revueltas con óxido de lata.
Mientras esperaba a que hirviera la infusión, sentado junto a la hornilla de barro cocido en una actitud de confiada e inocente expectativa, el coronel experimentó la sensación de que nacían hongos y lirios venenosos en sus tripas. Era octubre. Una mañana difícil de sortear, aun para un hombre como él que había sobrevivido a tantas mañanas como ésa.
[…]Su esposa levantó el mosquitero cuando lo vio entrar al dormitorio con el café. Esa noche había sufrido una crisis de asma y ahora atravesaba por un estado de sopor.
Pero se incorporó para recibir la taza.[…]
En ese momento empezaron los dobles. El coronel se había olvidado del entierro.
Mientras su esposa tomaba el café, descolgó la hamaca en un extremo y la enrolló en el otro, detrás de la puerta. La mujer pensó en el muerto.
[…]Siguió sorbiendo el café en las pausas de su respiración pedregosa. Era una mujer construida apenas en cartílagos blancos sobre una espina dorsal arqueada e inflexible. Los trastornos respiratorios la obligaban a preguntar afirmando. Cuando terminó el café todavía estaba pensando en el muerto.
— Debe ser horrible estar enterrado en octubre », dijo.Pero su marido no le puso atención. Abrió la ventana. Octubre se había instalado en el patio. Contemplando la vegetación que reventaba en verdes intensos, las minúsculas tiendas de las lombrices en el barro, el coronel volvió a sentir el mes aciago en los intestinos.
[…]Llovía despacio pero sin pausas. El coronel habría preferido envolverse en una manta de lana y meterse otra vez en la hamaca. Pero la insistencia de los bronces rotos le recordó el entierro. « Es octubre », murmuró, y caminó hacia el centro del cuarto. Sólo entonces se acordó del gallo amarrado a la pata de la cama. Era un gallo de pelea.
Después de llevar la taza a la cocina dio cuerda en la sala a un reloj de péndulo montado en un marco de madera labrada. A diferencia del dormitorio, demasiado estrecho para la respiración de una asmática, la sala era amplia, con cuatro mecedoras de fibra en torno a una mesita con un tapete y un gato de yeso. En la pared opuesta a la del reloj, el cuadro de una mujer entre tules rodeada de amorines en una barca cargada de rosas.
Gabriel García Márquez, El coronel no tiene quien le escriba, 1955
***
La traduction « officielle », par Daniel Verdier et revue par l'auteur, pour les éditions Grasset & Fasquelle [1980] :
Le colonel déboucha le pot de café et constata qu'il n'en restait plus qu'une petite cuiller. Il retira la marmite du fourneau, versa la moitié de l'eau sur le sol de terre battue et gratta avec un couteau l'intérieur du pot au-dessus de la marmite jusqu'à ce que les dernières plaques de poudre de café collées à la rouille se soient détachées.
Assis à côté du fourneau de terre cuite dans une attitude d'expectative confiante et naïve, le colonel attendait que l'eau eût commencé à bouillir quand il sentit des champignons et iris vénéneux lui pousser dans les tripes. On était en octobre. Ce matin serait difficile à tromper, même pour un homme comme lui qui avait survécu à tant d'autres matins semblables à celui-là.
[…]
Sa femme souleva la moustiquaire quand elle le vit entrer dans la chambre avec la café. Elle avait eu une crise d'asthme durant la nuit et traversait à présent un état de semi-torpeur. Elle se dressa cependant pour prendre la tasse.
[…]
Le glas se mit à ce moment-là à sonner. Le colonel avait oublié l'enterrement. Tandis que sa femme buvait son café, il décrocha un côté du hamac et l'enroula vers l'autre, derrière la porte. La femme pensa au mort.
[…]
Elle continua à siroter son café entre les pauses de sa respiration caillouteuse. C'était une femme bâtie tout en cartilage sur une épine dorsale arquée et rigide. Les soubresauts de sa respiration l'obligeaient à poser ses questions sur le monde affirmatif. Son café fini, elle pensait toujours au mort.
« Ce doit être horrible d'être enterré en octobre », dit-elle. Mais son mari ne lui prêta pas attention. Il ouvrit la fenêtre. Octobre s'était installé dans la cour. En contemplant la végétation qui s'épanouissait en verts intenses et les minuscules boursouflures soulevées par les vers de terre, le colonel ressentit à nouveau les atteintes du mois funeste dans ses intestins.
[…]
Il pleuvait lentement mais continuellement. Le colonel aurait préféré s'enrouler dans une couverture et se réinstaller dans son hamac. Mais l'insistance des cloches fêlées lui rappela l'enterrement. « C'est octobre », murmura-t-il, et il s'avança vers le centre de la chambre. Alors seulement il se souvint du coq attaché au pied du lit. C'était un coq de combat.
Il rapporta la tasse à la cuisine, puis, dans la grand'salle, remonta une pendule à balancier encadrée de bois sculpté. Contrairement à la chambre à coucher, trop étroite pour la respiration d'une asthmatique, la pièce était vaste, avec quatre fauteuils de rotin autour d'une petite table recouverte d'un napperon où trônait un chat en plâtre. Sur le mur opposé à la pendule, un tableau montrait une femme drapée de tulles dans une barque chargée de roses, entourée de cupidons.
Le colonel déboucha le pot de café et constata qu'il n'en restait plus qu'une petite cuiller. Il retira la marmite du fourneau, versa la moitié de l'eau sur le sol de terre battue et gratta avec un couteau l'intérieur du pot au-dessus de la marmite jusqu'à ce que les dernières plaques de poudre de café collées à la rouille se soient détachées.
Assis à côté du fourneau de terre cuite dans une attitude d'expectative confiante et naïve, le colonel attendait que l'eau eût commencé à bouillir quand il sentit des champignons et iris vénéneux lui pousser dans les tripes. On était en octobre. Ce matin serait difficile à tromper, même pour un homme comme lui qui avait survécu à tant d'autres matins semblables à celui-là.
[…]
Sa femme souleva la moustiquaire quand elle le vit entrer dans la chambre avec la café. Elle avait eu une crise d'asthme durant la nuit et traversait à présent un état de semi-torpeur. Elle se dressa cependant pour prendre la tasse.
[…]
Le glas se mit à ce moment-là à sonner. Le colonel avait oublié l'enterrement. Tandis que sa femme buvait son café, il décrocha un côté du hamac et l'enroula vers l'autre, derrière la porte. La femme pensa au mort.
[…]
Elle continua à siroter son café entre les pauses de sa respiration caillouteuse. C'était une femme bâtie tout en cartilage sur une épine dorsale arquée et rigide. Les soubresauts de sa respiration l'obligeaient à poser ses questions sur le monde affirmatif. Son café fini, elle pensait toujours au mort.
« Ce doit être horrible d'être enterré en octobre », dit-elle. Mais son mari ne lui prêta pas attention. Il ouvrit la fenêtre. Octobre s'était installé dans la cour. En contemplant la végétation qui s'épanouissait en verts intenses et les minuscules boursouflures soulevées par les vers de terre, le colonel ressentit à nouveau les atteintes du mois funeste dans ses intestins.
[…]
Il pleuvait lentement mais continuellement. Le colonel aurait préféré s'enrouler dans une couverture et se réinstaller dans son hamac. Mais l'insistance des cloches fêlées lui rappela l'enterrement. « C'est octobre », murmura-t-il, et il s'avança vers le centre de la chambre. Alors seulement il se souvint du coq attaché au pied du lit. C'était un coq de combat.
Il rapporta la tasse à la cuisine, puis, dans la grand'salle, remonta une pendule à balancier encadrée de bois sculpté. Contrairement à la chambre à coucher, trop étroite pour la respiration d'une asthmatique, la pièce était vaste, avec quatre fauteuils de rotin autour d'une petite table recouverte d'un napperon où trônait un chat en plâtre. Sur le mur opposé à la pendule, un tableau montrait une femme drapée de tulles dans une barque chargée de roses, entourée de cupidons.
***
Odile nous propose sa traduction :
Le colonel déboucha le pot de café et constata qu'il n'en restait plus qu'une petite cuiller. Il retira la marmite du fourneau, versa la moitié de l'eau sur le sol de terre battue et gratta avec un couteau l'intérieur du pot au-dessus de la marmite jusqu'à ce que les dernières plaques de poudre de café mêlées de rouille se soient détachées.
Assis à côté du fourneau de terre cuite dans une attitude de confiante et naïve expectative, le colonel attendait que l'eau eût commencé à bouillir quand il sentit pousser dans son ventre des champignons et des lys vénéneux. On était en octobre. Un matin difficile à surmonter, même pour un homme comme lui qui avait pourtant survécu à tant d'autres matins semblables à celui-là.
[…]
Sa femme souleva la moustiquaire quand elle le vit entrer dans la chambre avec le café. Ayant eu une crise d'asthme pendant la nuit, elle se trouvait à présent dans un état de torpeur. Cependant, elle se redressa pour prendre la tasse.
[…]
A ce moment-là, le glas se mit à sonner. Le colonel avait oublié l'enterrement. Tandis que sa femme buvait son café, il décrocha une extrémité du hamac pour l'enrouler, derrière la porte. La femme pensa au mort.
[…]
Elle continua à absorber son café entre les répits que lui laissait sa respiration rocailleuse. C'était une femme bâtie tout en cartilages sur une colonne vertébrale voûtée et rigide. Ces problèmes respiratoires l'obligeaient à poser les questions sur le mode affirmatif. Son café fini, elle pensait encore au défunt.
- « Cela doit être horrible d'être enterré en octobre », dit-elle.
Mais son mari ne prêta pas attention à ses propos. Il ouvrit la fenêtre. Octobre s'était installé dans la cour. En contemplant la végétation qui débordait de verts intenses et les petits monticules formés dans la boue par les vers de terre, le colonel ressentit à nouveau les affres du mois funeste.
[…]
Il pleuvait doucement mais sans trêve. Le colonel aurait préféré s'envelopper dans une couverture de laine et s'installer de nouveau dans le hamac. Mais l'insistance des cloches fêlées lui rappela l'enterrement. « C'est octobre » murmura-t-il et il s' avança vers le centre de la chambre. Alors seulement il se souvint du coq attaché au pied du lit. C'était un coq de combat.
Il rappporta la tasse à la cuisine, puis, dans la grande salle, remonta la pendule à balancier encadrée de bois sculpté. Contrairement à la chambre, trop étroite pour la respiration d'une asthmatique, la pièce était vaste, avec quatre fauteuils à bascule en rotin autour d' une petite table recouverte d'un napperon sur lequel était posé un chat en plâtre. Sur le mur opposé à la pendule un tableau montrait une femme drapée de tulles, entourée d'amours, sur une barque chargée de roses.
Le colonel déboucha le pot de café et constata qu'il n'en restait plus qu'une petite cuiller. Il retira la marmite du fourneau, versa la moitié de l'eau sur le sol de terre battue et gratta avec un couteau l'intérieur du pot au-dessus de la marmite jusqu'à ce que les dernières plaques de poudre de café mêlées de rouille se soient détachées.
Assis à côté du fourneau de terre cuite dans une attitude de confiante et naïve expectative, le colonel attendait que l'eau eût commencé à bouillir quand il sentit pousser dans son ventre des champignons et des lys vénéneux. On était en octobre. Un matin difficile à surmonter, même pour un homme comme lui qui avait pourtant survécu à tant d'autres matins semblables à celui-là.
[…]
Sa femme souleva la moustiquaire quand elle le vit entrer dans la chambre avec le café. Ayant eu une crise d'asthme pendant la nuit, elle se trouvait à présent dans un état de torpeur. Cependant, elle se redressa pour prendre la tasse.
[…]
A ce moment-là, le glas se mit à sonner. Le colonel avait oublié l'enterrement. Tandis que sa femme buvait son café, il décrocha une extrémité du hamac pour l'enrouler, derrière la porte. La femme pensa au mort.
[…]
Elle continua à absorber son café entre les répits que lui laissait sa respiration rocailleuse. C'était une femme bâtie tout en cartilages sur une colonne vertébrale voûtée et rigide. Ces problèmes respiratoires l'obligeaient à poser les questions sur le mode affirmatif. Son café fini, elle pensait encore au défunt.
- « Cela doit être horrible d'être enterré en octobre », dit-elle.
Mais son mari ne prêta pas attention à ses propos. Il ouvrit la fenêtre. Octobre s'était installé dans la cour. En contemplant la végétation qui débordait de verts intenses et les petits monticules formés dans la boue par les vers de terre, le colonel ressentit à nouveau les affres du mois funeste.
[…]
Il pleuvait doucement mais sans trêve. Le colonel aurait préféré s'envelopper dans une couverture de laine et s'installer de nouveau dans le hamac. Mais l'insistance des cloches fêlées lui rappela l'enterrement. « C'est octobre » murmura-t-il et il s' avança vers le centre de la chambre. Alors seulement il se souvint du coq attaché au pied du lit. C'était un coq de combat.
Il rappporta la tasse à la cuisine, puis, dans la grande salle, remonta la pendule à balancier encadrée de bois sculpté. Contrairement à la chambre, trop étroite pour la respiration d'une asthmatique, la pièce était vaste, avec quatre fauteuils à bascule en rotin autour d' une petite table recouverte d'un napperon sur lequel était posé un chat en plâtre. Sur le mur opposé à la pendule un tableau montrait une femme drapée de tulles, entourée d'amours, sur une barque chargée de roses.
Compte rendu de l'atelier de traduction de littérature enfantine, séance du 26 novembre
En photo : Little Jabalí par Beauty Addict
Secrétaire de séance :Brigitte
« Shola y los jabalíes » de Bernardo ATXAGA
Pages 11 à 18
Elle s’était placée sous la table, de façon stratégique.
- Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas, chasser le béglier, je veux dire.
- On ne dit pas béglier. On dit sanglier, répondit Monsieur Grogó en trempant une frite dans le jaune d’œuf et en la portant à sa bouche.
- Qu’on dise béglier ou sanglier, peu, importe, le fait est que tu ne devrais pas y aller. Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas.
- Mais qu’est-ce que tu crois, Shola, qu’on est tous comme toi, qu’on fait toujours ce qu’on veut ? Eh bien non, Shola, on n’a pas tous cette chance, on doit tenir certains engagements, qu’on le veuille ou non.
- Moi aussi, j’ai des engagements, dit Shola, en pointant son museau.
- Tu ne sais pas ce qu’est un engagement, dit Monsieur Grogó, en mangeant une autre frite.
- Bien sûr que je le sais.
- Non, tu ne le sais pas.
- Je le sais ! Bien sûr que je le sais.
- Alors dis- le, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda Monsieur Grogó laissant un instant ses frites de côté pour regarder Shola droit dans les yeux.
- Si tu me donnes une frite, je te le dirai. Sinon, rien.
- Tiens, lui dit Monsieur Grogó, et la frite disparut dans la gueule de Shola.
- Eh bien, un engagement c’est…un engagement, dit Shola en savourant le goût savoureux, délicieux, merveilleux et presque miraculeux de la frite.
- C’est tout ? voulut savoir Monsieur Grogó.
- C’est tout, dit Shola, sentant la douce chaleur de la frite se répandre dans son estomac.
- Si tu reconnais ton ignorance, je t’en donnerai trois de plus, lui dit Monsieur Grogó.
Shola réfléchit un instant et se rendit compte que le monde était divisé en deux.
D’un côté du monde il y avait, évidemment, les trois frites. De l’autre, la colère d’avoir à baisser la tête et donner raison à Monsieur Grogó.
Très vite, cependant, l’un des deux côtés l’emporta.
- Je n’en ai pas la moindre idée. Qu’est ce qu’une frite …pardon, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda-t-elle.
- Un engagement, c’est une obligation, expliqua Monsieur Grogó. Par exemple, quand tu promets quelque chose à quelqu’un, tu prends un engagement. Et c’est précisément ce qui m’est arrivé. J’ai promis à des amis que j’irai chasser le sanglier et maintenant je suis obligé d’y aller. C’est vraiment lamentable, déplorable, intolérable et insupportable. Je n’aime pas les sangliers et, pis encore, j’en ai peur.
- S’il te plaît, respecte ton engagement, donne-moi mes trois frites, l’interrompit Shola.
- C’est vrai, j’ai failli oublier.
- Pourquoi as-tu peur des bégliers ? demanda Shola après avoir mangé les frites savoureuses, délicieuses, merveilleuses et presque miraculeuses.
- Ce ne sont pas des bégliers, ce sont des sangliers, je te l’ai déjà dit. Ils vivent dans la montagne et sont très dangereux. Beaucoup de gens en ont peur, il n’y a pas que moi.
Une fois la conversation terminée, Monsieur Grogó alla regarder la télévision et Shola s’apprêta à faire un somme sur le tapis du salon où elle aimait bien s’installer pour passer la nuit.
Ce tapis lui donnait envie de dormir et lui faisait faire également de beaux rêves.
Cette nuit-là, les bégliers ou sangliers occupèrent toutes ses pensées. Comment étaient-ils en réalité ? A quoi ressemblaient-ils ? Etaient-ils aussi redoutables que l’affirmait Monsieur Grogó ?
Elle s’endormit en pensant à tout cela et se mit aussitôt à rêver.
Secrétaire de séance :Brigitte
« Shola y los jabalíes » de Bernardo ATXAGA
Au cours de cette séance très fructueuse en échanges, nous avons fait le choix de nous détacher du texte original en espagnol. Cela nous a permis de prendre davantage du recul pour nous concentrer uniquement sur le « rendu » en français du texte traduit.
Pages 11 à 18
Elle s’était placée sous la table, de façon stratégique.
- Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas, chasser le béglier, je veux dire.
- On ne dit pas béglier. On dit sanglier, répondit Monsieur Grogó en trempant une frite dans le jaune d’œuf et en la portant à sa bouche.
- Qu’on dise béglier ou sanglier, peu, importe, le fait est que tu ne devrais pas y aller. Si tu ne veux pas y aller, n’y va pas.
- Mais qu’est-ce que tu crois, Shola, qu’on est tous comme toi, qu’on fait toujours ce qu’on veut ? Eh bien non, Shola, on n’a pas tous cette chance, on doit tenir certains engagements, qu’on le veuille ou non.
- Moi aussi, j’ai des engagements, dit Shola, en pointant son museau.
- Tu ne sais pas ce qu’est un engagement, dit Monsieur Grogó, en mangeant une autre frite.
- Bien sûr que je le sais.
- Non, tu ne le sais pas.
- Je le sais ! Bien sûr que je le sais.
- Alors dis- le, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda Monsieur Grogó laissant un instant ses frites de côté pour regarder Shola droit dans les yeux.
- Si tu me donnes une frite, je te le dirai. Sinon, rien.
- Tiens, lui dit Monsieur Grogó, et la frite disparut dans la gueule de Shola.
- Eh bien, un engagement c’est…un engagement, dit Shola en savourant le goût savoureux, délicieux, merveilleux et presque miraculeux de la frite.
- C’est tout ? voulut savoir Monsieur Grogó.
- C’est tout, dit Shola, sentant la douce chaleur de la frite se répandre dans son estomac.
- Si tu reconnais ton ignorance, je t’en donnerai trois de plus, lui dit Monsieur Grogó.
Shola réfléchit un instant et se rendit compte que le monde était divisé en deux.
D’un côté du monde il y avait, évidemment, les trois frites. De l’autre, la colère d’avoir à baisser la tête et donner raison à Monsieur Grogó.
Très vite, cependant, l’un des deux côtés l’emporta.
- Je n’en ai pas la moindre idée. Qu’est ce qu’une frite …pardon, qu’est-ce qu’un engagement ? demanda-t-elle.
- Un engagement, c’est une obligation, expliqua Monsieur Grogó. Par exemple, quand tu promets quelque chose à quelqu’un, tu prends un engagement. Et c’est précisément ce qui m’est arrivé. J’ai promis à des amis que j’irai chasser le sanglier et maintenant je suis obligé d’y aller. C’est vraiment lamentable, déplorable, intolérable et insupportable. Je n’aime pas les sangliers et, pis encore, j’en ai peur.
- S’il te plaît, respecte ton engagement, donne-moi mes trois frites, l’interrompit Shola.
- C’est vrai, j’ai failli oublier.
- Pourquoi as-tu peur des bégliers ? demanda Shola après avoir mangé les frites savoureuses, délicieuses, merveilleuses et presque miraculeuses.
- Ce ne sont pas des bégliers, ce sont des sangliers, je te l’ai déjà dit. Ils vivent dans la montagne et sont très dangereux. Beaucoup de gens en ont peur, il n’y a pas que moi.
Une fois la conversation terminée, Monsieur Grogó alla regarder la télévision et Shola s’apprêta à faire un somme sur le tapis du salon où elle aimait bien s’installer pour passer la nuit.
Ce tapis lui donnait envie de dormir et lui faisait faire également de beaux rêves.
Cette nuit-là, les bégliers ou sangliers occupèrent toutes ses pensées. Comment étaient-ils en réalité ? A quoi ressemblaient-ils ? Etaient-ils aussi redoutables que l’affirmait Monsieur Grogó ?
Elle s’endormit en pensant à tout cela et se mit aussitôt à rêver.
Sondage : Y a-t-il une traduction féminine et une traduction masculine ?
Résultats :
Sur 10 votants :
7 oui
3 non
Sur 10 votants :
7 oui
3 non
Il faut à présent réfléchir à ce que cela signifie… car alors, quelles en sont les spécificités, de ces traductions masculines et féminines ? Le vote aurait-il été le même avec une majorité d'apprentis masculins ? Je vous rappelle que si Jean-Marie Saint-Lu était plus que rétif à cette idée de "sexualisation" des critères de la traduction, Claude Murcia y était plutôt favorable. Des amateurs ou amatrices pour un éventuel petit sujet pour un master 2 recherche en traductologie ?
lundi 24 novembre 2008
Atelier tutoré, Jean-Marie Saint-Lu, séance 1
Compte rendu de l'atelier tutoré du vendredi 21 novembre 2008
par Nathalie Lavigne
Jean-Marie Saint-Lu a gentiment accepté 2 apprenties supplémentaires dans son atelier tutoré; nous étions donc 4 (Jacqueline, Blandine, Laure et Nathalie) à pouvoir profiter de cette rencontre et à bénéficier de nombreux conseils que je m'empresse de vous faire partager.
Partant du principe que traduire, c'est avoir envie d'écrire en français, J.-M. Saint-Lu nous a recommandé de lire presque exclusivement en français – et pas seulement des auteurs contemporains – afin de brasser le plus de vocabulaire possible et de pouvoir repérer plus facilement les "écarts" de langue par rapport au français normatif. Il nous conseille également de lire quotidiennement un ouvrage des difficultés de la langue française (on y apprend toujours quelque chose).
Le traducteur est comme un chef d'orchestre qui interprète une œuvre : il doit la servir sans la dénaturer. Un mauvais traducteur est celui qui traduit toujours de la même façon, quelle que soit l'œuvre à traduire. Il faut pouvoir garder à l'arrivée un petit goût d'étrangeté et ne pas avoir l'impression de lire une œuvre originale (ce qui serait un aveu d'échec).
La notion de plaisir est revenu plusieurs fois au cours de la discussion : plaisir de la lecture en espagnol que l'on doit s'efforcer de transmettre au lecteur français, plaisir de la traduction grâce aux tâtonnements, aux jeux de mots... C'est le plaisir qui doit guider le traducteur tout au long de sa démarche.
Voilà pour ce qui est des conseils d'ordre général.
Passons maintenant à la méthode de travail. J.-M. Saint-Lu commence par une traduction littérale de la totalité de l'œuvre; une fois imprimé, ce premier jet sera relu mot à mot et confronté au texte source puis corrigé. Devant une difficulté, on peut chercher à visualiser voire à raconter la scène; on peut également lancer une recherche sur Google ou consulter un des nombreux dictionnaires disponibles en ligne (par exemple, les dictionnaires unilingues CLAVE ou GRIJALVO). Si on se retrouve face à un poème, il est impératif de respecter les jeux sonores; voici l'adresse d'un dictionnnaire français des rimes (tapez "entrez un mot" sur Google et cliquez sur le site de l'université d'Amiens). En dernier recours, on peut constituer "una lista de dudas" que l'on va soumettre à l'auteur. Et si l'on est amené à traduire plusieurs œuvres d'un même auteur, il sera judicieux de rédiger un glossaire personnalisé afin de ne pas avoir à rechercher comment on a déjà traduit tel ou tel mot.
Nous avons commencé à traduire les premières lignes du roman sur lequel J.-M. Saint-Lu travaille depuis quelques semaines : Sin remedio (1984), d'Antonio CABALLERO, journaliste et caricaturiste colombien dont c'est la seule oeuvre de fiction. Photographie de la bourgeoisie des années 80 et réflexion sur les notions de liberté et d'engagement, Sin remedio est un roman culte en Colombie. Nous avons donc de la chance de pouvoir le découvrir en avant première.
par Nathalie Lavigne
Jean-Marie Saint-Lu a gentiment accepté 2 apprenties supplémentaires dans son atelier tutoré; nous étions donc 4 (Jacqueline, Blandine, Laure et Nathalie) à pouvoir profiter de cette rencontre et à bénéficier de nombreux conseils que je m'empresse de vous faire partager.
Partant du principe que traduire, c'est avoir envie d'écrire en français, J.-M. Saint-Lu nous a recommandé de lire presque exclusivement en français – et pas seulement des auteurs contemporains – afin de brasser le plus de vocabulaire possible et de pouvoir repérer plus facilement les "écarts" de langue par rapport au français normatif. Il nous conseille également de lire quotidiennement un ouvrage des difficultés de la langue française (on y apprend toujours quelque chose).
Le traducteur est comme un chef d'orchestre qui interprète une œuvre : il doit la servir sans la dénaturer. Un mauvais traducteur est celui qui traduit toujours de la même façon, quelle que soit l'œuvre à traduire. Il faut pouvoir garder à l'arrivée un petit goût d'étrangeté et ne pas avoir l'impression de lire une œuvre originale (ce qui serait un aveu d'échec).
La notion de plaisir est revenu plusieurs fois au cours de la discussion : plaisir de la lecture en espagnol que l'on doit s'efforcer de transmettre au lecteur français, plaisir de la traduction grâce aux tâtonnements, aux jeux de mots... C'est le plaisir qui doit guider le traducteur tout au long de sa démarche.
Voilà pour ce qui est des conseils d'ordre général.
Passons maintenant à la méthode de travail. J.-M. Saint-Lu commence par une traduction littérale de la totalité de l'œuvre; une fois imprimé, ce premier jet sera relu mot à mot et confronté au texte source puis corrigé. Devant une difficulté, on peut chercher à visualiser voire à raconter la scène; on peut également lancer une recherche sur Google ou consulter un des nombreux dictionnaires disponibles en ligne (par exemple, les dictionnaires unilingues CLAVE ou GRIJALVO). Si on se retrouve face à un poème, il est impératif de respecter les jeux sonores; voici l'adresse d'un dictionnnaire français des rimes (tapez "entrez un mot" sur Google et cliquez sur le site de l'université d'Amiens). En dernier recours, on peut constituer "una lista de dudas" que l'on va soumettre à l'auteur. Et si l'on est amené à traduire plusieurs œuvres d'un même auteur, il sera judicieux de rédiger un glossaire personnalisé afin de ne pas avoir à rechercher comment on a déjà traduit tel ou tel mot.
Nous avons commencé à traduire les premières lignes du roman sur lequel J.-M. Saint-Lu travaille depuis quelques semaines : Sin remedio (1984), d'Antonio CABALLERO, journaliste et caricaturiste colombien dont c'est la seule oeuvre de fiction. Photographie de la bourgeoisie des années 80 et réflexion sur les notions de liberté et d'engagement, Sin remedio est un roman culte en Colombie. Nous avons donc de la chance de pouvoir le découvrir en avant première.
Séance d'atelier de traduction collective du 25 novembre
Au menu de notre séance de demain (de 13h00 à 16h00 en salle H 118) :
Outre la reconduction de notre pique-nique manqué (sera-t-il enfin possible de goûter à la célèbrissime spécialité montoise ?), à cause d'une intempestive grève des tramways et des bus, nous travaillerons sur le texte d'Andrés Trapiello, Los Amigos del Crimen Perfecto, du devoir de vacances n°3, « Se trataba de un piso destarlatado y decrépito… », et nous finirons « Vidas de perros » de García Márquez. Au cas où il nous resterait quelques minutes, peut-être cisèlerons-nous quelques lignes alambiquées de notre « Reja » préférée…
Trois textes pour l'atelier de traduction des essais de Jean-Marc Buiguès
Pour ceux qui n'accèderaient pas au Bureau Virtuel, voici les trois textes que travaillera Jean-Marc Buiguès lors des séances de traduction des essais :
TEXTE 1
La lógica acorde con la claridad
§ I
Sabiduría de la ley que prohíbe los juicios temerarios
La ley cristiana, que prohíbe los juicios temerarios, es no sólo ley de caridad, sino de prudencia y buena lógica. Nada más arriesgado que juzgar de una acción, y sobre todo de la intención, por meras apariencias; el curso ordinario de las cosas lleva tan complicados los sucesos, los hombres se encuentran en situaciones tan varias, obran por tan diferentes motivos, ven los objetivos de maneras tan distintas, que a menudo nos parece un castillo fantástico lo que examinado de cerca y con presencia de las circunstancias, se halla lo más natural, lo más sencillo y arreglado.
§ II
Examen de la máxima «Piensa mal y no errarás»
El mundo cree dar una regla de conducta muy importante diciendo: «Piensa mal y no errarás», y se imagina haber enmendado de esta manera la moral evangélica. «Conviene no ser demasiado cándido -se nos advierte continuamente-; es necesario no fiarse de palabras; los hombres son muy malos; obras son amores y no buenas razones»; como si el Evangelio nos enseñase a ser imprudentes e imbéciles; como si Jesucristo, al encomendarnos que fuésemos sencillos como la paloma, no nos hubiera amonestado al mismo tiempo que fuésemos prudentes como la serpiente; como si no nos hubiera avisado que no creyésemos a todo espíritu; que para conocer el árbol atendiésemos al fruto, y, finalmente, como si a propósito de la malicia de los hombres no leyéramos ya en las primeras páginas de la Sagrada Escritura que el corazón del hombre está inclinado al mal desde su adolescencia.
La máxima perniciosa, que se propone nada menos que asegurar el acierto con la malignidad del juicio, es tan contraria a la caridad cristiana como a la sana razón. En efecto; la experiencia nos enseña que el hombre más mentiroso dice mayor número de verdades que de mentiras, y que el más malvado hace muchas más acciones buenas o indiferentes que malas. El hombre ama naturalmente la verdad y el bien, y no se aparta de ellos sino cuando las pasiones le arrastran y extravían. Miente el mentiroso en ofreciéndosele alguna ocasión en que, faltando a la verdad, cree favorecer sus intereses o lisonjear su vanidad necia; pero fuera de estos casos, naturalmente, dice la verdad y habla como el resto de los hombres. El ladrón roba, el liviano se desmanda, el pendenciero riñe, cuando se presenta la oportunidad, estimulando la pasión; que si estuviesen abandonadas de continuo a sus malas inclinaciones serían verdaderos monstruos su crimen degeneraría en demencia, y entonces el decoro y buen orden de la sociedad reclamarían imperiosamente que se los apartase del trato de sus semejantes.
Infiérese de estas observaciones que el juzgar mal no teniendo el debido fundamento y el tomar la malignidad por garantía de acierto, es tan irracional como si habiendo en una urna muchísimas bolas blancas y poquísimas negras se dijera que las probabilidades de salir están en favor de las negras. […]
Conocemos si el testigo ha sido engañado o no atendiendo a los medios de que ha podido disponer para alcanzar la verdad; y en estos medios comprendo también su capacidad y demás cualidades personales, que le hacen más o menos apto para el efecto. […]
Una mujer de veracidad probada, pero de imaginación ardiente y viva, y además muy crédula en asuntos de carácter extraordinario y misterioso, refiere, con el tono de la mayor certeza y con el lenguaje y ademán de una impresión reciente, que en la noche anterior ha oído en su casa un ruido espantoso; que, habiéndose levantado, ha visto el resplandor de algunas luces en partes del edificio en las que no habita nadie, y que repetidas veces han resonado con toda claridad voces desconocidas, ya cual gemidos de dolor, ya cual aullidos de desesperación, ya cual aterradoras amenazas. La testigo habrá sido engañada. Es probable que, estando profundamente dormida, algún gato que andaría ocupado en sus ordinarias tareas de hurto o caza habrá derribado algún trasto con estrepitoso fracaso. La buena señora, que quizá conciliaría difícilmente el sueño, agitada por espectros y fantasmas, despierta al retumbante ruido; levántase, despavorida; corre presurosa de una a otra parte; ve en los aposentos desiertos alguna luz, por la sencilla razón de que nadie cuidó de cerrar las ventanas, y por ellas penetran los rayos de la luna; por fin llegan a sus oídos las voces misteriosas, que no debieron de ser más que los silbidos del viento, los crujidos de alguna puerta mal segura y tal vez el remoto maúllo del malandrín, que, salido por la buhardilla, se va a trabar refriegas por la vecindad, sin pensar que sus maldades tienen en congojosa cuita a su dueña y bienhechora.
Jaime Balmes, El criterio, 1843
***
El teósofo Martínez Pascual.
La celebridad de Saint Martin vive, aún más que en sus oscuros libros, en los estudios que han dedicado a rehabilitar su memoria críticos tan elegantes e ingeniosos como Caro y Sainte-Beuve, y sobre todo en los extensos libros que primero Matter, el historiador del gnosticismo, y lueyo Franck, el expositor de la cábala, han dedicado a su doctrina, a los precedentes de ella, a sus maestros y a sus discípulos
Saint Martin era algo más y algo menos que pensador y filósofo. No era cristiano, o lo era a su modo, y no afiliado en secta conocida; pero era místico, y con ser místico heterodoxo, no llegaba a panteísta, y se quedaba en el deísmo de su tiempo. La lectura de los libros del zapatero alemán del siglo XVI Jacobo Boehme le hizo teósofo, pero tampoco se paró en la teosofía, sino que llegó a la teurgia, pretendiendo comunicaciones inmediatas y directas con los seres sobrenaturales y luces y revelaciones extraordinarias.
En vano se quiere extirpar del humano espíritu la raíz de lo maravilloso; ¿quién la arrancará de cuajo? Derechas o torcidas, sus ramas buscan siempre el cielo. Cuando la demolición escéptica deja vacía de fe y de consuelos un alma, refúgiase ésta, si no es totalmente ruda, grosera y apegada a la materia, en cierto misticismo vago, en nieblas espiritualistas, y con más frecuencia aún en las ciencias ocultas y en las artes mágicas y vedadas. Cuando el aquejado de tan grave dolencia de incredulidad es todo un siglo, brotan en él como por encanto los seudoprofetas, los fingidores de milagros, los prestidigitadores científicos, los magnetizadores y nigromantes, los evocadores de espíritus los aventureros de longevidad portentosa, los intérpretes de las escondidas y misteriosas propiedades de piedras y plantas, los fisionomistas dotados del poder de la adivinación, los transmutadores de metales, los inventores de panaceas..., toda la turbamulta de personajes estrafalarios y grotescos, ora soñadores e ilusos, ora truhanes y buscavidas, que iluminaron con tan extraña luz los últimos años del siglo XVIII: Cagliostro, Casanova, Lavater, Swedemborg, Saint-Germain, los filaletas, Mesmer y otros innumerables, de cuyas influencias no se libertó la juventud de Goethe.
Traduction élaborée en cours :
Le théosophe MARTINÉS de PASQUALLY
La renommée de SAINT MARTIN, plus que dans ses livres obscurs, perdure dans les études que des critiques aussi élégants/raffinés et ingénieux que CARO et SAINTE-BEUVE ont consacrées à réhabiliter sa mémoire, et surtout, dans les volumineux livres que, d'abord/en premier lieu, MATTER, l'historien du gnosticisme, et ensuite, FRANCK, le commentateur de la cabale/kabbale, ont consacrés à sa doctrine et aux antécédents de cette dernière, à ses maîtres et à ses disciples.
SAINT-MARTIN était un peu plus et un peu moins qu'un penseur et un philosophe. Il n'était pas chrétien, ou il l'était à sa façon, ni affilié à aucune secte connue; mais il était mystique et bien qu'étant mystique hétérodoxe, il n'allait pas jusqu'à être panthéiste/jusqu'au panthéisme, et en restait au/se contentant du déisme de son temps. La lecture des livres du cordonnier allemand du XVI° siècle, Jacob BOEHME, le fit devenir théosophe, mais il ne s'arrêta pas davantage à la théosophie et parvint à la théurgie, en prétendant des communications instantanées et directes avec les êtres surnaturels, et des illuminations et des révélations extraordinaires.
C'est en vain que l'on veut extirper de l'esprit humain les racines du merveilleux; qui les arrachera/déracinera/déterrera complètement ? Droites ou tordues, ses branches cherchent toujours le ciel. Quand la démolition sceptique laisse vide de foi et de réconfort une âme, celle-ci se réfugie, si elle n'est pas totalement inculte, grossière et attachée à la matière, dans quelque vague mysticisme, dans des brumes spiritualistes, et encore plus fréquemment, dans les sciences occultes et les arts magiques et prohibés. Quand la victime plaintive qui souffre d'une si grave infirmité/maladie d'incrédulité est/englobe tout un siècle, s'y développent, comme par enchantement, les pseudo-prophètes, les faiseurs de miracles, les prestidigitateurs scientifiques, les magnétiseurs et nécromanciens, les invocateurs d'esprit, les aventuriers à la prodigieuse longévité, les interprètes des vertus cachées et mystérieuses des pierres et des plantes, les physionomistes doués du pouvoir de la divination, les transmutateurs de métaux/alchimistes, les inventeurs de panacées..., toute la cohorte des personnages extravagants et grotesques, tantôt rêveurs et utopistes, tantôt aigrefins et gagne-deniers, qui éclairèrent d'une si étrange lumière les dernières années du XVIII° siècle : CAGLIOSTRO, CASANOVA, LAVATER, SWEDENBORG, SAINT-GERMAIN, les philalèthes, MESMER et d'autres, innombrables, des influences desquels la jeunesse de GOETHE ne put se libérer.
TEXTE 2
El teósofo Martínez Pascual.
La celebridad de Saint Martin vive, aún más que en sus oscuros libros, en los estudios que han dedicado a rehabilitar su memoria críticos tan elegantes e ingeniosos como Caro y Sainte-Beuve, y sobre todo en los extensos libros que primero Matter, el historiador del gnosticismo, y lueyo Franck, el expositor de la cábala, han dedicado a su doctrina, a los precedentes de ella, a sus maestros y a sus discípulos
Saint Martin era algo más y algo menos que pensador y filósofo. No era cristiano, o lo era a su modo, y no afiliado en secta conocida; pero era místico, y con ser místico heterodoxo, no llegaba a panteísta, y se quedaba en el deísmo de su tiempo. La lectura de los libros del zapatero alemán del siglo XVI Jacobo Boehme le hizo teósofo, pero tampoco se paró en la teosofía, sino que llegó a la teurgia, pretendiendo comunicaciones inmediatas y directas con los seres sobrenaturales y luces y revelaciones extraordinarias.
En vano se quiere extirpar del humano espíritu la raíz de lo maravilloso; ¿quién la arrancará de cuajo? Derechas o torcidas, sus ramas buscan siempre el cielo. Cuando la demolición escéptica deja vacía de fe y de consuelos un alma, refúgiase ésta, si no es totalmente ruda, grosera y apegada a la materia, en cierto misticismo vago, en nieblas espiritualistas, y con más frecuencia aún en las ciencias ocultas y en las artes mágicas y vedadas. Cuando el aquejado de tan grave dolencia de incredulidad es todo un siglo, brotan en él como por encanto los seudoprofetas, los fingidores de milagros, los prestidigitadores científicos, los magnetizadores y nigromantes, los evocadores de espíritus los aventureros de longevidad portentosa, los intérpretes de las escondidas y misteriosas propiedades de piedras y plantas, los fisionomistas dotados del poder de la adivinación, los transmutadores de metales, los inventores de panaceas..., toda la turbamulta de personajes estrafalarios y grotescos, ora soñadores e ilusos, ora truhanes y buscavidas, que iluminaron con tan extraña luz los últimos años del siglo XVIII: Cagliostro, Casanova, Lavater, Swedemborg, Saint-Germain, los filaletas, Mesmer y otros innumerables, de cuyas influencias no se libertó la juventud de Goethe.
Marcelino Menéndez y Pelayo, Historia de los heterodoxos españoles, 1880-1882
Traduction élaborée en cours :
Le théosophe MARTINÉS de PASQUALLY
La renommée de SAINT MARTIN, plus que dans ses livres obscurs, perdure dans les études que des critiques aussi élégants/raffinés et ingénieux que CARO et SAINTE-BEUVE ont consacrées à réhabiliter sa mémoire, et surtout, dans les volumineux livres que, d'abord/en premier lieu, MATTER, l'historien du gnosticisme, et ensuite, FRANCK, le commentateur de la cabale/kabbale, ont consacrés à sa doctrine et aux antécédents de cette dernière, à ses maîtres et à ses disciples.
SAINT-MARTIN était un peu plus et un peu moins qu'un penseur et un philosophe. Il n'était pas chrétien, ou il l'était à sa façon, ni affilié à aucune secte connue; mais il était mystique et bien qu'étant mystique hétérodoxe, il n'allait pas jusqu'à être panthéiste/jusqu'au panthéisme, et en restait au/se contentant du déisme de son temps. La lecture des livres du cordonnier allemand du XVI° siècle, Jacob BOEHME, le fit devenir théosophe, mais il ne s'arrêta pas davantage à la théosophie et parvint à la théurgie, en prétendant des communications instantanées et directes avec les êtres surnaturels, et des illuminations et des révélations extraordinaires.
C'est en vain que l'on veut extirper de l'esprit humain les racines du merveilleux; qui les arrachera/déracinera/déterrera complètement ? Droites ou tordues, ses branches cherchent toujours le ciel. Quand la démolition sceptique laisse vide de foi et de réconfort une âme, celle-ci se réfugie, si elle n'est pas totalement inculte, grossière et attachée à la matière, dans quelque vague mysticisme, dans des brumes spiritualistes, et encore plus fréquemment, dans les sciences occultes et les arts magiques et prohibés. Quand la victime plaintive qui souffre d'une si grave infirmité/maladie d'incrédulité est/englobe tout un siècle, s'y développent, comme par enchantement, les pseudo-prophètes, les faiseurs de miracles, les prestidigitateurs scientifiques, les magnétiseurs et nécromanciens, les invocateurs d'esprit, les aventuriers à la prodigieuse longévité, les interprètes des vertus cachées et mystérieuses des pierres et des plantes, les physionomistes doués du pouvoir de la divination, les transmutateurs de métaux/alchimistes, les inventeurs de panacées..., toute la cohorte des personnages extravagants et grotesques, tantôt rêveurs et utopistes, tantôt aigrefins et gagne-deniers, qui éclairèrent d'une si étrange lumière les dernières années du XVIII° siècle : CAGLIOSTRO, CASANOVA, LAVATER, SWEDENBORG, SAINT-GERMAIN, les philalèthes, MESMER et d'autres, innombrables, des influences desquels la jeunesse de GOETHE ne put se libérer.
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TEXTE 3
El Islam y la vida interior del hispano-cristiano
TEXTE 3
El Islam y la vida interior del hispano-cristiano
Hasta ahora nos hemos encontrado con palabras, usos, creencias e instituciones, directa o indirectamente ligadas con la vida islámico-española. Toca ahora trasladarnos a zonas menos patentes en donde sera más difícil percibir con la evidencia de antes las vías trazadas por el Islam en el mismo fondo de la psique española, en ciertos hábitos del hombre inte¬rior. Ya era presumible, sin embargo, que tras los importantes y concretos contenidos examinados anteriormente,1 se hubieran desarrollado tendencias genéricas de acuerdo con las formas islámicas de la experiencia intima. Los cristianos existieron demasiados siglos teniendo como límite de su paisaje moral el horizonte del Islam, para que éste dejara de intervenir en los usos de la conciencia, a la larga, tan subcons¬cientes y recónditos, que ningún signo exterior delata sus origenes islámicos. Tal clase de fenómenos corresponde a lo que los naturalistas llaman seudomorfosis, dicho sea solo para hacerme entender, ya que el ser humano es muy distinto de un mineral cristalizable. Algo así hemos observado ya en la palabra hijodalgo, románica en su aspecto, e islámica en su función semántica.
La persona íntima hace dentro de sí gestos y ademanes, lo mismo que el cuerpo físico, y por eso dice la gente que a alguien «se le pasea el alma por el cuerpo». El alma y el espíritu a veces huelgan y en otros casos trabajan; mantienen entre sí relaciones armónicas o adversas, con anuencia del cuerpo o a pesar de su rebeldía. Armaban en cierta ocasión al conde de Cabra antes de entrar en pelea, y notando su temblor, le preguntaron cómo temblaba hombre de tanto ánimo; respondió entonces: «Temen las carnes del extremo en que las ha de poner el corazón».1 Algo semejante dijo más tarde el príncipe de Condé, y a cada instante se presentan fenómenos comparables a éstos. El sabio absoluto, el héroe o el moralista rígido pueden encerrarse en su espíritu, y no conceder beligerancia a los deseos del alma, o a las sensaciones del cuerpo.2 El pro-blema es tan familiar como arduo, y hemos de soslayarlo, pues sólo interesa recordar que frente al tipo de quienes desean y pueden aislarse en su espíritu, hay el de quienes no aíslan su yo espiritual de la vecindad del alma y del cuerpo.1
El propósito del acto pensante es el logro de una verdad que sera luego poseída comunalmente por quien la conozca, lo mismo que por quien la pensó por primera vez; las razones son universales y supraindividuales, y no invitan a conocer el alma y el cuerpo de quien las for¬muló. Desde otro punto de vista, el que acepta la verdad y lo que en ella hay de real, reconoce la existencia de algo en que su vida no tiene intervención. Así pues, el pensador que se objetiva en pensamiento, se desposee de algo que es suyo; a su vez, reconocer la existencia de algo objetivo, supone la admisión de que aquello no nos pertenece como tal existencia. Hay pueblos, sin embargo, para los cuales fue más ur¬gente expresar su participación anímica en el mundo en torno, que aislarse de él a fin de meditar acerca de las dificultades o problemas que ese mundo crea. El resultado de estas meditaciones son realida¬des que nada revelan del alma de quien las suscitó, ni nada dicen al alma de quien se pone en contacto con ellas (un teorema, un dique, un artefacto industrial). Al español nunca le sedujeron mucho tales actividades por no ser muy dado a razonar, según ya vimos decía Alonso de Palencia en el siglo XV; es decir, para razonar necesita no prescindir totalmente del alma y quizá tampoco del cuerpo. Antonio de Nebrija, el más sabio humanista espanol, compuso unas tablas para calcular las horas y conocer las de las distintas ciudades de Europa; pero dice en el prólogo, que se tomó tal tarea para que no viniera a fastidiarle con preguntas un fraile amigo suyo siempre que se descomponía el reloj de su casa. El pensamiento ha de integrarse entonces en la vida total de la persona, con lo cual queda poco espacio para el puro teorizar. De ahí que apenas haya fîlósofos y científicos españoles con pensamientos completamente originales. Recordemos que la idea de la inmortalidad para Miguel de Unamuno implicaba la inmortalidad de su cuerpo, incluso, quizá, la del peculiar indumento que lo recubría.
La persona íntima hace dentro de sí gestos y ademanes, lo mismo que el cuerpo físico, y por eso dice la gente que a alguien «se le pasea el alma por el cuerpo». El alma y el espíritu a veces huelgan y en otros casos trabajan; mantienen entre sí relaciones armónicas o adversas, con anuencia del cuerpo o a pesar de su rebeldía. Armaban en cierta ocasión al conde de Cabra antes de entrar en pelea, y notando su temblor, le preguntaron cómo temblaba hombre de tanto ánimo; respondió entonces: «Temen las carnes del extremo en que las ha de poner el corazón».1 Algo semejante dijo más tarde el príncipe de Condé, y a cada instante se presentan fenómenos comparables a éstos. El sabio absoluto, el héroe o el moralista rígido pueden encerrarse en su espíritu, y no conceder beligerancia a los deseos del alma, o a las sensaciones del cuerpo.2 El pro-blema es tan familiar como arduo, y hemos de soslayarlo, pues sólo interesa recordar que frente al tipo de quienes desean y pueden aislarse en su espíritu, hay el de quienes no aíslan su yo espiritual de la vecindad del alma y del cuerpo.1
El propósito del acto pensante es el logro de una verdad que sera luego poseída comunalmente por quien la conozca, lo mismo que por quien la pensó por primera vez; las razones son universales y supraindividuales, y no invitan a conocer el alma y el cuerpo de quien las for¬muló. Desde otro punto de vista, el que acepta la verdad y lo que en ella hay de real, reconoce la existencia de algo en que su vida no tiene intervención. Así pues, el pensador que se objetiva en pensamiento, se desposee de algo que es suyo; a su vez, reconocer la existencia de algo objetivo, supone la admisión de que aquello no nos pertenece como tal existencia. Hay pueblos, sin embargo, para los cuales fue más ur¬gente expresar su participación anímica en el mundo en torno, que aislarse de él a fin de meditar acerca de las dificultades o problemas que ese mundo crea. El resultado de estas meditaciones son realida¬des que nada revelan del alma de quien las suscitó, ni nada dicen al alma de quien se pone en contacto con ellas (un teorema, un dique, un artefacto industrial). Al español nunca le sedujeron mucho tales actividades por no ser muy dado a razonar, según ya vimos decía Alonso de Palencia en el siglo XV; es decir, para razonar necesita no prescindir totalmente del alma y quizá tampoco del cuerpo. Antonio de Nebrija, el más sabio humanista espanol, compuso unas tablas para calcular las horas y conocer las de las distintas ciudades de Europa; pero dice en el prólogo, que se tomó tal tarea para que no viniera a fastidiarle con preguntas un fraile amigo suyo siempre que se descomponía el reloj de su casa. El pensamiento ha de integrarse entonces en la vida total de la persona, con lo cual queda poco espacio para el puro teorizar. De ahí que apenas haya fîlósofos y científicos españoles con pensamientos completamente originales. Recordemos que la idea de la inmortalidad para Miguel de Unamuno implicaba la inmortalidad de su cuerpo, incluso, quizá, la del peculiar indumento que lo recubría.
Américo Castro, España en su historia. Cristianos, moros y judíos, 1948
Traduction proposée :
L'Islam et la vie intérieure de l'hispano-chrétien
Jusqu'à présent, nous sommes tombés sur des mots, des usages, des croyances et des institutions directement ou indirectement liés à la vie islamico-espagnole. Il convient, maintenant, d'aborder des zones moins patentes où il sera plus difficile de distinguer/percevoir, avec la même évidence antérieure, les voies tracées par l'Islam au fond même de la psyché espagnole, dans certaines habitudes de l'homme intérieur. Cependant, il était déjà prévisible que, après les contenus importants et concrets examinés précédemment, des tendances génériques se seraient développées en accord avec les formes islamiques de l'expérience intime. Les chrétiens ont vécu durant trop de siècles en ayant/avec pour seule limite à leur paysage moral l'horizon de l'Islam, pour que ce dernier cesse d'intervenir dans les usages de leur conscience, à la longue, si inconscients et enfouis, qu'aucun signe extérieur ne révèle leurs origines islamiques. Une telle sorte/catégorie de phénomènes correspond à ce que les naturalistes nomment pseudomorphose, terme que j'utilise uniquement pour me faire comprendre, étant donné que l'être humain est très différent du minéral cristallisable. Nous avons déjà observé quelque chose de semblable avec le mot "hidalgo", roman dans son aspect et islamique dans sa fonction sémantique.
La personne intime fait, en elle-même, des mimiques/moues et des gestes, de la même façon que le corps physique; c'est pour cela que les gens disent de quelqu'un qu'il "a son âme qui se promène dans son corps". L'âme et l'esprit, parfois, sont au repos, et dans d'autres cas, au travail. Ils entretiennent des relations harmonieuses ou conflictuelles, avec le consentement du corps ou en dépit de sa rébellion/son opposition. Un jour où on armait le comte de CABRA, avant qu'il n'entrât en lice, comme on remarquait qu'il tremblait, on lui demanda comment un homme d'un tel courage pouvait trembler; il répondit alors : "la chair craint les dangers auxquels son cœur l'expose". Le prince de CONDE a dit, plus tard, quelque chose de semblable, et à chaque instant, des phénomènes comparables à ces derniers s'offrent à nous. Le sage absolu, le héros ou le moraliste rigide peuvent s'enfermer dans leur esprit et ne pas daigner combattre les désirs de leur âme ou les sensations de leur corps. Le problème est aussi familier qu'ardu et nous devons le contourner, car il importe seulement de rappeler que face à la catégorie de ceux qui souhaitent et peuvent s'isoler dans leur esprit, il y a celle de ceux qui n'isolent pas leur moi spirituel du voisinage de leur âme et de leur corps.
Le but de l'acte pensant est de trouver une vérité qui sera ensuite possédée communément par celui qui la reconnaîtra, de la même façon que par celui qui l'a pensée pour la première fois. Les raisons sont universelles et supra-individuelles et ne poussent pas à connaître l'âme et le corps de celui qui les a formulées. D'un autre point de vue, celui qui accepte la vérité et ce qu'il y a, en elle, de réel, reconnaît l'existence de quelque chose qui n'a pas de prise sur sa vie. Ainsi, le penseur qui se pense comme un objet, renonce à quelque chose qui lui appartient; de la même façon, la reconnaissance de l'existence de quelque chose d'objectif, suppose d'admettre que cette chose ne nous appartient pas comme une existence en soi. Il y a des peuples, cependant, pour lesquels il a été plus urgent d'exprimer leur participation animique au monde qui les entourait que de s'en isoler afin de méditer sur les difficultés ou les problèmes que ce monde crée. Le résultat de ces méditations sont des réalités qui ne dévoilent rien de l'âme de celui qui les a produites, pas plus qu'elle ne parlent à l'âme de celui qui entre en contact avec elles (un théorème, une digue, une machine industrielle). De semblables activités n'ont jamais beaucoup séduit l'Espagnol, peu enclin à raisonner, comme nous avons vu que le disait Alonso de PALENCIA, au XV° siècle. C'est-à-dire que, pour raisonner, il ne faut pas faire totalement abstraction de l'âme, pas plus, peut-être, que du corps. Antonio de NEBRIJA, l'humaniste espagnol le plus savant, composa des tables pour calculer les heures et connaître celles des différentes villes d'Europe; mais, il dit, dans son prologue, que, s'il s'était donné une telle peine, c'était pour qu'un de ces amis moines cessât de l'ennuyer avec ses questions, chaque fois que l'horloge de sa maison se déréglait/s'arrêtait. La pensée doit s'intégrer, par conséquent, à la totalité de la vie de la personne, de sorte qu'il reste peu d'espace pour la pure théorie/théorisation pure. C'est la raison pour laquelle on trouve si peu de philosophes et de scientifiques espagnols avec des idées totalement originales. Rappelons-nous que l'idée de l'immortalité, chez Miguel de UNAMUNO, impliquait l'immortalité de son corps, voire même, peut-être, celle de la singulière enveloppe qui le recouvrait.
"Pour une éthique du traducteur", par Anthony Pym
Les références d'un ouvrage sur la traduction qui semble très intéressant… même s'il est peut-être compliqué de le trouver en France.
À vérifier dans le catalogue des bibliothèques de notre université.
À vérifier dans le catalogue des bibliothèques de notre université.
http://www.tinet.org/~apym/publications/ethique.html
Une petite annonce
Je viens de recevoir ce mail, que je vous transmets sur-le-champ, avec l'adresse mail de la personne à contacter (si vous êtes intéressés). Je lui ai demandé de nous détailler son projet… J'attends donc davantage d'informations.
Madame,
Je suis actuellement en master 2 professionnel "métier du texte et de l'édition" à l'Université de Rennes 2. Je vous contacte car j'aimerai savoir si un ou une de vos élèves serait intéressé(e)s pour traduire un roman contemporain de langue espagnol.
Dans le cadre de ma formation, je dois monter un projet professionnel. Il consiste à la création d'une collection d'auteurs hispanoaméricains contemporains. Le travail serait dans un premier temps, bénévole puis si nous réussissons à le faire publier, le traducteur ou la traductrice sera reconnu comme auteur et touchera donc le salaire qui lui est du (dans le cas d'une publication, que je ne peux malheureusement assurer.)
Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire,
Si un ou une de vos élèves est interessé, contactez-moi,
Cordialement,
Stéphanie MAZE
steph_maze@hotmail.com
Je suis actuellement en master 2 professionnel "métier du texte et de l'édition" à l'Université de Rennes 2. Je vous contacte car j'aimerai savoir si un ou une de vos élèves serait intéressé(e)s pour traduire un roman contemporain de langue espagnol.
Dans le cadre de ma formation, je dois monter un projet professionnel. Il consiste à la création d'une collection d'auteurs hispanoaméricains contemporains. Le travail serait dans un premier temps, bénévole puis si nous réussissons à le faire publier, le traducteur ou la traductrice sera reconnu comme auteur et touchera donc le salaire qui lui est du (dans le cas d'une publication, que je ne peux malheureusement assurer.)
Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire,
Si un ou une de vos élèves est interessé, contactez-moi,
Cordialement,
Stéphanie MAZE
steph_maze@hotmail.com
dimanche 23 novembre 2008
Une riche découverte !
On s'en doutait, mais voici une référence qui met concrètement en évidence que nous ne sommes pas les seuls à travailler à l'élaboration d'une plate-forme de la traduction littéraire. Je viens en effet de trouver cet excellent blog, dont je vous conseille la consultation régulière : http://www.anyword.fr/blog/category/presse/
Nathalie nous lance un défi…
En photo : merci à Ugogo Quinnko
Mode d'emploi et règles du jeu :
Il s'agit que chacun traduise les quelques lignes placées à la suite, extraites de « Cartas marruecas ». Le but n'est pas de se couler le plus fidèlement possible dans le moule du texte de départ pour le rendre avec justesse, de lexique, de ton, etc. c'est-à-dire, en somme, de faire ce que nous nous efforçons de faire habituellement… pour devenir de bon traducteurs. Non, en l'occurrence, nous allons multiplier les transgressions, puisque chacun devra pleinement, et en toute liberté, s'approprier le support pour en donner sa propre version en fonction du filtre qu'il se sera donné au départ… en une sorte d'exercice de style à la Queneau ou de "tirade des nez" de Cyrano. Il va de soi que tout peut changer… tout sauf l'essentiel, à savoir le sens. Le règlement du jeu est très strict sur ce point.
(Pour le formatage de votre travail : le mot clé (le filtre) est dévoilé au départ et vient ensuite la traduction).
Nathalie ouvrira sans doute le bal…
Toute la question étant de savoir qui remportera la Shiva d'or… de la semaine.
[En España] son muchos millares de hombres los que se levantan muy tarde ; toman chocolate muy caliente y agua fría ; se visten ; salen a la plaza ; ajustan un par de pollos ; oyen misa ; vuelven a la plaza ; dan cuatro paseos ; se informan en qué estado se hallan los chismes y habladuría del lugar ; vuelven a casa ; comen muy despacio ; duermen la siesta ; se levantan ; dan un paseo al campo ; vuelven a casa ; refrescan ; van a la tertulia ; juegan a la malilla ; vuelven a su casa ; rezan ; cenan y se meten en la cama.
Jacqueline :
MOT CLÉ : Ni putes ni soumises
(En Espagne) sévissent des milliers de machos qui se lèvent à pas d’heure ; avant de s’prendre un cacao tout chaud et de l’eau bien fraîche ; et puis qui se pomponnent ; vont faire leur p’tit tour sur la place ; y rabibochent deux galopins ; avant d’aller écouter la parole divine ; et se retrouvent sur la place ; y tournent en rond trois ou quatre fois ; en profitent pour faire le plein du jour des cancans et des potins ; rappliquent au râtelier ; bouffent en prenant tout leur temps ; piquent un p’tit roupillon ; émergent… De rats des villes, deviennent alors rats des champs ; et s’en retournent chez mémère ; pour se rafraîchir ; avant d’aller jacter en groupe ; se perdre à la manille ; et revenir au râtelier ; où ils s’adressent à Dieu ; avant d’aller casser la graine. Et de se mettre au pieu.
Mode d'emploi et règles du jeu :
Il s'agit que chacun traduise les quelques lignes placées à la suite, extraites de « Cartas marruecas ». Le but n'est pas de se couler le plus fidèlement possible dans le moule du texte de départ pour le rendre avec justesse, de lexique, de ton, etc. c'est-à-dire, en somme, de faire ce que nous nous efforçons de faire habituellement… pour devenir de bon traducteurs. Non, en l'occurrence, nous allons multiplier les transgressions, puisque chacun devra pleinement, et en toute liberté, s'approprier le support pour en donner sa propre version en fonction du filtre qu'il se sera donné au départ… en une sorte d'exercice de style à la Queneau ou de "tirade des nez" de Cyrano. Il va de soi que tout peut changer… tout sauf l'essentiel, à savoir le sens. Le règlement du jeu est très strict sur ce point.
(Pour le formatage de votre travail : le mot clé (le filtre) est dévoilé au départ et vient ensuite la traduction).
Nathalie ouvrira sans doute le bal…
Toute la question étant de savoir qui remportera la Shiva d'or… de la semaine.
Extrait de « Cartas Marruecas » de José Cadalso
[En España] son muchos millares de hombres los que se levantan muy tarde ; toman chocolate muy caliente y agua fría ; se visten ; salen a la plaza ; ajustan un par de pollos ; oyen misa ; vuelven a la plaza ; dan cuatro paseos ; se informan en qué estado se hallan los chismes y habladuría del lugar ; vuelven a casa ; comen muy despacio ; duermen la siesta ; se levantan ; dan un paseo al campo ; vuelven a casa ; refrescan ; van a la tertulia ; juegan a la malilla ; vuelven a su casa ; rezan ; cenan y se meten en la cama.
Jacqueline :
MOT CLÉ : Ni putes ni soumises
(En Espagne) sévissent des milliers de machos qui se lèvent à pas d’heure ; avant de s’prendre un cacao tout chaud et de l’eau bien fraîche ; et puis qui se pomponnent ; vont faire leur p’tit tour sur la place ; y rabibochent deux galopins ; avant d’aller écouter la parole divine ; et se retrouvent sur la place ; y tournent en rond trois ou quatre fois ; en profitent pour faire le plein du jour des cancans et des potins ; rappliquent au râtelier ; bouffent en prenant tout leur temps ; piquent un p’tit roupillon ; émergent… De rats des villes, deviennent alors rats des champs ; et s’en retournent chez mémère ; pour se rafraîchir ; avant d’aller jacter en groupe ; se perdre à la manille ; et revenir au râtelier ; où ils s’adressent à Dieu ; avant d’aller casser la graine. Et de se mettre au pieu.
***
Une lectrice nous propose sa version :
MOT CLÉ : XVIIIe siècle
En vérité, l'Ibère a volontiers coutume de délaisser sa couche fort tard, et de se désaltérer de chocolat bouillant autant que d'eau glacée ; après quoi l'on s'apprête, l'on se rend sur la place, l'on marchande deux volailles, chante Laudes, va remontrer son museau sur la place, où l'on badaude mollement, tout ouïe pour caquets et commérages ; puis l'on regagne son logis où l'on dîne avec indolence avant que de prendre le repos de relevée ; l'on se désengourdit, se livre à une promenade champêtre et rentre chez soi ; une fois ragaillardi, l'on a d'ordinaire la fantaisie d'aller babiller à perte d'haleine en jouant à la manille, et – le croirez-vous ! – l'on finit en ses pénates, à prier Dieu, souper et se coucher dans son lit.
MOT CLÉ : XVIIIe siècle
En vérité, l'Ibère a volontiers coutume de délaisser sa couche fort tard, et de se désaltérer de chocolat bouillant autant que d'eau glacée ; après quoi l'on s'apprête, l'on se rend sur la place, l'on marchande deux volailles, chante Laudes, va remontrer son museau sur la place, où l'on badaude mollement, tout ouïe pour caquets et commérages ; puis l'on regagne son logis où l'on dîne avec indolence avant que de prendre le repos de relevée ; l'on se désengourdit, se livre à une promenade champêtre et rentre chez soi ; une fois ragaillardi, l'on a d'ordinaire la fantaisie d'aller babiller à perte d'haleine en jouant à la manille, et – le croirez-vous ! – l'on finit en ses pénates, à prier Dieu, souper et se coucher dans son lit.
***
Nathalie nous propose sa traduction :
MOT-CLÉ : Conte de fées
Il y a bien longtemps, vivait, dans le lointain royaume d’Hispanie, un peuple très étrange où les hommes menaient une existence toute singulière : réellement, ils se levaient fort tard ; prenaient une tasse de chocolat chaud et un verre d’eau fraîche ; se paraient de leurs plus beaux atours et se rendaient, incontinent, sur la place ; choisissaient les mets les plus exquis ; allaient écouter la Bonne Parole ; revenaient sur la place ; faisaient, posément, quelques pas ; s’informaient des nouvelles et autres propos qui circulaient dans la cité ; s’en retournaient au logis ; dînaient le plus calmement du monde ; s’octroyaient un long moment de repos ; abandonnaient leur couche ; allaient se promener dans les champs alentour ; s’en retournaient au logis ; faisaient quelques ablutions; rejoignaient le cercle de leurs pairs ; jouaient à la manille ; retrouvaient leur humble demeure ; récitaient le Notre-Père ; se sustentaient frugalement et regagnaient leur alcôve.
MOT-CLÉ : Conte de fées
Il y a bien longtemps, vivait, dans le lointain royaume d’Hispanie, un peuple très étrange où les hommes menaient une existence toute singulière : réellement, ils se levaient fort tard ; prenaient une tasse de chocolat chaud et un verre d’eau fraîche ; se paraient de leurs plus beaux atours et se rendaient, incontinent, sur la place ; choisissaient les mets les plus exquis ; allaient écouter la Bonne Parole ; revenaient sur la place ; faisaient, posément, quelques pas ; s’informaient des nouvelles et autres propos qui circulaient dans la cité ; s’en retournaient au logis ; dînaient le plus calmement du monde ; s’octroyaient un long moment de repos ; abandonnaient leur couche ; allaient se promener dans les champs alentour ; s’en retournaient au logis ; faisaient quelques ablutions; rejoignaient le cercle de leurs pairs ; jouaient à la manille ; retrouvaient leur humble demeure ; récitaient le Notre-Père ; se sustentaient frugalement et regagnaient leur alcôve.
samedi 22 novembre 2008
Mes premiers pas d'apprentie traductrice : Nathalie
Avant/après
Comme la rentrée me semble loin… Nos journées sont si remplies que je ne vois pas le temps passer. Si je m’arrête un instant et que je regarde en arrière, je mesure le chemin déjà parcouru (bien modeste en comparaison de la longue route qui nous attend). Ces premières semaines de rodage m’ont permis de faire connaissance avec un nouvel environnement et m’ont réservé quelques surprises, certaines heureuses et d’autres moins. Je réalise maintenant que le métier de la traduction littéraire n’a pas grand-chose à voir avec l’image que je m’en faisais. Et c’est peut-être mieux ainsi. Me voilà obligée de sortir de ma réserve et d’adopter une nouvelle façon de penser et d’approcher les textes. Je découvre des méthodes de travail et des univers linguistiques qui m’étaient peu familiers jusque-là. Mais stimulée par la dynamique du groupe, j’avance et j’essaie de trouver ma place. Je me lève le matin motivée par la perspective d’une longue journée d’apprentissage. Et ça fait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Finalement, j’apprécie d’être à nouveau une simple étudiante. Et cette année de formation est loin d’être terminée ; que me réservent les ateliers d’écriture, les séances de tutorat et le stage ? De nouvelles rencontres, de nouvelles découvertes… L’imprévu a du bon.
Nathalie Lavigne
Libellés :
Billets des apprentis,
promo Anne Dacier
Un petit billet de Nathalie
En photo : María Elena Rábago
La littérature « jeunesse » représente 15 % du secteur éditorial français, soit 8 000 titres sur les 60 000 qui paraissent chaque année ; la moitié sont des rééditions et l’autre moitié des nouveautés : 62 % de fiction, 22 % de documentaires et 16 % d’ouvrages d’éveil pour les tout-petits.
On compte environ 150 maisons d’édition pour la jeunesse (certaines, comme l’Ecole des Loisirs, ne proposent que des ouvrages pour la jeunesse ; d’autres, à l’instar de Larousse Jeunesse, ont créé un département spécialisé ou des collections spécifiques). Voici les maisons d’édition les plus importantes (à elles seules, elles concentrent 63 % de la production dans le secteur « jeunesse ») :
- Gallimard Jeunesse (Harry Potter)
- Hachette Jeunesse (Bibliothèques Rose et Verte, Babar, Franklin, Disney…)
- Pocket Jeunesse (Sabrina la sorcière, les jumelles, Star Wars…)
- Flammarion-Père Castor (albums du Père Castor)
- Nathan Jeunesse (T’choupi)
- Bayard Jeunesse (Tom-Tom et Nana)
- Fleurus Jeunesse (collection « l’imagerie de… »)
- Milan (documentaires, dictionnaires, encyclopédies…)
- Larousse Jeunesse (collection « mon premier… »).
Le secteur « jeunesse » a beaucoup évolué depuis les années 70 : la visée éducative ou pédagogique voire moralisatrice a fait place à une représentation réaliste du quotidien de l’enfant (au sein de sa famille, à l’école…) et, plus récemment, à la création d’univers fantastiques qui permettent aux jeunes lecteurs de vivre des aventures hors du commun.
Par ailleurs, l’introduction du livre dans la grande distribution (les pionniers, dans ce domaine, ont été les magasins E. Leclerc), a favorisé le développement de stratégies marketing comme l’apparition de couvertures attractives et pas seulement pour les nouveautés (ainsi, Les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur est régulièrement réédité avec une jaquette nouvelle, plus colorée, plus stylisée). Quant au « phénomène » Harry Potter, il a introduit le format adulte, qui rompt avec l’hégémonie du format poche dans ce secteur, l’organisation de campagnes de promotion médiatiques… Désormais, les livres pour la jeunesse sont des produits (culturels) comme les autres.
Le marché de la littérature « jeunesse » est très segmenté, essentiellement pour des raisons de lisibilité ; cette segmentation s’opère :
- par genres (roman policier, science-fiction, histoires de vie, journaux intimes…),
- par âge (en-dessous de 3 ans, entre 3 et 6 ans, 7 et 9 ans…) ; cette présentation par classes d’âge, plus ou moins flexibles, étant trop réductrice, Milan a préféré adopter les mentions suivantes : « benjamin », « cadet » et « junior ») ;
- par sexes (depuis une dizaine d’années, on trouve sur les couvertures les mentions « pour filles » ou « pour garçons », distinctions tombées en désuétude depuis les années 70).
Les meilleures ventes, ces dernières années, sont liées à un film ou une série TV, ce qui permet de mettre en œuvre une vaste opération de merchandising : Harry Potter, Star Wars, Le monde de Narnia, Arthur, Titeuf… Le problème avec Harry Potter ou certains titres de BD destinés aux jeunes lecteurs (Titeuf, Tintin ou Le petit Nicolas), c’est qu’ils sont également lus par des adultes, ce qui élargit considérablement le public de la littérature dite pour la jeunesse, remettant ainsi en cause sa dénomination même.
Compte tenu de la vitalité de ce secteur éditorial, on a vu apparaître une importante presse prescriptive (Pomme d’api, Popi, J’aime lire…) ainsi que de nombreuses manifestations régionales, la plus importante étant le Salon du livre et de la presse « jeunesse » de Montreuil (qui ouvre ses portes la semaine prochaine, le 26 novembre ; pour plus d’informations, je vous renvois à cette adresse : www.salon-livre-presse-jeunesse.net). Il existe même une foire internationale qui a lieu chaque année à Bologne.
Quant aux prix décernés aux meilleurs titres, ils ont remis par les maisons d’édition ou lors des différents salons : on peut citer le prix « Baobab » (pour le meilleur album), le prix « Tam-Tam » (roman, BD et manga)), le prix « Saint-Exupéry » ou le prix « Sorcières »…
Pour finir, voici quelques auteurs français dont les titres connaissent un grand succès en France et en Europe :
- Pierre BOTTERO (1964) : Ewilan, Ellana (heroic fantasy)
- Fabrice COLIN (1972) : Le grimoire de Merlin (2007)
- Erik L’HOMME (1967) : Phaenomen (thriller fantastique)
- Jean-Claude MOURLEVAT (1952) : L’enfant océan
- Sophie AUDOUIN MAMIKONIAN (1961) : Tara Duncan (2003)
- Annie PIETRI (1956) : Les orangers de Versailles, L’espionne du Roi Soleil…
La majorité des traductions dans le secteur « jeunesse » se font à partir de titres anglais ; les auteurs espagnols récemment traduits sont : Bernado ATXAGA (Shola), Mariasun LANDA (Iholdi et autres histoires), Elvira LINDO (Manolito Gafotas), Andreu MARTIN ( aventures du détective Flanagan)…
La littérature de jeunesse en France
La littérature « jeunesse » représente 15 % du secteur éditorial français, soit 8 000 titres sur les 60 000 qui paraissent chaque année ; la moitié sont des rééditions et l’autre moitié des nouveautés : 62 % de fiction, 22 % de documentaires et 16 % d’ouvrages d’éveil pour les tout-petits.
On compte environ 150 maisons d’édition pour la jeunesse (certaines, comme l’Ecole des Loisirs, ne proposent que des ouvrages pour la jeunesse ; d’autres, à l’instar de Larousse Jeunesse, ont créé un département spécialisé ou des collections spécifiques). Voici les maisons d’édition les plus importantes (à elles seules, elles concentrent 63 % de la production dans le secteur « jeunesse ») :
- Gallimard Jeunesse (Harry Potter)
- Hachette Jeunesse (Bibliothèques Rose et Verte, Babar, Franklin, Disney…)
- Pocket Jeunesse (Sabrina la sorcière, les jumelles, Star Wars…)
- Flammarion-Père Castor (albums du Père Castor)
- Nathan Jeunesse (T’choupi)
- Bayard Jeunesse (Tom-Tom et Nana)
- Fleurus Jeunesse (collection « l’imagerie de… »)
- Milan (documentaires, dictionnaires, encyclopédies…)
- Larousse Jeunesse (collection « mon premier… »).
Le secteur « jeunesse » a beaucoup évolué depuis les années 70 : la visée éducative ou pédagogique voire moralisatrice a fait place à une représentation réaliste du quotidien de l’enfant (au sein de sa famille, à l’école…) et, plus récemment, à la création d’univers fantastiques qui permettent aux jeunes lecteurs de vivre des aventures hors du commun.
Par ailleurs, l’introduction du livre dans la grande distribution (les pionniers, dans ce domaine, ont été les magasins E. Leclerc), a favorisé le développement de stratégies marketing comme l’apparition de couvertures attractives et pas seulement pour les nouveautés (ainsi, Les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur est régulièrement réédité avec une jaquette nouvelle, plus colorée, plus stylisée). Quant au « phénomène » Harry Potter, il a introduit le format adulte, qui rompt avec l’hégémonie du format poche dans ce secteur, l’organisation de campagnes de promotion médiatiques… Désormais, les livres pour la jeunesse sont des produits (culturels) comme les autres.
Le marché de la littérature « jeunesse » est très segmenté, essentiellement pour des raisons de lisibilité ; cette segmentation s’opère :
- par genres (roman policier, science-fiction, histoires de vie, journaux intimes…),
- par âge (en-dessous de 3 ans, entre 3 et 6 ans, 7 et 9 ans…) ; cette présentation par classes d’âge, plus ou moins flexibles, étant trop réductrice, Milan a préféré adopter les mentions suivantes : « benjamin », « cadet » et « junior ») ;
- par sexes (depuis une dizaine d’années, on trouve sur les couvertures les mentions « pour filles » ou « pour garçons », distinctions tombées en désuétude depuis les années 70).
Les meilleures ventes, ces dernières années, sont liées à un film ou une série TV, ce qui permet de mettre en œuvre une vaste opération de merchandising : Harry Potter, Star Wars, Le monde de Narnia, Arthur, Titeuf… Le problème avec Harry Potter ou certains titres de BD destinés aux jeunes lecteurs (Titeuf, Tintin ou Le petit Nicolas), c’est qu’ils sont également lus par des adultes, ce qui élargit considérablement le public de la littérature dite pour la jeunesse, remettant ainsi en cause sa dénomination même.
Compte tenu de la vitalité de ce secteur éditorial, on a vu apparaître une importante presse prescriptive (Pomme d’api, Popi, J’aime lire…) ainsi que de nombreuses manifestations régionales, la plus importante étant le Salon du livre et de la presse « jeunesse » de Montreuil (qui ouvre ses portes la semaine prochaine, le 26 novembre ; pour plus d’informations, je vous renvois à cette adresse : www.salon-livre-presse-jeunesse.net). Il existe même une foire internationale qui a lieu chaque année à Bologne.
Quant aux prix décernés aux meilleurs titres, ils ont remis par les maisons d’édition ou lors des différents salons : on peut citer le prix « Baobab » (pour le meilleur album), le prix « Tam-Tam » (roman, BD et manga)), le prix « Saint-Exupéry » ou le prix « Sorcières »…
Pour finir, voici quelques auteurs français dont les titres connaissent un grand succès en France et en Europe :
- Pierre BOTTERO (1964) : Ewilan, Ellana (heroic fantasy)
- Fabrice COLIN (1972) : Le grimoire de Merlin (2007)
- Erik L’HOMME (1967) : Phaenomen (thriller fantastique)
- Jean-Claude MOURLEVAT (1952) : L’enfant océan
- Sophie AUDOUIN MAMIKONIAN (1961) : Tara Duncan (2003)
- Annie PIETRI (1956) : Les orangers de Versailles, L’espionne du Roi Soleil…
La majorité des traductions dans le secteur « jeunesse » se font à partir de titres anglais ; les auteurs espagnols récemment traduits sont : Bernado ATXAGA (Shola), Mariasun LANDA (Iholdi et autres histoires), Elvira LINDO (Manolito Gafotas), Andreu MARTIN ( aventures du détective Flanagan)…
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promo Anne Dacier
Un petit billet de Jacqueline : Tradabordo aura-t-il sa mascotte ?
Une mascotte ?
Mardi 18 novembre : tradenrababordo ; un de ces délicieux textes croustillants (Padura Fuentes, Pasado perfecto) dont Caroline a le secret. Je fais humblement remarquer la densité du propos (voir dessin ci-dessous) ; notre mentor relève aussitôt le bras au bond (en outre, nous étions dans une partie de base-ball, ça tombait bien) qui tenait cette idée lumineuse et me propose sans avoir l'air d'y toucher : « Et si tu faisais un post sur le sujet ? » Tous les bras m'en sont tombés d'un coup mais je n'ai pas tardé à les relever ainsi que le gant qui m'était lancé pour vous proposer cette mascotte. Après tout cela nous manque dans cette formation. J'aurais pu envisager un mille-pattes – trop terre à terre –, une valse à mille temps – trop étourdissant –, un millefeuilles – trop calorique –, le livre des 1001 nuits – trop onirique –, voici Shiva. Évidemment, olivier risque d'avoir du mal à se reconnaître dans une figure féminine ! Après quoi, vite un sondage, puis un vote. À nos ordis, stylos et autres burins…
La "vraie Shiva"
Les quatre bras : les quatre bras sont le symboles de la domination universelle. Ils représentent les quatre directions de l'espace et indiquent la maîtrise sur les éléments. Ce symbole correspond à celui de la croix et celui de la roue. Dans certains de ses aspects a dix bras en rapport avec ses cinq visages.
Libellés :
Billets des apprentis,
promo Anne Dacier
vendredi 21 novembre 2008
"La traducción del francés al español (lengua segunda terminal) en una perspectiva textual", par Ricardo Serrano
http://id.erudit.org/iderudit/004092ar
Des dicos à gogo et deux ou trois bricoles utiles
Le traducteur n'étant jamais assez savant ou suffisamment renseigné, je complète notre bibliothèque virtuelle :
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/ressources/index.htm
Le thème et la version des agrégatifs
À l'heure qu'il est, 9h14 pour être exacte, je suis en train de surveiller le devoir de version et de thème de nos candidats à l'agrégation et, évidemment, j'ai une pensée pour vous. Est-il possible, désormais, qu'une version et un thème passent sous mes yeux sans qu'il en soit ainsi ? « Qu'en ferions-nous ensemble, de ce petit texte ? », telle est la question, gourmande et légèrement arrogante. Et là, je me dis qu'il est dommage que vous ne participez pas, au moins virtuellement, à l'effort collectif. Pour ceux qui ont envie et un peu de temps, voici les sujets (à faire en 6 heures) :
Thème (choisi par Geneviève Champeau)
Une querelle
Longtemps, il se soulagea, reprochant à sa femme ses sorties continuelles, ses visites aux quatre coins de Paris, ses toilettes, son luxe qu'il ne pouvait entretenir. Est-ce qu'il était raisonnable, dans leur situation, de rester dehors jusqu'à des onze heures du soir, avec des robes de soie rose, brodées de blanc ? Quand on avait de ces goûts-là, on apportait cinq cent mille francs de dot. D'ailleurs, il connaissait bien la coupable : c'était la mère imbécile qui élevait ses filles à manger des fortunes, sans avoir seulement de quoi leur coller une chemise sur le dos, le jour de leur mariage.
— Ne dites pas du mal de maman ! cria Berthe, relevant la tête, exaspérée à la fin. On n'a rien à lui reprocher, elle a fait son devoir… Et votre famille, elle est propre ! Des gens qui ont tué leur père !
Octave s'était plongé dans ses étiquettes, en affectant de ne pas entendre. Mais, du coin de l'œil, il suivait la querelle, et guettait Saturnin, qui, frémissant, avait cessé de frotter la glace, les poings serrés, les yeux ardents, près de sauter à la gorge du mari.
— Laissons nos familles, reprit ce dernier. Nous avons assez de notre ménage… Écoutez, vous allez changer de train, car je ne donnerai plus un sou pour ces bêtises. Oh ! c'est une résolution formelle. Votre place est ici, dans votre comptoir, en robe simple, comme les femmes qui se respectent… Et si vous faites des dettes, nous verrons.
Berthe restait suffoquée, devant cette main de mari brutal portée sur ses habitudes, ses plaisirs, ses robes. C'était un arrachement de tout ce qu'elle aimait, de tout ce qu'elle avait rêvé en se mariant. Mais, par une tactique de femme, elle ne montra pas la blessure dont elle saignait, elle donna un prétexte à la colère qui gonflait son visage, et répéta avec plus de violence :
— Je ne souffrirai pas que vous insultiez maman !
Auguste haussait les épaules.
— Votre mère ! mais tenez ! vous lui ressemblez, vous devenez laide, quand vous vous mettez dans cet état… Oui, je ne vous reconnais plus, c'est elle qui revient. Ma parole, ça me fait peur !
Du coup, Berthe se calma, et le regardant en face :
— Allez donc dire à maman ce que vous disiez tout à l'heure, pour voir comment elle vous flanquera dehors.
— Ah ! elle me flanquera dehors ! cria le mari furieux. Eh bien ! je monte le lui dire tout de suite.
— Ne dites pas du mal de maman ! cria Berthe, relevant la tête, exaspérée à la fin. On n'a rien à lui reprocher, elle a fait son devoir… Et votre famille, elle est propre ! Des gens qui ont tué leur père !
Octave s'était plongé dans ses étiquettes, en affectant de ne pas entendre. Mais, du coin de l'œil, il suivait la querelle, et guettait Saturnin, qui, frémissant, avait cessé de frotter la glace, les poings serrés, les yeux ardents, près de sauter à la gorge du mari.
— Laissons nos familles, reprit ce dernier. Nous avons assez de notre ménage… Écoutez, vous allez changer de train, car je ne donnerai plus un sou pour ces bêtises. Oh ! c'est une résolution formelle. Votre place est ici, dans votre comptoir, en robe simple, comme les femmes qui se respectent… Et si vous faites des dettes, nous verrons.
Berthe restait suffoquée, devant cette main de mari brutal portée sur ses habitudes, ses plaisirs, ses robes. C'était un arrachement de tout ce qu'elle aimait, de tout ce qu'elle avait rêvé en se mariant. Mais, par une tactique de femme, elle ne montra pas la blessure dont elle saignait, elle donna un prétexte à la colère qui gonflait son visage, et répéta avec plus de violence :
— Je ne souffrirai pas que vous insultiez maman !
Auguste haussait les épaules.
— Votre mère ! mais tenez ! vous lui ressemblez, vous devenez laide, quand vous vous mettez dans cet état… Oui, je ne vous reconnais plus, c'est elle qui revient. Ma parole, ça me fait peur !
Du coup, Berthe se calma, et le regardant en face :
— Allez donc dire à maman ce que vous disiez tout à l'heure, pour voir comment elle vous flanquera dehors.
— Ah ! elle me flanquera dehors ! cria le mari furieux. Eh bien ! je monte le lui dire tout de suite.
Émile Zola, Pot-Bouille
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Version (choisie par Caroline)
Version (choisie par Caroline)
Encontró el cadáver cubierto con una manta en el catre de campaña donde había dormido siempre, cerca de un taburete con la cubeta que había servido para vaporizar el veneno. En el suelo, amarrado de la pata del catre, estaba el cuerpo tendido de un gran danés negro de pecho nevado, y junto a él estaban las muletas. El cuarto sofocante y abigarrado que hacía al mismo tiempo de alcoba y laboratorio, empezaba a iluminarse apenas con el resplandor del amanecer en la ventana abierta, pero era luz bastante para reconocer de inmediato la autoridad de la muerte. Las otras ventanas, así como cualquier resquicio de la habitación, estaban amordazadas con trapos o selladas con cartones negros, y eso aumentaba su densidad opresiva. Había un mesón atiborrado de frascos y pomos sin rótulos, y dos cubetas de peltre descascarado bajo un foco ordinario cubierto de papel rojo. La tercera cubeta, la del líquido fijador, era la que estaba junto al cadáver. Había revistas y periódicos viejos por todas partes, pilas de negativos en placas de vidrio, muebles rotos, pero todo estaba preservado del polvo por una mano diligente. Aunque el aire de la ventana había purificado el ámbito, aún quedaba para quien supiera identificarlo el rescoldo tibio de los amores sin ventura de las almendras amargas. El doctor Juvenal Urbino había pensado más de una vez, sin ánimo premonitorio, que aquel no era un lugar propicio para morir en gracia de Dios. Pero con el tiempo terminó por suponer que su desorden obedecía tal vez a una determinación cifrada de la Divina Providencia.
Un comisario de policía se había adelantado con un estudiante de medicina muy joven que hacía su práctica forense en el dispensario municipal, y eran ellos quienes habían ventilado la habitación y cubierto el cadáver mientras llegaba el doctor Urbino. Ambos lo saludaron con una solemnidad que esa vez tenía más de condolencia que de veneración, pues nadie ignoraba el grado de su amistad con Jeremiah de Saint-Amour. El maestro eminente estrechó la mano de ambos, como lo hacía desde siempre con cada uno de sus alumnos antes de empezar la clase diaria de clínica general, y luego agarró el borde de la manta con las yemas del índice y el pulgar, como si fuera una flor, y descubrió el cadáver palmo a palmo con una parsimonia sacramental. Estaba desnudo por completo, tieso y torcido, con los ojos abiertos y el cuerpo azul, y como cincuenta años más viejo que la noche anterior. Tenía las pupilas diáfanas, la barba y los cabellos amarillentos, y el vientre atravesado por una cicatriz antigua cosida con nudos de enfardelar. Su torso y sus brazos tenían una envergadura de galeote por el trabajo de las muletas, pero sus piernas inermes parecían de huérfano. El doctor Juvenal Urbino lo contempló un instante con el corazón adolorido como muy pocas veces en los largos años de su contienda estéril contra la muerte.
Gabriel García Márquez, El amor en los tiempos del cólera, 1985.
***
***
Odile nous propose sa traduction :
Il trouva le cadavre recouvert d'un plaid, sur le lit de camping où il avait toujours dormi, près d'un tabouret supportant le bac qui avait servi à diffuser le poison en vapeur. Sur le sol, attaché au pied du lit, gisait le corps étendu d'un grand chien danois au poitrail blanc de neige, et près de lui se trouvaient les béquilles. La pièce étouffante et surchargée, qui servait à la fois de chambre et de laboratoire, était à peine éclairée par le reflet de l'aube sur la fenêtre ouverte, mais cette lumière suffisait pour reconnaître d'emblée la présence de la mort. Les autres fenêtres, tout comme la moindre fente de la pièce, étaient comblées par des chiffons ou fermées par des cartons noirs ce qui rendait l'encombrement plus oppressant encore. Il y avait une table surchargée de flacons, de récipients sans étiquettes et deux bacs d'étain écroûté sous une simple lampe couverte de papier rouge. Le troisième bac, celui contenant le liquide fixateur, se trouvait près du cadavre. Il y avait des magazines et des vieux journaux partout, des piles de négatifs sur des plaques de verre, des meubles cassés, mais tout était protégé de la poussière par une main soigneuse. Même si l'air, entré par la fenêtre avait purifié l'atmosphère, il restait encore, pour qui saurait la reconnaître, l'odeur d' amande amère rappelant les braises tièdes des amours malheureuses. Plus d'une fois, le docteur Juvenal Urbino avait pensé, sans prémonition, que cet endroit n'était pas un lieu propice pour mourir dans la grâce de Dieu. Mais, au fil du temps, il finit par supposer que son désordre obéissait peut-être à une volonté codée de la Divine Providence. Un commissaire de police s'était avancé, accompagné d' un très jeune étudiant qui faisait sa pratique de médecine légale au dispensaire municipal; c'était eux qui avaient aéré la pièce et couvert le cadavre tandis qu'arrivait le docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une certaine solennité, mais cette fois, elle tenait davantage des condoléances que de la vénération, car personne n'ignorait l'intensité de son amitié avec Jeremiah de Saint-Amour. L'éminent maître leur serra la main, comme il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant le commencer la classe quotidienne de médecine générale, puis il attrapa le bord de la couverture du bout de l'index et du pouce, comme s'il s'agissait d'une fleur, et découvrit le cadavre centimètre par centimètre, avec une lenteur quasi sacrée. Il était entièrement nu, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir vieilli de cinquante ans par rapport à la nuit précédente. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres, et le ventre traversé par une ancienne cicatrice cousue par des noeuds grossiers. Son torse et ses bras avaient une carrure de galérien due à l'effort de la marche avec les béquilles, mais ses jambes inermes semblaient celles d'un enfant. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant, le coeur peiné, ce qui lui était rarement arrivé au cours des longues années de son combat stérile contre la mort.
La traduction « officielle» de la version, par Annie Morvan, pour les éditions Grasset, 1987.
Il trouva le cadavre recouvert d’un drap sur le châlit où il avait toujours dormi, près d’un tabouret avec la cuvette qui avait servi à l’évaporation du poison. Par terre, attaché au pied du châlit, il y avait le corps allongé d’un grand danois au poitrail de neige et, près de lui, les béquilles. Par la fenêtre, la splendeur de l’aube commençait à peine à éclairer la pièce suffocante et bigarrée qui servait à la fois d’alcôve et de laboratoire, mais la lumière était suffisante pour que l’on reconnût d’emblée l’autorité de la mort. Les autres fenêtres, ainsi que toutes les fissures de la pièce, étaient calfeutrées avec des chiffons ou scellées de cartons noirs, ce qui augmentait son oppressante densité. Il y avait une grande table jonchée de flacons et de pots sans étiquettes et, sous une ampoule ordinaire recouverte de papier rouge, deux cuvettes en potin gris ébréché. La troisième cuvette, celle du fixateur, était celle-là même trouvée près du cadavre. Et partout des revues et des vieux journaux, des piles de négatifs en plaque de verre, des meubles cassés, mais tout était préservé de la poussière par une main diligente. Bien que l’air de la fenêtre eût purifié l’atmosphère, demeurait encore, pour qui savait l’identifier, la cendre tiède des amours infortunées des amandes amères. Le docteur Juvenal Urbino avait plus d’une fois pensé, sans esprit de prémonition, que cet endroit n’était guère propice pour mourir dans la grâce du Seigneur. Mais avec le temps il avait fini par supposer que son désordre obéissait peut-être à une détermination calculée de la divine providence.
Un commissaire de police l’avait précédé, accompagné d’un tout jeune étudiant en médecine qui faisait son stage de médecine légale au dispensaire municipal, et c’étaient eux qui avaient aéré la pièce et recouvert le cadavre en attendant l’arrivée du docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une solennité qui, cette fois, tenait plus des condoléances que de la vénération, car personne n’ignorait l’étroite amitié qui le liait à Jeremiah de Saint-Amour. L’éminent maître leur serra la main, ainsi qu’il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant de commencer son cours de clinique générale. Puis il prit le bord du drap entre le pouce et l’index comme s’il s’agissait d’une fleur, et découvrit peu à peu le cadavre avec une parcimonie sacramentelle. Il était nu comme un ver, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir cinquante ans de plus que la veille. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres et le ventre traversé d’une ancienne cicatrice cousue avec des nœuds de vache. L’envergure du torse et des bras était celle d’un galérien, à cause du travail des béquilles, mais ses jambes sans défense semblaient appartenir à un orphelin. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant le cœur douloureux comme peu souvent il lui était arrivé de l’avoir au cours de ses longues années de joute stérile contre la mort.
Il trouva le cadavre recouvert d’un drap sur le châlit où il avait toujours dormi, près d’un tabouret avec la cuvette qui avait servi à l’évaporation du poison. Par terre, attaché au pied du châlit, il y avait le corps allongé d’un grand danois au poitrail de neige et, près de lui, les béquilles. Par la fenêtre, la splendeur de l’aube commençait à peine à éclairer la pièce suffocante et bigarrée qui servait à la fois d’alcôve et de laboratoire, mais la lumière était suffisante pour que l’on reconnût d’emblée l’autorité de la mort. Les autres fenêtres, ainsi que toutes les fissures de la pièce, étaient calfeutrées avec des chiffons ou scellées de cartons noirs, ce qui augmentait son oppressante densité. Il y avait une grande table jonchée de flacons et de pots sans étiquettes et, sous une ampoule ordinaire recouverte de papier rouge, deux cuvettes en potin gris ébréché. La troisième cuvette, celle du fixateur, était celle-là même trouvée près du cadavre. Et partout des revues et des vieux journaux, des piles de négatifs en plaque de verre, des meubles cassés, mais tout était préservé de la poussière par une main diligente. Bien que l’air de la fenêtre eût purifié l’atmosphère, demeurait encore, pour qui savait l’identifier, la cendre tiède des amours infortunées des amandes amères. Le docteur Juvenal Urbino avait plus d’une fois pensé, sans esprit de prémonition, que cet endroit n’était guère propice pour mourir dans la grâce du Seigneur. Mais avec le temps il avait fini par supposer que son désordre obéissait peut-être à une détermination calculée de la divine providence.
Un commissaire de police l’avait précédé, accompagné d’un tout jeune étudiant en médecine qui faisait son stage de médecine légale au dispensaire municipal, et c’étaient eux qui avaient aéré la pièce et recouvert le cadavre en attendant l’arrivée du docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une solennité qui, cette fois, tenait plus des condoléances que de la vénération, car personne n’ignorait l’étroite amitié qui le liait à Jeremiah de Saint-Amour. L’éminent maître leur serra la main, ainsi qu’il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant de commencer son cours de clinique générale. Puis il prit le bord du drap entre le pouce et l’index comme s’il s’agissait d’une fleur, et découvrit peu à peu le cadavre avec une parcimonie sacramentelle. Il était nu comme un ver, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir cinquante ans de plus que la veille. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres et le ventre traversé d’une ancienne cicatrice cousue avec des nœuds de vache. L’envergure du torse et des bras était celle d’un galérien, à cause du travail des béquilles, mais ses jambes sans défense semblaient appartenir à un orphelin. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant le cœur douloureux comme peu souvent il lui était arrivé de l’avoir au cours de ses longues années de joute stérile contre la mort.
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Odile nous propose sa traduction :
Il trouva le cadavre recouvert d'un plaid, sur le lit de camping où il avait toujours dormi, près d'un tabouret supportant le bac qui avait servi à diffuser le poison en vapeur. Sur le sol, attaché au pied du lit, gisait le corps étendu d'un grand chien danois au poitrail blanc de neige, et près de lui se trouvaient les béquilles. La pièce étouffante et surchargée, qui servait à la fois de chambre et de laboratoire, était à peine éclairée par le reflet de l'aube sur la fenêtre ouverte, mais cette lumière suffisait pour reconnaître d'emblée la présence de la mort. Les autres fenêtres, tout comme la moindre fente de la pièce, étaient comblées par des chiffons ou fermées par des cartons noirs ce qui rendait l'encombrement plus oppressant encore. Il y avait une table surchargée de flacons, de récipients sans étiquettes et deux bacs d'étain écroûté sous une simple lampe couverte de papier rouge. Le troisième bac, celui contenant le liquide fixateur, se trouvait près du cadavre. Il y avait des magazines et des vieux journaux partout, des piles de négatifs sur des plaques de verre, des meubles cassés, mais tout était protégé de la poussière par une main soigneuse. Même si l'air, entré par la fenêtre avait purifié l'atmosphère, il restait encore, pour qui saurait la reconnaître, l'odeur d' amande amère rappelant les braises tièdes des amours malheureuses. Plus d'une fois, le docteur Juvenal Urbino avait pensé, sans prémonition, que cet endroit n'était pas un lieu propice pour mourir dans la grâce de Dieu. Mais, au fil du temps, il finit par supposer que son désordre obéissait peut-être à une volonté codée de la Divine Providence. Un commissaire de police s'était avancé, accompagné d' un très jeune étudiant qui faisait sa pratique de médecine légale au dispensaire municipal; c'était eux qui avaient aéré la pièce et couvert le cadavre tandis qu'arrivait le docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une certaine solennité, mais cette fois, elle tenait davantage des condoléances que de la vénération, car personne n'ignorait l'intensité de son amitié avec Jeremiah de Saint-Amour. L'éminent maître leur serra la main, comme il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant le commencer la classe quotidienne de médecine générale, puis il attrapa le bord de la couverture du bout de l'index et du pouce, comme s'il s'agissait d'une fleur, et découvrit le cadavre centimètre par centimètre, avec une lenteur quasi sacrée. Il était entièrement nu, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir vieilli de cinquante ans par rapport à la nuit précédente. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres, et le ventre traversé par une ancienne cicatrice cousue par des noeuds grossiers. Son torse et ses bras avaient une carrure de galérien due à l'effort de la marche avec les béquilles, mais ses jambes inermes semblaient celles d'un enfant. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant, le coeur peiné, ce qui lui était rarement arrivé au cours des longues années de son combat stérile contre la mort.
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Odile nous propose sa traduction du thème :
Durante mucho tiempo se alivió, reprochándole a su mujer sus salidas incesantes, sus visitas en los cuatro puntos de París, sus atuendos, su lujo que él no podía mantener. A ver si era razonable, en la situación en la que se encontraban, de salir hasta las once de la noche, luciendo vestidos de seda rosa, bordados de blanco? Cuando una tenía tales gustos pues traía quinientos mil francos de dote. Además, bien conocía a la culpable : era la madre imbécil que les enseñaba a sus hijas como acabar con una fortuna, sin tener ni siquiera una camisa para ponerles encima el día de su boda.
- ¡No hablé mal de mamá! gritó Berthe, levantado la cabeza, ya exaperada. No se tiene nada que reprocharle, ha cumplido con su deber..... Su familia sí que no es muy honrada ! Gente que mató a su padre! Octave se había engolfado en sus etiquetas, haciendo el que no oye. Pero, de reojo, , seguía la pelea, y epiaba a Saturnin, el cual, estremecido, había dejado de frotar el espejo, los puños apretados, los ojos furiosos, dispuesto a estrangular el marido.
- Dejemos a nuestras familias, dijo este. Bastante tenemos con nuestro matrimonio ….. Mire, va a dejarse de lujos porque no voy a dar ni un céntimo más para esas tonterías. ¡Sí!, es una resolución firme. Su sitio está aqui, en vuestro mostrador, vestida sencillamente, como las mujeres decentes. ….Y si viene con deudas, ya veremos lo que pasará. Berthe se quedaba atónita, ante esta mano de marido brutal tocando a sus costumbres, sus placeres, sus vestidos. Era un desgaje de todo lo que ella amaba, de todo lo que había soñado al casarse. Pero, con una astucia de mujer, no dejó ver la herida que la desangraba, dio un motivo a la ira que le hinchaba la cara y volvió a decir, con más violencia :
- No soportaré que insulte a mi madre!
Auguste levantó los hombros.
- Su madre! ¡Mire!, usted se le parece, se vuelve fea cuando se pone así...Sí, no la conozco ahora, veo a su madre . ¡De verdad, eso me espanta!
Berthe se serenó y, mirándolo de frente :
- Váyase pues a repetir a mamá lo que decía hace un rato, y verá como lo echa de casa.
- ¡ Sí! ¡Me echará afuera! gritó el marido enfurecido. Pues muy bien! Ahora mismo subo a decírselo.
Durante mucho tiempo se alivió, reprochándole a su mujer sus salidas incesantes, sus visitas en los cuatro puntos de París, sus atuendos, su lujo que él no podía mantener. A ver si era razonable, en la situación en la que se encontraban, de salir hasta las once de la noche, luciendo vestidos de seda rosa, bordados de blanco? Cuando una tenía tales gustos pues traía quinientos mil francos de dote. Además, bien conocía a la culpable : era la madre imbécil que les enseñaba a sus hijas como acabar con una fortuna, sin tener ni siquiera una camisa para ponerles encima el día de su boda.
- ¡No hablé mal de mamá! gritó Berthe, levantado la cabeza, ya exaperada. No se tiene nada que reprocharle, ha cumplido con su deber..... Su familia sí que no es muy honrada ! Gente que mató a su padre! Octave se había engolfado en sus etiquetas, haciendo el que no oye. Pero, de reojo, , seguía la pelea, y epiaba a Saturnin, el cual, estremecido, había dejado de frotar el espejo, los puños apretados, los ojos furiosos, dispuesto a estrangular el marido.
- Dejemos a nuestras familias, dijo este. Bastante tenemos con nuestro matrimonio ….. Mire, va a dejarse de lujos porque no voy a dar ni un céntimo más para esas tonterías. ¡Sí!, es una resolución firme. Su sitio está aqui, en vuestro mostrador, vestida sencillamente, como las mujeres decentes. ….Y si viene con deudas, ya veremos lo que pasará. Berthe se quedaba atónita, ante esta mano de marido brutal tocando a sus costumbres, sus placeres, sus vestidos. Era un desgaje de todo lo que ella amaba, de todo lo que había soñado al casarse. Pero, con una astucia de mujer, no dejó ver la herida que la desangraba, dio un motivo a la ira que le hinchaba la cara y volvió a decir, con más violencia :
- No soportaré que insulte a mi madre!
Auguste levantó los hombros.
- Su madre! ¡Mire!, usted se le parece, se vuelve fea cuando se pone así...Sí, no la conozco ahora, veo a su madre . ¡De verdad, eso me espanta!
Berthe se serenó y, mirándolo de frente :
- Váyase pues a repetir a mamá lo que decía hace un rato, y verá como lo echa de casa.
- ¡ Sí! ¡Me echará afuera! gritó el marido enfurecido. Pues muy bien! Ahora mismo subo a decírselo.
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