vendredi 21 novembre 2008

Le thème et la version des agrégatifs

À l'heure qu'il est, 9h14 pour être exacte, je suis en train de surveiller le devoir de version et de thème de nos candidats à l'agrégation et, évidemment, j'ai une pensée pour vous. Est-il possible, désormais, qu'une version et un thème passent sous mes yeux sans qu'il en soit ainsi ? « Qu'en ferions-nous ensemble, de ce petit texte ? », telle est la question, gourmande et légèrement arrogante. Et là, je me dis qu'il est dommage que vous ne participez pas, au moins virtuellement, à l'effort collectif. Pour ceux qui ont envie et un peu de temps, voici les sujets (à faire en 6 heures) :

Thème (choisi par Geneviève Champeau)


Une querelle


Longtemps, il se soulagea, reprochant à sa femme ses sorties continuelles, ses visites aux quatre coins de Paris, ses toilettes, son luxe qu'il ne pouvait entretenir. Est-ce qu'il était raisonnable, dans leur situation, de rester dehors jusqu'à des onze heures du soir, avec des robes de soie rose, brodées de blanc ? Quand on avait de ces goûts-là, on apportait cinq cent mille francs de dot. D'ailleurs, il connaissait bien la coupable : c'était la mère imbécile qui élevait ses filles à manger des fortunes, sans avoir seulement de quoi leur coller une chemise sur le dos, le jour de leur mariage.
— Ne dites pas du mal de maman ! cria Berthe, relevant la tête, exaspérée à la fin. On n'a rien à lui reprocher, elle a fait son devoir… Et votre famille, elle est propre ! Des gens qui ont tué leur père !
Octave s'était plongé dans ses étiquettes, en affectant de ne pas entendre. Mais, du coin de l'œil, il suivait la querelle, et guettait Saturnin, qui, frémissant, avait cessé de frotter la glace, les poings serrés, les yeux ardents, près de sauter à la gorge du mari.
— Laissons nos familles, reprit ce dernier. Nous avons assez de notre ménage… Écoutez, vous allez changer de train, car je ne donnerai plus un sou pour ces bêtises. Oh ! c'est une résolution formelle. Votre place est ici, dans votre comptoir, en robe simple, comme les femmes qui se respectent… Et si vous faites des dettes, nous verrons.
Berthe restait suffoquée, devant cette main de mari brutal portée sur ses habitudes, ses plaisirs, ses robes. C'était un arrachement de tout ce qu'elle aimait, de tout ce qu'elle avait rêvé en se mariant. Mais, par une tactique de femme, elle ne montra pas la blessure dont elle saignait, elle donna un prétexte à la colère qui gonflait son visage, et répéta avec plus de violence :
— Je ne souffrirai pas que vous insultiez maman !
Auguste haussait les épaules.
— Votre mère ! mais tenez ! vous lui ressemblez, vous devenez laide, quand vous vous mettez dans cet état… Oui, je ne vous reconnais plus, c'est elle qui revient. Ma parole, ça me fait peur !
Du coup, Berthe se calma, et le regardant en face :
— Allez donc dire à maman ce que vous disiez tout à l'heure, pour voir comment elle vous flanquera dehors.
— Ah ! elle me flanquera dehors ! cria le mari furieux. Eh bien ! je monte le lui dire tout de suite.

Émile Zola, Pot-Bouille


***

Version (choisie par Caroline)

Encontró el cadáver cubierto con una manta en el catre de campaña donde había dormido siempre, cerca de un taburete con la cubeta que había servido para vaporizar el veneno. En el suelo, amarrado de la pata del catre, estaba el cuerpo tendido de un gran danés negro de pecho nevado, y junto a él estaban las muletas. El cuarto sofocante y abigarrado que hacía al mismo tiempo de alcoba y laboratorio, empezaba a iluminarse apenas con el resplandor del amanecer en la ventana abierta, pero era luz bastante para reconocer de inmediato la autoridad de la muerte. Las otras ventanas, así como cualquier resquicio de la habitación, estaban amordazadas con trapos o selladas con cartones negros, y eso aumentaba su densidad opresiva. Había un mesón atiborrado de frascos y pomos sin rótulos, y dos cubetas de peltre descascarado bajo un foco ordinario cubierto de papel rojo. La tercera cubeta, la del líquido fijador, era la que estaba junto al cadáver. Había revistas y periódicos viejos por todas partes, pilas de negativos en placas de vidrio, muebles rotos, pero todo estaba preservado del polvo por una mano diligente. Aunque el aire de la ventana había purificado el ámbito, aún quedaba para quien supiera identificarlo el rescoldo tibio de los amores sin ventura de las almendras amargas. El doctor Juvenal Urbino había pensado más de una vez, sin ánimo premonitorio, que aquel no era un lugar propicio para morir en gracia de Dios. Pero con el tiempo terminó por suponer que su desorden obedecía tal vez a una determinación cifrada de la Divina Providencia.
Un comisario de policía se había adelantado con un estudiante de medicina muy joven que hacía su práctica forense en el dispensario municipal, y eran ellos quienes habían ventilado la habitación y cubierto el cadáver mientras llegaba el doctor Urbino. Ambos lo saludaron con una solemnidad que esa vez tenía más de condolencia que de veneración, pues nadie ignoraba el grado de su amistad con Jeremiah de Saint-Amour. El maestro eminente estrechó la mano de ambos, como lo hacía desde siempre con cada uno de sus alumnos antes de empezar la clase diaria de clínica general, y luego agarró el borde de la manta con las yemas del índice y el pulgar, como si fuera una flor, y descubrió el cadáver palmo a palmo con una parsimonia sacramental. Estaba desnudo por completo, tieso y torcido, con los ojos abiertos y el cuerpo azul, y como cincuenta años más viejo que la noche anterior. Tenía las pupilas diáfanas, la barba y los cabellos amarillentos, y el vientre atravesado por una cicatriz antigua cosida con nudos de enfardelar. Su torso y sus brazos tenían una envergadura de galeote por el trabajo de las muletas, pero sus piernas inermes parecían de huérfano. El doctor Juvenal Urbino lo contempló un instante con el corazón adolorido como muy pocas veces en los largos años de su contienda estéril contra la muerte.

Gabriel García Márquez, El amor en los tiempos del cólera, 1985.

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La traduction « officielle» de la version, par Annie Morvan, pour les éditions Grasset, 1987.

Il trouva le cadavre recouvert d’un drap sur le châlit où il avait toujours dormi, près d’un tabouret avec la cuvette qui avait servi à l’évaporation du poison. Par terre, attaché au pied du châlit, il y avait le corps allongé d’un grand danois au poitrail de neige et, près de lui, les béquilles. Par la fenêtre, la splendeur de l’aube commençait à peine à éclairer la pièce suffocante et bigarrée qui servait à la fois d’alcôve et de laboratoire, mais la lumière était suffisante pour que l’on reconnût d’emblée l’autorité de la mort. Les autres fenêtres, ainsi que toutes les fissures de la pièce, étaient calfeutrées avec des chiffons ou scellées de cartons noirs, ce qui augmentait son oppressante densité. Il y avait une grande table jonchée de flacons et de pots sans étiquettes et, sous une ampoule ordinaire recouverte de papier rouge, deux cuvettes en potin gris ébréché. La troisième cuvette, celle du fixateur, était celle-là même trouvée près du cadavre. Et partout des revues et des vieux journaux, des piles de négatifs en plaque de verre, des meubles cassés, mais tout était préservé de la poussière par une main diligente. Bien que l’air de la fenêtre eût purifié l’atmosphère, demeurait encore, pour qui savait l’identifier, la cendre tiède des amours infortunées des amandes amères. Le docteur Juvenal Urbino avait plus d’une fois pensé, sans esprit de prémonition, que cet endroit n’était guère propice pour mourir dans la grâce du Seigneur. Mais avec le temps il avait fini par supposer que son désordre obéissait peut-être à une détermination calculée de la divine providence.
Un commissaire de police l’avait précédé, accompagné d’un tout jeune étudiant en médecine qui faisait son stage de médecine légale au dispensaire municipal, et c’étaient eux qui avaient aéré la pièce et recouvert le cadavre en attendant l’arrivée du docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une solennité qui, cette fois, tenait plus des condoléances que de la vénération, car personne n’ignorait l’étroite amitié qui le liait à Jeremiah de Saint-Amour. L’éminent maître leur serra la main, ainsi qu’il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant de commencer son cours de clinique générale. Puis il prit le bord du drap entre le pouce et l’index comme s’il s’agissait d’une fleur, et découvrit peu à peu le cadavre avec une parcimonie sacramentelle. Il était nu comme un ver, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir cinquante ans de plus que la veille. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres et le ventre traversé d’une ancienne cicatrice cousue avec des nœuds de vache. L’envergure du torse et des bras était celle d’un galérien, à cause du travail des béquilles, mais ses jambes sans défense semblaient appartenir à un orphelin. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant le cœur douloureux comme peu souvent il lui était arrivé de l’avoir au cours de ses longues années de joute stérile contre la mort.

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Odile nous propose sa traduction :

Il trouva le cadavre recouvert d'un plaid, sur le lit de camping où il avait toujours dormi, près d'un tabouret supportant le bac qui avait servi à diffuser le poison en vapeur. Sur le sol, attaché au pied du lit, gisait le corps étendu d'un grand chien danois au poitrail blanc de neige, et près de lui se trouvaient les béquilles. La pièce étouffante et surchargée, qui servait à la fois de chambre et de laboratoire, était à peine éclairée par le reflet de l'aube sur la fenêtre ouverte, mais cette lumière suffisait pour reconnaître d'emblée la présence de la mort. Les autres fenêtres, tout comme la moindre fente de la pièce, étaient comblées par des chiffons ou fermées par des cartons noirs ce qui rendait l'encombrement plus oppressant encore. Il y avait une table surchargée de flacons, de récipients sans étiquettes et deux bacs d'étain écroûté sous une simple lampe couverte de papier rouge. Le troisième bac, celui contenant le liquide fixateur, se trouvait près du cadavre. Il y avait des magazines et des vieux journaux partout, des piles de négatifs sur des plaques de verre, des meubles cassés, mais tout était protégé de la poussière par une main soigneuse. Même si l'air, entré par la fenêtre avait purifié l'atmosphère, il restait encore, pour qui saurait la reconnaître, l'odeur d' amande amère rappelant les braises tièdes des amours malheureuses. Plus d'une fois, le docteur Juvenal Urbino avait pensé, sans prémonition, que cet endroit n'était pas un lieu propice pour mourir dans la grâce de Dieu. Mais, au fil du temps, il finit par supposer que son désordre obéissait peut-être à une volonté codée de la Divine Providence.
Un commissaire de police s'était avancé, accompagné d' un très jeune étudiant qui faisait sa pratique de médecine légale au dispensaire municipal; c'était eux qui avaient aéré la pièce et couvert le cadavre tandis qu'arrivait le docteur Urbino. Tous deux le saluèrent avec une certaine solennité, mais cette fois, elle tenait davantage des condoléances que de la vénération, car personne n'ignorait l'intensité de son amitié avec Jeremiah de Saint-Amour. L'éminent maître leur serra la main, comme il le faisait depuis toujours avec chacun de ses élèves avant le commencer la classe quotidienne de médecine générale, puis il attrapa le bord de la couverture du bout de l'index et du pouce, comme s'il s'agissait d'une fleur, et découvrit le cadavre centimètre par centimètre, avec une lenteur quasi sacrée. Il était entièrement nu, raide et tordu, les yeux ouverts et le corps bleu, et paraissait avoir vieilli de cinquante ans par rapport à la nuit précédente. Il avait les pupilles diaphanes, la barbe et les cheveux jaunâtres, et le ventre traversé par une ancienne cicatrice cousue par des noeuds grossiers. Son torse et ses bras avaient une carrure de galérien due à l'effort de la marche avec les béquilles, mais ses jambes inermes semblaient celles d'un enfant. Le docteur Juvenal Urbino le contempla un instant, le coeur peiné, ce qui lui était rarement arrivé au cours des longues années de son combat stérile contre la mort.

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Odile nous propose sa traduction du thème :

Durante mucho tiempo se alivió, reprochándole a su mujer sus salidas incesantes, sus visitas en los cuatro puntos de París, sus atuendos, su lujo que él no podía mantener. A ver si era razonable, en la situación en la que se encontraban, de salir hasta las once de la noche, luciendo vestidos de seda rosa, bordados de blanco? Cuando una tenía tales gustos pues traía quinientos mil francos de dote. Además, bien conocía a la culpable : era la madre imbécil que les enseñaba a sus hijas como acabar con una fortuna, sin tener ni siquiera una camisa para ponerles encima el día de su boda.
- ¡No hablé mal de mamá! gritó Berthe, levantado la cabeza, ya exaperada. No se tiene nada que reprocharle, ha cumplido con su deber..... Su familia sí que no es muy honrada ! Gente que mató a su padre! Octave se había engolfado en sus etiquetas, haciendo el que no oye. Pero, de reojo, , seguía la pelea, y epiaba a Saturnin, el cual, estremecido, había dejado de frotar el espejo, los puños apretados, los ojos furiosos, dispuesto a estrangular el marido.
- Dejemos a nuestras familias, dijo este. Bastante tenemos con nuestro matrimonio ….. Mire, va a dejarse de lujos porque no voy a dar ni un céntimo más para esas tonterías. ¡Sí!, es una resolución firme. Su sitio está aqui, en vuestro mostrador, vestida sencillamente, como las mujeres decentes. ….Y si viene con deudas, ya veremos lo que pasará.
Berthe se quedaba atónita, ante esta mano de marido brutal tocando a sus costumbres, sus placeres, sus vestidos. Era un desgaje de todo lo que ella amaba, de todo lo que había soñado al casarse. Pero, con una astucia de mujer, no dejó ver la herida que la desangraba, dio un motivo a la ira que le hinchaba la cara y volvió a decir, con más violencia :
- No soportaré que insulte a mi madre!
Auguste levantó los hombros.
- Su madre! ¡Mire!, usted se le parece, se vuelve fea cuando se pone así...Sí, no la conozco ahora, veo a su madre . ¡De verdad, eso me espanta!
Berthe se serenó y, mirándolo de frente :
- Váyase pues a repetir a mamá lo que decía hace un rato, y verá como lo echa de casa.
- ¡ Sí! ¡Me echará afuera! gritó el marido enfurecido. Pues muy bien! Ahora mismo subo a decírselo.

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